Officialisé durant l’été 2014, Gigantic s’annonçait comme un titre prometteur dans le genre du MOBA hybride. Mais son développement à rallonge l’a vu rattrapé par une pléthore de jeux surfant sur la même vague. Officiellement sorti le 20 juillet dernier, ce free-to-play se fait plutôt discret… et c’est bien dommage, car derrière d'évidents défauts se cachent de jolies qualités.
Gigantic se lance
Connaissez-vous Gigantic ? Si vous ne vous intéressez pas assez intensément à l’univers du MOBA et de ses dérivés, il est possible que non. Officialisé durant l’E3 2014, ce MOBA/Arena Shooter proposant une vue à la troisième personne a pourtant traversé une alpha en décembre 2014, une bêta fermée en août 2015, puis une bêta ouverte en décembre 2016, avant d’enfin se lancer de manière commerciale le 20 juillet dernier. Une sortie officielle qui s’est faite en catimini : pas de tambours ni trompettes pour ce free-to-play qui mise sur les achats in-game et la vente de packs de personnages pour développer son modèle économique.
Il faut dire que le développement du jeu au sein du studio Motiga n’a pas été sans rebondissements, le titre ayant notamment frôlé l’annulation et le studio s’étant tout simplement séparé de dizaines de développeurs en 2015 et 2016. Ce n’est qu’au prix d’un partenariat avec Perfect World Entertainment, en mai 2016, que le studio a trouvé un moyen de sortir suffisamment la tête de l’eau pour achever le développement de Gigantic.
Le souci c’est que pendant que Motiga ramait, sa séduisante proposition initiale s’est vue doublée par des jeux au concept similaire, à savoir un flirt délicat avec le genre du MOBA – dont League of Legends, Heroes of the Storm et Dota 2 sont de parfaits représentants – et les jeux de tir à la troisième personne, en équipe et en arène. Ces dernières années, on a notamment vu débarquer des jeux comme Overwatch, Battleborn, Paladins : Champions du Royaume, Paragon et bien d’autres. Des jeux aux succès certes variables mais qui ont tous des points communs avec Gigantic. Du coup, quand on se lance dans le free-to-play de Motiga, on se demande en premier lieu si l’on va adhérer à une proposition que l’on a déjà vue ailleurs.
The Last Guardian
Alors, Gigantic, c’est quoi ? C’est un jeu multijoueur en équipe et en arène, qui reprend certaines mécaniques du MOBA, mais pas seulement. Le gameplay s’articule autour de deux équipes de cinq joueurs, chacune accompagnée d’une créature gigantesque, nommée Gardien. L’objectif d’une partie est de terrasser le Gardien de l’équipe adverse en utilisant la force de son propre Gardien pour mettre l’adversaire à terre et le blesser. Ainsi, pendant que le Gardien allié maintient au sol le Gardien ennemi, on doit frapper massivement et en groupe le point faible du géant de l’équipe adverse. Evidemment, pendant ce temps, cette dernière cherche à protéger son massif allié et ne fait pas de cadeau : il se peut qu’un affrontement de Gardiens se solde par un match nul.
Pour gagner, il faut blesser trois fois le Gardien adverse : les affrontements peuvent donc durer très longtemps car pour activer un affrontement de Gardiens, il faut auparavant capturer de petites bases présentes sur la carte et y installer des monstres qui non seulement vont défendre l’emplacement, mais sont également dotés de différents pouvoirs permettant, par exemple, de soigner les alliés, dévoiler les ennemis sur la carte ou construire des murs. La domination d’une partie passe ainsi autant dans la capture de ces points et dans le frag d'ennemis que dans la capacité à attaquer le Gardien adverse et à défendre son propre Gardien.
Un challenge personnel…
Les mécaniques de jeu de Gigantic s’avèrent plutôt simples dans l’ensemble. Quiconque ayant déjà approché ce genre de jeux auparavant se repérera très rapidement dans le choix des héros que l’on peut incarner : on trouve, en vrac, des tanks, des soigneurs, des DPS au corps-à-corps ou à distance, ou encore des héros hybrides capables d’assurer au besoin deux rôles en même temps de manière équilibrée au détriment d’une réelle spécialisation. Au cours de chaque partie, les actions du joueur lui permettent d’accumuler jusqu’à 10 points visant à améliorer les compétences de son personnage. Une proposition similaire à ce que propose notamment le Battleborn de Gearbox, exception faite que dans Gigantic, on trouve également une jauge de Focus qui permet, une fois chargée par des affrontements répétés, de soit déchaîner une attaque de zone sur les ennemis, soit de faire monter de niveau l’une des créatures des bases capturées. Inutile de préciser que la jauge de Focus se remplit suffisamment lentement pour que le timing de son usage devienne rapidement un élément très stratégique.
