J'ai très envie de voir les compétences du Scorpion face à Zemir...
Chapitre 109 :
La petite troupe arriva à Orcrest le lendemain. Le sol devint moins sec, l’air un peu moins chaud, l’environnement moins aride. Les premiers sentiers et les premières routes apparurent. D’abord très discrètes, puis beaucoup plus marquées.
Enfin, au loin, se dessinèrent les contours de la ville.
Orcrest, la grande Orcrest, surnommée la « Cité du Désert » puisqu’elle se trouvait bel et bien au cœur du désert d’Anequina –celui-ci continuait bien plus au Nord et couvrait presque la moitié du pays-.
Ses enceintes étaient faites d’énormes pierres blanches et de colonnes. Les grandes portes de la ville étaient cernées par deux titanesque statues représentant un Khajiit en armure à droite, dont le heaume était relevé et qui s’appuyait sur son épée, et un érudit Khajiit vêtu d’une ample toge à gauche, tenant un ouvrage épais sous son bras et un sceptre dans la main.
Les deux symboles d’Orcrest. Le chevalier et le savant.
Raizo leur expliqua que la ville était très célèbre pour abriter la deuxième plus grande arène du pays, derrière celle de Rimen, mais où les combats qui s’y déroulaient ne se concluaient pas par la mort et servaient à entraîner les jeunes chevaliers –qui se bousculaient et venaient de partout pour participer aux Jeux- mais pour abriter aussi la plus grande Université du territoire, à l’Est de la ville, ainsi qu’une bibliothèque reconnue dans tout le continent. Les plus grands orateurs, scientifiques, astrologues et médecins venaient suivre des cours ici, chaque année, comme un pèlerinnage.
Les habitants en étaient très fiers. Coexistaient ici la science des armes et la science de l’esprit, faisant d’Orcrest une cité raffinée et un carrefour obligatoire pour les voyageurs voulant traverser le pays, que ce soit pour descendre vers Corinthe ou remonter vers la frontière cyrodilienne.
-Ici, pas de Thalmor ou de Fantassins Tyriens, dit Raizo. Le seigneur de la cité, même s’il reste un vassal du Domaine et doit obéir aux Sakayäzaka, n’a jamais caché son dédain des Elfes et n’a jamais cherché leur soutien. Les habitants eux-mêmes n’apprécient pas beaucoup les Thalmors.
Mais en dehors du chevalier et de l’érudit existait un troisième symbole caché, à Orcrest, que peu de gens osaient évoquer. L’assassin.
Ocrest en effet, et depuis la nuit des temps, abritaient l’une des confréries d’assassins les plus dangereuse de Tamriel, les Sang-de-Brume.
La rumeur disait que lors de leur intronisation, les disciples devaient se soumettre à un rituel qui leur conféraient des capacités étranges, comme celle notamment de se changer en nuage de vapeur, et d’être capable de passer sous les portes ou par n’importe quelle serrure, avant de se matérialiser de l’autre côté.
Cependant, les Sang-de-Brume n’agissaient qu’à Orcrest car une malédiction faisait qu’une fois leurs pouvoirs acquis, s’ils posaient un pied hors de la cité, ils devenaient totalement impuissants et perdaient toute énergie.
-Il est assez compliqué de les contacter, fit Raizo, mais on dit qu’on peut trouver des intermédiaires dans les égouts de la ville.
La petite troupe entra en ville. Roderick appréciait assez l’ambiance et l’architecture des tempes qui reposaient sur d’énormes colonnes de marbre, des statues qui bordaient chaque coin de rue, des fontaines ici-et-là, des arbustes et des oliviers, des peintres qui peignaient les alentours sur leurs chevalets, à même la rue, ou des philosophes qui s’exprimaient, montés sur des estrades placées un peu partout.
Au loin, le jeune homme aperçut la fameuse arène d’Orcrest, d’où s’échappait des cris de joie, des encouragements, des applaudissements ou des huées.
Il croisa un groupe de cinq chevaliers massifs, portant des armures de plate intégrales sur le dos, en train de boire, installés à une terrasse.
Roderick remarqua qu’en dehors des gardes, des chevaliers, et des voyageurs de passage, tout le monde s’habillait en toges et en sandales. Certains portaient éventuellement des foulards noués sur la tête, ou des bottes, mais rien de plus.
Plus loin, ils passèrent devant la fameuse Université.
Elle était entourée de grands jardins luxuriants ou les professeurs et les élèves se promenaient, débattant des derniers cours ou de sujets divers et variés.
Un énorme globe, sur le toit du bâtiment, intrigua Lynris.
-L’observatoire de l’Université, expliqua Raizo avec un sourire. On y observe les étoiles, les Lunes et les constellations. Les citoyens sont autorisés à le visiter une fois par mois, gratuitement. Des comme ça, il y en a peu en Tamriel. Un à Daggerfall, il me semble, un autre sur l’Archipel de l’Automne, et un à Sentinelle, mais ils sont tous fermés au public, contrairement à celui-ci.
-Cette ville semble être en paix, remarqua Anor. Pourtant, elle est bien plus proche de la frontière de Cyrodil que des cités comme Corinthe, qui, elles, sont pleines de tension.
-C’est vrai, répondit le vieux Khajiit. Ici, tout est calme. Mais crois-moi, c’est uniquement dû au fait qu’elle se situe en plein dans le désert d’Anequina que les troubles de la guerre ont du mal à l’atteindre. Quand l’armée, quelle qu’elle soit, arrivera ici, cette ville sera semblable à toutes les autres. En proie au chaos et au sang.
Dans la rue, un artiste proposa à Lynris de poser pour lui afin qu’il puisse faire une gravure d’elle. Elle refusa poliment.
