C’est désormais devenu une habitude chez BioWare de proposer du contenu téléchargeable payant pour chaque nouveau jeu, quelques mois après la sortie de celui-ci. Dragon Age Inquisition n’échappe pas à la règle et se voit doté d’un premier ajout solo d’envergure, Les Crocs d'Hakkon. Reste à vérifier si celui-ci mérite le prix demandé pour en profiter.
Ameridan et les Alvars
L’Inquisition est contactée par un chercheur d’Orlaïs, Kenric, parti sur les traces du dernier Inquisiteur avant votre personnage, Ameridan. Celui-ci a disparu 800 ans plus tôt dans la région du Cirque des Dorsales de Givre, au Sud de Thédas, en plein territoire Alvar, peuple farouche et indépendant, qui ne reconnaît pas l’autorité de la Chantrie ni celles des Etats. Curieux de découvrir ce qu’il est advenu de cet illustre prédécesseur, votre équipe habituelle se rend sur place et apprend par l’éclaireuse Harding qu’un clan local hostile, les Crocs d’Hakkon, met des bâtons dans les roues de l’expédition. Cependant, un autre groupe, le village de Rochours, dirigé par Svarah Solmèche, pourrait au contraire vous prêter main forte. Comme rien n’est jamais simple, vous vous rendrez rapidement compte que vous avez mis les pieds dans un nid d’ennuis dont il va falloir vous dépêtrer.
« L’important, dans un RPG, c’est le scénario »
Autant le préciser tout de suite : le scénario des Crocs d’Hakkon n’apporte rien à l’histoire principale. Pas de révélations, pas d’intervention de personnages ayant un rapport avec la Brèche ou le grand escogriffe qui en est à l’origine. Ce qu’il se passe dans le Cirque est complètement indépendant et le seul impact sur l’intrigue générale est que, si vous ne faîtes rien pour régler le très gros problème qui se profile à l’horizon, il se rajoutera à vos ennuis préexistants. Concrètement, donc, vous pouvez tout à fait passer outre ce DLC sans que cela prête à conséquence pour le reste de votre partie.
Côté scénario proprement dit, celui-ci n’est malheureusement pas des plus originaux. Vous débarquez dans un nouveau lieu pour apprendre qu’une menace ancestrale ressurgit, comme par hasard juste au bon moment pour vous casser les pieds. On est là dans l’illustration parfaite de la règle du RPG qui veut que, quand un personnage vous parle d’un évènement ancien et grave avec un groupe qui s’y intéresse par-dessus le marché, vous pouvez être sûrs qu’il finira par vous revenir dans la figure d’ici la fin du jeu. Ce qui ne manque pas d’arriver. Alors, bien sûr, vous aurez deux-trois révélations sur ledit évènement et ses protagonistes, et vous rencontrerez quelques personnages marquants (dont Svarah et Kenric) en cours de route, mais globalement, l’histoire des Crocs d’Hakkon n’est ni très originale, ni très bien racontée.
Le principal intérêt, à ce niveau, vient plutôt de ce que l’on apprend sur l’Univers du jeu : le précédent Inquisiteur, la culture et les dieux Alvars, qui mériteraient mieux qu’un DLC, voire même quelques précisions sur la guerre Humains/Elfes. Vous avez également l’occasion de discuter un peu plus avec Harding, bien plus présente et bavarde que lors de vos rencontres habituelles, ce qui fait toujours plaisir. En dehors de cela, cependant, l’intérêt scénaristique est limité. Ce contenu n'est nullement indispensable pour comprendre l'histoire de base et vous ne manquerez pas grand chose à ce niveau en n'y jouant pas. C'est à fois un défaut... et un avantage. Si vous n'avez pas envie d'ouvrir votre portefeuille, au moins aurez-vous la certitude et la satisfaction de ne rien rater d'important pour la compréhension du scénario originel. C'est toujours ça de pris.
Le Guide du Routard de Thédas
Niveau terrain de jeu, les développeurs n’ont pas fait les choses à moitié et vous proposent une toute nouvelle zone assez étendue. A noter que vous y accédez de la même façon que n’importe quelle autre zone du jeu, en passant d’abord par la table de commandement, puis tout simplement par la carte. Située au sud des Dorsales de Givre, et comme son nom l’indique, il s’agit d’un vaste cirque montagneux, en bord de mer. Vous traverserez donc des terrains maritimes, une vallée, un marais, et beaucoup de pentes à gravir. Le tout étant suffisamment vaste pour vous occuper un moment. C’est d’ailleurs l’un des défauts récurrents du jeu qui se répète ici : vous allez passer un temps fou à crapahuter d’un point A à un point B ou entre deux missions et la topographie des lieux n’est clairement pas faite pour vous faire gagner du temps… Ce que l'on appelle de la durée de vie artificielle, si on veut être honnête.
