Annoncé en juillet de l’année dernière, Olija a intrigué les esthètes du pixel art. Si son minimalisme visuel peut en rebuter certains, ce jeu d’action en 2D a d’autres arguments à faire valoir. Ceux qui se donneront la peine de passer outre leurs aprioris seront récompensés par une aventure prenante et un gameplay qui vaut le détour. Les amateurs de gros pixels, eux, seront au paradis pour quelques instants.
Alors que son peuple crie famine, le jeune seigneur Faraday prend la mer avec ses hommes dans l’espoir de construire un futur meilleur. En pleine tempête, une gigantesque baleine ravage leur embarcation. Aidé par un mystérieux chalutier, Faraday s’en sort indemne et se met en quête d’un harpon légendaire, à même de terrasser le monstre. Si cette prémisse n’a rien d’original, Olija peut compter sur la concision de ses cut-scenes et l’efficacité de sa narration pour investir le joueur dans son histoire. Jamais plus bavard que nécessaire, le jeu de Skeleton Crew va droit au but. Il use de quelques fulgurances de mise en scène et crée quelques moments fantastiques, autant dans leur exécution que dans le dynamisme de l’animation. S’il parvient à restituer quelques instants de poésie et de mélancolie avec une certaine justesse, c’est dans les phases d’action qu’il brille vraiment. En incorporant de brèves animations contextuelles en plein combat, Olija crée des phases d’escrime parfois saisissantes et particulièrement stylées. Nous ne vous décrirons pas les moments les plus marquants, mais nous ne résistons pas à l’idée de vous mentionner un combat particulièrement plaisant. Rencontrant un adversaire aussi vif que lui, Faraday affronte le bougre tout en escaladant une montagne en usant de dashs, d’esquives et de feintes. Cette ascension se transforme vite en un ballet épique et frénétique. Des moments aussi marquants, Olija en propose plusieurs et ces séquences s'intègrent parfaitement à la narration et au rythme de l’aventure.
Le Harpon Léviathan
Nous parlions plus tôt d’affrontements frénétiques et c’est à n’en pas douter l’un des points forts d’Olija. Le système de combat parvient à trouver un compromis assez parfait entre technicité et nervosité. La plupart des attaques sont accompagnées d'un nombre de frames d’anticipation et de rétablissement conséquent, sans être excessif. Pour faire simple, un coup ne sort pas instantanément et vous laissera vulnérable un court instant si vous ratez votre cible. Ainsi le joueur ne peut pas s’acharner sur la touche attaque, au risque de se faire punir sévèrement. Même si la marge d’erreur est assez large, chaque coup doit être délibéré, surtout si l’on veut profiter du système de combos particulièrement puissant. À chaque attaque portée sur un ennemi, une icône apparait au-dessus de notre héros. Après 4 assauts réussis, la prochaine attaque de Faraday sera décuplée et exterminera quiconque se tient devant lui. Seulement, ces pastilles disparaissent au bout de quelques secondes sans avoir porté de coups ou si l’on subit le moindre dégât. Ce système pousse donc le joueur à l’affrontement tout en requérant précaution et prudence. Une roulade est disponible pour échapper aux assauts les plus meurtriers, mais laisse vulnérable un bon moment, il faut donc être parcimonieux.
Pour compléter un gameplay déjà plaisant, Olija use d’équipements permettant des combos dynamiques et ravageurs. Ainsi, Faraday met très vite la main sur le harpon légendaire, central au gameplay. Comme Kratos et sa hache Léviathan, le seigneur peut lancer et rappeler le harpon à sa guise. Ce n’est pas tout, car si ce javelot atteint une cible valide, comme un ennemi ou une surface spécifique, Faraday peut se téléporter instantanément sur son arme. Outil de déplacement, arme redoutable, plateforme de fortune… Cette arme est au centre de l’intrigue et du gameplay d’Olija. Ce couteau suisse est extrêmement satisfaisant à utiliser, car il profite d’un auto-lock bien dosé. Mieux encore, si la téléportation offerte par le harpon est incorporée dans un combo, l’icône surplombant notre héros devient dorée et améliore encore son assaut final. Sans l'y obliger, Olija incite le joueur à virevolter avec maitrise entre ses opposants pour faire pleuvoir la mort avec panache. Ce style de jeu est toutefois facultatif et un joueur moins aguerri pourra se rabattre sur les 4 armes secondaires pour approcher prudemment les affrontements. Ces équipements se débloquent au fil de la progression et sont loin d’être facultatifs. En effet, chacun d’entre eux peut être utilisé pour conclure la phase de combo et décupler son efficacité. Un coup de rapière se transforme en une saillie transperçant tout sur son passage et un carreau d’arbalète devient une rafale meurtrière. On prend énormément de plaisir à terrasser ses adversaires dans Olija grâce à son système de combat d’une efficacité redoutable. Simple sur le principe, il permet des séquences particulièrement satisfaisantes, notamment contre les boss où Faraday virevolte d’un bout à l’autre de la pièce. Nous ne vous révèlerons pas la dernière arme qu’il récupèrera, mais elle offre des affrontements d’un dynamisme saisissant.