Ils gravirent des marches et arrivèrent au sommet d’une colline, au centre de la cité, d’où ils pouvaient tout voir.
-Qu’est-ce que c’est que ça ? s’enquit Fenrir en pointant du doigt une forme, au loin.
-Un théâtre, dit Raizo. Un immense arc-de-cercle surélevé ou se produisent des comédiens qui jouent des pièces comiques ou des tragédies. Les gens ici affectionnent le théâtre. Certains acteurs ou dramaturges sont de véritables célébrités et ont le droit de loger dans le palais du seigneur de la ville.
-Bon, c’est bien beau tout ça, coupa Shuzug, mais n’oublions pas notre objectif. Notre cible est un certains Mordred. Nous n’avons aucune autre information sur lui, si ce n’est son prénom. Ce devrait être un humain, un Impérial ou un Bréton, vu les consonances.
-Par où pourrions-nous commencer à chercher ? demanda Lynris.
-Par les registres de la ville, proposa Anor. Tous les citoyens doivent y être enregistrés.
-Nous n’avons pas le droit d’y aller, fit Roderick.
-Depuis quand une interdiction peut-elle nous arrêter ? répondit le mage avec un clin d’œil.
Ils se rendirent devant un grand bâtiment blanc, un peu à l’écart des autres, sur une petite place. Le centre des archives, où se trouvaient tous les registres de la ville : naissance, décès, mariages, mais aussi les impôts, les taxes, les droits de propriétés…
Anor fit signe à ses compagnons qu’il y allait le premier et qu’ils devaient l’attendre ici. Une personne pouvait le suivre.
-Je veux bien y aller, fit Lynris.
-Alors suis-moi, et reste derrière. Ne dis rien.
Raizo, Shuzug, Roderick et Fenrir allèrent s’asseoir quelques mètres plus loin, à une terrasse. Ils virent Anor et Lynris pénétrer à l’intérieur.
Tout était calme. Dans le hall, il n’y avait qu’un comptoir où une femme grattait un livre de compte avec une plume. Elle leva les yeux vers Anor et Lynris.
-Qu’est-ce que je peux pour vous ? demanda-t-elle.
-Nous souhaiterions pouvoir jeter un œil aux registres de la ville.
-Impossible, répondit la femme. Les civils ne peuvent y avoir accès. Il me faut des papiers qui stipulent que vous y êtes autorisés.
-Nous n’en avons pas.
-Alors au revoir.
-Nous ferons sans.
Pardon ?
Anor claqua des doigts et la femme s’endormit instantanément. Elle se mit à ronfler. Le mage fit signe à Lynris de le suivre.
Ils pénétrèrent dans la salle des archives où d’immenses étagères montant jusqu’au plafond étaient remplies à craquer de dossiers, de manuscrits, de feuilles et de rouleaux.
-Reste à l’entrée et préviens-moi si quelqu’un arrive, ordonna Anor à Lynris.
-Euh… D’accord.
La Dunmer se positionna sur le pas de la porte et attendit, les bras croisés, avec l’attitude d’un vigile, malgré sa carrure. Plus loin, Anor fouillait dans les registres en marmonnant.
-Non… Pas ça… Il n’est pas là… Ah, peut-être que là… Non plus… Hum… Ici… Non… Là…
Au bout d’une demi-heure, il tourna la tête vers Lynris.
-Il n’est sur aucun registre.
-Quoi ? fit Lynris. Cherche encore, on doit bien pouvoir le trouver !
-Inutile, j’ai tout essayé. Il n’apparait nulle part.
-Mais… Pourquoi ?
-Parce qu’officiellement, il n’existe pas.
-C’est impossible !
-Si.
-Mais comment ?
-Deux moyens : Soit il n’a jamais été enregistré à sa naissance, soit on a effacé volontairement toute trace de lui ici.
-Mais comment…
-S’il n’a pas été enregistré à sa naissance, c’est peut-être qu’il est né dans les rues, bref, qu’il est un mendiant. Cependant, j’en doute, car même les mendiants, passés un certain âge, ici, sont ramassés et traînés ici pour qu’on les enregistre.
-La deuxième ?
-Effacer son identité des archives… C’est très compliqué. Seul, c’est quasiment impossible. Il faut au moins l’appui d’une puissante organisation. Des comme ça, ici en ville, je n’en connais que deux.
-Et elles sont ?
-Soit ce Mordred fait lui-même parti du service d’administration et a un accès complet aux registres, qu’il peut modifier comme il le souhaite, soit… c’est un Sang-de-Brume. Aucun Sang-de-Brume ne peut avoir son nom conservé dans les archives. Un accord tacite a été passé entre eux et le seigneur de la ville, il y a des siècles et des siècles. Cela nous fournit donc deux pistes à exploiter pour retrouver cet homme.
Lynris se gratta la tête.
-Alors qu’est-ce qu’on fait ?
-On se sépare en deux groupes, dit Anor à Shuzug en revenant à la terrasse, après avoir expliqué ce qu’il avait trouvé. Raizo, Lynris et toi, vous allez essayer d’interroger chaque membre de l’administration de la cité afin de déterminer si ce Mordred en fait oui ou non partie. Vous pouvez enquêter du côté de l’Université. Certains professeurs ont des liens très étroits avec eux. Des histoire d’impôts… De notre côté, Roderick, Fenrir et moi, nous allons nous rendre dans les bas-fonds de la ville et tenter d’entrer en contact avec les Sang-de-Brume.
-Ça peut être dangereux, intervint Raizo. Si vous aviez des problèmes, je préfère être là.
