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Sujet : Le cinéma social

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Niveau 27
19 mars 2011 à 00:43:40

Si beaucoup de personnes vont au cinéma pour rêver, s'échapper dans un univers fantasmé et bien souvent n'étant que peu connecté à la réalité, il existe un pan entier du cinéma, le cinéma social, proche du prolétariat et de l'ordinaire. Certains iront même jusqu'à renier l'utilité de ce cinéma là, car justement il ne va pas les faire rêver, pourtant on trouve de nombreuses petites pépites.

On peut caricaturer le genre à des films déprimants et ennuyant, se contentant de filmer de manière totalement banale la réalité.
Je vais tenter de montrer l'intérêt de ce cinéma là et ses qualités.

Commençons par les frères Dardenne, deux fois lauréats de la Palme d'or à Cannes : Rosetta et l'Enfant, sont ce que l'on pourrait bêtement considérer comme une accumulation des clichés que j'ai cité ci dessus. Seulement, oui le film dardennien dans son ensemble ne transpire pas la joie de vivre, il possède une réelle beauté, une beauté brute que seule la réalité peut inspirer. Je pense à la scène finale de l'enfant, ce dernier sourire de Déborah François, beau, mais pas seulement, signifiant pleins de belles choses, un petit moment de bonheur dans un monde pas toujours très gai ou bien à la fin de Rosetta où ces deux jeunes se battant pour le même travail se rencontrent de manière brutale, physique et magnifique, toute cette tension accumulée dans le film semble alors s'évaporer dans quelque chose de sublime.
Cette beauté vient du fait que cette émotion libérée ne semble pas jouée mais profondément réelle, ces jeunes gens ont vraiment besoin d'amour, de se sentir aimer, pardonné, comme chacun d'entre nous, ils ont un poids trop lourd à porter pour eux, et dans ces deux films la scène finale leur enlève cette chape de plomb qui leur pesant si lourd, c'est un soulagement pour le spectateur et le personnage en même temps. Qualifier ces films de déprimant donc serait un mensonge, certes ils ne sont pas gai, mais il n'est pas dénué d'espoir, malgré ces rappels violent à la réalité.
Ce qui est excellent c'est cette imprévisibilité, le cinéma des frères Dardenne n'est pas classique, on a des moments où l'on ne peut pas savoir ce qui va se passer et tout n'est que surprise. Je pense à la fin de le fils, scène où le lien unissant les deux protagonistes sera enfin expliqué aux spectateurs, on ne peut pas s'y attendre, c'est quelque chose qui ne relève pas de la simple écriture scénaristique, mais bien de la réalité. Tout comme l'élément perturbateur de la promesse, tout peut vaciller sans que l'on s'en rende compte, d'une minute à l'autre. Cette imprévisibilité n'est pas artificielle, contrairement à d'autres films, elle est réfléchie pour s'accorder totalement à cette vision du monde prolétarien que proposent les deux frères réalisateurs.
Il y a également la scène clef de l'enfant, ou bien du silence de Lorna, où le spectateur regarde sans forcément réaliser ce qu'il voit tellement ça peut sembler fou, mais en même temps tellement réel.
C'est quelque chose que l'on retrouve uniquement dans le cinéma des frères Dardenne. Mais bien sûr ça n'est pas leur seule qualité. Cette mise en scène nerveuse, suivant les personnages renforce bien ce côté réaliste et social on ne filme pas des beaux décors de studios, mais la rue, l'appartement désaffecté, comme on pourrait le voir nous en nous déplaçant dans la rue…
Ils savent également superbement bien diriger leurs acteurs, pour renforcer cet fluidité dans l'action, l'émotion, et le sentiment de véracité.

Mais ils ne sont pas les seuls à faire ce cinéma social, le cinéaste d'outre manche Ken Loach en est un parfait représentant. Lui aussi ayant reçu la palme d'or à Cannes, pour Le vent se lève : magnifique chronique de la résistance Irlandaise en 1920 contre les anglais, portée par un Cillian Murphy épatant.
C'est un cinéaste totalement engagé, et fervent militant trotskyste et ça se sent dans son cinéma.
Ladybird est l'exemple parfait, le destin tragique de cette femme qui perd la garde de ses enfants, se fait battre… Qui est en lutte contre le système judiciaire pour retrouver la garde de ses enfants, et obtenir justice, et tout ceci dans une descente aux enfers des plus terrifiantes.

