Salutations aventurier, tu es tombé sur une fiction !
Oui, j'utilise la même phrase qu'en 2015, et alors ?
2015, donc, l'année où cette grande aventure a commencé sur le forum ACS https://www.new.jeuxvideo.com/forums/42-33381-39512928-1-0-1-0-fic-cent-ans.htm Le topic originel ayant récemment dépassé les 100 pages ainsi que les 2000 posts, la décision de migrer ici fut difficile à prendre, mais au vu de la dégradation à venir du fofo ACS, je préfère anticiper. Je ne sais pas si certains ici, autres que mes fidèles lecteurs - énorme dédicace à vous les gars - seront intéressés par ma maigre contribution, mais je tente le coup.
En ce qui concerne la fic en elle-même, elle se compose de 34 chapitres, en plus du prologue, que je vais poster aujourd'hui. Elle est toujours en cours d'écriture et, de ce fait, je n'aurai pas le temps de retravailler ce qui a déjà été fait et puis, ça vous permettra de constater l'évolution comme si vous aviez été là depuis le début, alors ce n'est pas plus mal. Enfin, au niveau de l'organisation, j'aimerais avoir votre avis : devrais-je remettre textuellement tous les chapitres ici, ou bien partir à la recherche des liens et les mettre sur ce topic pour vous rediriger vers l'original ? Personnellement, je pencherais plus pour la première option, mais je me dis que certains pourraient être rebutés par la "masse" de chapitres à lire pour être à jour.
Enfin, trêve de bavardages. Comme à l'époque, je précise que le prologue n'est pas écrit de la même façon que les chapitres et ce, pour une raison bien particulière, donc pas d'inquiétude. J'accepte bien évidemment toutes les critiques, mais n'oubliez pas que la majeure partie des chapitres commencent à "dater" et que, bien que je sache pertinemment les défauts de ces derniers, je ne peux plus y remédier. Mais toute remarque est bonne à prendre Bonne lecture !
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• PROLOGUE •
1412, France
Les garçons arrivèrent de bonne heure pour la pendaison.
Il faisait encore sombre quand deux d’entre eux s’étaient faufilés hors de leur taudis, aussi silencieux que possible. Un léger manteau de neige fraîche immaculée recouvrait le village, que les traces de pas des garçons venaient de souiller. Ils arpentèrent les rues jusqu’à arriver à la place du marché, où trônait la potence.
Un corbeau s’était posé sur la poutre de cette dernière. Les deux garçons se mirent à le contempler. Ils vouaient un véritable culte à la violence ; pas un qui n’ait jamais lapidé un chat ou assisté à une mise à mort, ou, sinon, ce n’était rien de plus qu’un sous-fifre, un lâche indigne de les côtoyer. Celui qui avait une cicatrice l’arborait triomphalement, et était encore mieux considéré que le roi en personne.
Et des cicatrices, ces garçons là en avaient. Qu’elles fussent obtenues au cours d’un affrontement avec un chat des plus agressifs ou bien suite à une chute inopinée, ces véritables « trophées de guerre » les ravissaient au plus haut point.
Leurs aînés les dégoûtaient ; ils préféraient l’eau à la terre, la douceur à la violence, l'amour à la haine. En bref, ils n’avaient rien en commun avec eux.
En tout cas, les garçons étaient impatients d’assister à la pendaison du jour. Leur excitation commença à monter crescendo lorsque le village se réveilla petit à petit. D’un côté, les marchands s’activaient, de l’autre, les servantes et les apprentis allumaient les feux, faisaient chauffer l’eau et préparaient la bouillie matinale.
Le corbeau s’envola. Peu à peu, la place se remplit ; paysans, marchands, servantes, petits bourgeois, hommes, femmes et enfants… Tous étaient là et n’attendaient qu’une chose : l’arrivée du condamné. Ce dernier était bien connu dans les alentours. Il s’agissait d’un vil brigand nommé Tancrède, qui n’avait de cesse d’inquiéter les habitants du bourg. Heureusement pour eux, aujourd’hui, il trépassait. Auteur de plusieurs bagarres, d’agressions mais aussi de vols, le bougre avait enfin ce qu’il méritait ; voilà à quoi se résumait l’opinion générale.
La foule n’attendait plus que l’arrivée du condamné. Leur souhait fut exaucé quelques minutes plus tard, quand les lourdes portes en bois du poste de garde s’ouvrirent. Le prévôt allait en tête, montant un beau cheval gris, suivi d’un char à bœufs transportant le prisonnier, pieds et mains ligotés. Des hommes d’armes fermaient la marche.
La veille, ils avaient surpris Tancrède à roder autour de la maison du lainier. Sentant le danger, les gardes l’avaient immobilisé et avaient pénétré à l’intérieur du bâtiment. Le corps sanglant et inanimé du fils du lainier gisait, Richard était mort. Cette nuit-là, Edouard le Lainier s’était absenté, et seule la sœur jumelle de Richard, Aliénor, était présente. Les hommes d’armes conclurent rapidement que le saligaud n’était pas étranger à tout cela ; ils en informèrent le prévôt, qui le condamna à mort.
Après tout, Tancrède avait déjà été gracié trois fois, c’en était trop.
La foule en délire jeta sur le meurtrier tout ce qui lui passa sous la main. Cailloux, neige, œufs, pain dur comme la pierre… Le char à bœufs s’arrêta au pied de l’échafaud. Le bailli du prévôt monta sur ce dernier, le nœud coulant à la main. Tancrède le fixa en tremblant quelques secondes puis se mit à se débattre. Les gamins poussèrent des vivats, heureux de la tournure habituelle que prenait la situation.
Tancrède, qui ne pouvait quasiment pas bouger, tenta quand même de repousser la sentence en secouant la tête de senestre à dextre. Au bout d’un moment, le bailli, un grand gaillard, recula d’un pas et frappa le meurtrier au creux de l’estomac. Ce dernier se plia en deux en poussant un cri de douleur ; le bailli en profita pour lui passer la corde au cou et serrer le nœud. Puis il sauta à terre et tendit la corde, en fixant l’autre extrémité à un crochet à la base de la potence.
Tous attendirent un signe ou un mouvement de Tancrède, mais rien ne se passa. Tout le monde, même Dieu, ne désirait qu’une chose : la mort de cet immonde personnage aux cheveux de jais et à la barbe négligés. Un gamin cracha sur l’homme, qui ne bougea pas d’un pouce : il se savait fini.