-Dis surtout que tu n’as pas envie de t’occuper de la partie ennuyeuse, fit Shuzug avec un sourire. Fouiller du côté d’une organisation d’assassin est bien plus passionnant que chercher un membre de l’administration et de s’embrouiller avec de la paperasse.
-Fenrir, demanda Raizo désespéré, tu ne veux pas prendre ma place ?
-Non, répondit le petit Dunmer avec un sourire. On pensera à vous, ne vous inquiétez pas.
-Et toi Roderick ?
-Sans façon.
-Anor ?
-Nullement.
-Merde…
-On se retrouve ici au même endroit, conclut Shuzug. Ce soir, à minuit. Même si nos recherches n’ont menées à rien.
-Bien.
Roderick, Fenrir et Anor arpentèrent les rues à la recherche d’une piste pendant la moitié de la journée avant de se décider à descendre dans les égouts. C’était apparemment là que se terraient les Sang-de-Brume.
Les souterrains de la cité d’Orcrest étaient sombres et nauséabonds. Roderick faillit plusieurs fois marcher dans des excréments. Les rats se promenaient librement sur le sol et n’hésitaient pas frôler les pieds du petit groupe.
C’était leur territoire.
Anor se rendit compte que quelque chose n’allait pas quand une volute de fumée passa à côté de lui. Elle s’évapora rapidement et disparut sans un bruit. Fenrir fronça les sourcils.
-J’ai l’impression qu’on m’observe…
Roderick remarqua qu’une sorte de brume légère flottait dans l’air depuis quelques minutes. Et qu’elle s’épaississait de plus en plus. Mais elle semblait s’écarter sur le passage des trois hommes, comme si elle était vivante.
Ils s’enfoncèrent de plus en plus dans les égouts. Le silence était total, seulement brisé par le clapotis des gouttes d’eau tombant du plafond à un rythme régulier et formant des flaques sur le sol.
Bientôt, la brume fut tellement épaisse qu’il fallait garder ses deux mains devant soit pour ne pas se cogner contre un mur.
-Ce n’est pas normal, dit Anor. Il y a quelque chose de louche avec ce brouillard.
-A ce stade, toussota Fenrir en mettant la main sur sa bouche, ce n’est plus du brouillard, c’est de la fumée ! Il y a quelque chose qui brûle quelque part ou quoi ?
-On est encerclé, fit sombrement Roderick en saisissant son arc.
-Hein ?
Comme pour lui donner raison, une silhouette floue passa à toute vitesse dans la brume, trois mètres à côté de Fenrir. Le petit Dunmer fit volte-face en faisant jaillir ses poignards de ses manches. La silhouette s’évapora.
Roderick tira une flèche de son carquois et l’encocha avec des gestes précis et fluides. Il crut voir une forme, du coin de l’œil, en train de courir vers lui, mais dès qu’il tourna la tête, le brouillard sembla se refermer sur elle et la dissimuler.
Il brandit son arc et tendit la corde jusqu’à sa joue. Anor lui-même n’avait pas l’air tranquille.
Fenrir sursauta quand quelque chose lui frôla l’épaule. Il frappa mais sa dague ne toucha rien d’autre que la brume. Roderick sentit un souffle chaud sur sa nuque. Au lieu de se retourner et de décocher sa flèche, il balança son pied en arrière.
Cette fois, il heurta quelque chose de mou, comme un ventre, et un bref cri de douleur retentit. Tous se retournèrent. Plus rien.
Le brouillard formait maintenant un véritable nuage totalement opaque. Il était impossible de distinguer la moindre chose à plus de deux mètres.
Et soudain, Roderick se figea. Un bras venait de jaillir de la fumée et de lui poser un objet froid sur la gorge. Une longue et fine lame ciselée en argent. Une goutte de sang perla le long de son cou.
-Reculez, intima une voix venant du brouillard. Vous deux. Ou je l’égorge.
Anor et Fenrir firent prudemment deux pas en arrière. Et soudain, la brume s’écarta, dévoilant un Bosmer fin, aux yeux brillants et aux cheveux noués en un chignon, derrière Roderick, lui maintenant fermement son poignard sur la gorge.
Il portait une toge noire, une ceinture en cuir, et une jupe en tissu, ainsi que des sandales.
-Kasmir ! dit le Bosmer. Faïra ! Je les tiens !
Deux individus sortirent à leur tour de la brume. Un Impérial chauve et massif, aux épaules larges, aux bras puissants, et à la mâchoire carrée, et une Khajiit à la fourrure rousse, rayée, et aux oreilles garnies d’anneaux en or. Tous deux étaient vêtus comme le Bosmer.
Roderick remarqua que malgré sa forte carrure, l’Impérial se déplaçait avec fluidité et sans faire le moindre bruit. La Khajiit, quant à elle, donnait l’impression de glisser sur le sol.
-Prenez-leur leurs armes, ordonna le Bosmer.
-Inutile, Coriande, répondit la Khajiit, sans doute Faïra. Ce sont des clients.
-Et alors ?
-Ils sont venus pour faire affaire. On ne traite pas les clients ainsi. Tu as encore beaucoup à apprendre.
-Les jeunes sont beaucoup trop impulsifs, grommela l’Impérial. Ils voient des ennemis partout.
Dès que les dénommés Kasmir et Faïra étaient apparus, le brouillard s’était petit à petit dissipé jusqu’à s’évaporer complètement. Il y avait de la magie là-dessous.
-Ne lui en veux pas, Kasmir, dit la Khajiit avec un sourire. Il n’a même pas encore passé la cérémonie d’intronisation. C’est normal qu’il soit excité. Ce n’est encore qu’un apprenti. Quand il aura rempli son premier contrat, il se calmera.
