Le Metroidvania saveur pixel art a le vent en poupe. Après un remarquable Iconoclasts sorti en début d’année, c’est au tour de Raw Fury de dégainer son Dandara qui pourfend les airs. Avec son système de déplacement original filmé par une caméra qui tourne dans tous les sens, le jeu malmène celui de l’orientation. Dans ses grandes diagonales, le titre demande un peu de mémoire, beaucoup de dextérité et un soupçon de matière grise salée. À bondir de mur en mur, l’héroïne peut-elle se targuer de disposer des fondations nécessaires pour bâtir une proposition convaincante au genre très représenté du platformer 2D ?
Nous affrontons le premier boss du jeu
Up, down, up, down, shoot shoot shoot !
Les studios indépendants continuent de désosser le genre de la Plate-Forme 2D pour mieux le reconstruire et tenter de tirer leur épingle du jeu. Avec Dandara, les développeurs de Long Hat House ont décidé de retirer ce qui sert normalement de base au platformer traditionnel. Le personnage principal ne peut ici ni marcher, ni courir, ni même sauter sur place. L’unique façon de se mouvoir réside dans la faculté de l’héroïne à bondir sur les surfaces planes disposant d’une couche blanche comme revêtement. Déroutant au premier abord, ce système retire toute notion habituelle d’inertie et de précision lors des sauts pour ajouter une couche de dextérité implacable basée sur la faculté à appréhender la trajectoire d'un projectile comme d'une charge ennemie. Afin d’obliger le joueur à repenser ses repères, le soft ne permet pas un déplacement sur la même ligne horizontale comme verticale de l’héroïne : pour avancer, il va falloir dasher en jouant avec les diagonales. Les informations visuelles aident cependant à comprendre le concept : une ligne blanche indique la direction prise par l’intermédiaire du stick gauche alors qu’une segment vert montre précisément où Dandara arrivera en cas d’appui sur la touche de saut.
Dans ce grand labyrinthe qui nécessite l’obtention de nouvelles capacités pour emprunter des chemins normalement inaccessibles, des ennemis belliqueux tentent d’empêcher toute progression. Ces vilains tirent des projectiles parfois à tête chercheuse et chargent au sol comme dans les airs, lorsque ce ne sont pas tout simplement des mines qui s’activent au passage du joueur. Les situations dangereuses s’enchaînent avec une belle inventivité, grâce notamment à l’utilisation de plateformes qui tournent ou bougent en fonction du recul occasionné par un tir. Car oui, pour se défendre comme pour activer un mécanisme, Dandara est capable de faire feu en chargeant puis relâchant la touche de combat. Un tir secondaire est également disponible, dont les projectiles peuvent varier en fonction des compétences acquises. Grand classique du genre, un tir de missile sur un mur de briques explosera ce dernier et permettra au joueur de continuer son périple. Tous ces éléments font que la survie de la guerrière dépend avant tout de sa mobilité et de la bonne gestion des plateformes à sa disposition. Si le principe est plaisant et intelligible pendant une bonne partie du jeu, il sombre dans l’inutilement frustrant lors de ses dernières heures à cause d’ennemis inutilement nombreux qui rendent l’action beaucoup trop brouillonne, à moins d’avoir les réflexes d’un ninja alliés en plus de la patience d’un moine tibétain.
Dans de beaux draps
Tout au long de l’aventure qui dure approximativement une dizaine d’heures, des adjuvants octroient de nouveaux pouvoirs, au gré des rencontres. S’il y a bien le tir secondaire utile à l’exploration, la plupart des compétences attribuées sont passives, c’est à dire que des parties du décor s’animent automatiquement dès que le joueur en possession d’une amélioration spécifique s’en approche. Cela mène à un gameplay avec peu de contrôles à retenir tout à fait pratique dans les situations où il faut réagir rapidement, mais retire dans un même temps quelques possibilités de jeu en transformant les facultées dénichées en simples “clés” qui déterminent l’accès à des zones. Le joueur a tout de même le choix de faire évoluer son personnage selon ses préférences par l’intermédiaire des feux de camp, lieux reculés qui servent également de points de réapparition en cas de mort. L’échec est punitif sans être injuste dans Dandara. En cas de trépas, il est possible de retourner à l’endroit de sa mort pour récupérer vie comme expérience sur son cadavre. Mieux, la progression dans les niveaux est sauvegardée, même si les ennemis réapparaissent entre deux essais. Les feux de camp régénèrent par ailleurs les points de vie et apportent des potions de soin comme d’énergie.
Grâce aux feux de camp, il est possible d’échanger des points d’expérience contre de multiples améliorations (de vie, d’énergie, d’effets des potions). Ce n’est pas le prix qui détermine le schéma d’évolution, puisque chaque amélioration achetée augmente de façon homogène la valeur de toutes les autres capacités.
Le pixel art très simple mis en place par Long Hat House n’aide pas forcément à différencier les salles les unes des autres. Au sein de cet univers éthéré, les couloirs se ressemblent effectivement beaucoup, et la carte n’affiche que peu d’éléments. Pour trouver son chemin, il va donc falloir se perdre. Les différentes rotations de la caméra mettent à mal le sens de l’orientation et compliquent la lecture de la map, tandis que les zooms empêchent à de rares moments de voir où va aller le personnage en cas de saut. Le reste de la technique demeure sans accroc, et l’ambiance sonore met remarquablement en valeur l’étrangeté de ce monde flottant.
Points forts
- Level design recherché
- Un système de déplacement original
- Punitif sans être injuste
- Ambiance sonore de qualité
Points faibles
- Du pixel art simpliste
- Les rotations et zooms de la caméra sont discutables
- Des contrôles qui n’apportent au final pas grand chose au genre
- Particulièrement brouillon dans sa dernière partie
Dandara s’adresse à ceux qui n’ont pas peur de se perdre dans des couloirs éthérés aux multiples ramifications. Avec son système de déplacement original qui incite aux esquives véloces, le titre édité par Raw Fury demande de l’adresse ainsi qu’un bon sens de l’orientation. Plaisant dans ce qu’il propose, Dandara ne bouleverse pas pour autant le genre du platformer 2D malgré ses réelles qualités. Les compétences passives empêchent de varier les sensations de jeu, alors que la caméra qui tourne gratuitement n’aide pas à rendre ce labyrinthe aux pièces très semblables facilement compréhensible. La dernière partie du jeu, brouillonne, montre les limites qui commencent à se faire ressentir. Heureusement, le jeu sait s’arrêter au moment où il commence à tourner en rond.