Néanmoins, lorsque le conducteur du chariot lança un regard interrogateur au bailli, Tancrède parla enfin, d’une voix qui se voulait assurée, mais qui était tremblante : « Je ne suis pas un meurtrier, juste un voleur. Puisse Dieu nous pardonner pour toutes nos erreurs. »
Le bailli, agacé par ces paroles, se tourna vers le prévôt, qui lui fit un signe de la tête. Le charretier fit claquer son fouet, et le bœuf avança. Une larme roula sur la joue meurtrie de Tancrède. Puis, il trébucha, le bœuf entraîna le chariot et Tancrède tomba dans le vide. La corde se tendit et le cou du criminel se brisa avec un bruit sec. La foule poussa quelques cris, le village de Roibourg était enfin débarrassé de cet odieux personnage qu’était Tancrède.
Deux hommes étaient plantés tout au fond de la place, silencieux comme la mort.
D’ailleurs, il se murmurait aussi qu’Aliénor avait été violée.
[ Ah bah tu vois que t'as migré ici ]
Rien de définitif si je vois que la population s'en fout royalement
C'est donc celle là, la fic over-teasé
Over teasée, j'irais pas jusque là
La renaissance d'une fiction légendaire
Bienvenue aux nouveaux qui passerons, que ce soit pour jeter un œil ou pour suivre avec assiduité ce récit fantastique
Edit : ça fait bizarre de voir le topic en jaune et pas en rouge
LES ANCIENS ON EST LÀ !!!!
Et j'espère qu'on aura droit à du sang neuf !!!
Du coup comment ça marche ? Un chapitre/jour ? On aura la suite que dans un mois ?
Ou alors tu nous abreuves de plusieurs chapitre par jour, quitte à ce que ce soit imbuvable pour le commun des mortels ?
choix difficile s'il en est.
C'est clair que ça fait drôle Haya
Sinon pour les chaps je me demande toujours... Pourquoi pas 2/jour ?
• CHAPITRE 2 •
Janvier 1413
Une année s’était presque écoulée depuis la pendaison de Tancrède, à Roibourg. La deuxième que Gautier et Ralph avait passée avec Cruel et les autres.
Il faisait froid en cet après-midi de début janvier lorsque des cris parvinrent au campement. Tous se regardèrent, se demandant quoi faire, à l’exception de Maurin qui dormait à poings fermés. Les bruits étaient tout proches du campement.
Gautier et Ralph se hâtèrent les premiers jusqu’à la source des bruits, rapidement rejoints par Alix, Cruel et Théobald. Le groupe était dissimulé par quelques arbres et buissons. Les cris étaient ceux de six combattants. Trois de ces derniers étaient en armure complète assez sombre, tandis que les trois autres ne portaient, en tout et pour tout, qu’une tunique blanche sertie d’une sorte de grosse ceinture rouge, descendant derrière eux. Les « hommes en blanc » se battaient comme des diables. L’un deux tua rapidement l’un des ses ennemis, à l’aide d’une lame fixée à un brassard sur son poignet.
Gautier n’avait jamais vu cela.
Cependant, cela ne l’empêcha pas de chuchoter : « Allons-y, on pourrait les vaincre et détrousser leurs cadavres ensuite ! Attendons juste que quelques uns meurent.
- Vois comme ils se battent, quelle idée ridicule que de leur foncer dessus, sombre idiot ! Je te l’interdis. » répliqua Cruel.
Gautier n’en pouvait plus des ordres de ce chien. Pour seule réponse, il regarda Ralph, qui hocha la tête. Les deux partirent à toute vitesse vers les guerriers et dégainèrent leurs lames. Seuls quatre hommes étaient encore debout ; deux de chaque « camp ». Gautier jaugea rapidement la situation : les hommes à la lame cachée avaient l’avantage. Gautier décida donc d’attaquer les deux autres, déjà affaiblis ; Ralph suivit son ami.
Le combat était déjà bien engagé quand Alix vint leur prêter main forte.
« Théobald s’est enfui, mais Cruel arrive, et il est en rogne ! » dit la jeune femme lorsqu’elle se retrouva dos à dos avec Gautier, afin de repousser les assauts plus facilement l’espace d’un instant.
Gautier grogna et fonça sur son ennemi ; il réussit à trouver une faille dans son armure et l’acheva lorsqu’il fut à genoux. Dans le même temps, Ralph et Alix tuèrent le dernier homme en armure. A présent, il ne restait plus que deux hommes en blanc et Cruel.
Ralph engagea le combat le premier, mais déchanta vite ; son ennemi l’avait touché à la jambe, et le sang affluait. Gautier s’interposa entre son ami et l’assaillant avant que ce dernier ne l’achève. Ralph recula tant bien que mal et tenta de s’éloigner. Gautier, quant à lui, para un coup, puis deux, avant de faiblir une toute petite seconde.
Erreur.
Le guerrier lui entailla profondément la joue droite du tranchant de son épée. Gautier poussa un cri, suivi d’un juron. Fou de rage, il fonça sur son adversaire et le plaque au sol. L’homme lâcha son épée et tenta de blesser Gautier avec sa lame cachée, en vain. Gautier dégaina sa dague et trancha la gorge du combattant. Le sang chaud gicla sur son visage ; il aimait cette sensation.
Malgré sa blessure au visage, il se replongea dans la mêlée. Le dernier des hommes mystérieux s’enfuit lorsqu’il vit le cadavre de son compagnon. Il courait comme si le Diable en personne le poursuivait. Gautier ne tenta pas de le poursuivre et s’attaqua à Cruel, aidé d’Alix.
Cruel bouillonnait de rage, et sa lèvre inférieure était en sang. Il attaqua Alix, qui esquiva habilement avant de lui taillader le museau.
Cruel était affaibli, et, visiblement, sa rage lui faisait perdre ses moyens. Cruel détestait que quelqu’un refusât ses ordres. A tour de rôle, Gautier et Alix l’attaquaient et, contrairement à ce que Gautier pensait, ils arrivèrent rapidement à le vaincre.
Gautier allait l’achever lorsqu’il entendit la voix de Maurin s’élever. Alix et Gautier dévièrent le regard vers ce dernier. Il descendit le talus de feuilles à toute allure et fondit sur Gautier qui le repoussa. Maurin tomba au sol.
Gautier se retourna ; Cruel en avait profité pour filer. Il le vit courir tant bien que mal vers le sud. Il voulut le rattraper mais Alix l’en empêcha : « Laisse-le, le temps est venu d’oublier cet infâme bâtard. Qu’il crève sur les routes. »
Il acquiesça et regarda Maurin. Gautier jaugea le misérable quelques secondes avant de lui planter sa lame au niveau de l’épaule gauche.