-Mouais, répondit Kasmir peu convaincu. De mon temps, les disciples se faisaient tout petits et ne parlaient jamais sans l’autorisation de leurs aînés. La guilde est devenue trop douce. On les câline, on les soignent, on leur laisse plus de liberté, et voilà le résultat. A l’époque où j’étais novice, on apprenait le métier à la dure.
-Je sais, je sais, fit Faïra en levant les yeux au ciel, sans se départir de son sourire. Tu es aussi adepte des punitions corporelles n’est-ce pas ?
-Parfaitement ! gronda l’Impérial. Quelques coups de fouet n’ont jamais fait de mal à personne, et encore moins aux jeunes assassins indisciplinés ! Quand je suis rentré dans l’organisation, manquer de respect à un client de cette façon pouvait te coûter un doigt. Je peux te dire que ça ne mouftait pas !
-Une sale époque, grogna le Bosmer.
-Il faut vivre avec son temps, soupira la Khajiit d’un gracieux haussement d’épaule. La guilde doit évoluer.
-Justement, nous vivons une époque de guerre. Nous devrions être encore plus durs avec nos élèves. Je sais que tu couves trop les tiens. Regarde Coriande. Le voilà qui bondit sur les premiers êtres vivants qu’il croise et qui leur met un couteau sous la gorge, sans même se présenter. Et qu’est-ce qu’on fait si les clients sont mécontents ? Si la réputation de l’organisation est ternie ?
-Euh, s’il-vous-plait, intervint Roderick. Vous ne pourriez pas remettre cette discussion à plus tard ? Ça commence à picoter.
-Oh, bien sûr, dit Faïra en s’approchant. Coriande ! Ôte cette lame du cou de cet homme !
-Oui maître, soupira le Bosmer en s’écartant à contrecœur.
-Pardonnez-le, lança Kasmir d’un ton bourru. Il est inexpérimenté et n’a pas l’habitude de traiter avec les clients. C’est la première fois d’ailleurs. Moi j’étais contre qu’on l’emmène, mais…
-Il n’y a pas de mal, le coupa Anor. Vous… Vous êtes des Sang-de-Brume ?
La Khajiit et l’Impérial se regardèrent.
-Qui pourrions-nous être d’autre ? Vous êtes des étrangers ?
-Ils viennent d’arriver à Orcrest, regarde leurs vêtements.
-Bon, euh, fit Fenrir en se raclant la gorge.
-Bien sûr, bien sûr, dit la Khajiit. Vous venez pour commanditer la mort de quelqu’un ? Un voisin ? Un proche ? Un rival ?
Qu’est-ce que c’était que ces assassins ? C’était loin de l’idée que Roderick se faisaient de ces gens-là.
-Pas exactement, répondit Anor en se passant la main dans les cheveux. En fait, nous sommes juste venus vous poser des questions.
-Oh, fit la Khajiit. Tout dépend de quelle question.
-Nous cherchons un certains Mordred, expliqua le mage, et il se pourrait qu’il fasse parti de votre guilde, ou qu’il en ait fait partie à un moment où à un autre. Pourriez-vous nous indiquer où le trouver ?
-Qu’est-ce que vous lui voulez à Mordred ? demanda Kasmir en croisant les bras d’un air soupçonneux.
-Vous le connaissez donc ?
-Peut-être bien. Peut-être pas.
-Oui, nous le connaissons, intervint la Khajiit en faisant les gros yeux à son compagnon. Mais c’est rare que… disons que généralement, ce n’est pas à lui que les clients souhaitent s’adresser.
-Pourquoi cela ?
-Il n’est pas très accessible.
-Nous avons absolument besoin de lui parler. Vous savez où il se trouve ? C’est bien un membre des Sang-de-Brume, non ?
-Oh, ça oui, répondit l’Impérial. C’est notre chef.
Bon chapitre , l'ambiance des égouts semblait réel
Ces Sang-de-brume ont des pouvoirs plutôt cool, j'ai hâte de voir leur chef
Comme j'ai beaucoup de chapitres en stock, je posterais peut-être la suite ce soir
Très intéressant, t'as vraiment du talent pour mettre les lecteurs dans l'ambiance
Oui ce soir !!
Svp
Deux chapitres dans la même journée, enjoy
Chapitre 110 :
Faïra s’approcha d’un mur et posa la main sur une brique très précise. Le mur trembla, de la poussière s’en échappa, et il s’ouvrit avec un grincement insupportable, sur un long couloir obscur. Fenrir haussa un sourcil.
-Votre base ?
-Oui. D’ailleurs, non allons devoir vous lancer un sort de cécité à partir de maintenant, et pendant tout votre entrevue avec Mordred. Nous le dissiperons une fois que vous serez sortis.
-Pas de problème, répondit Anor calmement.
Roderic lui lança un coup d’œil. Il était évident que le Psijique serait capable de dissiper lui-même le sortilège à n’importe quel moment. Mais visiblement, il voulait jouer le jeu. Tant mieux. Ces assassins n’avaient pas l’air méchant, mais il ne valait mieux pas contrarier tout une guilde de tueur.
Ce fut l’Impérial qui leur lança. Il se plaça devant les trois hommes et passa ses doigts devant leurs yeux tout en récitant des paroles complexes qui firent sourire Anor. Le dénommé Kasmir s’y prenait sans doute avec un amateurisme amusant pour un maître tel qu’Anor. Il ne devait que rarement recourir à la magie. C’était comme si un sculpteur de renom regardait un enfant modeler un vase avec de l’argile et lui montrer fièrement son œuvre. Le mage aurait sans doute pu rendre toutes les personnes présentes aveugles, sourdes et muettes d’un claquement de doigt.
