Depuis que SquareSoft a ouvert la voie en 1996 avec Super Mario RPG, les occasions n'ont pas manqué de constater que la combinaison des genres plates-formes et jeu de rôle pouvait donner lieu à des choses assez exceptionnelles. Mais jusqu'à présent, deux camps s'affrontaient : les pro-Mario & Luigi et les défenseurs de la franchise Paper Mario. Sans être radicalement distinctes, ces deux familles n'avaient encore jamais eu l'occasion de se rencontrer, mais c'est désormais chose faite avec ce Mario & Luigi Paper Jam Bros. qui réalise la fusion tant attendue entre ces deux univers.

La boîte de Pandore

On le sait, personne n'est mieux placé que ce pauvre Luigi pour commettre les impairs les plus dommageables et lourds de conséquences. Alors quand l'introduction nous le montre ouvrant un mystérieux grimoire dans le grenier du château de la princesse Peach, on devine qu'un drame est en train de se jouer. Quelques instants plus tard, ce sont des centaines de créatures contenues dans les pages du grimoire qui s'échappent dans la nature, des êtres de papier qui ne comprennent pas ce qui leur arrive et qui aimeraient bien trouver un moyen de rentrer le plus vite possible dans leur propre monde. Mais la résolution de ce malencontreux problème se révèlera plus compliquée que prévu, les créatures de papier étant, pour la plupart, des sbires au service de Bowser. Désormais, chacun existe en deux versions, un exemplaire 3D et un autre de papier, les deux étant potentiellement amenées à se croiser pour le meilleur et pour le pire. Mais face à la menace que représente l'alliance des forces de Bowser et de son double de papier, Mario et Luigi vont avoir la bonne idée de s'allier avec un troisième larron pas tout à fait comme les autres...

Ne jamais se prendre au sérieux

Ce Mario de papier a en effet plus d'un tour dans son sac, et le fait de se faufiler dans les fissures les plus étroites des murs ne représente que le plus infime de ses talents. En combat, il aura l'avantage considérable de se démultiplier en plusieurs copies de lui-même qui décupleront sa puissance de frappe, tout en lui servant de boucliers réutilisables à l'infini. Mais les ennemis de papier, qui ne manqueront pas de se mêler eux-aussi aux ennemis en 3D, useront également de cette capacité qui renouvellera considérablement la façon d'appréhender les batailles dans ce cinquième épisode de Mario & Luigi. Ainsi, l'une des grandes richesses du jeu réside dans la diversité prononcée des comportements des ennemis en combat, tous ces schémas devant absolument être mémorisés autant que possible par le joueur qui n'a, comme d'habitude, que très peu le droit à l'erreur. Compte tenu de l'importance des dégâts subis en cas de ratage d'une esquive et de la puissance des contre-attaques, assimiler le pattern de ces adversaires qui existent en deux versions constitue l'intérêt principal du jeu.

Fort heureusement, la présence de Mario de papier aux côtés de l'inséparable duo va très vite élargir l'éventail des techniques mises à leur disposition. Car aux célèbres attaques Frères s'ajoutent désormais des attaques Trio autrement plus efficaces, et allant encore plus loin dans l'absurdité et la loufoquerie. L'objectif est bien de transformer temporairement les ennemis en papier avant de les attaquer à trois de la façon la plus débile possible. On verra ainsi les trois compères jouer au squash en prenant leurs adversaires pour cibles, faire un trou dans un cerf-volant à leur effigie, plonger sur les monstres en chute libre, les cribler de shurikens ou encore faire s'abattre une pluie de météores au-dessus de leur tête. Outre le côté fun de la chose, c'est surtout le caractère ultra millimétré de l'exécution de ces techniques qui sollicite la concentration du joueur qui doit impérativement respecter le meilleur timing s'il veut optimiser ses attaques. Qui plus est, le Mario de papier est capable de sauver la mise à ses partenaires en effectuant des manoeuvres défensives ponctuelles, par exemple en les soulevant dans les airs ou en se pliant sous la forme d'un boomerang ou d'un trampoline.

Le principe est le même pour les attaques Frères qui ne font certes intervenir que Mario et Luigi mais qui se montrent tout aussi fun à découvrir, d'autant que les développeurs ont cette fois pensé à inclure des aides facultatives qui permettent de se familiariser en douceur au déroulement des affrontements. Ainsi, outre l'activation du mode Facile (désactivable à tout moment), on peut choisir de découvrir les nouvelles techniques dans une version un peu ralentie, de manière à bien mémoriser l'instant où l'on doit intervenir avant de passer aux versions normales des attaques Frères et Trio. Une bien bonne idée qui permet d'offrir une expérience de jeu sur mesure, quel que soit le niveau du joueur et ses attentes en matière de challenge. Les joueurs confirmés pourront ainsi désactiver totalement ces aides pour tenter de relever la tonne de défis experts proposés durant les combats.

"Cachez ce Toad que je ne saurais voir !"

