Avec plus de 3 millions d'exemplaires de Persona 5 écoulés dans le monde, il était clair qu'Atlus exploiterait le filon jusqu'au bout. Ainsi, après Persona 5 Dancing Star Night et Persona 5 Royal, l'éditeur a décidé d'aller plus loin en offrant une véritable suite à son RPG culte, mais à travers un genre qui change au profit du style "Warriors" de Omega Force, la situation est totalement explosive pour les fans tant le jeu se doit d'être à la hauteur de son illustre préquelle.
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Le test principal a été réalisé à partir d'une version japonaise, sur une partie complétée de 46 heures de jeu.
Atlus nous l’avait promis et l’éditeur a tenu parole. Persona 5 Strikers propose des sous-titres en français, à l’image de la réédition "Royal" de l’épisode précédent, ce qui facilite la compréhension de l’intrigue pour les joueurs francophones. Les fans et même les néophytes de la série Persona 5 peuvent ainsi découvrir la suite des aventures des Voleurs Fantômes dans les meilleures conditions. De plus, des doublages en anglais, en plus de ceux japonais, complètent un très bon travail de localisation. Aucune erreur majeure de traduction, ni même de “coquille”, n’ont été relevées lors de nos retrouvailles avec Joker et ses camarades.
Pouvoir jouer à Persona 5 en dehors de l’écosystème PlayStation est un rêve devenu réalité pour de nombreux joueurs impatients de découvrir un univers et des personnages haut en couleur. Le spin off “Strikers” profite d’un confort de jeu optimal sur PC, et nous n’en attendions pas moins de ce Beat’em All (Beat’em Up en anglais) qui affiche 60 images par seconde, le tout en 4K (3840*2160) sur des configurations modestes (i7-8700 3.70GHz, 16 GB RAM, GTX 1080 Ti). Que ce soit les modèles 3D, les textures, les effets visuels ou encore les menus, rien n’a été laissé au hasard par les développeurs. Toutefois, de très rares assets 2D de l’interface en jeu (ou HUD) manquent parfois de définition. Ces quelques imperfections ne gâchent en rien le travail effectué sur la direction artistique "anime japonais", saluée par la presse et le public, qui encore aujourd’hui se révèle d’une efficacité à toute épreuve.
Persona 5 Strikers débarque également sur la console hybride de Nintendo, non sans plusieurs sacrifices nécessaires afin de combler le manque de puissance de ladite machine. La Nintendo Switch vise une résolution en 1080p une fois dockée, même si celle-ci fluctue par instant, et se contente d’un 720p efficace en mode portable. De plus, le titre d’Atlus cherche à conserver un framerate stable à 30 images/seconde en toutes circonstances ce qu’il parvient à faire la majorité du temps, bien que des chutes notables dudit framerate soient à déplorer notamment face à des groupes d’ennemis particulièrement nombreux. Pour le reste, Persona 5 Strikers sur Nintendo Switch n’a pas à rougir des versions PC et PlayStation 4, exception faite du crénelage (ou aliasing) parfois prononcé lors des saynètes statiques en 3D. Loin d’être leur égal techniquement parlant, le contraire aurait été étonnant, cette version "Switch" demeure une alternative à conseiller aux joueurs désireux d’explorer cet univers sans contrainte de lieu et/ou de temps.
C'est un très beau mois de juillet à Tokyo. Yaldabaoth est vaincu, la société est apaisée et Joker coule des jours paisibles au domicile familial... Vous l'aurez compris, pas pour longtemps. D'étranges affaires secouent la sphère politique : trucage des comptes publics révélés au grand jour, des conseillers municipaux de Sapporo qui avouent des fraudes, un romancier qui renonce à son prix... La police est à nouveau sur les dents et le suspect ne fait aucun doute : les Voleurs Fantômes ont repris du service et la sécurité publique compte bien remettre les pendules à l'heure cette fois-ci.