« Te tuer serait bien fade. Souffre, imbécile. »
Il lui lacéra aussi la cuisse droite. Pendant ce temps, Alix s’était rendue auprès de Ralph, qui semblait souffrir. Gautier donna un violent coup de pied à Maurin, qui hurla de douleur et dévala ensuite la pente de la forêt.
« Enfin débarrassé de ce fils de putain. » souffla Gautier.
Il rejoignit ensuite ses deux compères. Alix avait déchiré une partie de la tunique blanche d’un des hommes et l’avait appliquée sur la blessure. Le morceau de tissu était déjà recouvert de sang.
« Nous devons partir, je vais chercher les deux chevaux au campement et prendre ce que je peux, je reviens. »
*
Ils galopaient maintenant depuis une bonne heure, en direction du Nord. Gautier et Ralph étaient montés sur l’étalon gris, tandis qu’Alix l’était sur le bai. Les deux chevaux avaient survécu depuis leur arrivée quelques mois plus tôt, contrairement à la jeune fille. Cruel l’avait gardée deux semaines avant de s’en lasser de la tuer. Il n’avait même pas partagé ; « Salaud jusqu’au bout celui-là. » pensa Gautier.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant une auberge ; la première depuis leur départ.
« La nuit tombe, et nous sommes tous fatigués ou blessés, y compris les chevaux. Nous devrions nous arrêter ici cette nuit. », déclara Alix.
Gautier acquiesça en soupirant. Sa joue lui faisait un mal de chien, même si Alix avait réussi à légèrement apaiser la douleur. Cette dernière lui sourit ; cela lui réchauffa un peu le cœur.
Enfin, ce qu’il en restait.
Bon bah nous on aura notre suite d'ici quelque temps...
Va falloir que je lise tout ça moi, j'ai bien envie de voir les talents narratifs de notre Jade nationale.
Elle gère très bien !!!
Tu vas peut-être pas les voir tout de suite pp mais courage et ça devrait venir
Pour le 35 mon petit Darth il est effectivement en pleine écriture
Le 21 juillet 2017 à 22:35:08 Jadas a écrit :
Tu vas peut-être pas les voir tout de suite pp mais courage et ça devrait venirPour le 35 mon petit Darth il est effectivement en pleine écriture
Tu me connais pas suffisamment, je serais bien capable d'aller lire l'intégralité de ta fic en un coup, faut juste le petit coup dans le luc pour ça.
Ça serait pas si long que ça tout compte fait, tant que tu attends pas un an de plus pour le faire
• CHAPITRE 4 •
Gautier et Alix revinrent à l’auberge une heure plus tard.
Ils étaient maintenant au chevet de Ralph, qui se sentait mieux grâce aux soins de la jeune fille. Pendant que son ami discutait avec Alix, Gautier pensait. Il ne voulait plus voler, ni être dirigé par un quelconque « chef de bande » autoproclamé. Tout ce qu’il désirait, c’était se battre. Encore, et encore. Voyager, et profiter de la guerre pour gagner de l’or, par exemple.
Il se disait que Ralph et lui pourraient se faire mercenaires. Et pourquoi pas Alix, aussi. Gautier leur fit part de son idée.
« Je vois que tu y as pensé aussi, répondit Ralph. Surtout qu’en temps de guerre, les mercenaires peuvent s’avérer fort utiles et demandés. Les bonnes gens ne veulent pas s’occuper de la sale besogne, mais nous, on pourrait le faire. Alix ?
- Vous pourriez le faire… Quant à moi, rien n’est moins sûr.
- Tu comptes partir ? demanda Gautier.
- Pas maintenant. Si vous voulez toujours de moi une fois mercenaires, je resterais avec vous, mais sans pour autant dépendre de vos petites personnes. Et puis, j’ai quelques affaires à régler, donc je ne serais pas toujours avec vous, mais je m’arrangerais pour vous retrouver à chaque fois.
- Bien. Alors, c’est décidé ? » fit Ralph.
Gautier réfléchit un instant. Prenaient-ils la bonne décision finalement ? Peut-être, ou bien peut-être pas ; mais de toute manière, ils devaient trouver un moyen de gagner de l’or. Autant que cela fût celui-ci. C’était décidé.
« Il est temps d’écrire une nouvelle page. Nous proposerons maintenant nos lames au plus offrant. »
Ralph tapota l’épaule de Gautier en souriant.
***
Alix, Ralph et Gautier burent jusqu’à plus soif, et mangèrent jusqu’à plus faim, avant de se rendre dans leur chambre.
Evidemment, il n’y avait qu’un lit – plutôt une paillasse recouverte de quelques fourrures et de peaux. De ce fait, et surtout car Gautier était méfiant, ils décidèrent de dormir chacun leur tour, cependant que les deux autres montaient la garde. Après tout, on n’était jamais trop prudents.
Les deux jeunes hommes laissèrent Alix se reposer la première, elle commençait presque à tomber de fatigue. Quelques minutes plus tard, elle dormait à poings fermés. Gautier la contempla quelques secondes, qui se transformèrent bientôt en minutes. Elles auraient pu se transformer en heures si Ralph ne l’avait pas interpellé.
« Alors ? dit ce dernier.
- Alors quoi, Ralph ?
- Voyons, ton petit jeu ne prend pas avec moi, je te connais trop bien. Aucun homme ne regarde une femme dormir comme tu le fais s’il ne ressent rien pour elle. Alors ? »
Gautier ne savait quoi répondre. Ressentait-il quelque chose ? Non, impossible. Ce n’était qu’un homme cruel, qui ne pouvait ressentir que de la haine… non ? Il se sentait perdu à ce moment précis. Ralph fit la moue.
« Avoue au moins que tu tiens à elle ; si tu nies, tu es un fieffé menteur, Gautier. »
C’était exactement comme cela que Gautier se voyait : comme un menteur, doublé d’un homme sans cœur, prêt à accomplir les pires besognes. Malgré cela, il ne pouvait nier les faits.
« Tu as raison. Mais cela s’arrête là.
- Ah bon ? Et votre petite escapade de tout à l’heure alors ? Cela m’étonnerait que vous soyez partis pendant une heure cueillir des fleurs.
- On ne peut décidément rien te cacher. »
Ralph rit doucement.
« Et c’est seulement maintenant que tu le découvres ? Bon, passons aux choses plus importantes. Regarde-nous, avec nos pourpoints usés jusqu’à la corde et nos gantelets râpés, il faudrait peut-être en changer un jour ? Surtout qu’avec notre récente décision… Des mercenaires se doivent d’avoir de l’équipement de qualité. Mêmes nos lames doivent être affûtées.