Olija ponctue ses phases d’actions de séquences d’exploration et de plateformes bien pensées. Le harpon est mis à profit et crée quelques moments de voltige plaisants. Il est également central dans la résolution d’énigmes simples, mais agréables à résoudre. Ainsi on électrifie notre fidèle serviteur pour activer des mécanismes ou l’on se projette d’écran en écran en ignorant les gouffres les plus impressionnants. Sans aller dans le metroidvania, Olija nous perd parfois un court instant et nous oblige à retraverser un niveau pour rejoindre un passage auparavant bloqué. On rejoint régulièrement notre base, Rade-Marée, pour récupérer de la vie, envoyer un navigateur en expédition ou se confectionner de nouveaux couvre-chefs. Ces chapeaux disposent tous de capacités passives permettant d’adapter son style de jeu à une situation précise ou à ses envies. Ainsi l’un permet de ne subir aucun dégât de l’acide, ce qui peut s’avérer indispensable tandis qu’un autre débloque une attaque tourbillonnante redoutable. On pourra même hériter d’une coiffe que ne renierait pas Raiden de Mortal Kombat. Cette dernière permet d’électrifier le harpon et donc de passer outre certaines énigmes.
Une introduction qui rappelle le travail d'Éric Chahi
De belles influences
Ces combats particulièrement prenants ont beaucoup de punch, notamment grâce à un sound design percutant. Les coups sont lourds tandis que les corps se disloquent dans un enchainement de bruits poisseux. Et si certains peuvent reprocher à Olija son esthétique minimaliste, elle parvient tout de même à restituer des atmosphères pesantes et des séquences très bien animées. On sent l'influence qu'ont pu avoir les action platformer cinématiques du début des années 90 sur Thomas Olsson, le développeur et programmeur principal du titre. Certaines zones renvoient plus ou moins directement au travail d'Éric Chahi ou de Paul Cuisset. Il y a un peu d’Another World et de Flashback dans Olija. S’il n'est pas impossible que le rendu visuel du jeu soit lié à son budget, sa patte artistique est pleine d'intention et ne semble jamais trop limitée pour servir son propos. Nous avons personnellement été séduits par la palette de couleurs et ses fulgurances de mise en scène. Surtout que le tout est porté par une bande originale ne se limitant pas à des pistes synthétiques comme son esthétique pourrait le laisser présager. Les lignes de guitare mélancoliques se mêlent à des cuivres épiques et en de plus rares occasions à des instruments traditionnels asiatiques. Notez que la plupart des pistes ont été composées par Thomas Olsson lui-même.
Si nous sommes enthousiastes, voire dithyrambiques sur certains aspects, c’est parce que notre bref moment passé en la compagnie d'Olija était réellement formidable. Ce moment est malheureusement passé aussi vite que Faraday fond sur sa lance, car nous sommes arrivés aux crédits en 4 heures seulement. Nous comptons nos morts sur les doigts d’une main, un joueur un peu moins aguerri que la moyenne prendra donc un peu plus de temps. Dans le cas contraire, c’est indéniable, Olija est trop court. Si une faible durée de vie n’est pas problématique en soi, nombre d’excellents titres se bouclent en une poignée d’heures, elle laisse un gout de trop peu dans le cas présent. En effet, c’est uniquement au moment d’occire le boss de fin que l’on a le sentiment d’avoir pleinement maitrisé le système de combat et d’avoir utilisé tous les outils à notre disposition à bon escient. Il manque un ou plusieurs niveaux au challenge plus corsé, mettant notre adresse à l’épreuve et nous permettant de nous exprimer. Nous révons d'un défi nous obligeant à alterner entre toutes les armes secondaires, à nous mouvoir de part et d'autres de l'écran en semant la mort. À peine fini, l'envie d’y retourner est là, mais l’idée de perdre tout notre équipement et de ne pas pouvoir laisser libre cours à notre créativité et à notre maitrise nous en empêche.
Points forts
- Franchement joli et très bien animé (pour qui aime les gros pixels)
- Le harpon, un couteau suisse redoutable
- De belles fulgurances de mise en scène
- Une bande-son plaisante
- Virevolter sur les champs de bataille, un plaisir
- Des combats de boss qui ne déçoivent pas
- Le système de combat, tout simplement excellent...
Points faibles
- ...Mais qui n’a pas le temps d’atteindre son plein potentiel
- Une aventure qui s’arrête bien trop tôt (4 heures de jeu)
Difficile de ne pas sortir tiraillés de nos quelques heures passées avec Olija. Nous avons pris un plaisir incommensurable à fondre de cible en cible pour conclure nos assauts par un coup fatal extrêmement satisfaisant. Sa mise en scène nous a régulièrement transportés, tandis que ses combats de boss intelligemment conçus nous ont pleinement engagés. Seulement, au moment où nous avons entièrement assimilé ses mécaniques, Olija s’est arrêté. À peine le dernier équipement débloqué, les crédits de fin nous reprennent des mains des systèmes de jeux qui n’attendaient qu’un ultime niveau pour briller de mille feux. Nous aurions aimé pouvoir tester nos capacités dans une dernière ascension retorse, en nous défendant d'une embuscade à l’issue incertaine ou lors d’un duel final au sommet façon Genishiro Ashina de Sekiro. Espérons qu’une suite ou qu’une extension de contenu verra le jour, car avec Olija l’équipe de Skeleton Crew a quelque chose de spécial entre les mains. Nous garderons désormais un oeil averti sur le travail de Thomas Olsson, qui frappe fort pour sa première collaboration avec Devolver Digital.