Au travail d’amélioration du personnage en cours de partie – qui repart à zéro à chaque affrontement – s’ajoute le développement personnel du profil du joueur sur la durée. On accumule en effet des points en cours de partie, ce qui permet de monter de niveau, mais également de débloquer des objectifs au travers de cartes qui donnent des crédits permettant notamment d’acquérir des skins de personnages. Les défis sont très variés et peuvent passer par un nombre d’ennemis tués, de parties jouées ou une quantité de dégâts réalisés aux Gardiens adverses. A ce stade, les récompenses ne sont cependant qu’esthétiques, le pay-to-win étant exclu du jeu - et tant mieux ! - mais en cumulant suffisamment de crédits in-game, on peut également acquérir de nouveaux héros sans débourser un centime.
… mais l’union fait la force
Si Gigantic cherche à motiver le joueur en lui proposant une multitude de challenges qui vont – en théorie tout du moins – le pousser à jouer encore et encore, il ne faut pas en oublier la dimension stratégique des parties elles-mêmes. Clairement, si vous vous la jouez solo dans Gigantic, vous allez rapidement tomber sous le feu ennemi. Le problème, c’est qu’à l’inverse d’un titre comme Overwatch, le jeu ne met pas en avant le déséquilibre d’une équipe au lancement d’une partie, et on peut facilement se retrouver avec deux tanks et trois DPS, le tout sans soigneur.
Certes, les cartes proposent des possibilités de soin çà et là, mais ça ne fait qu’accentuer le jeu perso dans bien des parties où l’on joue avec des inconnus. Et quand bien même l’un des joueurs se décide à jouer soigneur, les actions s’avèrent assez illisibles quand les combats se font intenses, et c’est très souvent le cas dans Gigantic qui s’avère être un titre nerveux à souhait.
Mais lorsqu’on groupe avec des équipiers qui jouent véritablement en équipe, avec un équilibre dans les héros et une bonne organisation, Gigantic dévoile son réel potentiel, et les parties peuvent durer de très longues minutes, apporter d’étonnants retournements de situation et de beaux moments de satisfaction. Dans ces moments-là, on finit par oublier le développement chaotique du jeu et on se laisse prendre par ses mécaniques nerveuses qui laissent à peine le temps de dispatcher les points de compétences de son personnage en cours de partie. Dommage, par contre, que les bons côtés de Gigantic soient opposés à des problèmes trop gros pour être ignorés.
Quand soudain, le vide
Après quelques parties à essayer différents héros tout en appréciant le style cartoon du jeu plutôt cool, on commence à tourner en rond. Et rapidement, on comprend pourquoi : à l’heure actuelle, le jeu se limite à seulement trois maps, et à un unique mode de jeu. Quant aux héros à disposition, ça dépend de la capacité de votre porte-monnaie : en mode free-to-play de base, le roster tourne chaque semaine, proposant cinq personnages différents, le tout gratuitement. Si vous optez pour le Starter Pack à 9,99 euros, vous disposez de 8 héros débloqués en permanence et quelques bonus. Enfin, pour 29,99 euros, l’Ultimate Pack vous ouvre l’accès aux 20 héros actuellement proposés et à tous ceux à venir, ainsi que des bonus supplémentaires.
Mais on ne va pas se mentir : que l’on passe ou pas à la caisse, au bout de quelques heures, on s’ennuie pas mal à tourner toujours sur les trois mêmes cartes dont le level design ne varie pas fondamentalement, et ce n'est pas le mode Clash, qui modifie un peu les maps en fin de partie, qui en révolutionne l'intérêt. Les Gardiens sont au nombre de deux, toujours les mêmes, et suffisamment manichéens pour qu’on comprenne bien facilement quand on joue dans le camp des gentils et dans celui des méchants. Si l’on ajoute à cela le fait que les héros en eux-mêmes n’ont pas le charisme des personnages d’Overwatch, on finit surtout par jouer pour débloquer des médailles ou collectionner des séries de cartes en s'ennuyant pour de bon.
