Après s’être forgé une solide réputation dans l’univers des jeux de tir, notamment à travers les franchises Unreal et Gears of War, Cliff Bleszinski nous revient à la tête du studio Boss Key Productions. L’entreprise américaine publie un FPS compétitif basé sur des classes aux compétences uniques, comme le veut la tendance actuelle. Spoiler : LawBreakers n’est pas un simple hero shooter supplémentaire.
Notre avis sur Lawbreakers en moins de 3 minutes
EN APESANTEUR
En jeu vidéo comme en cinéma, les créatifs explorent des thématiques par vagues, chacun y allant de son grain de sel et de sa sensibilité. Tandis que le genre de la survie demeure vaillant et que celui de la battle royale s’impose dans les foyers, les hero shooters poursuivent leur carrière – souvent avec des classes assez codifiées et un style cartoon. Plutôt fan de licences telles que Halo, Call of Duty et naturellement Unreal, Boss Key nous propose un univers mature et nerveux qui sans inventer la poudre, se renouvelle suffisamment à bien des niveaux pour susciter l’intérêt des amateurs de frags.
Il se situe dans un contexte futuriste où la Lune a explosé, créant un véritable bouleversement sismique sur Terre et une importante remise en question des lois de la gravité. Vous vous en doutez, on n’entendra plus beaucoup parler en jeu de ce "background", prétexte à un game design basé sur l’impesanteur. Les huit maps actuelles du titre comportent plusieurs zones où la gravité n’impose pas son irrésistible attirance, ce qui permet notre envol et notre prise de vitesse.
Nous en avons besoin tant LawBreakers est survolté et chronométré dans chacun de ses cinq modes de jeu. Il ne s’agit que de modes à objectif, les développeurs ayant décidé de ne pas inclure de matches à mort. Cette initiative apporte une tension constante et nous mène à nous déplacer en permanence. Nous reconnaissons des principes établis comme la capture de drapeau ou le roi de la colline, saupoudrés du petit grain de sel de CliffyB ; dans le mode Surcharge par exemple, il s’agit de remplir complètement une batterie avant de valider le point dans notre zone. Petite subtilité : la charge vaut pour les deux équipes, il est donc possible de voler la batterie à l’ennemi au dernier moment avant d’aller marquer le point dans notre camp. En mode Soumission, les deux équipes doivent capturer trois points fixes qui se verrouillent une fois acquis. Débute alors un court entracte durant lequel chaque kill augmente la vitesse de capture de 20% pour la manche suivante. Les différents modes de jeu de LawBreakers, originaux et hyperactifs, nous font nous déplacer à toute vitesse au sein d’environnements au level design excellent.
RAPIDE ET FURIEUX
Pour réussir ces objectifs, il faut naturellement faire son chemin à travers l’équipe adverse, en faisant parler la poudre. Le gameplay de LawBreakers est son meilleur profil. Ultra-nerveux, il nous propose une action à 360 degrés qui nous fait rarement toucher le sol, tout en conservant une précision mortelle. Et si réussir ses tirs est important, rester en mouvement est crucial ; comme dans tous les domaines, LawBreakers est exigeant dans ses déplacements et nous demande de bien gérer nos ressources pour ne pas créer de temps mort.
Nous avons un tir principal et un tir secondaire : le Médecin de combat par exemple, possède un lance-grenades pouvant alterner entre des munitions explosant à l’impact, ou après quelques rebonds, selon la situation. S’ajoute à cela un tir derrière soi, utile notamment pour créer un boost supplémentaire, ainsi qu’un coup de pied bien senti. Comme indiqué plus haut, LawBreakers fonctionne sur un système de classes et chacune possède trois compétences propres : généralement une skill offensive, un mouvement comme un jetpack ou un dash, ainsi qu’une compétence ultime.
