Certains aiment dire que l'imitation est la plus sincère des flatteries. Avec Blossom Tales : The Sleeping King, la petite équipe de Castle Pixel donne raison à cette phrase. Plus qu'un simple hommage, leur seconde production (après Rex Rocket) est une véritable ode à l'époque où les aventures de Link se vivaient en 2D.
Grand-père, raconte nous une histoire !
Sorti discrètement en mars dernier sur Steam, Blossom Tales s'est très vite retrouvé noyé sous la masse des dizaines de nouveaux jeux qui tentent chaque jour d'envahir nos ludothèques virtuelles. Sur l'eShop de la Nintendo Switch, il ne lui aura fallu que 24 heures pour doubler ses ventes. La preuve que derrière ses allures de clone sans inspiration se cache un retour aux sources bienveillant, ne demandant qu'à séduire le coeur des joueurs nostalgiques d'une époque que les moins de 20 ans n'ont pas connu.
A Lily to the Past
Pour vous décrire Blossom Tales : The Sleeping King, on pourrait se simplifier la tâche en vous renvoyant directement au test de Zelda : A Link to the Past, dont il restitue la quasi-intégralité des signes distinctifs et des mécaniques de jeu. Ce serait finalement mettre de côté ce qui fait le charme de ce petit jeu aux allures d'hommage très appuyé, certes, mais dont la personnalité se met instantanément en avant. Le jeu débute alors que deux petits-enfants demandent à leur grand-père de leur raconter une histoire au coin du feu qui ne mentionnerait pas cette fois un certain elfe parcourant les plaines d'Hyrule. C'est ainsi que l'aïeul, tel un Père Castor, nous sert de narrateur alors que l'on incarne la jeune Lily. À peine devenue chevalière qu'elle se retrouve embarquée dans une quête pour retrouver les trois ingrédients magiques nécessaires au sauvetage du roi Orchid, victime d'un sortilège par son frère magicien en quête de pouvoir.
Sans perdre plus de temps en introduction, nous voilà embarqué dans une aventure où exploration, donjons et résolution d'énigmes constituent le gros du programme. L'habillage narratif façon "Princess Bride" ne se contente toutefois pas d'instaurer un cadre, puisqu'en plus de nous offrir à chaque lancement du jeu un court récapitulatif des évènements, le grand-père doit conter son récit malgré les interruptions et les querelles de ses petits-enfants. Quelques dialogues amusants viennent ainsi ponctuer certains moments de l'aventure, en nous demandant parfois de faire des choix. Décider si c'est une reine des pirates ou un bandit-ninja qui garde l'entrée d'un pont ne va pas bouleverser l'histoire, mais cela reste une idée charmante.
It's dangerous to go alone ! Take this !
Pour le reste, du moins dans sa structure, Blossom Tales sacrifie l'originalité et va droit au but, à savoir nous ramener une bonne vingtaine d'années en arrière. Il y a des quarts de coeur à récupérer, des pots à casser, des salles secrètes derrière des murs fissurés, la carte du monde se dévoile case après case et notre héroïne peut réaliser une redoutable attaque tournoyante avec son épée. Le gameplay bénéficie toutefois d'une légère pointe de modernité : l'utilisation de notre arsenal, qui se voit très vite enrichi par d'autres armes, est simplement limité par une barre d'énergie, elle aussi extensible par le biais d'objets collectables et qui se remplit automatiquement après quelques secondes. De quoi éviter d'abuser des bombes surpuissantes ou de perdre du temps à casser des pots pour trouver des flèches, tout en dynamisant l'exploration et les combats.
Les armes font également office d'outils pour résoudre les différents types d'énigmes et accéder aux coins les plus reculés du monde de Blossom. Des marais à la forêt sombre en passant par les monts enneigés, les zones ont un air de déjà-vu mais elles proposent chacune de soigneuses compositions de pixel baignées dans de jolis effets de lumière et accompagnées par des thèmes rétro chiptune nous plongeant dans une époque à mi-chemin entre le 8 et le 16 bits. Les sprites, notamment les personnages, sont volontairement peu détaillés pour un effet nostalgique maximal, au détriment d'un pixel art plus riche comme on peut en voir aujourd'hui.
Parcourir ce monde empreint de simplicité pour déceler le moindre trésor caché reste agréable et prenant. Un système de relais permet de se téléporter un peu partout pour faciliter les retours en arrière, sachant que la carte indique en permanence l'endroit vers lequel se diriger pour progresser, même en plein donjon. S'il n'y en a que quatre à découvrir, ils sont particulièrement étendus avec un grand nombre de salles dans lesquelles on retrouve en condensé tout ce qui fait la force des Zelda-like. Bien que reprenant des mécaniques classiques, les énigmes font preuve d'une belle ingéniosité et la difficulté monte crescendo, même si les habitués du genre trouveront là une balade de santé. Mécanismes à activer en allumant des flambeaux, labyrinthes, rochers à déplacer sur des cases, sol qui s’effondre... certains passages requièrent tout de même patience et minutie, ainsi qu'une certaine dextérité pour les combats de boss qui viennent conclure en beauté chaque donjon.
Le conte est bon
Avec son nombre restreint de donjons, Blossom Tales invite à sortir des sentiers battus par le biais de PnJ en détresse, qui demandent systématiquement à ce qu'on leur amène 20 trophées à récupérer sur les cadavres des monstres. Pas de grandes épopées narratives donc, mais les récompenses telles que les iconiques quarts de coeur, qui s'accumulent très vite, sont une source de motivation suffisante. De quoi donner un minimum de profondeur à une aventure dont on fait le tour en une bonne dizaine d'heures, un peu moins si l'on fait abstraction des objectifs annexes.
Blossom Tales porte alors bien son nom puisqu'il se savoure comme un conte que l'on a déjà lu plusieurs dizaines de fois, mais qui procure toujours la même sensation réconfortante. On peut forcément pester contre son manque de prise de risque et son classicisme exacerbé laissant peu de place à la surprise ou l'originalité : oui, Blossom Tales se contente de réciter sa partition, mais il le fait avec une telle précision qu'on ne peut qu'apprécier le voyage.
Points forts
- Une aventure condensée (7-8 heures en ligne droite et en mettant de côté le contenu annexe) sans temps mort
- Des énigmes bien exécutées...
- Un vrai hommage réussi aux Zelda 2D venant titiller la nostalgie des joueurs
- Un pixel art coloré, sobre et efficace
- Une bande-son chiptune agréablement entêtante
Points faibles
- N'invente rien d'un point de vue gameplay / game design
- Aucune prise de risque; peu de moments surprenants
- ... bien qu'un peu répétitives
Si vous aimez les Zelda 2D des années 80 / 90, vous serez à coup sûr séduit par l'atmosphère teintée de nostalgie qui colle à la peau de Blossom Tales. Grâce à une exécution maligne, un ton visuel et sonore accrocheur ainsi qu'une histoire aussi charmante qu'amusante ponctué de nombreux clins d’œil que l’on découvre avec un sourire aux lèvres, il dépasse le cadre du simple fan game à la limite du plagiat pour s'imposer comme un hommage débordant d'admiration pour l'oeuvre dont il s'inspire, auquel il manque simplement une étincelle de folie et de créativité. Et c'est déjà une belle réussite.