Le mois prochain, la première Xbox fêtera ses 20 ans, et par voie de conséquence, c’est la marque Xbox dans sa globalité qui soufflera ses 20 bougies. Afin de fêter cet événement, Daniel Howley de Yahoo Finance a pu interroger Robbie Bach, l’ancien responsable de la console au gros “X” (de 1999 à 2010). Il y évoque les doutes initiaux de l’équipe, le rôle de Bill Gates, les échecs mais aussi les réussites.
Xbox VS les autres
Les anciennes têtes pensantes du projet Xbox reviennent sur le devant de la scène en cette période d’anniversaire. Alors qu’Ed Fries, ex vice-président de l’édition chez Microsoft, publie tous les jours sur son compte Twitter un objet insolite lié à la marque, c’est Robbie Bach, l’ancien responsable de la Xbox (de 1999 à 2010), qui s’est exprimé dans une vidéo diffusée sur Yahoo Finance. Car oui, il fut un temps où Microsoft était un petit nouveau dans le monde des consoles de salon, et où l’entreprise américaine devait prouver qu’elle pouvait être capable de faire une machine ainsi que des jeux. Robbie Bach rappelle tout d’abord que sauter dans le grand bain dans un secteur très concurrentiel est toujours risqué. Au début des années 2000, SEGA vient de rendre les armes, Sony est leader et Nintendo lutte pour imposer sa nouvelle console, le/la GameCube.
C'était effrayant, fou, et plein de rebondissements. C'est comme dans n'importe quelle startup, sauf qu’ici le seul avantage que nous avions par rapport à la plupart des startups était que nous étions super bien financés. Cela veut dire que nous pouvions faire quelques erreurs qui nous faisaient perdre de l'argent. Mais nous ne pouvions pas faire d’erreurs qui nous coûtent des parts de marché, de la réputation, ou de quoi construire une marque. Et donc nous devions vraiment faire attention pour que tout soit parfait. Cela a engendré une quantité folle de boulot. Pendant 18 mois, nous travaillions 18 heures par jour, et cela a perturbé nos vies personnelles et a créé plein de défis. Mais l'équipe était vraiment passionnée et il y avait des individus étonnants. D'une certaine manière, tout s'est vraiment mis en place avec Halo au lancement. Robbie Bach, ancien responsable de la Xbox.
Malgré les moyens de Microsoft, la première Xbox n’arrive pas à s'imposer face à la PlayStation 2 de Sony. Pourtant, cela n’a pas empêché la firme de Redmond à produire la Xbox 360, une console qui a réussi à s’imposer de nombreuses années face à la PlayStation 3. Robbie Bach se souvient de l’intérêt de Bill Gates et de Steve Ballmer, les grands patrons de Microsoft pour qui “l’échec n’était pas une option”.
C’est un peu cette mentalité qu’il y avait dans l'entreprise face à ce type de projets, en particulier face à cette grande initiative qu'était la Xbox. Mais clairement, lors des premiers jours, même avant le lancement, nous n'étions pas sûrs d’avoir une date de lancement. Je veux dire, il y avait une réelle incertitude quant à savoir si la console allait survivre et voir la lumière du jour. Donc, dans ces premiers jours, oui, je pense qu'il y avait une certaine incertitude. La Xbox originale a perdu entre 5 et 7 milliards de dollars, selon la façon dont vous faites les comptes. Le gars qui perd 5 ou 7 milliards de dollars ne survit pas, pas plus que le projet qu’il défend. Mais parce que nous avions de bonnes parts de marché, Microsoft, assez tôt, a dit que nous avions besoin de lancer une nouvelle génération. Bill et Steve nous ont mis au défi de bien faire les choses. Et la 360 était juste un produit incroyable. C'était un cycle de vie de huit ans pour la console, du jamais-vu ! C'était juste le bon produit qui est arrivé au bon moment. Robbie Bach, ancien responsable de la Xbox.
Xbox Live, Xbox survive
Le service qui a permis à la Xbox de gagner des parts de marché n’est autre que le Xbox Live. La première Xbox a souvent été qualifiée de console à mi-chemin entre la console et le PC, une machine tournée avant tout vers le jeu en ligne. L’ancien responsable de la marque n’y va pas par quatre chemins : selon lui, sans le Xbox Live, les consoles Xbox n’existeraient peut-être plus aujourd'hui.