- Certes, mais bien que nous ayons une bonne quantité d’or pour l’instant, un forgeron, même le pire, nous en demanderait trop.
- C’est là que j’interviens. J’ai discuté avec une vieille connaissance, pendant que tu t’amusais avec Alix.
- Hum, et alors ?
- Cette vieille connaissance s’avère être un excellent forgeron, qui me doit une faveur ; une très grosse faveur même.
- Et pourquoi donc ?
- Oh, la routine, c’était une histoire de vie ou de mort, et je lui ai sauvé la mise, point final. Il nous attendra à sa forge demain, non loin d’ici.
- Je te fais confiance. »
***
Une bonne nuit de sommeil leur avait fait du bien, et les trois compagnons étaient maintenant à la forge, qui se situait à une dizaine de minutes de l’auberge à cheval. Comme ils n’en avaient que deux, Alix montaient avec Gautier. Ralph, quant à lui, s’était vite remis et arrivait, presque sans difficulté, à monter et à se déplacer seul, même s’il se fatiguait plus vite ; mais cet état n’était que passager, disait-il.
Le forgeron était un homme robuste, à la barbe blonde fournie. Ses yeux noisette étaient rieurs, et il souriait presque tout le temps. Il avait tout l’air d’un homme agréable mais, avec le temps, Gautier avait appris à se méfier des gens d’apparence agréable. Toutefois, si Ralph lui faisait confiance, il n’avait pas de raison de s’inquiéter plus que de coutume.
« Comme convenu, je vous propose de prendre l’armure que vous voulez sans débourser la moindre pièce ! Alors, que voulez-vous ? »
Gautier n’aimait pas s’encombrer d’une armure lourde, qui, la plupart du temps, ne faisait qu’entraver ses mouvements. Il ne voyait pas l’intérêt de pouvoir encaisser les coups si on ne pouvait pas en mettre en retour. Aussi, il se tourna vers une tunique de cuir, légère et solide, tout ce qu’il lui fallait. Il prit également de nouvelles bottes et de nouveaux gantelets. Après tout, c’était gratuit. Ralph, qui pensait comme Gautier, avait opté pour le même équipement.
Alix, quant à elle, n’avait besoin de rien. Son armure de cuir, elle aussi, était quasiment neuve. Seule sa lame avait besoin d’être affûtée.
« Bien, je vois que vous être plutôt du genre à vouloir être libres de vos mouvements, parfait ! Vous ne trouverez pas de cuir plus solide que le mien à des kilomètres à la ronde, je puis vous l’assurer. Aussi, comme je vous le dois bien, Ralph, laissez-moi affûter vos lames.
Gautier et Ralph combattaient à l’épée bâtarde, tandis qu’Alix préférait l’arme à une main. Le forgeron s’affaira à affûter les trois lames.
Une fois qu’il eût terminé, Gautier se décida tout de même à lui donner quelques pièces ; après tout, il les avait bien aidés.
***
Une fois de retour à l’auberge, Gautier se mit à discuter avec Thomas, le jeune palefrenier. Quand ce dernier parlait de chevaux, son regard s’illuminait automatiquement, il avait l’air vraiment passionné par eux. Gautier le comprenait, c’étaient de formidables bêtes.
« Et ton cheval, le gris, quel est son nom ? fit Thomas.
- À vrai dire, il n’en a pas.
- Tu devrais lui en choisir un, tu as l’air de l’apprécier. »
Thomas avait raison, Gautier commençait à s’attacher à ce beau et grand cheval gris. Aussi, son esprit partit en quête d’un nom. Voyons, son cheval – car il le considérait maintenant comme sien – était beau, fier et courageux. C’était un cheval digne d’un roi. Il dégageait une aura sans pareille, plus forte que certains grands hommes.
« Noble, lâcha-t-il. Il s’appelle dès à présent Noble. »
• CHAPITRE 5 •
« Il est temps de partir », lâcha Ralph.
Gautier, Alix et Ralph avaient passé les deux dernières heures à discuter et à manger autour d’une table, à l’auberge.
Cependant, Ralph avait raison, il était grand temps de quitter l’auberge, même s’ils n’y étaient restés que deux jours. Ralph était déjà bien remis de sa blessure, et tous étaient armés, et dotés d’une bonne armure ou tunique - ce qui était le cas pour Gautier et Ralph.
D’un air entendu, ils se levèrent en même temps et sortirent. Gautier et Ralph allèrent chercher les chevaux ; Thomas leur parlait, encore.
« M’est avis qu’ils ne te répondront pas, dit Gautier.
- Fort possible, mais je continue tout de même. »
Le jeune homme aux cheveux auburn regarda Gautier d’un air triste.
« Vous partez déjà ?
- En effet, et merci pour les chevaux.
- Oh… Dites, serait-il possible que… »
Il laissa sa phrase en suspens un instant avant de reprendre, hésitant, mais avec une lueur d’espoir dans les yeux.
« … je vienne avec vous ?
- Non », répondit sèchement Gautier.
La lueur s’éteignit. Thomas baissa la tête. Gautier ne comprenait pas pourquoi il lui demandait cela ; ici, à l’auberge, il était nourri, logé, entouré de sa famille, et, pour le moment, préservé de la guerre. Ainsi, Gautier lui demanda des explications.
« Je ne veux pas pourrir ici plus de temps que nécessaire. Je veux voir autre chose que des culs-terreux toute la journée. Et vous, vous êtes différents d’eux. Pitié, laissez-moi venir avec vous, je pourrais m’occuper de vos chevaux ! Et puis, vous ne serez pas ennuyés, j’ai même mon propre cheval, je peux me déplacer seul.
- Quid de ton père ? demanda Ralph.
- Mon père ? Ah ! vous pensez à l’aubergiste ? Pas mon père, juste un vieil ami à lui. Le mien, de père, il est mort. »
Thomas n’avait pas vraiment l’air affecté par cette pensée. Gautier sonda Ralph du regard, ce dernier haussa les épaules, ne sachant pas quoi faire. C’est à ce moment qu’Alix les rejoignit.
« Que se passe t-il ? demanda t’elle.
- Je…
- Il veut venir avec nous », coupa Ralph.
Gautier lui expliqua la situation plus en détail.
« Et pourquoi pas ? C’est vrai, il serait utile et, apparemment, rien ne le retient ici.
- Voyons, un peu de bon sens ! La guerre fait rage, et ce n’est qu’un jouvenceau ! Voyager n’est pas sûr pour lui, et nous ne lui devons rien », fit Gautier.
Alix lui lança un regard foudroyant.
« Mettez-vous à sa place, voudriez-vous croupir ici alors que les environs regorgent de chose à découvrir ?
