In Memoriam n'est pas un jeu, c'est bien plus que ça. C'est un concept novateur qui vient chambouler nos habitudes de joueur. Une enquête intelligente et corsée où fiction et réalité se rejoignent constamment et qui nécessite une implication toute particulière pour en venir à bout.
In Memoriam mérite amplement que l'on parle de lui, pourtant, c'est aussi le genre de jeux pour lequel il vaut mieux ne pas dire grand-chose au risque de gâcher le plaisir de la découverte. Comme tous les softs qui mettent un point d'honneur à innover chacun dans un domaine bien spécifique (ici l'investigation), In Memoriam se découvre petit à petit, de préférence au calme devant son poste, une tasse de café à portée de main et l'esprit prêt à suivre la piste torturée d'un serial killer. Tout commence par la disparition de Jack Lorski, un reporter travaillant pour l'agence SKL, et de son amie Karen Gijman. L'enquête est au point mort depuis quelque temps jusqu'au jour où l'agence reçoit un mystérieux CD-Rom contenant a priori toutes les clés pour retrouver les disparus. Cependant, un problème de taille se pose rapidement, l'auteur du CD, un esprit dérangé qui se fait appeler Le Phoenix, a conçu son Oeuvre comme un jeu de pistes alambiqué qui ne livrera ses secrets qu'aux plus perspicaces. Pour augmenter ses chances de retrouver Jack et Karen, l'agence décide de rendre public le CD et de le diffuser au plus grand nombre. C'est ainsi que le fameux document atterrit entre vos mains, et que vous entrez par la même occasion dans le jeu macabre du Phoenix.
Dans le genre identification totale au héros du jeu, on ne fait pas mieux ! On connaissait déjà Myst qui prenait le joueur par la main pour le balader dans plusieurs mondes incroyables mais pas vraiment crédibles. Là, In Memoriam franchit un nouveau cap. Le scénario intègre parfaitement la donnée selon laquelle le joueur ne bouge pas de devant son écran et qu'il reste chez lui pour résoudre les énigmes du Phoenix. Plus fort encore, le jeu demande carrément d'aller glaner des infos sur le net ! Au lieu de nous faire potasser des bases de données et des documents toujours en rapport direct avec le jeu (comme c'était par exemple le cas avec l'encyclopédie de Croisades, les livres de Riven, ou même le mini réseau internet dans X-Files), In Memoriam étend son terrain de jeu à la toile mondiale ! Vous imaginez un peu le délire ? On est là devant son ordinateur, et il nous faut absolument trouver des infos sur un lieu. Un petit tour sur son moteur de recherche, et la quête aux indices commence.
Le plus bluffant, est que l'équipe de développement s'est amusée à créer de très nombreux faux sites pour crédibiliser l'affaire. Alors entre les vrais sites contenant de fausses infos et les faux sites contenant de vraies infos (relatives au jeu bien sûr), on rentre de plain-pied dans cette histoire de disparition. D'ailleurs, faites vous aussi l'expérience et tapez le nom de Jack Lorski dans votre moteur de recherche habituel. Vous verrez alors quelques articles traitant de sa disparition ! Au gré de mes recherches, je suis même tombé sur des forums débattant le plus sérieusement du monde de la disparition de Jack ! A moins que tout cela ne soit aussi des leurres mis en place par l'équipe de développement… Ah, je ne sais plus, moi ! Inutile de préciser que le jeu nécessite donc une connexion net pour pouvoir être utilisé correctement. D'ailleurs, on vous demandera aussi en début de partie de fournir une adresse mail valide. Il se pourrait que vous receviez quelques messages d'aide ou de précieux renseignements...
Sur son CD, le Phoenix est réellement le maître. Il nous guide là où il veut et nous entraîne dans son monde où la logique n'a pas toujours sa place, contrairement à l'ésotérisme qui prédomine dans chacune des nombreuses énigmes et autres jeux d'adresse (environ une centaine à résoudre). Les visuels font dans le dérangé et le dérangeant. On pense bien entendu à Seven (et à son générique), au Silence Des Agneaux (le premier surtout), à Bone Collector ou à 8mm. Le Phoenix se plaît à nous livrer des indices au compte-gouttes et lâche parfois un court extrait du journal vidéo de Jack. Les séquences filmées sont d'ailleurs d'excellente qualité (quoique dans un format assez petit). Avec un tournage étalé sur près de deux ans, dans plusieurs pays différents et avec des acteurs crédibles chacun dans leur rôle, on se prend réellement au jeu, on fait tout pour retrouver Jack et Karen, en espérant qu'ils soient tous deux encore vivants.
C'est bien ça tout le mérite de In Memoriam, avoir su monter une intrigue crédible, et nous impliquer complètement dans sa résolution. Son ambiance oppressante et son originalité de tout instant font rapidement oublier sa réalisation pour le moins sommaire. A noter que certaines séquences peuvent choquer les personnes les plus sensibles ce qui vaut au titre une interdiction justifiée aux moins de 16 ans.
- Graphismes14/20
Les séquences filmées sont bien intégrées au jeu. Elles sont de plus bien montées avec de bons acteurs pour interpréter cette fiction si troublante. Le reste du jeu se compose de sites internet et d'énigmes tordues aux graphismes dérangeants et parfois très glauques.
- Jouabilité18/20
Surfer sur le net pour trouver les réponses à nos énigmes, voilà une manière originale de progresser dans un jeu. On rentre dans le jeu très rapidement.
- Durée de vie15/20
Le jeu n'est pas particulièrement long, surtout si comme moi vous vous y investissez à fond et ne le lâchez plus jusqu'à la fin. Misez environ sur une vingtaine d'heures. Après, tout dépend de votre capacité à vous servir d'un moteur de recherche.
- Bande son14/20
Ambiance dérangeante aussi pour la bande-son. Répétitifs et volontairement « salis » par des craquelures, les thèmes musicaux ont le don de mettre mal à l'aise. Les séquences vidéo sont, elles, impeccables et en français !
- Scénario19/20
Avec les extraits du journal de Jack que veut bien nous livrer le Phoenix, on parvient à comprendre ce qui a pu conduire à la disparition du reporter. L'implication totale du joueur dans l'histoire est le véritable point fort du titre.
In Memoriam pousse le concept du jeu vidéo un peu plus loin. La frontière entre fiction et réalité s'efface presque complètement avec cette enquête passionnante dans un univers glauque et parfois malsain. Je m'interroge tout de même sur l'avenir de tels jeux. Il ne faudrait pas que le net soit envahi de sites relayant de fausses infos dans le seul but de servir notre âme de joueur. Déjà qu'il est délicat de repérer le vrai du faux sur la toile actuelle, je n'ose imaginer ce que cela pourrait donner si de nombreux éditeurs s'engouffraient eux aussi dans cette nouvelle voie de divertissement. (Pour ceux que cela intéresse, In Memoriam est également disponible sur Mac)