Bien loin de connaître encore les soupçons qui pèsent sur lui, Joker, de passage à Tokyo, est bien vite rattrappé par les mondes parallèles, pourtant censés avoir complètement disparu. Alors qu'ils assistent à un événement d'une starlette locale appelée Alice, lui et Ryûji se retrouvent transportés dans un Shibuya gothique infesté de Shadows. C'est là qu'il sont rejoints par Sophie, une étrange habitante de ce monde parallèle qu'elle appelle Jail. Tout comme les Palais de Persona 5, la Jail pourrit la vie des habitants de Shibuya. Les Voleurs Fantômes décident donc effectivement de reprendre du service pour rétablir la paix dans le quartier. Mais bien sûr, cela ne constitue que le début de l'enquête qui les mènera à des complots plus vastes.
Assez assimilables aux donjons de Persona 5, les Jails montrent pourtant quelques différences majeures. Premièrement, le temps n'est pas limité dans Persona 5 Scramble : alors que dans Persona 5, il fallait terminer chaque donjon en deux ou trois semaines dans le jeu, ici le joueur peut prendre tout son temps, aller et venir dans le niveau tant qu'il veut. La date ne change que lorsqu'un objectif principal est complété. On pourra d'ailleurs accéder par la suite à n'importe quel donjon débloqué, puisque contrairement aux Palais du précédent titre, les Jails ne disparaissent jamais. On peut tranquillement mettre des quêtes annexes de côté et les compléter plus tard. Dernière nouveauté et pas des moindres, on peut maintenant contrôler n'importe quel personnage dans les donjons, et pas seulement Joker. A noter également que tous sont disponibles dès le début, hormis un nouveau membre qui arrive bien plus tard. Dernière différence, les Jails sont tous des environnements extérieurs, ce qui donne une nouvelle approche à la progression et plein de nouvelles animations sympathiques pour tous les membres de l'équipe. En d'autres termes, Persona 5 Scramble est un Persona plus cool, dans le sens où le joueur a moins de contraintes… ce qui ne signifie pas qu'il est facile !
Shadow Warriors
Venons-en donc au gameplay, qui est sans conteste le gros point d'interrogation quand on passe d'un tour par tour d'une telle qualité à un action-RPG. Rassurons tout de suite les fans en disant que malgré le grand saut dans la formule Warriors, Persona 5 Scramble conserve tous les grands principes de l'original et ne perd ni l'esprit, ni la richesse des combats de Persona 5. Chose étonnante pour un jeu Omega Force, cette suite conserve le côté infiltration de l'original. Les Shadows se baladent dans les donjons exactement comme dans Persona 5, et le joueur dispose de cachettes pour les éviter ou les surprendre. Il y en a même encore plus, puisqu'on peut maintenant se placer en hauteur. Ce n'est que lorsque le joueur est repéré ou décide d'attaquer une Shadow que celle-ci fait apparaître une ou plusieurs dizaines d'opposants, comme le veut la tradition du genre.
A l'instar d'autres Warriors-like, les touches et offrent une variété de combos appréciable pour cogner les vagues de Shadows avec entrain. Des coups ou des finishs plus particuliers sont obtenus en tant que Master Arts en utilisant au maximum le personnage désiré. Cela tombe probablement sous le sens, mais Persona 5 Scramble inclut des Personae, et donc de la magie qui vient s'ajouter aux possibilités sus-citées. Les nombreux éléments de Persona 5 Royal remettent sur la table le jeu des forces et faiblesses, les états aléatoires bien gênants, ainsi que le principe du one more. Le personnage peut de cette manière rallonger l'action en cours quand il touche le point faible de l'ennemi, voire appeler toute l'équipe pour nettoyer la zone. Soulignons que comme dans la précédent, Joker dispose de plusieurs Personae, bien que le choix ne soit pas aussi étendu qu'avant. Enfin, nos voleurs au grand coeur ont tous un Showtime personalisé (il ne se fait plus par paire) pour infliger de gros dégâts avec classe.
