Quels sacrifices doit-on concéder à sa famille ? Quels compromis accepter pour assurer stabilité familiale et accomplissement personnel ? C'est le genre de questions que pose The Novelist, un essai ludique qui tente de synthétiser la vie en 3 mois d'été eux-mêmes condensés en deux heures de jeu.
Au milieu de ce qu'on l'on devine être les années 70, la famille Kaplan s'installe le temps d'un été dans une sublime villa en bord de mer, espérant trouver ici le dépaysement et la quiétude qui lui permettront de resserrer ses liens. Et elle en a bien besoin tant elle devient dysfonctionnelle. Au bord de la rupture, Linda, l'artiste peintre ayant tout plaqué pour élever son fils, et Dan, l'auteur confronté à la page blanche, doivent aider leur enfant Tommy harcelé par ses camardes de classe et très en retard dans son apprentissage de la lecture. Chez les Kaplan, c'est pas la fête mais on espère bien que passer l'été dans cette superbe maison relancera la machine familiale. Une maison un peu étrange dans laquelle personne n'a jamais vraiment vécu plus de deux ans. Quant à vous, espèce de petit spectre voyeur, vous êtes un esprit, entre le fantôme et l'ange gardien, prêt à venir en aide aux résidents perdus. Cela, sans jamais mettre les pieds hors de la maison, l'ensemble du jeu se déroulant en huis clos. Si vous trouvez que tout ceci a un petit air de The Shining en plus angélique, vous n'avez pas complètement tort.
Jiminy Fantôme
Dans The Novelist comme dans la vraie vie (mais de façon plus caricaturale) chacun a ses propres envies et aspirations, à commencer par Dan l'écrivain qui doit mener à bien son prochain roman et qui est le seul être semblant avoir un impact sur le reste de la famille, dans une vision assez paternaliste de cette dernière. Votre objectif est donc de découvrir de quoi chacun a envie. Pour y parvenir, vous devrez jour après jour chercher des indices, soit en lisant des lettres et des extraits de journaux intimes, soit en possédant brièvement les membres de la famille pour lire leurs souvenirs récents. Il y a en gros trois souvenirs et trois lettres par individu dans chaque chapitres. Une fois que vous saurez que Dan veut passer ses jours et ses nuits à écrire pour éviter que son éditeur le fusille alors que Linda souhaite que la famille dîne ensemble et que le petit Tommy aimerait aller camper sur la plage, vous devrez choisir une option. La nuit, il ne vous restera qu'à aller murmurer votre choix à l'oreille de Dan.
Si vous avez découvert les trois volontés (ce que vous ferez car il n'y a pas de difficulté à la chose), vous aurez la possibilité de choisir en plus un compromis permettant donc de satisfaire deux personnes, mais jamais les trois. Quoi que vous fassiez il y aura toujours un perdant et les conséquences de vos choix les plus anodins pourront se révéler bien plus lourdes que prévu. Assez limité dans son gameplay, qui se résume à la quête d'une série d'objets brillants, The Novelist est donc plus une narration interactive sur le thème de la famille et du sacrifice. Un film d'art et d'essai pas très joyeux.
Famille dysfonctionnelle Simulator
En ce domaine, il ne manque pas d'une certaine pertinence dans sa façon de saisir les choix que l'on doit parfois effectuer pour assurer un équilibre entre son épanouissement personnel et celui de sa famille, le jeu n’hésitant pas à nous placer devant quelques situations délicates, voire poignantes, et son aspect contemplatif et épuré a quelque chose de touchant. Mais, faute de moyens (le titre est l'oeuvre d'un seul homme) ou par volonté de faire court, l'auteur a largement simplifié son propos au point d'en devenir caricatural et particulièrement sombre. L'intention de The Novelist est clairement de retranscrire une certaine réalité, mais la réalité d'une vie de famille, même si elle n'est pas toujours rose bonbon, n'est pas aussi restrictive que le portrait dressé ici, et certainement pas aussi binaire et ponctuée de décisions définitives et irrévocables. Si vous n'allez pas à la plage aujourd'hui, vous n'irez JAMAIS PLUS à la plage... Dans le même ordre d'idées, difficile d'accepter que trois mois puissent définir le reste de la vie de cette famille, en bien ou en mal, à moins évidemment d'avoir poussé Dan à se comporter comme la dernière des ordures, ce qui est tout à fait possible soit dit en passant.
Si on peut être touché par ce qui se passe, adhérer à la thèse de The Novelist exige de faire un sacré effort pour en accepter les incohérences et tolérer ses multiples conclusions dépendant de la balance de vos choix, parmi lesquels il y aura encore et toujours un membre de la famille sacrifié ou contraint, au mieux, de se satisfaire du "moins pire". Pourtant, l'intention de The Novelist est vraiment bonne, ses questions aussi, mais c'est bien son exécution qui pèche, souffrant de surcroît d'un traitement un peu glacial. Toute l'histoire passant par des extraits de textes, les moments heureux ou malheureux n'ont plus vraiment d'impact sur le joueur.
Points forts
- Une thématique originale, une intention louable
- Le choix du huis clos
- L'écriture maîtrisée
Points faibles
- L'approche trop binaire et irrévocable de situations plus nuancées
- Manque de profondeur dans le récit
- Que de morosité dans le traitement
Sacré concept que The Novelist qui, avec son gameplay minimaliste, tient plus de l'essai de narration interactive que du puzzle-game. Une narration qui aborde en plus une thématique rarement traitée dans notre petit monde : la famille. L'intention, les questions posées et même l’approche sont vraiment appréciables mais il est difficile de totalement adhérer au propos qui voudrait que chaque choix soit irrémédiable et porteur d'un poids qui influencera toute une famille pour le reste de sa vie. Trop binaire, trop caricatural, The Novelist pèche également par un manque de profondeur qui entrave sa charge émotionnelle. Mais l'idée vaut le détour malgré tout, même s'il est bien difficile de lui attribuer une note.