Quand les gens demandent pourquoi la Xbox a réussi, je réponds toujours deux choses : Halo et Xbox Live. Et sans ces deux éléments, je pense que la console n’aurait probablement pas survécu et que la marque ne se serait pas construite. Le Xbox Live est quelque chose sur lequel nous avions misé dès le début, en mettant un port Ethernet dans la console et en disant que la machine serait connectée. Et nous avons également fait le pari que ce ne serait pas comme sur PC, qui disposait d’une sorte de jeu en ligne digne du Far West. Vous deviez connaître les adresses IP pour trouver des amis. Il n'y avait aucune cohérence, la voix était parfois là, mais la plupart du temps non. Nous avons fait un effort très soutenu pour bâtir le Disney World du jeu en ligne, Très structuré, très cohérent. “Vous allez trouver vos amis, et vous allez pouvoir vous amuser”. Et dès le départ, on a vu que c'était devenu beaucoup plus important que nous le pensions. Deux ou trois ans après la sortie de la Xbox 360, nous avions déjà des millions de personnes qui jouaient sur le Xbox Live. C'était très en avance sur les prévisions. C'était l'avenir. En fait, aujourd'hui, je pense que si vous regardez le segment Xbox, le Xbox Live, ses abonnements et sa descendance sont le cœur de ce qui fait fonctionner la Xbox aujourd'hui. Robbie Bach, ancien responsable de la Xbox.
Quand la Xbox est arrivée sur le marché (en 2001 aux Etats-Unis, en 2002 en France), devoir payer pour jouer en ligne n’était pas une idée commune. À cette époque, de nombreux observateurs pensaient que personne ne payerait pour jouer en ligne, surtout quand les PC proposaient déjà cette fonctionnalité sans autre abonnement à payer que celui du fournisseur d’accès.
Vous aviez votre abonnement de téléphone portable, OK, super. Vous aviez votre abonnement au câble. Mais au-delà de ça, l'idée d'un abonnement à 49 dollars n'existait tout simplement pas. Et pensez à la manière dont cela a changé la façon dont on vit le jeu vidéo. Je veux dire, l'idée que nous nous éloignons des disques, l'idée que les gens vont simplement pouvoir télécharger des jeux et y jouer, l’idée que vous avez une bibliothèque complète pour y jouer... tout cela a été imaginé par l'équipe d’origine en 2001-2002. Robbie Bach, ancien responsable de la Xbox.
Bill Gates et Steve Ballmer très impliqués dans le projet
Daniel Howley de Yahoo Finance décide de revenir sur les rôles de Bill Gates et de Steve Ballmer dans le projet Xbox. Il est vrai que nous avons souvent lu que les responsables avaient à la fois soutenu la Xbox, mais avaient aussi de gros doutes quant à l’avenir de la machine. Robbie tranche.
Bill et Steve ont été impliqués dans toutes les décisions initiales, et il y a eu des réunions épiques. Il y avait en fait deux ou trois groupes concurrents à l'intérieur de la compagnie, et Bill a sélectionné un projet à développer. Il l'a ensuite donné à une équipe qui travaillait pour moi qui a fait de l’exploration. Nous avons eu une grande réunion et le projet a été approuvé. Et puis Bill et Steve ont en quelque sorte réalisé ce qu'ils venaient d’approuver et ce que nous allions faire. Et ils n'étaient pas sûrs d'aimer ça. Cela a conduit à une réunion appelée le massacre de la Saint-Valentin, qui était une réunion de plus de 3 heures, très difficile, avec eux. Et à la fin de cette réunion, ils ont dit "ok, nous allons vous faire confiance pour faire ça bien. Ce n’est pas la façon de faire de Microsoft, ce n’est pas Windows, c’est quelque chose de nouveau. Et nous allons vous faire confiance pour le faire”. Et ils ont été d'incroyables supporters par la suite. Mais je rencontrais Bill toutes les six ou sept semaines et je rencontrais Steve régulièrement. Il était mon manager direct. Ils étaient très impliqués dans le processus. Robbie Bach, ancien responsable de la Xbox.
Robbie Bach termine l’interview en avouant qu’il n’a jamais été un joueur, ce qui semble plutôt étonnant quand on dirige le segment gaming d’une entreprise. “Les seules fois où l'équipe me laissait faire une démo sur Xbox, c’était quand ils essayaient de se moquer de moi. Donc si vous voyez le gamertag XBachs, c'est mon fils, pas moi !” explique-t-il. Avant de conclure : “je suis un vieux et vous ne me verrez probablement pas jouer à des jeux vidéo. J'aime le business. Je trouvais que le business était incroyablement cool et j'aime la créativité qu’il y a dans le jeu vidéo. Mais je n'étais pas très bon pour jouer. Je n'ai pas grandi en jouant, mais mon fils adore ça”.