Visuellement, les environnements sont très beaux et assez variés, on passe d’une côte escarpée et rude à une vallée luxuriante, puis à un marais sombre et oppressant, ou une île battue par les vents. Esthétiquement, le Cirque des Dorsales de Givre est l’un des plus beaux environnements de Dragon Age Inquisition. On notera d'ailleurs un très bon travail sur les lumières et leurs effets, qui sont, sauf exceptions, splendides. Certains panoramas sont même à couper le souffle. Et on peut les explorer de jour… comme de nuit en avançant dans le scénario, sans en perdre au change. Bien que l'on puisse regretter que les passages nocturnes soient parfois trop sombres. Mais au moins, c'est assez réaliste. Deux fausses notes viennent cependant un peu gâcher le tableau. Tout d’abord, le village de Rochours, qui n’est qu’un équivalent un peu plus austère de Golefalois, qui n'était déjà pas bien réjouissant, et qui manque de personnalité. Et la disposition générale des lieux, très verticale, qui rend parfois l’exploration pénible. A part cela, la zone est néanmoins très réussie.
Combats et remplissage
Niveau gameplay, rien de neuf hélas. Les ennemis sont un peu plus costauds que dans le jeu de base, mais à part ça, rien de particulier à soulever. A l’exception des Crocs d’Hakkon, qui disposent de grosses brutes armées de masses, particulièrement pénibles à éliminer. Pour le reste, vous vous retrouvez en terrain un peu trop connu : exploration, camps à débloquer, occularums à utiliser et éclats à récolter (pour ouvrir une nouvelle porte située au nord du Cirque), figures d’astrariums à résoudre, quêtes d’élimination… Rien de bien original là non plus. Le problème vient, comme dans le jeu principal, du temps pris pour accomplir toutes ses missions annexes. Ça gonfle artificiellement la durée de vie, ça reste du remplissage basique, et c’est assez énervant. Seule une petite énigme, au demeurant assez facile, et la possibilité de recruter trois nouveaux agents (dont une assez surprenante), vous sortiront un peu de l’ordinaire. C'est peu.
Du côté des quêtes principales, c’est un peu plus varié. Mais il faut attendre la forteresse gelée pour avoir enfin un peu de challenge, le froid qui vient perturber votre progression étant d’ailleurs une très bonne idée. Et en ce qui concerne les boss, vous en aurez deux pour le prix d’un. Le premier a le charisme d’une huitre et vous entraîne dans un affrontement particulièrement bordélique. Le second, ignoblement spoilé par la bande-annonce, se combat comme tous ses congénères, donc rien de bien neuf, mais il a au moins le mérite de vous offrir un écrin digne de ce nom pour le dernier combat.
Au final, on se retrouve avec un challenge correct, sans plus, et une bonne durée de vie, dix à douze heures pour tout faire tranquillement. Mais celle-ci est faussée par les quêtes de remplissage et le temps passé à crapahuter de droite à gauche pour accomplir des tâches sans intérêts ou parcourir des kilomètres de pixels. Ce n'est pas non plus complètement désagréable, mais c'est quand même un problème et un défaut agaçant qui plombait déjà le jeu principal. Il peut donc être particulièrement irritant de le retrouver dans un contenu téléchargeable payant.
La question qui fâche
Alors, ce DLC vaut-il le prix exorbitant qui en est demandé, à savoir 14,99 € ? Pour le déterminer, il faut le comparer avec le jeu principal et les contenus antérieurement proposés dans les autres titres de l’éditeur. Or, ici, force est de constater qu’il s’agit d’un ajout assez moyen. Certes, la zone est belle et on apprend quelques petites choses sur l’univers. Cependant, il faut garder à l’esprit que, pour le même prix, BioWare nous avait vendu Awakening, une véritable extension du premier épisode, avec un scénario complet, de nouveaux personnages, de nouvelles zones… bref, une extension digne de ce nom. Et pour l’épisode suivant, L’Héritage et la Marque de l’Assassin avaient beau être plus courts, ils proposaient au moins des scénarios plus intéressants et prenants, avec des personnages marquants (Corypheus et Tallis) et plus de fun, pour 5 € de moins. Côté Mass Effect, Citadelle, par exemple, vendu au même prix, avait le mérite de vous occuper un bon moment tout en vous faisant rire. Rien de tel avec les Crocs d’Hakkon. Le contenu est certes sympathique et soigné, mais ça ne vaut certainement pas 14,99 €.
Points forts
- Une zone superbe…
- Des informations sur les Alvars et l’ancienne Inquisition…
- Une bonne durée de vie…
- Harding, Kenric et Svarah
Points faibles
- ... mais un peu pénible à explorer
- ... mais trop peu exploitées pour les rendre indispensables
- ... artificiellement gonflée par les quêtes de remplissage et la randonnée obligatoire
- Un scénario mal développé et décevant
- Un challenge limité
- On s’ennuie quand même un peu
Les Crocs d’Hakkon se révèle être un DLC assez moyen. S’il propose une nouvelle zone vaste et de toute beauté, ainsi que des informations intéressantes sur le passé de l’Inquisition ou les Alvars, le challenge proposé est finalement décevant. On se retrouve dans une énième région pleine de quêtes de remplissage sans intérêt, qui viennent allonger artificiellement une durée de vie tout de même honorable. Beaucoup trop cher pour ce qu’il propose, ce contenu est à réserver aux fans inconditionnels. Et à prendre en soldes.