Secret of Mana - The Oracle
Voici une chronique vidéo qui n'est pas vraiment une chronique vidéo. L'idée de VGM (Video Games Music) est en fait de vous présenter un thème musical issu d'un jeu vidéo, ancien ou récent, et d'en faire une analyse écrite afin de comprendre pourquoi il fut marquant, que ce soit pour ses pures qualités musicales ou pour son utilisation en jeu. Puisqu'il s'agit d'une analyse, tout est potentiellement sujet à débat. L'idée est de parler de ressenti plutôt que de musicologie, ce qui m'arrange pas mal pour le coup.
Pour ce premier VGM, commençons par un jeu qui fait d'ores et déjà office de grand classique lorsque l'on parle de bande-son. En effet, si Secret of Mana (Snes / 1994) fut un titre marquant pour bien des raisons, les musiques créées par l'incroyable et bien trop rare Hiroki Kikuta en sont une, et ceci sans conteste possible. D'ailleurs, nombreux sont les morceaux issus du jeu qui auraient pu être analysés ici et je suis sûr qu'une partie d'entre vous sera étonnée de ne pas voir Meridian Dance ou Into the Thick of It traités en premier. Pourtant, le choix de The Oracle n'est pas anodin et il y a sûrement plus de choses à dire qu'on pourrait le croire sur ce morceau.
Tout d'abord, remettons les choses au point dans le jeu. The Oracle est un thème que l'on ne peut entendre qu'une fois, à un moment précis : pendant le combat contre Ténébro (Dark Lich en anglais). Pour rappel, Ténébro est la forme maléfique de Thanatos (un puissant mage occulte) après avoir pris la possession du corps du pauvre Tom. Pour accompagner ce combat, qui a lieu peu avant la fin du jeu, il fallait forcément un thème sombre. C'est justement ce qu'essaie de véhiculer The Oracle.
Le choix des instruments
La première chose que l'on remarque, c'est l'utilisation particulièrement insistante de percussions, un élément que l'on retrouve beaucoup dans le travail de Hiroki Kikuta dans Secret of Mana. Cela donne un aspect particulièrement oppressant au thème qui appuie le sentiment d'urgence, et surtout, de danger. Ce n'est pas par hasard si on combat rarement un boss sur de la flûte de pan. Mais le compositeur avait d'autres messages à faire passer. En effet, les sciences occultes sont un thème récurrent de Secret of Mana, et notamment de Thanatos, le mage que l'on affronte ici sous une forme démoniaque. Pour que la musique de The Oracle fasse ressortir cette idée, Hiroki Kikuta a utilisé des sortes de chants simulés (on rappelle qu'à l'époque, les sons sont émulés via codage) qui démarrent à 0:10. Ces incantations font très fortement penser au Kecak, une forme de danse et de chants rituels indonésiens dont voici un exemple issu du documentaire Baraka :
https://www.youtube.com/watch?v=nAUoa9pmokANotez qu'un dernier élément important intervient dans The Oracle, aux alentours de 1:10. Ici, nous avons droit à des sons puissants qui sonnent furieusement industriels. Là encore, point de hasard. Dans Secret of Mana, il faut régulièrement combattre l'Empire, qui s'avère être une sorte de représentant maléfique de l'industrialisation avec ses grands vaisseaux de ferraille bardés de tuyaux. Comparé au cadre bucolique de la plupart des zones de jeu, ça fait forcément tache. D'ailleurs, la forteresse volante dans laquelle se passe le combat contre Ténébro est la représentation finale de ce grand mal industriel. "Si c'est mécanique, c'est le mal" est vraiment un message récurrent dans Secret of Mana, une image qui nous apparaît même dans cette musique.
L'utilisation de sonorités de gong au début du morceau, qui n'est pas sans rappeler les cloches sonnant le glas avant un enterrement en occident, contribue à l'impression de malaise général. En effet, les légers glissendi (passages progressifs d'une note à une autre donnant une sensation de « glissement » à l'écoute) produits par l'instrument faussent la sensation de justesse et nous placent dans un environnement où l'oreille a perdu ses repères.
Le début de la fin
Enfin, The Oracle a eu un autre effet que je pense personnellement volontaire. En effet, Secret of Mana est un A-RPG connu pour avoir beaucoup, mais alors beaucoup de combats contre des boss (parfois trois d'affilée). Hors, tous les précédents boss (une quarantaine) étaient accompagnés du thème Danger. En changeant soudainement de musique, non seulement le joueur comprend qu'il n'a pas affaire à n'importe quel boss, mais il peut aussi croire qu'il s'agit de la confrontation finale. Bien évidemment, ce n'est pas le cas, puisque ce combat est directement enchaîné avec le véritable combat final contre le Démo Mana (Mana Beast en anglais).
Voilà, c'est tout pour cette petite analyse de The Oracle. N'hésitez pas à donner vos impressions sur le morceau dans les commentaires, j'essaierai de mettre en avant les avis les plus pertinents en mise à jour de cette page. Si le concept plaît, on essaiera de faire régulièrement ce genre d'articles.