Les neuf classes actuelles (deux autres sont déjà en préparation) se déclinent ensuite chacune en deux personnages, selon que l’on soit attribué(e) au camp des Law ou des Breakers – la différence est purement esthétique. Les rôles sont quant à eux bien distincts et singuliers : exit le personnage à la tourelle, le sniper et le médecin bon qu’à soigner, les classes apportent un renouveau dans le monde des FPS compétitifs et sont toutes parées à tuer – avec leurs atouts et leur capital santé propre. La force de LawBreakers ne se mesure pas seulement par la fraîcheur des compétences des personnages, mais aussi et surtout par l’intelligence de leur combinaison et la rigueur demandée pour aligner des combos efficaces. Vous arriverez en jeu en vous traînant et en infligeant peu de dégâts, avant de réaliser par exemple que si le Spectre effectue un saut après un dash, il traverse une partie importante de la map, tout comme le Titan s’il place une pulvérisation après un damage boost au lance-roquettes. L’ensemble des liens possibles entre les attaques principale et secondaire et les trois compétences font toute la profondeur et le sel de LawBreakers pour qui sait les maîtriser.
BEAUTÉ INTÉRIEURE
Le principal problème du jeu étant qu’il est du genre farouche. Pas exactement immédiat à aborder, il requiert de s’investir un minimum et de se renseigner quant à ses mouvements de base et ses techniques avancées. Si un tutoriel jouable couvre les fondamentaux (déplacements et lancement des attaques), il en faut bien plus pour comprendre chacun des personnages ; hélas Boss Key nous propose pour cela une série de vidéos YouTube intégrées aux menus du jeu. Pourtant très informatives, elles repousseront très certainement quelques joueurs. Pire encore : disponibles sur PC, ces tutoriels vidéo n’arriveront sur PS4 que dans le cadre de la prochaine mise à jour.
Le phénomène est symptomatique de l’austérité générale qui sévit dans LawBreakers. Elle se remarque notamment dans ses menus, au rendu peu engageant et au minimalisme problématique, quand le matchmaking se limite à… cliquer sur "Partie rapide" (les parties personnalisées sont réservées au jeu entre amis Steam / PSN, ce qui n’arrivera pas tous les jours, avouez-le), ou encore, quand les options de reporting ne proposent pas de signaler les AFK. Elle se remarque aussi par le grand manque de charisme des personnages (en apparence comme en doublages), même affublés de leur plus belle tenue trouvée dans une loot box.
Car oui, LawBreakers contient des loot boxes, en plus d’être basé sur des héros, et a donc de loin tous les traits d’un hero shooter supplémentaire, à une époque qui en est saturée. Force est de constater que si les maps sont soignées et bien optimisées, la bande originale sympathique (featuring Mick Gordon), l’emballage du jeu demeure peu enthousiasmant – et ses créateurs le vendent mal. Voilà sa triste limite : impeccable en termes de gameplay, il s’immisce dans un genre et une période impardonnables et au vu des premiers chiffres d’audience, le public semble passer devant ses qualités intérieures. Espérons que le bouche à oreille fasse son office.
Trailer de lancement de LawBreakers
Points forts
- Un gameplay survolté, précis et rigoureux
- Des classes finement étudiées et originales, des combos vertigineux
- Le level design des maps, une apesanteur bien utilisée
- Des modes de jeu suffisamment renouvelés, qui appellent à l’action constante
- Techniquement propre et bien optimisé
Points faibles
- Un tutoriel trop discret, peu engageant, et pourtant nécessaire
- Une présentation générale et des personnages peu sexy
- Un matchmaking simpliste, à améliorer
Tandis que l’industrie nous propose ad nauseam des shooters familiers, tant en termes de mécaniques que de direction artistique, Boss Key Productions nous sert ici un titre véritablement singulier et truffé de qualités. Donnant à manger aux fans d’ambiance mature qui aiment être récompensés pour leur skill, LawBreakers impressionne par la richesse et la profondeur de son gameplay. Il montre toutefois des lacunes en termes de matchmaking et de présentation – des problèmes esthétiques ou réglables par un patch, et non de game design, ce qui est un luxe.