- Oh, pour sûr, des terres jonchées de cadavres et une multitude d’hommes à tuer, que de découvertes ! dit froidement Gautier. S’il veut, il peut toujours allez observer les écureuils dans la forêt, ce sera bien mieux pour lui, et d’autant plus intéressant.
- Epargne-moi ton sarcasme légendaire, veux-tu.
- Je te pensais dotée de plus de bon sens que cela. »
Gautier planta son regard dans celui d’Alix, qui ne démordait pas. Il se demandait pourquoi elle tenait tant à ce que Thomas vînt avec eux.
« Alix a raison, lâcha finalement Ralph. Il devrait venir avec nous, nous avons besoin de lui pour nos chevaux.
- Enfin quelqu’un de sensé ! Deux contre un Gautier, tu ferais mieux d’accepter. »
Gautier céda ; Thomas sourit en les remerciant encore, et encore. Alix et Ralph allèrent en informer l’aubergiste, qui, selon leurs dires, n’avait pas retenu le jeune homme bien longtemps.
Gautier était persuadé que l’emmener était un mauvais choix, mais après tout, un de plus ou de moins…
***
Ils arrivèrent aux portes d’une petite ville fortifiée après une heure de trot. Visiblement encore fâchée de leur petit désaccord, Alix n’avait pas pipé mot du trajet ; et, de son côté, Gautier n’avait pas essayé de changer cela.
« Nous voici à Ardon, déclara Ralph. Nous pourrions y rester quelques jours.
- Nous le pourrions, oui. Entrons », dit Alix.
Les deux hommes d’armes postés de part et d’autre de la porte en bois – ouverte – les toisèrent.
« Que je n’entende pas parler de vous », siffla l’un deux, un gros chauve répugnant.
Il poussa un juron et cracha.
« Elégant… », murmura Alix.
Ils entrèrent au pas. Gautier dévisagea d’un air méchant le garde chauve, au passage. Une fois près de ce qui semblait être l’écurie – ou du moins un vulgaire abri recouvert de paille - Gautier démonta. Une fois au sol, il tendit sa main à Alix, qui l’ignora et descendit seule.
Elle était visiblement décidée à l’ignorer, de toute manière. Gautier souffla et attacha Noble en lui tapotant l’épaule.
« Bien, je vais m’occuper des chevaux, fit Thomas.
- Je dois m’occuper d’une affaire importante, dit Alix, je te rejoins ici ensuite.
- Ralph et moi allons faire un tour dans le village, alors. »
Ralph acquiesça. Chacun partit de son côté.
« Allons-y », fit Ralph.
Gautier commença à marcher, paisiblement, avec Ralph à sa gauche.
Les rues étaient sales, et peu actives : le froid et la neige n’encourageaient pas les gens à sortir. D’un côté, quelques enfants, vêtus de haillons, s’amusaient à lapider un chat ; de l’autre, deux chiens, la peau sur les os, se battaient pour un pauvre morceau de viande. Un homme, assis dans la neige mêlée à la boue, mendiait, tandis que deux autres dévisageaient Ralph et Gautier avec insistance, d’un air menaçant.
Gautier ne se sentait pas le bienvenu ici, et, de fait, un homme armé, autre que les gardes, n’inspirait guère confiance.
Après tout, il était dangereux, les bonnes gens du village avaient sans doute raison de le dévisager ainsi. De toute manière, Gautier n’en avait cure ; il n’était pas ici pour se faire de nouveaux amis, juste pour gagner quelques écus d’or en offrant sa lame à quiconque paierait bien.
Au bout de quelques minutes de marche, ils arrivèrent devant l’église du village. Elle ne devait pas avoir plus d’un siècle d’existence, à en juger par son état. L’architecture était simple, de toute façon ce n’était qu’une pauvre église de village, pas une cathédrale.
Un vieux moine beuglait.
« Ecoutez habitants d’Ardon, écoutez ! Dieu - que Son Nom soit sanctifié – a envoyé les Anglais afin de nous punir de nos pêchés ! Voyez, la guerre ravage nos terres, le sang les abreuve ! Nous devons nous lav-... »
Gautier se planta devant lui et l’interrompit. Il n’en pouvait plus d’entendre les plaintes du moine.
« Dieu n’y est pour rien, vieux fou. Cesse de geindre. »
Le moine écarquilla les yeux et ouvrit la bouche. Gautier caressa le pommeau de son épée et fit mine de la dégainer. Le moine referma la bouche, foudroya Gautier du regard, et tourna les talons.
« Je les préfère hors de ma vue, ces fichus hommes de Dieu », lâcha Ralph.
Gautier acquiesça avant de partir dans un rire sonore, bientôt suivi par Ralph.
• CHAPITRE 7 •
Gautier émergea lentement de son sommeil. Une fois tout à fait conscient, il regarda autour de lui. L’endroit – une ancienne bâtisse au plancher et aux murs humides – lui était inconnu. Une vieille table en bois trônait au milieu de la pièce ; un homme y était accoudé, dos à lui. Son épée bâtarde se trouvait aussi sur la table. Quelques choppes usées jonchaient le sol, et deux portes étaient présentes : une menant à l’extérieur et l’autre, sûrement, dans une autre pièce.
Une pièce dans laquelle se trouvait peut-être Ralph, s’ils l’avaient pris, lui aussi.
L’homme se retourna et s’approcha de Gautier. Il était grand, et sa longue cape sombre venait renforcer cette impression. A croire qu’ils portent tous des foutues capes, pensa Gautier. Un pendentif étrange, et un air mystérieux, comme ce fichu moustachu. Mais qui sont ces hommes ? L’étranger vint s’accroupir en face de Gautier. Il se racla la gorge, ouvrit la bouche, mais Gautier le devança ; il était attaché mais pas bâillonné.
« Qui êtes-vous, tous autant que vous êtes ? Que voulez-vous ? Où sommes-nous ? articula lentement Gautier.
- Ce n’est pas à toi de poser les questions, mais à moi, Gautier. »
Et en plus, ces chiens connaissent mon prénom. De mieux en mieux.
« Dis-moi ; pourquoi avoir fait cela ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles. »
Et, de fait, Gautier ne comprenait vraiment pas.
« Oh, trois fois rien… Tu pensais réellement pouvoir tuer nos frères sans craindre de représailles ?
- Vos frères ? Ah ! Les deux idiots près de la taverne ? demanda Gautier.
- Avoir tué ces deux brigands est là ta seule bonne action, répondit froidement l’homme. Non, moi, je te parle des trois hommes morts par ta faute et celle de ton charmant petit groupe. »
Gautier comprit. L’étranger et le moustachu ressemblaient d’ailleurs beaucoup aux trois autres, morts près du campement. Gautier décida de feinter l’ignorance.