Ou bien Just A Kiss, romance magnifique où la classe moyenne chrétienne va devoir se confronter à l'islam des immigrés pakistanais et inversement, où les deux amoureux vont devoir être confronté au racisme et la pression social des croyants qui les entourent, les poussant soit à se convertir, soit à quitter le milieu duquel ils sont issus. Les personnages se trouvent alors dans la situations d'un Roméo et Juliette des temps modernes, la haine religieuse et l'intolérance étant les opposants principaux à cet amour charnel, beau et violent. Cette fois c'est le milieu et donc la société qui pose problème.

Sweet Sixteen parle d'une jeunesse confronté un peu à elle même, tombant petit à petit dans les pires dérives que peuvent exercer les mauvaises influences. On est en plein dans l'enfance actuelles des fils et filles de prolétaires dans les quartiers ouvriers, ce destin est peut-être particulier, mais il n'en reste pas moins totalement crédible et surtout très beau, ce plan final rappelant les 400 coups, est absolument magnifique, comme un baiser sur le front qui pardonne.

Bien sûr la carrière de Loach ne se résume pas à ces quelques films, on pourrait parler de Looking for Eric, où si le côté social est bien présent mêle une petite part de comédie très sympathique mais qui ne rend pas le film moins réel, et moins ancré dans ce monde violent qu'est le notre. Ou bien it's a free world sur l'exploitation des immigrés…

Tant que nous sommes au Royaume Unis, This is England est un film très ancré socialement qui a fait parlé de lui, en effet dans un contexte très réel, un petit garçon souffre douleur va petit à petit rejoindre un groupe de bonehead. La progression dans ce milieu est très précise et se trouve être loin des habituelles caricatures visibles dans d'autres films (American History X pour ne citer que lui). On peut voir l'endoctrinement progressif, en jouant sur le patriotisme, la mère élevant seule son fils autant de critères sociaux très marqués dans l'Angleterre de Tatcher.
Le très récent Fish Tank fait partie de la même veine de cinéma qui va montrer ce milieu prolétarien.

Le renouveau du cinéma social passe sans doute par Kechiche, réalisateur deux fois primés du César du meilleur film et du meilleur réalisateur pour l'esquive et la graine et le mulet. On est dans un cinéma très différent des précédents que j'ai pu citer, notamment de Loach. Car si on va s'intéresser à la vie dans la banlieue, aux déboires d'un vieil immigré, on a pas ce côté que certains pourraient qualifier de déprimant. Au contraire, il y a des moments de joie, de peine, de destruction, de reconstruction, ses films n'ont pas vraiment de fin, il montre juste des tranches de vies, liées par un fil conducteur, mais l'existence des personnages est loin des clichés habituels, la banlieue de l'esquive n'est pas l'endroit décrit par les médias, et si on garde le langage insolent de la jeunesse on a des gens comme tout le monde, timides, jaloux, exubérants , amoureux… On change des représentation habituelles, il n'y a pas de gentils, de méchants, on dépasse ce genre de clivages artificiels pour parler tout simplement de la vie.
Du coup il y a un côté moins accablant que dans d'autres films, plus posé.

Kechiche prend le temps de poser ses scènes, de les étaler dans la durée, pour justement coller le plus à ses personnages, à leurs préoccupations réelles, et renforcer le côté réaliste du film.
Bien évidement que ça soit Kechiche, Dardenne, Loach, on ne peut pas résumer leurs films à leur simple genre apparent, ça serait les cantonner à un genre de manière non seulement fausse, mais aussi injuste.

On peut aller au delà du réalisme social que représentent les films et réalisateurs cités ci dessus (évidement la liste n'est pas exhaustive), pour parler d'oeuvres plus ancrées dans la fiction par certains points.

J'aimerai parler d'un film de Renoir que j'aime assez : le Crime de Monsieur Lange, magnifiquement bien dialogué par Prévert. Où l'on suit l'évolution d'une entreprise sous le joug d'un patron tyrannique qui se transformer en union de travailleurs libres. Si on peut voir les idéaux de Renoir partout dans le film, on part quand même malgré le côté un peu humoristique du film d'un contexte social existant à l'époque du film.

Il y a également les films de Dumont où souvent on va parler de personnages qui ne sont pas très haut dans l'échelle sociale, qui seront confronté à la vie, au monde extérieur avec une certaine naïveté et incompréhension. S'il ne s'agit pas d'une étude réaliste d'un milieu social donné, on est quand même plongé dans cette France prolétarienne, un peu rustre, parfois beauf (la vie de Jésus), complètement en porte à faux par rapport au monde extérieur. Bien que le but de Dumont ne soit pas (à ma connaissance) de décrire ces milieux, on accède quand même à une sincérité, et une justesse dans les rapports humains absolument fascinante.