Mais il ne fit aucune remarque.
-Attention, fit l’Impérial, à trois, vous ne verrez plus rien. Un, deux, trois.
Et soudain, un voile sombre tomba sur les yeux de Roderick, comme si on venait de lui mettre la tête dans un sac de toile. Il ne voyait plus rien, malgré ses yeux ouverts. Il se rendit compte que ça ne le gênait pas tant que ça, ses autres sens étant bien assez développés.
Il avait appris très jeune, avec son maître, à se passer de la vue. Il devait souvent escalader des arbres, tirer dans une cible lointaine, ou courir à travers la forêt en évitant des pièges, le tout avec les yeux bandés.
Ce genre d’exercice l’avait toujours amusé.
Fenrir était sans doute plus troublé. La vue était un sens très important pour les voleurs qui devaient être capable de repérer un minuscule objet de valeur à la ceinture de quelqu’un au milieu d’une foule dense, ou d’examiner précisément la valeur d’une relique d’un seul coup d’œil.
Et Roderick savait que le petit Dunmer avait une vue particulièrement perçante dont il était très fier.
Le Bréton sentit une main prendre la sienne et le tirer en avant, sans doute la Khajiit.
Elle le guida à travers un véritable dédale de couloirs et d’escaliers avant qu’ils n’arrivent dans une pièce beaucoup plus chaude, assez vaste, et remplie de monde. En effet, Roderick entendait des rires, des conversations et des bruits de pas tout autour de lui.
Puis, ils retournèrent dans un monde froid et humide et laissèrent l’agréable chaleur derrière eux, pour emprunter une nouvelle série de couloirs et de marches.
Enfin, la Khajiit s’arrêta. Roderick l’entendit toquer contre une porte qu’il devina être en bois, grâce au son. Une voix retentit derrière.
-Entrez.
La porte s’ouvrit. Une odeur d’encens parvint aux narines du jeune homme. La main de la Khajiit tira la sienne et l’invita à entrer. Il entendit Fenrir et Anor marcher à ses côtés, guidés par Kasmir et Coriande.
Puis, ils durent se stopper.
-Maître, fit Faïra, des clients. Ils voulaient vous parler en personne.
-Qu’est-ce qu’ils veulent ?
La voix, sans doute du fameux Mordred, était assez grave, presque métallique. Elle sonnait durement à l’oreille. La voix d’un homme dur, avec les autres, comme avec lui-même. Pas un plaisantin. Il n’y avait pas la moindre légèreté ou douceur dans son ton.
La Khajiit se racla la gorge.
-Nous l’ignorons. Ils vont vous le dire eux-mêmes.
Roderick sentit que Mordred les fixaient.
-Je déteste que plusieurs personne me parle en même temps, fit Mordred. Choisissez l’un d’entre vous pour s’exprimer, et que les autres se taisent. Et choisissez vite, car je déteste encore plus qu’on me fasse perdre mon temps.
Il y eut un bref silence, et Roderick sentit que c’était lui qui devait s’adresser au chef des Sang-de-Brume.
-Nous sommes venus vous voir sur les conseils de quelqu’un, fit le jeune homme.
-Et qui donc ? demanda Mordred sans la moindre pointe d’amusement dans la voix.
-Grezärd. Des Mille-Y…
-Je sais qui est Grezärd, le coupa Mordred en faisant claquer sa langue. Et qu’est-ce que ce vieux rapace aurait pu vous dire sur moi ?
-A vrai dire, pas grand-chose. C’est pour ça que nous avons eu du mal à vous trouver. Il nous a juste demandé de nous adresser à vous.
-Et donc ? Vous avez un problème ? Si c’est quelqu’un qui doit être tué, vous n’aviez qu’à le dire à mes hommes. Mais j’en doute.
-Eh bien, j’ai justement quelque chose…
Roderick porta à l’aveuglette sa main à sa sacoche, dans laquelle se trouvait la lettre que Grezärd avait écrite pour Mordred, à Senchelle, mais aussitôt, une autre main se referma sur son poignet, stoppant net ses mouvements, et un doigt se posa sur sa gorge, à un endroit très précis que Roderick connaissait bien. Si le doigt appuyait, Roderick mourait.
-Tu fais quoi, là ? siffla Coriande en approchant sa bouche de l’oreille de Roderick. Un geste de travers en présence du Maître et je te tue.
-Coriande ! fit Faïra. Du calme !
-Recule petit, ordonna Mordred d’une voix froide. Tout de suite.
Aussitôt, le Bosmer lâcha Roderick et fit un pas en arrière.
-Tiens ton apprenti en laissa, Faïra, dit Mordred sans hausser le ton.
-Je… Je voulais juste, balbutia le novice. Au cas où… Si…
-Tais-toi, intima Faïra. Pas un mot de plus.
Roderick continua son geste et ouvrit sa sacoche pour en tirer un rouleau de papier scellé par un cachet en cire. Il le tendit en avant. Une main le prit et dû la donner à Mordred. Roderick entendit celui-ci arracher le sceau et en inspecter le contenu.
-Oui, c’est bien l’écriture de Grezärd, fit-il pour lui-même.
Il y eut un silence, pendant quelques minutes, le temps que Mordred lise entièrement la lettre. Puis, il ricana.
-Ce vieux renard a du culot. Les Jiikharys, rien que ça ? Kasmir.
-Oui, répondit l’Impérial en se mettant presque au garde-à-vous.
-Dissipe ton sortilège.
-Vous êtes sûr ?
-Vas-y. Je veux qu’ils me voient, pour faire affaire.