Mais alors, qu'est-ce ça change ? Tout, car le rythme des combats est excessivement rapide. Imaginez que vous jouez à Persona 5 Royal et que vous devez prendre toutes les décisions en une demi-seconde. Eh bien Persona 5 Scramble, c'est un peu ça : des combats électriques où l'action se passe à toute vitesse malgré la diversité des commandes possibles. Même si le menu de Persona sur R1 arrête le temps à la manière du très bon compromis trouvé dans Final Fantasy VII Remake , c'est singulièrement intense du début à la fin. A cela s'ajoute un challenge particulièrement relevé, avec des héros qui peuvent tomber KO en deux ou trois coups en mode normal. La dextérité du joueur est parfois violemment mise à l'épreuve, si bien que le qualifier de "Dark Souls des jeux Warriors" était tentant.
Mais nous n'utiliserons pas ces grands mots, en partie parce que Persona 5 Scramble s'avère, bizarrement, beaucoup plus dur au début qu'à la fin. Les boss (et même les semi-boss) des trois premières Jails sont cauchemardesques tant la moindre erreur d'inattention mène au KO général. Ceci dit, on s'habitue progressivement aux particularités du système de combat et on résiste mieux. Le Phantom Move, par exemple, permet de sauter en un éclair sur un élément du décor. Non seulement cette vitesse de déplacement permet d'éviter bien des attaques, mais l'élément en question peut également être utiliser de manière offensive ! Faire exploser une voiture, faire tomber un chandelier, lancer des lames ou actionner un énorme canon laser, là encore le titre d'Atlus ne manque pas d'idées pour divertir le joueur.
Band of Brothers
Le système de Band aide aussi beaucoup tout au long de l'aventure. Il représente le niveau de "camaraderie" entre les Voleurs Fantômes et augmente soit dans les étapes importantes de l'aventure, soit dans des quêtes annexes, surtout celles émise par les potes de Joker. Les points ainsi octroyés sont utilisés pour améliorer entre autres les statistiques de l'équipe. Qui dit plus de force, plus de défense, et surtout qui dit plus de SP dit des combats largement plus abordables. Dans Shibuya, au tout début, il y a juste assez pour se soigner une ou deux fois avant de devoir rentrer ! En fin de partie, Sophie, Makoto et Joker disposent tous de puissants sorts de soin, et le joueur de beaucoup plus d'argent et d'objets. Mais la palette va beaucoup plus loin puisque vous pouvez ajouter des munitions pour les armes à feu (pas souvent utilisées mais qui souvent parfois la vie), résister aux états anormaux ou multiplier les promos à la boutique. Maximiser le Band demande des dizaines d'heures, si ce n'est deux parties.
Le plus merveilleux dans tout ça, c'est que Persona 5 Scramble n'est pas juste un jeu Warriors auquel on aurait bêtement appliqué un skin Persona 5. C'est un vrai jeu Persona qui reprend à son compte, en l'améliorant beaucoup, le principe proposé par Koei Tecmo. C'est une suite pure et sincère avec ce que cela suppose en termes d'humour et narration, bien que certains trouveront peut-être le ton global beaucoup plus (voire trop ?) léger. Chaque Jail à un "roi" que l'on peut rapprocher des maîtres des palais de Persona 5, avec donc à la clé les célèbres scènes de confession. En revanche, il n'y a pas vraiment de super-méchant dans Persona 5 Scramble : tous les antagonistes sont "excusables" et le scénario prend globalement moins. La conclusion, par ailleurs, est étrangement exactement la même que celle de Persona 5, à savoir la critique en fond d'une société qui a renoncé à sa volonté de puissance et qui se complait dans le spectacle.
Persona 5 Scramble propose quand même quantité de passages admirables et on sympathise volontiers avec les nouveaux personnages, tous très réussis dans leur histoire comme dans leur personnalité. En dépit d'une intrigue moins savamment construite, l'esprit Persona 5 est bien là : une équipe ultra-soudée, où pourtant chaque individualité est bien mise en valeur au cours de l'histoire. L'éveil des Personas est encore une fois un moment inoubliable, même s'il y en a forcément bien moins. On retrouve aussi une écriture fascinante dans le choc des idéaux que les héros ont avec certains antagonistes, notamment vers la fin : peut-être encore plus que dans le précédent, Atlus repousse la frontière entre le bien et mal pour interpeller le joueur sur la dimension éthique de débats bien réels. On s'émerveille une fois de plus du design des donjons, très poussé dans une allégorie toujours ingénieuse de l'imposture morale du boss. Ces derniers sont eux-mêmes toujours aussi déjantés et, comme dit plus haut, très forts. Attendez-vous encore à des scènes de folie.