Dogville ou bien Breaking the Waves peuvent aussi être être assimilé à un des films plus sociaux, malgré leur étrangeté, on est bien dans l'Amérique profonde.
Eden Lake passe par le survival pour décrire une jeunesse et un milieu social qui fait peur aux citoyens anglais. Comme quoi on ne se limite pas aux drames.

Le mouvement néoréaliste en Italie a pour but de montrer une réalité, mais de manière parfaitement réaliste, on va se placer au sein même de la population, filmer leurs déboires, leurs peines, comme cet homme qui va se faire voler sa bicyclette chez De Sica ou bien cette famille ayant du mal à survivre dans Allemagne Année Zéro. Les dilemmes des protagonistes sont des vrais dilemmes qu'on dû se poser les gens confrontés à ces situations, on est dans quelque chose de documenté et qui colle le plus possible à réalité et aux tensions sociales.
N'étant pas un spécialiste de ce mouvement je m'arrêterai là.

Je ne peux pas finir sans parler de Pasolini qui dans des oiseaux petits et gros, qui bien qu'il ne soit pas un cinéma social à proprement parler va montrer les interactions entres classes ou bien de Godard qui dans de nombreux films va s'intéresser à certains milieux, la prostitution dans 2 ou 3 choses que je sais d'elle, ou bien faire l'état des lieux des révolutionnaires maoïstes dans la chinoise.

Pour conclure, si le cinéma social est certes très dramatique bien souvent, je défie quiconque de rire durant le voleur de bicyclette, il ne se cantonne pas qu'à ça, se découle sur plusieurs formes, et offre des purs moments de beautés et de véracités que seul ce cinéma là peut offrir car il parle du quotidien de chacun et arrive à ne pas jouer les émotions, mais à les présenter brutes et belles à son spectateur, car elles sont vraies. Et comme dirait Boileau, le beau c'est le vrai.

The_Go-Between The_Go-Between
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Niveau 10
19 mars 2011 à 02:15:05

Plus je vois des films et moins ce cinéma m'intéresse. Et comme on en voit de plus en plus...

Le cinéma est mort, vive le docu !

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Niveau 27
19 mars 2011 à 11:48:20

ça dépend, là je cite des très bons films, qui vont faire du cinéma.
Et même le documentaire, il peut être excellent lorsqu'il est pensé par des génies, où ça sera vraiment du cinéma et pas juste un mec qui va filmer n'importe quoi dans la rue sans idée (qui a dit Armadillo :hap: )

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MP
Niveau 27
19 mars 2011 à 11:55:55

Et j'ai vu sur CL (en t'espionnant :bave: ) que tu n'avais vu qu'un Loach, pas de Dardenne, pas de Kechiche, du coup je ne peux que te les recommander.
Et d'une certaine manière, certains films de Pialat (que tu ne détestes pas il me semble) peuvent être rattaché un peu quand même au cinéma social (l'enfance nue que tu as bien aimé par exemple).

Je pense qu'il ne faut pas se laisser tomber dans la caricature des mauvais films du genre, c'est sûr que si je devais me limite à Frozen River ou à Winter's Bones j'aurai arrêté aussi de trouver ça intéressant.

loris78 loris78
MP
Niveau 10
19 mars 2011 à 12:32:07

Mais ou est Godard ? Ou sont Pasolini et Marker ???

:hap:

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Niveau 27
19 mars 2011 à 12:35:25

à la fin je parle des deux premiers, :hap: (mais juste pour le plaisir de les mettre).
Je ne connais pas qu'eux hein.

Hawai Hawai
MP
Niveau 10
19 mars 2011 à 12:39:33

A la fin :hap:

ClintCannon ClintCannon
MP
Niveau 10
22 mai 2014 à 22:53:54

J'uppe ce topic en apportant ma contribution :

En voyant Les Neiges du Kilimandjaro diffusé sur France 3, je me suis remémoré les excellents films de ce genre que j'ai eu la chance de voir.

Je vous dresse une petite liste perso des films sociaux que je trouve les plus aboutis si ça peut vous aiguiller.