« Jamais entendu parler.
- Oh, ne joue pas à cela avec moi, je t’en prie. Tu te souviens également des trois autres, je suppose ? Une autre bonne action, cela dit, même si l’un a réussi à s’enfuir.
- Je n’y étais pas, siffla Gautier.
- Peut-être qu’un doigt en moins te ferait parler davantage. Alors, quelle main ? »
Les yeux de Gautier s’écarquillèrent. Cet homme n’allait pas vraiment lui couper un doigt, si ? Gautier se mit à gesticuler, tenant de se défaire de ses liens, en vain.
« Ce sera rapide. Douloureux, mais rapide. »
L’homme sortit une petite dague, la contempla et sonda Gautier de ses prunelles d’un bleu à vous glacer le sang.
« Dernière chance. A ta place, je parlerais. »
Gautier lui cracha au visage. L’étranger lui répondit d’un coup de poing dans la mâchoire. Il s’approchait de Gautier, s’approchait un peu plus chaque seconde, lentement, s’approchait, s’approchait…
L’homme poussa un râle sourd, tomba à genoux. Gautier fronça les sourcils. Une lame était figée dans le ventre de celui qui aurait pu être son bourreau ; à quelques secondes près. Gautier leva les yeux et vit son sauveur. Ou plutôt, sa sauveuse.
« Pas trop tôt, Alix. »
Elle lui lança un regard glacial, puis essuya sa lame sur la cape du cadavre.
« Je ferais peut-être mieux de te laisser là, répondit-elle.
- Voyons, tu n’y penses pas vraiment ?
- Oh que si, tous les jours. »
Gautier s’impatientait.
« Oui, si tu le dis. Allez, détache-moi, on doit trouver Ralph. »
Alix hésita, puis entreprit rapidement de le détacher. Gautier se leva et s’étira. Il regarda ses mains ; il n’avait plus la chevalière.
« Au travail. »
Il récupéra son épée, fit quelques moulinets, et se posta devant la deuxième porte, supposée mener à une autre salle. Il l’ouvrit d’un violent coup de pied ; quelques échardes volèrent. La pièce était aussi vide et lugubre que l’autre, à l’exception des trois personnes qui s’y trouvaient : deux hommes semblables aux autres, et Ralph, dans la même position que Gautier auparavant. On lui posait les mêmes questions.
Suite à l’entrée pour le moins fracassante de Gautier, les deux hommes se retournèrent.
« Je prends celui de gauche, toi, l’autre », fit Alix.
Gautier évalua son adversaire. Il était légèrement plus grand que lui, et sa longue cape avait des chances d’entraver ses mouvements. L’homme dégaina sa lame, une épée bâtarde, comme Gautier.
Gautier se mit en garde. Son ennemi attaqua, il para. Le fracas de l’acier contre l’acier lui plaisait toujours autant. Il esquiva une attaque, puis deux, avant de passer à l’assaut. Gautier frappa de taille, lacérant ainsi le bras gauche de son ennemi, qui grimaça de douleur. Il fit l’erreur de regarder sa blessure un instant ; Gautier en profita. Il frappa d’estoc, sa lame transperça son adversaire en plein cœur. L’homme ne portait visiblement pas de plastron.
L’ennemi d’Alix lui, semblait mieux équipé que son défunt camarade. Ce devait être l’un des hommes en armure qui les avaient assommés et amenés ici. Gautier alla prêter main forte à Alix. Il passa derrière l’homme et lui asséna un violent coup de pied derrière le genou. Leur adversaire tomba, Alix frappa son cou de taille. Elle retira ensuite vivement sa lame, laissant ainsi le sang couler à flot.
Gautier délia Ralph, qui reprit aussi son épée.
« Toi aussi, ils t’ont questionné ? fit Ralph.
- Oui, sur cette petite bataille survenue à l’ancien campement.
- On a pas le temps de discuter, partons d’ici, intervint Alix.
- Avant cela, fouillons-les. »
Et ils fouillèrent. Gautier ne trouva que quelques écus, comme les autres. Il se dirigea vers la sortie, suivi de Ralph et Alix. La porte s’ouvrit en grand sur le deuxième homme en armure.
« C’est pas possible, ils sont combien ici ?! râla Alix.
- Oh, tu n’es pas au bout de tes peines. Après, on va devoir s’occuper d’un moustachu étrange. »
Elle râla derechef. Gautier sourit malgré tout ; il préférait l’écouter se plaindre plutôt que de ne plus l’entendre du tout.
Leur nouvel adversaire se mit en garde et attaqua de manière désespérée.
Il m’a l’air d’un bon combattant mais, à trois contre un, il n’a aucune chance.
Et, de fait, la lame de Ralph trouva très rapidement la gorge leur ennemi.
« Cela fait beaucoup de cadavres, lâcha Ralph.
- Ils l’ont voulu », lui répondit Gautier en rengainant son épée.
Il fouilla l’homme et ne trouva rien d’intéressant. Il prit seulement son pendentif ; le même que les autres. Une croix sertie d’une pierre rouge. Une croix qui, d’ailleurs, rappelait vaguement quelque chose à Gautier. Mais non… Une telle chose semblait impossible. Il brandit le pendentif devant Ralph et Alix.
« Cette croix, elle ne vous rappelle pas un certain Ordre ? fit-il.
- Si, et plutôt bien même. L’Ordre du Temple, répondit Ralph, en fronçant les sourcils.
- Ne soyez-pas ridicules, cet Ordre n’est plus. Ne vous a-t-on jamais appris que l’Ordre est mort avec Jacques de Molay il y a de cela un siècle ?
- Bien sûr qu’on le sait, lâcha Ralph. Mais peut-être que certains ont survécu ?
- Peut-être. Mais ils ne se battent pas seuls ; qui sont ces hommes vêtus de blancs contre qui ils s’acharnaient ?
- Aucune idée », dit Ralph.
Alix ne pipa mot.
Gautier marqua une pause avant de conclure : « Ces Templiers…, aussi étrange que cela soit de les appeler de cette manière, veulent notre mort ; je pense que c’est clair, dit Gautier.
- On n’aurait jamais deviné », fit Alix, sarcastique.
Finalement, Gautier aurait préféré ne plus l’entendre.
***
·
Gautier avait cherché le moustachu, en vain.