La notion d'actions Trio va d'ailleurs encore plus loin puisqu'elle s'étend aussi en dehors des combats en offrant toutes sortes de talents utilisables directement sur le terrain. En alliant leurs forces, Mario, Luigi et leur allié de papier vont ainsi pouvoir casser des blocs géants à l'aide d'un super marteau, attraper des objets à distance sous forme de main élastique, se faufiler sous terre façon foreuse et même planer à l'aide d'un avion en papier. Et justement, l'un des ressorts ludiques de l'aventure réside dans le recours de ces différents talents, à la fois pour progresser et pour mener à bien des quêtes qui s'apparrentent à des missions de sauvetage de Toad pas franchement coopératifs. Car les Toad sont des êtres farouches et un peu bêtes qui ont beau avoir compris que vous êtes là pour les aider, ils ne pourront s'empêcher de vous fuir comme si vous étiez Bowser incarné !

L'idée est amusante, et surtout elle donne lieu à des quêtes plus ou moins longues qui nous obligent à réfléchir pour trouver la solution à des missions de plus en plus corsées. Ainsi, il nous faudra généralement les débusquer dans des zones renfermant des cachettes innombrables pour ces êtres de papier qui peuvent se plier dans tous les sens afin d'échapper à notre vigilance. A d'autres moments, on devra carrément leur courir après pour les rattraper avant de les plaquer au sol façon Assassin's Creed, manoeuvre autrement plus délicate que ce qu'on pourrait s'imaginer. Certaines missions s'orientent aussi vers la furtivité, des Maskass jouant le rôle de vigiles pour nous obliger à ruser afin d'atteindre les Toad cachés. D'autres encore nous invitent à les rassembler comme des moutons en les poussant vers un endroit donné, parfois en temps limité, ce qui ne manquera pas de nous faire haïr ces créatures décidément plus stupides que des Lemmings lambda.

L'attaque des Titancartons

Mais le fait de sauver un maximum de Toad de papier n'est pas qu'un passe-temps totalement annexe à l'aventure, il trouve au contraire une vraie justification dans le jeu puisque c'est bel et bien cette matière première qui va servir à concevoir une arme secrète dont seule Toadette la schtroumpfette a le secret : le Titancarton. Se déclinant sous plusieurs formes à l'effigie des stars de Nintendo (Mario, Peach, Yoshi...), ce géant de carton utilise divers moyens offensifs pour terrasser ses adversaires dans des zones spécialement prévues à cet effet. Si ces petites variantes sont intéressantes à découvrir, il n'en reste pas moins que chaque Titancarton fonctionne globalement sur le même schéma.

Comprenez qu'il suffit de lire le pattern de l'ennemi afin d'esquiver ses attaques au bon moment pour lui foncer dessus avant de se projeter dans les airs dans le but de lui retomber violemment sur le crâne. Mais ces actions consomment de l'énergie qu'il faut régulièrement recharger dans les socles prévus à cet effet et qui fonctionnent à la manière d'un jeu musical totalement hors-sujet, ce qui plombe complètement le rythme des batailles. Globalement, le déroulement des combats de Titancartons accuse un manque de nervosité qui ne colle pas avec l'aspect "défouloir" que l'on attend logiquement de la part de telles phases de jeu. De toute façon, l'aventure ne comporte qu'une poignée de batailles de ce type qui sont surtout là pour diversifier au maximum l'expérience de jeu, et à ce niveau-là le soft atteint plutôt bien son objectif.

Cartes et amiibo

Si cette diversité constitue le principal changement par rapport au déroulement des volets précédents, ce nouveau Mario & Luigi n'en reste pas moins très proche de ses aînés et reprend l'essentiel de ce qui avait fait leur succès. On pourra néanmoins lui reprocher une plus grande linéarité et une durée vie un peu plus courte que d'habitude (25-30 heures environ), mais le tout reste maîtrisé et on a plaisir à voir le trio gagner en puissance au fil de l'expérience accumulée. Si le joueur n'a plus autant de liberté dans la répartition des points de stats des personnages, il doit néanmoins choisir des bonus importants à chaque changement de rang selon l'orientation qu'il souhaite donner à ses trois héros. Et comme ces bonus sont généralement uniques, ni Mario, ni Luigi ni Mario de papier ne se ressemblent véritablement.

Un dernier bonus intéressant réside dans la notion de cartes de combat qu'il faut collectionner tout au long de l'aventure pour s'en servir de jokers dans les moments importants. Par exemple, certaines cartes boosteront les gains d'or et d'xp tandis que d'autres frapperont directement les ennemis ou diminueront leur niveau, leur diversité étant là encore un élément de renouvellement non négligeable dans les combats. Avec un amiibo, on peut même créer des cartes spéciales supplémentaires de façon aléatoire, voire des cartes brillantes lorsqu'on possède deux amiibo d'un même personnage pour lesquels les decks comportent des cartes communes. Rien d'indispensable en tout cas, juste une bonne idée de plus pour maintenir notre intérêt au plus haut lorsqu'on s'essaye à ce Mario & Luigi Paper Jam Bros.