Les neiges du Kilimandjaro (Guédiguian)
La raison du plus faible (Belveaux)
Sweet Sixteen (Ken Loach)
L'enfance nue (Pialat)
Les films des frères Dardenne notamment Le gamin au Vélo
La graine et le mulet (Kechiche)
4 mois, 3 semaines, 2 jours (Mungiu)

Si vous aimez ce genre et que vous avez des films à partager, n'hésitez pas.

linkdupasse linkdupasse
MP
Niveau 67
22 mai 2014 à 23:06:11

je trouve malheureusement qu'une partie de ce cinéma pêche en tombant souvent dans le tire-larmes

j'ai en tête le film les bêtes du sud sauvage, je pense qu'on peut parler de cinéma social (mais je n'en suis pas ultra sûr), je l'avais trouvé trop larmoyant, trop bien pensant; ça manquait beaucoup de nuances

en fait, je pourrais rapprocher ce cinéma de la chanson à texte française, qui peut parfois être magnifique, parfois ultra cliché

mais je suis un connard parce qu'en fait, peu importe les styles de cinéma, yaura toujours des réussites ou des ratés; je voulais juste pointer cet écueil que je retrouve un peu dans ce type de cinéma, et qui m'ennuie

Gantz_Graf_ Gantz_Graf_
MP
Niveau 20
22 mai 2014 à 23:14:59

Je sais plus dans quel Positif ou les Cahiers mais assez récemment j'y ai lu un article définissant le cinéma social (tel qu'on le vois au cinéma actuellement) comme une sorte de renouveau néo-réalisme (à entendre par la dans la même optique que la Nouvelle Nouvelle vague). C'était en tout cas extremement pertinent.

Gantz_Graf_ Gantz_Graf_
MP
Niveau 20
22 mai 2014 à 23:28:08

"j'ai en tête le film les bêtes du sud sauvage, je pense qu'on peut parler de cinéma social"
:d) Je ne pense pas qu'un film comme Les bêtes du sud sauvage doit être vu comme du cinéma social, dans sans message oui mais dans sa forme ça reste du cinéma fantastique et fictionnel.

"je voulais juste pointer cet écueil que je retrouve un peu dans ce type de cinéma, et qui m'ennuie"
:d) J'entends beaucoup dire aussi que le cinéma social est chiant et je trouve ça vraiment dommage. Je pense justement que le public est trop mal à l'aise et s'identifie très facilement a ce genre de cinéma, ça leur renvoi une vérité parfois trop éprouvante d’où je pense le rejet de ce genre de cinéma. D'ailleurs à ce propos les Dardenne sont plus apprécier en France qu'en Belgique.

Gantz_Graf_ Gantz_Graf_
MP
Niveau 20
22 mai 2014 à 23:37:17

Et comme le dis reso c'est du brut et du véritable sans aucune fioriture donc ça ne tombe pas dans le tire-larme patho puisque tout en directement véhiculé par seule la mise en scène.
Que du vrai donc beau :ok:

NemSx NemSx
MP
Niveau 10
22 mai 2014 à 23:45:41

Je lirai ça demain, même si j'ai pas besoin d'être convaincu de la qualité du cinéma dit "social".
J'espère que tu abordes un peu l'aspect technique, parce que c'est un genre qui nécessite du génie de ce point de vue là aussi.

SoldatChat SoldatChat
MP
Niveau 10
22 mai 2014 à 23:51:29

Je suppose qu'on peut y mettre Tarr dedans, ses films ont toujours été proche du peuple, même si la manière de l'être avant et après Damnation est très différente.

linkdupasse linkdupasse
MP
Niveau 67
23 mai 2014 à 00:01:58

gantz :d) ouep je comprends, on parle du coup de cinéma purement réaliste, ok j'étais pas sur :ok:

j'ai pas dit que ce cinéma me faisait chier, j'ai di que j'avais un peu peur de l'écueil du tire-larmes

(cela dit, faut absolument que je mate du dardenne, ça fait un bail que ça me trotte mais c'est toujours pas fait)

Masterchief40k Masterchief40k
MP
Niveau 10
23 mai 2014 à 00:44:28

ClintCannon :d) Ben tu as vu les autres Kechiche déjà ? La faute à Voltaire, L'esquive, Vénus Noire, La Vie d'Adèle ?

ClintCannon ClintCannon
MP
Niveau 10
23 mai 2014 à 01:17:11

La faute à Voltaire oui. Pas les autres encore, mais j'ai hâte.

Masterchief40k Masterchief40k
MP
Niveau 10
23 mai 2014 à 01:22:20

Si tu as aimé La graine et le mulet, alors L'esquive et La Vie d'Adèle ça te plaira :ok: Vénus Noire c'est un peu différent, mais j'adore tout autant.

Manu711 Manu711
MP
Niveau 10
23 mai 2014 à 01:25:06

C'est faux Master. :ok:

J'ai aimé La graine et la mulet, et pas vraiment aimé L'esquive.

Masterchief40k Masterchief40k
MP
Niveau 10
23 mai 2014 à 01:29:13

Oui mais toi tu es un plow.

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