La nuit commençait à tomber lorsque le groupe se mit en quête d’un endroit où passer la nuit. L’auberge du village était bondée, et c’était bien la seule présente à Ardon. Quant à l’église, ce n’était même pas la peine d’y penser. L’idée de ce vieux fou de prêtre hurlant bêtises sur bêtises à tue-tête suffisait à répugner Gautier. Pour l’heure, ils étaient aux côtés des chevaux ; dont Thomas s’était bien occupé pendant leur absence. Alix lui avait déjà expliqué la situation, et le gamin en avait eu l’air presque heureux. Les cadavres n’avaient pas l’air de lui faire peur ; mais en avait-il déjà vu un ? Là reposait toute la question.
« La vieille bâtisse de ce matin ? proposa Gautier, à court d’idée.
- On devrait se débarrasser des corps mais oui, pourquoi pas, répondit Ralph.
- Pas question que je passe la nuit là-bas, dit Alix.
- Sa Majesté aurait-elle une meilleure idée ? », siffla Gautier.
Elle se renfrogna et lui fit son plus méchant regard. Quiconque ne la connaissait pas en aurait frissonné et serait parti en prenant ses jambes à son cou. Mais, fort heureusement, Gautier la connaissait.
« Bien, en route. Prenons les chevaux avec nous. »
Gautier mena Noble en main jusqu’au vieux bâtiment, qui se révéla en fait être une ancienne taverne – la devanture en témoignait - ; d’où les choppes sur le sol. Ils attachèrent les chevaux aux vieux anneaux imbriqués dans le mur principal.
Lorsqu’il entra dans ce qui fut une taverne, Gautier aperçut un homme accroupi près de l’un des corps.
Ce dernier se retourna à l’entente de ses pas. Ce n’était autre que le moustachu. Il se releva lentement, et Gautier crut voir une once de peur dans son regard.
Alix, Ralph et Thomas entrèrent à cet instant. Le moustachu les observa ; Gautier se jeta sur lui et le plaqua au sol. L’homme se débattit quelques instants avant de cesser tout mouvement.
« Qui es-tu, bon sang ?! s’énerva Gautier.
- Je… Jean, je m’appelle Jean. Inutile de s’énerver, voyons », dit le moustachu, la voix légèrement tremblotante.
Il se savait en fâcheuse posture. Ses fichus amis ou je ne sais quoi, sont morts. Il sait que nous sommes à l’origine de cela. Il parlera, s’il ne veut pas le même sort funeste.
« Dis-moi, Jean, les Templiers, cela te dit quelque chose ? siffla Gautier en arrachant son pendentif.
- Je vois, vous êtes malins. Je n’en dirai pas plus. »
Ainsi, il veut mourir, pensa Gautier. Il assit Jean contre un mur et lui lia les mains.
« Je veux des explications, maintenant.
- Et moi, je refuse de t’en donner.
- Voyons… Et si je commençais par te couper une oreille…, un doigt peut-être ? », dit Gautier en sortant lentement sa dague.
• CHAPITRE 8 •
Le jour suivant, à l’aube, Alix et Thomas n’étaient toujours pas rentrés.
Gautier commençait à s’inquiéter ; leur était-il arrivé malheur ? Des Templiers leur étaient-ils tombés dessus ? Gautier imagina alors des scénarios aussi improbables les uns que les autres.
Ralph, en se réveillant, l’interrompit dans ses pensées : « Ils vont revenir.
- Comment en être certain ? demanda Gautier.
- Alix revient toujours. Dis, tu te souviens du vol de ce bijou inestimable ? (Gautier hocha la tête). Eh bien, Alix a survécu à cette petite expédition, qui ne se passa pas tout à fait comme prévu si mes souvenirs sont bons.
- Elle n’était pas seule, tu étais là.
- Bah ! Moi ? J’étais attaché et bâillonné comme le dernier des cabots ! Les gardes m’ont eu, mais Alix les a semés. Après cela, elle est venue me sauver. Pas l’inverse.
- Mouais. »
Gautier ne semblait pas tellement convaincu. Alix avait pu s’en sortir des milliers de fois, cela ne changeait presque rien. Peut être que cette sortie nocturne avait été celle de trop ? Gautier osait à peine se faire à l’idée d’un monde sans Alix. Avec qui se disputerait-il si souvent si elle n’était plus là ?
Bien sûr, ce n’était pas seulement pour cette raison que Gautier ne voulait pas envisager de la perdre, mais il ne se l’avouait pas, comme toujours. Il était borné, et il le savait. Dans une autre vie, peut-être…
« Ou encore la fois où elle a combattu ce guerrier, une vraie montagne de muscles ! Tu te souviens, dis, Gautier ?
- Evidemment que je m’en souviens. »
Comment oublier… Ce jour-là, Gautier avait compris qu’Alix, toute femme qu’elle était, pouvait terrasser n’importe quel homme.
Si seulement je m’en étais souvenu hier, avant qu’elle ne se décide à me prouver son agilité au combat…
Mais Gautier l’avait oublié ; son corps meurtri en témoignait.
« On la pensait morte avec lui ! Le gars s’écroula sur elle et la recouvrit totalement. Et là, au bout de quelques minutes, Alix dégagea le cadavre, et partit la mine fière, sans se retourner. Ce n’est pas une balade nocturne dans Ardon qui va avoir raison d’elle, pour sûr !
- Je le sais bien, mais…
- Pas de mais ! Ils vont revenir », conclut Ralph avec un petit sourire.
La porte de l’ancienne taverne s’ouvrit.
Gautier souffla discrètement lorsqu’il les vit. Il se sentit soulagé.
Thomas et Alix étaient tous deux trempés ; avaient-ils passé la nuit dehors, et non à l’abri ? Sûrement. Gautier se maudit intérieurement de ne pas les avoir cherchés dès la tombée de la nuit.
« Tout va bien ? les questionna Gautier.
- Tout est arrangé ? répondit sèchement Alix.
- En une seule journée ? s’indigna Gautier. Non, bien sûr que non.
- Alors je n’ai rien à te dire. »
La comprendrait-il un jour ? Gautier en doutait fortement. Il regarda alors Thomas, qui haussa les épaules.
« Très bien. »
Gautier partit, il pleuvait encore.
Il décida de s’enfoncer dans ce qui ressemblait le plus à une forêt, à quelques mètres des portes d’Ardon. En passant ces dernières, il aperçut le faciès du garde chauve. Il semblait toujours aussi répugnant ; Gautier se mit à espérer qu’il ne deviendrait pas comme lui. Il préférait encore arborer mille et une cicatrices sur son visage que de s’afficher avec un double menton aussi gras que celui du garde. Gautier frémit, puis continua sa marche vers la forêt.
Quand il arriva sur le sentier de cette dernière, un sentiment étrange le parcourut. Il sentait comme une présence près de lui, mais il ne voyait personne. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive.