L’Impérial récita une formule longue et compliquée avant de faire un geste. Petit à petit, la vision de Roderick revint, d’abord sombre et floue, puis de plus en plus nette. Enfin, il put distinguer le visage de Kasmir, devant lui, qui terminait son incantation.
Roderick tourna la tête. Faïra était juste à côté de lui. Coriande, le Bosmer, se tenait dans un coin de la pièce, les yeux baissés et la bouche close. Fenrir et Anor semblèrent lentement retrouver la vue, eux-aussi.
Puis, Roderick reporta son regard devant lui.
Le dénommé Mordred était assis sur un bureau d’apparence modeste.
C’était un Impérial aux cheveux blonds, plaqués en arrière, parfaitement coiffés. Il devait avoir la quarantaine. Ses yeux étaient d’un gris bleuté semblable à de la glace. Il avait le visage taillé à la serpe et les lèvres pincées. On aurait dit un roc. Il était rasé de très près, signe qu’il prenait assez soin de son apparence. Son regard semblait pouvoir vous clouer sur place. Il ne montrait aucune émotion, si ce n’était une sévérité extrême.
-Bien, reprit Mordred. Maintenant que nous sommes à égalité, vous allez pouvoir me dire ce que vous voulez aux Jiikharys.
-Qu’ils volent quelque chose, répondit Fenrir.
Mordred ne le regarda même pas. Il se contenta de grimacer très légèrement, d’une façon à peine visible.
-Je croyais avoir dit qu’un seul d’entre vous était autorisé à prendre la parole. La prochaine intervention, de n’importe quelle sorte, et tu es mort.
Le petit Dunmer ne prit pas le risque de répondre.
-Qu’est-ce que vous voulez qu’ils volent ? demanda Mordred à Roderick.
-Un artefact.
-Ne tourne pas autour du pot. Quel artefact précisément ?
-Une flèche ancestrale d’origine divine, capable de tuer n’importe quelle entité, qu’elle soit mortelle ou immortelle.
Mordred s’enfonça dans son fauteuil.
-La Flèche d’Ezeranth, souffla-t-il. Vous voulez vous procurer la Flèche d’Ezeranth ?
Pour la première fois, Mordred sourit. Puis, son sourire s’élargit et révéla des dents d’une blancheur éclatante. Et, à la surprise de tous, il se mit à rire. Un rire sans joie, teinté de cynisme. Il ne détacha pas son regard de Roderick.
-Je n’imagine même pas ce que ça va vous coûter. Vous devez être désespérés pour chercher à utiliser cette chose. Ecoutez-moi bien, la Flèche d’Ezeranth est presque plus précieuse qu’un Parchemin des Anciens. On dit que ce sont les dieux qui l’ont forgés, afin de pouvoir se tuer les uns les autres, mais même eux, en voyant le résultat de leurs travaux, ont été pris de peur à l’idée qu’un tel objet existe, et ils ont tentés de la détruire. Cependant, ils l’auraient mystérieusement perdus et l’auraient fait tomber dans notre plan. Vous vous rendez compte des ennemis que vous allez vous faire, si vous mettez la main dessus ? Pas seulement ici-bas, mais aussi… là-haut.
Il pointa le plafond du doigt. Ou plutôt le ciel, symboliquement.
-Vous voulez dire que…
-Je ne veux rien dire, le coupa Mordred. Faites ce que vous voulez avec. Mais restez loin de moi.
Son sourire disparut et il se leva.
-Je vais vous mener aux Jiikarhys.
-Vous savez comment les contacter ? s’étonna le jeune homme.
-Si je ne le savais pas, Grezärd ne vous aurait pas envoyé à moi. Je suis sans doute une des seules personnes sur Nirn à pouvoir vous mener à eux. Des rois vendraient leurs âmes pour cette faveur, mais je vais le faire gratuitement, juste pour vous.
-Hum… Merci.
-Ne me remercie pas. Ce n’est peut-être pas un cadeau. J’ignore ce que vont vous demander les Jiikarhys en échange de… la flèche. Enfin, demander… Ce qu’ils vont vous prendre.
-Ce que j’ai de plus cher, non ?
Mordred eut un sourire en coin. Un sourire à glacer le sang.
-Ce sont des balivernes, dit le chef des Sang-de-Brume. Un conte. Les Jiikarhys n’ont pas de prix précis. Ils ne prennent pas ce que tu as de plus cher. Ils prennent ce qu’ils veulent. Ils sont totalement imprévisibles. Ils peuvent se contenter de faire disparaître ta bourse comme… te prendre autre chose. D’infiniment plus précieux. On ne sait jamais ce qu’ils vont vouloir en échange de leurs services, et c’est en cela qu’ils sont dangereux. Il n’y a aucun moyen de se préparer.
Roderick déglutit. Mordred s’approcha de lui. Il jeta enfin un coup d’œil à Fenrir. Visiblement, cela démangeait au petit Dunmer de prendre la parole.
-Si tu as quelque chose à me dire, dis-le, intima Mordred. Je t’en donne l’autorisation.
-Vous avez déjà eu affaire aux Jiikarhys vous-même ?
-Trois fois, dans ma vie. Deux fois pour aider des personnes à les contacter et… une fois pour moi. Enfin, ça ne vous concerne pas, et c’est de l’histoire ancienne. Avec vous, ce sera la quatrième fois.
Il se dirigea vers une armoire qu’il ouvrit et de laquelle il tira un manteau. Il le jeta sur ses épaules.
-Vous nous accompagnez ? s’étonna Roderick.
-Il faut bien que je vous guide. Rejoignez-moi à quatre kilomètres au Nord de la cité, tout à l’heure. J’ai deux-trois choses à faire en ville.