Une communauté fragmentée
Gigantic présente par ailleurs un autre souci important : sa communauté divisée entre différentes plateformes. En effet, le jeu fait partie du programme Play Anywhere de Xbox, ce qui le rend cross-plateforme Windows 10/Xbox One. Mais comme nous l'expliquions plus haut, le studio Mitoga a réalisé un partenariat salvateur avec Perfect World, ce qui en fait un jeu du programme Xbox sans pour autant être une exclusivité de Microsoft. Il est donc disponible sur PC en dessous de Windows 10, ce qui est une bonne chose pour les joueurs sous Windows 7 ou supérieur. Néanmoins, le matchmaking s'avère être une étape compliquée, en particulier si vous optez pour la version Arc/Steam (télécharger le jeu sur Steam entraînant le téléchargement d'Arc). Il y a clairement peu de joueurs par ce biais. La situation est vaguement meilleure via Windows 10/Xbox One, mais on peut tout de même attendre de longues minutes avant de jouer, trois ou quatre étant parfois nécessaires.
Et histoire d’enfoncer le clou d’un matchmaking compliqué, il faut également souligner que le jeu n’a concrètement pas de système de gestion pour les joueurs dont la connexion est défaillante : plutôt que de placer un bot pour remplacer un joueur ayant des problèmes de connexion une fois dans la salle d’attente de la partie, et éventuellement permettre à un autre joueur de rejoindre l’équipe, Gigantic se contente tout simplement de fermer la partie. C’est ainsi qu’il n’est pas rare d’attendre plus de cinq minutes pour, au final, se faire éjecter d’une partie en cours de préparation parce qu’un unique joueur sur 10 s’est désynchronisé. C’est déjà terriblement frustrant de base, mais quand ça vous arrive plusieurs fois de suite, ça vous coupe toute envie de jouer.
Sachez par ailleurs que si vous avez commencé à jouer, par exemple, via Steam, mais que vous voulez rejoindre des amis qui jouent via une version téléchargée par le biais du Windows Store, vous devrez reprendre votre progression à zéro. Pendant un laps de temps très limité, Perfect World a proposé un système de transfert de compte, mais ce dernier n'est plus disponible. Mieux vaut donc bien choisir sa plateforme de jeu, surtout si vous comptez acquérir l'un des packs proposés.
Des soucis qui peuvent facilement décourager
Cette division communautaire, couplée à un contenu loin d’être conséquent, risquent de rapidement mettre Gigantic dans une situation délicate On pourrait relativement pardonner ce genre de défauts à un jeu en early access, par exemple. Mais Gigantic a désormais fait sa sortie commerciale et on a un peu de mal à comprendre comment un titre développé depuis près de quatre ans peut se limiter à trois maps seulement et présenter un système de matchmaking aussi frustrant.
Et clairement, c’est dommage, car le jeu propose une identité visuelle réussie et un gameplay original qui mériteraient beaucoup d’éloges. Gigantic est un jeu qui revient de loin et ça se voit : on aurait aimé que son développement se passe mieux pour que les développeurs de Motiga puissent davantage exploiter le potentiel de leur concept et de leur univers. On ne peut que leur souhaiter d’y arriver sur la durée, mais il va falloir être extrêmement convaincant non seulement pour conserver la communauté actuelle, mais aussi et surtout la développer.
Apprenez à contrôler votre Gardien
Points forts
- Des objectifs originaux qui apportent de la variété dans ce genre de jeu
- Un design cartoon original et sympathique
- De très nombreux défis à relever
- Un gameplay dynamique pour des parties bien nerveuses
- Un tuto très bien conçu
Points faibles
- Trois maps seulement
- Un unique mode de jeu
- Des personnages qui manquent de charisme
- Un système de matchmaking atrocement frustrant
- Une communauté divisée et limitée
Gigantic est loin d’être le ratage qu’on aurait pu imaginer compte tenu de son développement compliqué. Mais s’il est loin d’être mauvais, il manque cependant de finition dans le matchmaking, et surtout d’un contenu digne d’un jeu de ce type, qui a besoin d’arguments pour accrocher les joueurs et les garder. Face à la rude concurrence bien installée dans le genre de l’Arena Shooter/MOBA, aussi bien en ce qui concerne les jeux payants que les free-to-play, le jeu de Motiga risque d’avoir des difficultés à tenir la distance à moins de se ressaisir très vite.
L’expérience reste plaisante et peut être tentée gratuitement, ce qui permet de se faire assez facilement une idée de l’intérêt du jeu qui, on l’espère, ne pourra que s’améliorer sur la durée, avec notamment des événements communautaires prévus. Reste désormais à savoir si le studio Motiga dispose d'encore assez de jus pour peaufiner Gigantic et motiver les joueurs à rester au-delà de quelques parties.