Bah, ce n’est que la fatigue, pas besoin de s’inquiéter davantage.
Il s’enfonça dans les bois, non sans mal. Il faillit glisser une bonne dizaine de fois avant d’atteindre un endroit suffisamment plat pour s’y assoir sans crainte. La pluie n’avait pas facilité son ascension ; d’ailleurs, Gautier était déjà trempé. Ces temps-ci, il avait plus l’impression d’être un poisson qu’un homme, tant l’eau lui était devenue familière.
Il s’assit alors dos à un grand arbre, à bout de souffle. Gautier sentait toujours une présence, mais il se forçait à ne pas y prêter attention. La fatigue, la fatigue… Il ferma les yeux quelques instants…
« Tout commence maintenant… »
… Et les rouvrit instantanément. Il s’agita, cherchant la source de la voix, qui avait semblé provenir de derrière. Il alla inspecter l’autre côté du tronc : personne.
Il ne se mettait pas à halluciner tout de même, si ? Après tout, c’était bien possible… Mais quand même. Cette voix avait paru si proche, si réelle… Et puis, tout commence maintenant… Qu’est-ce que cette fichue phrase pouvait bien signifier ? Hallucination ou pas, elle devait bien avoir un sens…
Gautier se sentait de plus en plus fatigué. Il se rassit à sa place initiale. Il renversa sa tête en arrière, appuyant ainsi sa nuque sur le tronc de l’arbre. Il referma les yeux et prit une grande inspiration.
Quelque chose transperça l’air. Gautier ressentit une légère douleur. Il rouvrit encore une fois les yeux et aperçut avec effroi la flèche fichée dans le tronc, à sa droite. Il passa une main sur sa joue : du sang. L’entaille semblait superficielle.
Bon sang, j’étais sérieux en parlant des mille et une cicatrices, mais quand même !
Gautier observa les alentours, à la recherche de l’archer. Malheureusement, les feuilles et les nombreux arbres diminuaient sa vue. Il aperçut néanmoins un bout de tissu derrière un arbre. Gautier rassembla toutes ses forces et courut tant bien que mal vers l’arbre en question. Il vit une silhouette s’enfuir. Il se rua vers elle, mais la silhouette disparut au détour d’un énième arbre. Gautier jura.
Il n’aurait pas su dire si la silhouette était féminine ou masculine : une grande et large cape brune ainsi qu’un capuchon de la même couleur la recouvrait.
Qui était cette personne ? Certainement celle qui l’avait suivi sur le sentier, celle qui lui avait susurré cette phrase étrange et, enfin, celle qui avait tiré la flèche avant de disparaître. Un archer doublé d’un fantôme ? Cela faisait beaucoup.
Gautier décida, pour la troisième fois, de retourner à son arbre initial, qui avait maintenant hérité d’une flèche. Il mit quelques minutes à le retrouver ; il se remit assis dos au tronc, tête renversée. Les goutes qui glissaient des feuilles de l’arbre pour atterrir sur son visage le ravissaient. Et puis, elles nettoyaient aussi le peu de sang qui coulait de sa plaie.
Alors, il pensa.
Que restait-il de son passé ? De sa famille ? Gautier n’avait plus vu Père depuis quoi ? Six, sept ans ? Depuis son départ de la maison, en fait. Et quid de Mattias, son frère cadet de deux ans ? Qu’était-il devenu, lui aussi ? Etaient-ils au moins encore vivants, tous les deux ?
Vivants, contrairement à Mère, qui avait trouvé la mort en 1398, suite à son voyage à Arles, à cause de la peste.
Et quid de lui ? Avait-il vraiment changé, malgré tout ? Etait-il Gautier du Lac, fils de Gerald et Maud du Lac ? Oui, sûrement restait-il une partie de ce Gautier là. Une partie profondément enfouie en lui, certes, mais une partie quand même. Quelque chose l’interrompit dans ses pensées.
Il ressentit encore une présence.
L’archer n’est quand même pas revenu ?!
Il souffla de soulagement lorsqu’il vit Alix. Elle se mit dans la même position que Gautier, dos à l’arbre en face de lui, à trois ou quatre mètres.
Je préfère largement cette présence…
Malgré tout, en cet instant précis, Alix l’apaisait, même si elle ne devait sûrement pas s’en rendre compte. Sinon, elle serait partie, à n’en point douter. Le silence fut roi pendant quelques minutes. Seuls le vent et la pluie battante se faisaient entendre. Alix brisa enfin le silence.
« Tu n’es vraiment qu’un imbécile, Gautier. »
Il n’eut même pas la force de sentir vexé ou offensé. De toute façon, elle avait raison.
« Et je le sais, pas besoin de me le répéter », confirma t-il.
Alix parut étonnée de sa réponse. Et, de fait, Gautier n’acceptait pas souvent ce genre de parole.
Elle prit alors une mine triste.
« Qu’allons-nous faire ? demanda t’elle.
- Toi, rien. Comme tu l’as si bien dit, c’est à moi de tout arranger.
- Tu sais bien que seul, c’est impossible. Déjà qu’on ne sait pas comment s’y prendre à plusieurs…
- Je me débrouillerai.
- Tu serais déjà mort une bonne dizaine de fois depuis que l’on se connaît, si je n’avais pas été là. Alors, sois réaliste, et garde tes pensées de preux chevalier servant pour toi. Je le répète, seul, c’est impossible.
- Hum hum », lâcha Gautier, pas franchement convaincu.
Et pourtant, elle avait raison.
« Nous devons encore y réfléchir, afin de trouver une solution. Sinon, nous sommes morts. Ces Templiers ne nous lâcheront pas, et les Assassins pourraient bien s’y mettre aussi. Après tout, nous en avons tué deux, reprit Alix.
- Oui, nous le devons. »
Ils se turent. Ce silence était apaisant.
Malgré cela, Gautier le rompit.
« Je… Je suis désolé. Oui, désolé de t’avoir entraînée là-dedans. »
Alix lui sourit tristement.
« Je t’ai suivie, tu ne m’as forcée en rien, contrairement à ce que j’ai pu dire hier.
- Mais…
- Mais rien. Ce que je te reproche, c’est d’être un imbécile fini... »
Gautier souffla. Elle reprit.
« …Enfin, parfois. »
Il se rapprocha lentement d’elle.
« Et puis, ce comportement idiot que tu as par moment… »
Gautier la fit taire. Il l’embrassa alors comme si sa vie en dépendait.
« Et ça, c’était idiot ? demanda t’il doucement.
- Pas le moins du monde… »