Le van des voleurs
Persona 5 Scramble inclut toujours cet humour tout simplement magique : vacances obligent, pas de cours, mais en revanche Joker et sa bande vont emprunter un camping-car pour un road trip délicieux dans tout le Japon (car les Jails ne sont pas qu'à Tokyo). De Sendai à Osaka, les Voleurs Fantômes visitent quelques coins branchés de l'archipel, comme le parc de la tour de Sapporo. Alors certes, ce n'est pas super grand mais quand on a déjà eu la chance de visiter ces villes, c'est assez formidable d'y revenir en compagnie de Joker. Le prisme du voyage est très original et apporte une foule de bonnes idées au point que cela force l'admiration. Par exemple, quand vous êtes à Osaka, Sophie (qui tient une boutique en ligne) dit ookini au lieu de arigatô comme le veut le dialecte du Kansai. On ne compte pas le nombre de passages hilarants dans Persona 5 Scramble, qui n'a absolument rien à envier à son prédécesseur en la matière !
Pour le principe, on notera quelques bémols, comme l'étonnant passage à vide au milieu du jeu. Les donjons se font beaucoup plus petits, les boss nettement moins élaborés... c'est particulièrement décevant à Kyoto car l'ancienne capitale ne dispose que de son donjon... et d'aucune partie "ville". Mais bon sang, s'il y a une ville où on aurait voulu se balader, c'est bien celle-ci ! Le fan médusé voit s'écrouler ses rêves de Kiyomizudera, de Kinkakuji, de Fushimi Inari en jeu vidéo. N'espérez pas non plus une durée de vie à la hauteur de Persona 5 Royal : Persona 5 Scramble se boucle en 30-40 heures et le contenu annexe est très réduit.
Un point sur la technique est aussi de rigueur, car Persona 5 Scramble est vraiment très en retard sur le plan graphique. En dépit de ses qualités artistiques toujours exceptionnelles, le jeu ressemble toujours à de la PlayStation 3, la modélisation des personnages étant parfois carrément médiocre quand on regarde de près (mais le jeu sortant également sur Nintendo Switch, on peut comprendre ce potentiel écart générationnel). Si certains contours ont été manifestement affinés, on est encore loin du compte et Persona 5 Scramble risque de faire grimacer le possesseur de PlayStation 4, surtout s'il a joué à Final Fantasy VII Remake. Tout cela pour dire qu'Atlus est maintenant un développeur au succès mondial et qu'opter pour le moins-disant technologique n'est plus de son niveau. S'il veut rester parmi les grands, Atlus doit exploiter au maximum, si ce n'est la puissance de la PlayStation 5, au moins celle de la PS4. Les innombrables fans de Persona 5 et leur soutien indéfectible méritent l'excellence à tous les niveaux.
Points forts
- Du Persona 5 pur et dur
- Drôle et émouvant à la fois
- Un road trip en or pour les fans du Japon
- La richesse et l'intensité des combats
- Le génie artistique bien présent
- Des musiques toujours plus cool
Points faibles
- Vraiment très en retard graphiquement
- Pas ou peu de contenu annexe
- Scénario moins fort
Que dire sinon que les fans du hit planétaire d'Atlus seront ravis de trouver en Persona 5 Scramble la vraie suite qu'ils attendaient, et que même peut-être, ils n'en attendaient pas. Même dans un genre différent, le titre confié à Koei Tecmo prolonge le plaisir de Persona 5 Royal de manière remarquable, utilisant à bon escient les mécaniques des jeux "Warriors". Il conserve parfaitement l'esprit de l'original, dans l'ambiance comme dans le gameplay. Autant de qualités qui compensent largement une réalisation très en-deçà des standards actuels, en espérant qu'Atlus progresse sur ce plan dans les années à venir.