-Vous ne voulez pas qu’on vous attende ? s’enquit Anor.
-Je serais là-bas bien avant vous. Ne vous en faites pas pour moi.
Soudain, la silhouette de Mordred se brouilla et il devint transparent. Puis, en une seconde, il se changea en un nuage de brume. Tel un serpent fait de vapeur, il tourbillonna un instant dans la pièce avant de disparaître à l’intérieur d’une fente, dans le sol.
Roderick recula d’un pas.
-Qu’est-ce que c’était que ça ?
-Le fameux « don » des Sang-de-Brume, dit Anor. J’étais curieux de voir ça.
-‘M’étonne pas qu’ils soient de bons assassins, fit Fenrir. Pour moi, c’est de la triche.
Soudain, le petit Dunmer releva la tête et se tourna vers Faïra.
-Mais attendez, si Mordred sors de la ville, il ne va pas perdre toutes ses capacités ?
-Le Maître n’est pas soumis aux mêmes règles que nous autres, répondit la Khajiit en souriant. Ses pouvoirs sont autrement plus puissants que les nôtres. A tel point qu’il peut les utiliser hors d’Orcrest.
-Comment fait-on pour revenir à l’air libre ?
-Il y a un raccourci. Sortez de la pièce, tournez à gauche, comptez cent-soixante pas très exactement et arrêtez-vous. Faites trois pas de côté de sur la droite et remettez-vous à marcher. Gardez alors une main sur le mur à votre gauche. A un moment, vous tomberez sur une échelle. Elle vous ramèneras à la surface. Pour certaine, nous ne pouvons pas vous raccompagner. Vous vous débrouillerez ?
-Sans problème, répondit Roderick.
-Alors adieu.
Pfiou, eh ben. J'ai hâte de voir la suite
génial ça avance vite mais je me demande vraiment ce que les jiikharis vont demander à roderick en échange de la flèche tout ce que je sais c'est que sa va être douloureux pour lui
Nice chap'
Pas demander, prendre ^^
je sens que ca sera lynris sinon les chapitres étaient vraiment
Pareil
Excellent
Epic!!!! La suittee
Ah et je prend le 1100 aussi
Chapitre 111 :
La petite troupe quitta la cité alors que la Lune était haute dans le ciel. Un vent froid s’était mis à souffler, comme toutes les nuits. A l’intérieur des murs de la ville, ils en étaient protégés, mais dès que leurs chevaux passèrent les portes, le sable glacé leur fouetta le visage.
-Quatre kilomètres au Nord, qu’il vous a dit ? demanda Shuzug.
-Oui, rien d’autre, répondit Anor. J’imagine qu’on a juste à aller tout droit.
-Moi je ne suis pas rassurée, dit Lynris.
-Pourquoi ? fit Roderick. Tu as peur ?
-Pas pour moi, pour ce Mordred. Et s’il tombait sur une meute de loups de sables ?
-Dis-donc, ça t’a traumatisé, ricana Fenrir. Ne t’en fais pas pour lui, du peu que l’on a discuté avec lui, il m’a carrément foutu la trouille. C’est pas un commode. Si les loups l’attaquent, je plaindrais les premiers à lui sauter dessus.
Roderick, Anor et Fenrir étaient sortis des égouts une demi-heure plus tôt, grâce aux indications de Faïra. Anor avait contacté Raizo par télépathie, une expérience qui avait particulièrement perturbé le vieux Khajiit, guère préparé à entendre brusquement la voix du mage résonner dans son crâne, en pleine nuit.
Ils s’étaient tous retrouvés au lieu convenu et Roderick leur avait raconté toute l’histoire. Ils étaient allés récupérer leurs montures et s’étaient donc dirigés vers le Nord.
Ils chevauchèrent pendant vingt bonnes minutes avant d’apercevoir une forme, éclairée par la lueur de la Lune.
Un homme, assis en tailleurs sur le sable, à côté d’un vieil arbuste desséché.
Roderick reconnut Mordred. Le chef des Sang-de-Brume avait les yeux fermés. Il les ouvrit quand la petite troupe arriva à son niveau.
-Vous êtes tous là ? dit-il simplement.
-Oui, répondit Roderick. On peut y aller.
-Laissez vos montures ici. Nous allons y aller à pied.
-Euh, d’accord.
Tous mirent pied à terre. Ils attachèrent leurs chevaux à l’arbre. Mordred se leva lentement et se mit à marcher. La petite troupe le suivit sans un mot. Ils marchèrent ainsi pendant une bonne heure. Cependant, de façon très étrange, Mordred s’arrêtait parfois, faisait des virages, accélérant à certains moments et forçant la petite troupe à suivre très précisément sa cadence. Anor fronça les sourcils.
-Il y a de la magie dans l’air.
-C’est normal, répondit Mordred. Nous entrons dans une zone sous un sortilège très puissant. Normalement, il est impossible de s’approcher d’ici, sauf si l’on marche d’une façon particulière. C’est comme un code. Si vous ne le connaissez pas, c’est comme si cet endroit n’existait pas.
-C’est un sortilège très complexe, fit le mage. Et extrêmement puissant.
-Bien sûr, certains magiciens sont capables de passer à travers, dit Mordred. Mais il y a un deuxième sortilège qui ne s’active que si l’on désactive le premier de force.
-Et qu’est-ce que fait ce sortilège ?
-Il vaut mieux pour vous ne pas le savoir. Il punit les plus téméraires.
Ils marchèrent encore et encore, à tel point que Roderick en perdit la notion de temps. De fatigue aussi d’ailleurs, car au fur et à mesure qu’il avançait, il ne ressentait pas le moindre début d’épuisement.
