Les premiers rayons du jour percent au travers d’un amoncellement de débris et viennent caresser vos vibrisses gluantes. L’air est frais mais vous êtes blotti, au chaud, entre votre frère et votre mère. Celle-ci est déjà affolée : le soleil est matinal et les menaces qui rôdent le sont tout autant. Alors que vous traversez un précipice en équilibre sur un conduit d’évacuation, une averse vous surprend et, malheureusement, vous glissez et tombez. Désormais séparé de votre famille, vous allez devoir apprendre la survie. Bienvenue dans Rain World.
En bas de l’échelle alimentaire
Une fois la scène d’introduction passée, vous vous retrouvez dans un monde encore inconnu que vous allez découvrir en même temps que votre avatar, cette étrange mais pourtant si attachante créature que les développeurs nomment “Slugcat”. Notre félimace se retrouve donc au fond de ce gouffre et découvre avec stupeur l'inhospitalité des lieux, impression qui perdurera durant toute l’aventure car le jeu dépeint un avenir pessimiste que l’on imagine précipité par les hommes. Vous évoluerez dans des ruines industrielles diablement bien réalisées, Adult Swim Games nous servant là un pixel art des plus fins. Rétros mais pas datés, les décors fourmillent de détails et la lumière, gérée dynamiquement, vient subtilement sublimer le tout. Feature pas uniquement esthétique car vous pourrez par exemple anticiper l’arrivée des monstres ailés grâce aux ombres qui les précèdent. Par ailleurs, le choix des couleurs, s’il confère un charme indéniable au jeu, tranche radicalement avec la nature du propos. Un parti pris artistique audacieux qui a le mérite de nous marquer, d’autant que les ennemis sont directement impactés par ce code de couleur.
Si les différents résumés du jeu nous positionnent au milieu de la chaîne alimentaire dans Rain World, il s’avère finalement que vous occupez l’antépénultième place, juste avant les fruits et les chauves-souris. Une position bien peu enviable car à peu près toutes les créatures que vous rencontrerez voudront votre peau. Et chacune dispose d’une couleur que vous intégrerez rapidement : les crocodiles verts seront facilement évitables, ne disposant d’aucune capacité particulière. Les roses, quant à eux, pourront vous suivre en hauteur afin de vous croquer. Les bleus, encore plus pénibles, s’agrippent aux décors et vous poursuivent partout, sans relâche. Enfin, le crocodile caméléon se fond dans le décor et vous ne le verrez qu’une fois sa gueule refermée sur votre nuque. Si ces bestioles vous feront suer au début de l’aventure, elles seront finalement peu de choses face aux autres menaces qui composent le bestiaire, et croyez-moi, le danger est omniprésent.
Un bon repas au lit
Vous apprendrez ainsi, à vos dépends, que la survie n’est pas chose aisée. Rain World n’est pas de ces jeux qui vous prennent la main pour vous expliquer patiemment chaque mécanique de gameplay. Loin de là. Tout juste aurez vous quelques indications concernant la nécessité de vous nourrir et de trouver un abri sûr pour hiberner. Car oui, pour progresser dans le jeu, il vous faudra trouver de quoi subsister dans le but d’entamer une hibernation nécessaire à la bonne progression dans l’aventure.
Découpé en cycles, le jeu démarre par le réveil du Slugcat et se termine invariablement par une averse diluvienne qui vous coûtera la vie si vous ne trouvez pas un abri. L’environnement quant à lui se compose de pléthore de niveaux reliés entre eux par des canalisations que la plupart des créatures peuvent emprunter. Changer de zone ne sera donc pas suffisant pour semer vos prédateurs et le salut se fera souvent par l’ascension. Notre félin est agile et peut se faufiler à peu près partout, mais il ne s’agit pas là d’un avantage car les ennemis le peuvent aussi. Heureusement le level design fait des merveilles et offre de nombreuses possibilités d’infiltrations. Rencontrer des ennemis dans les galeries souterraines n’est pas problématique car vous pourrez facilement emprunter des chemins détournés pour parvenir à l’autre bout du niveau. Mais comme je vous l’ai dit plus tôt, Rain World se veut très difficile et à la manière de la sélection naturelle, enchaîne les épreuves et mises à mort pour ne garder que les meilleurs d’entre nous. Ainsi, le passage à la région suivante se fait souvent par le biais de zones à ciel ouvert dans lesquelles la confrontation est souvent inévitable et en votre défaveur.
La meilleure défense, c’est la fuite
Si Rain World lorgne du côté des jeux de survie et fait de vous une proie de choix, il a le bon goût de laisser à notre félimace quelques moyens de défense. Les niveaux regorgent ainsi de projectiles contondants qu’il est possible de loger dans les dents ou entre les côtes des maudites créatures qui veulent votre peau. Hélas, la plupart du temps, vos lancés ne feront que chatouiller vos adversaires et seront rarement létaux. Le combat n’est donc pas une option viable et le bourrinage se soldera forcément par un échec, vous renvoyant directement dans le dernier terrier visité et vous faisant perdre un rang au passage.
Less is mort
Non content de reposer sur une difficulté parfois rebutante, le jeu d’Adult Swim Games introduit un système de rang. Toute succession d’hibernation non ponctuée de game over vous récompensera par l’obtention d’un nouveau rang, que vous perdrez aussitôt qu’une créature fera de vous son repas. Un système classique si ce n’est que pour pouvoir espérer changer de région, il vous faudra disposer du rang requis par la porte qui scelle chaque zone. Une contrainte bien pénible donc, d’autant qu'elle n'est énoncée nulle part. Croyez-moi, il est rageant d’enchaîner les game over en retournant chaque zone à la recherche du moindre indice pour finalement vous apercevoir que le symbole qui figure dans le coin inférieur gauche de l’écran correspond à votre rang de survie.
“I will survive…”
L’ambiance survivaliste du jeu passe également par sa bande sonore qui, ici encore, se la joue minimaliste. Les mélodies sont très effacées et n’émergent qu’en présence d’ennemis, comme pour renforcer ce sentiment de danger imminent. En revanche, l’environnement sonore est omniprésent et incroyablement crédible. Le clapotis de l’eau, le cliquetis des pattes fines des scolopendres qui se faufilent entre deux conduits pour venir se délecter de vos entrailles, les cris aiguës des chauves-souris qui tentent de vous échapper, tous ces sons contribuent à la cohérence du titre.
Dans l'écosystème impitoyable de Rain World, la survie est donc difficile, nécessite de la concentration et mobilise tous vos sens, tout faux pas conduisant à une mort punitive. Si vous voulez voir le bout de ce périple, il faudra donc être (très) patient.
Points forts
- La direction artistique, magnifique
- L’ambiance post-apocalyptique réussie
- Les animations des créatures
Points faibles
- La difficulté, beaucoup trop élevée
- L’absence d’explications, agaçant au possible
- Devient vite répétifif
Si les jeux de survie imposent souvent une difficulté exacerbée au service d’un réalisme assumé, Adult Swim Games va plus loin encore en nous livrant un jeu qui ne se destinera qu’aux joueurs les plus expérimentés. En effet, si l'intransigeance est inhérente à ce genre de jeux, difficile de pardonner le durcissement artificiel du challenge par l’absence pure et simple d’explications nécessaires à la compréhension de certaines mécaniques. Cependant, si voir mourir à répétition votre félimace ne vous émeut point, Rain World saura vous gratifier de paysages magnifiques, sublimés par une direction artistique aux petits oignons.