Enfin, ils arrivèrent devant une sorte d’immense rocher d’un noir ténébreux, mais particulièrement étrange puisqu’une porte était enfoncée à l’intérieur et était bordée de deux statues de lions, sculptées dans la même pierre que le rocher.
Mordred s’arrêta.
-C’est ici.
-C’est ici quoi ?
-C’est ici que vous pouvez négocier avec les Jiikarhys. Cet endroit se nomme Djakarätkâna. Dans la vieille langue Khajiit, ça signifie le « Frontière des mondes ».
-C’est la base des Jiikarhys ?
-Si on veut. Même si c’est une idée un peu trop simpliste.
-Bon, et bien allons-y, déclara Fenrir. Merci pour tout, Mordred.
-Une seule personne peut entrer.
Tous les regards se tournèrent vers le chef des Sang-de-Brume.
-Pardon ? fit Anor.
-Il n’y a qu’une seule personne qui peut entrer directement et s’adresser aux Jiikarhys. Les autres devront attendre dehors.
-On doit désigner quelqu’un, alors, dit Shuzug. Je propose Roderick.
-Moi-aussi, approuva Lynris.
-Idem, fit Fenrir en reculant.
-Ouais, moi-aussi, grogna Raizo.
-Et moi également, conclut Anor. Vas-y Roderick.
Le jeune homme déglutit. Il était évident que si une telle situation se présentait, ce serait lui qui serait choisis, mais il ressentait une sorte de malaise à s’y aventurer seul. Finalement, il hocha la tête, déterminé, et fit un pas en avant.
Il lança un dernier regard à ses compagnons, puis s’avança d’un pas résolu vers la porte. Quand il y arriva, il toqua, presque timidement. Rien. Alors il poussa l’un des battants, et la porte pivota sans aucune résistance.
Il entra.
A l’intérieur, l’obscurité était totale. Roderick entendit la porte se refermer lourdement derrière lui, et les dernières lueurs de la Lune qui éclairaient faiblement l’endroit disparaître, éteinte comme des flammes de bougie.
Il fallut de longues minutes pour que les yeux du Bréton s’habituent au noir. Mais ils y parvinrent et Roderick put enfin détailler les lieux.
Ce qu’il vit lui fit un choc.
Il se trouvait sur une petite plateforme en pierre, d’environs cinq mètres de large pour trois mètres de long, flottant au-dessus d’un abyme insondable, un gouffre sans fond qui devait mener aux entrailles de la planète.
Le jeune homme avait l’impression d’avoir basculé dans une autre dimension. Quand il jeta un coup d’œil derrière lui, il se rendit compte que la porte avait disparu. Il n’y avait que le vide. Impossible de faire demi-tour, maintenant.
Roderick s’avança et se pencha prudemment au-dessus du gouffre. Un petit morceau de la plateforme en pierre se détacha avec un craquement sinistre et tomba. Il disparut dans les ténèbres. Roderick eut beau tendre l’oreille et attendre plusieurs secondes, il n’entendit pas le son de la pierre heurtant le fond.
Cela n’était pas rassurant.
Le jeune homme se redressa. Il regarda autours de lui.
-Bon, et maintenant, qu’est-ce que je fais ? demanda-t-il tout haut en écartant les bras.
Il était vraisemblablement coincé sur la plateforme, au-milieu du vide. Soudain, quelqu’un se racla la gorge derrière lui. Roderick fit volte-face à toute vitesse en portant la main à son dos pour saisir son arc. Ses doigts ne se rencontrèrent que le vide. Son carquois et son arc s’étaient volatilisés.
-Les armes n’ont pas leur place dans le sanctuaire des Jiikarhys, déclara tranquillement la personne qui s’était raclée la gorge.
C’était un homme, un Dunmer aux longs cheveux attachés en natte. Il était assis à l’extrémité de la plateforme, en tailleurs, et semblait occupé à aiguiser un couteau de chasse. Roderick écarquilla les yeux.
-He… Helleniste ? Mais que…
-Alors tu y es enfin arrivé, fit le Dunmer d’un air calme. Tu as trouvé les Jiikarhys. Ce fut long et périlleux, n’est-ce pas, mais tu as réussis. Tu es sur le point de réaliser l’objectif que je me suis moi-même efforcé d’atteindre toute ma vie. La flèche est à portée de main pour toi, désormais.
-Que fais-tu là ? Pourquoi… Pourquoi est-ce que… Mais tu es mort ! Tu n’es pas censé être là !
Helleniste leva les yeux vers Roderick et reposa son couteau de chasse par terre.
-Calme-toi, calme-toi. Réfléchis posément et analyse la situation.
Roderick se tut.
-Oui, tu es mort, fit le jeune homme au bout d’un moment. Tu n’es pas ici. Tu n’es qu’une illusion.
-Une réminiscence de ton passé, pour être exact, corrigea Helleniste en levant un doigt en l’air comme un professeur. Un spectre d’une époque révolue. Une création de ton cerveau.
-On m’a drogué, dit Roderick en tournant la tête dans tous les sens. Ou alors on m’a jeté un sort à mon entrée.
-Peut-être, répondit Helleniste en se levant. Je ne suis pas en mesure de te répondre. Après tout, je suis dans ta tête.
-Je me parle à moi-même ?
-A une des facettes de toi-même, tout du moins. Facette à laquelle tu as donnée mentalement et inconsciemment l’apparence d’Helleniste.
Roderick se frotta les yeux.
-Oui, je suis drogué, ça doit être ça, murmura le Bréton. Un piège, ou un test de la part des Jiikarhys.
-En tout cas, tu as bien progressé.