Aujourd'hui, point de confettis, de champagne et de cris de joie : nous allons parler de Tony Hawk's Pro Skater 5. Une suite que l'on n'attendait pas vraiment et qui a malgré tout su déclencher un certain engouement chez les fans de la première heure. Engouement qui s'était vite estompé après les premières images et vidéos. Détruit par les joueurs sur tous les réseaux sociaux, moqué par la presse, THPS 5 pensait faire peau neuve avec l'adoption du cel shading et des couleurs plus funky. Je peux vous dire que la seule chose qui va être "funky" dans ce test, c'est la liste des plus et des moins, en conclusion.
Lorsque l'on a été adolescents dans les années 90, il était difficile de passer à côté du phénomène Tony Hawk. L'homme était partout, à la télé, dans les jeux vidéo, et surtout les deux premiers Tony Hawk's Pro Skater, qu'à peu près tous les gamers des années 90 ont du posséder à un moment ou à un autre. Le titre proposait un gameplay très arcade mais assez profond, une ambiance skate/punk complètement décalée, et surtout de grandes zones « skatables » gorgés de secrets et de missions plus débiles les unes que les autres. C'était un jeu de sales gosses, pour des sales gosses, une époque où placer un kickflip au dessus de la tête d'un flic était encore possible... Enfin, dans le jeu, bien entendu.
Mais les temps ont changé, Neversoft, les joyeux papas de la franchise ne sont plus et aujourd'hui, le titre est toujours entre les mains d'Activision et surtout de Robomodo (secondé par Disruptive Games), un studio fier d'affirmer sur son site web qu'il est un spécialiste des jeux géniaux (« we specialize in awesome games », dans la langue de George W. Bush). Si la mention vous fait tiquer comme moi lorsque je me suis connecté à robomodo.com, vous aurez sans doute l'idée d'aller vérifier le CV du-dit studio. Ne bougez pas, voilà leurs dernières productions : on trouve des jeux mobiles, comme Monster Flash et Globber's Escape, ou Hunger Games: Catching Fire Panem Run, un runner inspiré de la célèbre série de films, et quelques jeux de skate, tiens. Tony Hawk's Pro Skater HD, Skateboard Slam, et Tony Hawk : Shred et Tony Hawk : Ride. Pardon de perdre autant de temps à vous décrire Robomodo mais cette petite liste devrait vous aider à comprendre l'un des problèmes que présente Tony Hawk's Pro Skater 5. Robomodo n'est clairement pas un spécialiste des jeux de qualité et ce n'est pas ce THPS 5 qui couvrira leur curriculum de feuilles d'or.
Laideur à roulettes
Alors vous l'avez sans doute déjà vu, et à titre personnel il s'agit sans doute de l'un de mes plus gros fous rires de ces derniers mois. THPS 5 ne devait pas ressembler à ce qu'il est aujourd'hui, à l'origine. Les développeurs étaient partis sur un rendu visuel « réaliste », donc proche de ce que proposaient les Pro Skater jusque là. Ils ont voulu montrer leur travail, et tout le monde sur internet a été très méchant avec eux. Donc, ils se sont dit que changer au dernier moment l'apparence de leur jeu serait peut-être une bonne idée, et... voilà le résultat. Le jeu s'est dissimulé derrière un cel shading mal fait, mal fini, et tout bonnement insupportable à subir ne serait-ce que 15 minutes ou plus. Les personnages, mal texturés et mal animés, vivotent dans des environnements mi-moches, mi-cel shading, et re mi-moches derrière. Cette direction artistique n'a aucune sens, et encore, je ne vous parle pas des effets de lumière hyper-flashy lorsque vous activez votre Super, qui vous rappelleront le meilleur des pires jeux free-to-play existant sur Android et iOS.
Et si ce n'était qu'une question de goût... Mais non, parce que même techniquement parlant, le jeu est à côté de la plaque : clipping, aliasing, et surtout des textures qui popent au dernier moment, que ce soit dans l'écran de sélection des personnages, ou directement dans les cartes, où les graffitis apparaissent sur les murs lorsque vous vous en rapprochez. Pour un jeu de 2003, ça serait plutôt pas mal... Mais nous sommes en 2015, sur Xbox One et PlayStation 4. J'ose à peine penser aux versions 360/PS3.
Notre Gaming Live de Tony Hawk's Pro Skater 5
Comme à la maison, après un tremblement de terre
Pourtant manette en mains, on aurait presque envie de faire comme si le jeu n'était pas si laid, et simplement de rouler, sauter, et balancer quelques figures. Avec mes centaines d'heures sur les premiers Pro Skater, et surtout les bons moments passés sur American Wasteland, je me suis senti comme à la maison. Jump, flip, grab, grind, manual, revert... Tout revient extrêmement vite et c'est avec un petit sourire aux lèvres que l'on retrouvera les lettres SKATE et COMBO sur la première carte. Les réflexes reviennent vite et on prend un peu de plaisir (avouons le) à tenter de gros combos, enchaînant grab, ollie et kickflip, sans oublier de lier le tout avec moult slide, manual et revert pour ne pas perdre le précieux multiplicateur. Légère déception tout de même : certains apports des épisodes plus récents ont disparu, je pense notamment à la possibilité de descendre de son skate pour se balader à pieds, ou les fameux "sticker slap" de American Wasteland qui étaient bien utiles pour sortir du gros combo.
Tout cela serait presque parfait si les différentes cartes du jeu n'avaient pas été dessinées avec les pieds. Non contentes d'être minuscules, les cartes de Tony Hawk's Pro Skater 5 sont remplies de barres de slide, de tremplins, de pool, et j'en passe, mais rien n'a de logique. On aurait presque l'impression de jouer à des niveaux créés par des joueurs débutants, tiens. Rappelez vous des premiers Tony Hawk, rappelez vous de Londres, d'Alcatraz, de New York, ou même de Marseille ! Les maps n'étaient pas juste grandes, elles étaient dessinées avec intelligence et remplies de cachettes, de gaps secrets et petits trucs débiles qui faisaient que l'on avait hâte de passer au niveau suivant pour en découvrir davantage. Les petits gars de Neversoft avaient manifestement un passif de sales gosses farceurs et cela se ressentait dans le jeu, irrévérencieux, volontiers pipi-caca, mais toujours amusant.
Bref, on arrive en terrain connu mais c'est comme retrouver son appartement après un cambriolage : on est bien à la maison, mais les lieux sont méconnaissables et surtout, plein de choses auxquelles l'on tenait ont disparu.
Rien d'intéressant à faire
C'est d'ailleurs lorsque l'on s'attaque aux différentes épreuves du jeu que l'on comprend à quel point les membres de Robomodo n'ont rien compris à l'esprit "Tony Hawk's Pro Skater". Ils ont bien tenté de de créer quelques épreuves amusantes, second degré, mais c'est un échec total. D'abord parce que ce n'est pas vraiment amusant (« ahah, ma tête gonfle, comme c'est drôle, dommage qu'elle masque tout l'écran ! » ou « je suis un gros rebelle, je vais aller ramasser des guimauves et les ramener au feu de camp, alors que ma maman elle veut pas, ohoho ») et ensuite parce que l'on a un peu l'impression d'être pris pour un idiot. C'est surtout vrai lorsque l'on est supposé passer à travers des cercles de lumière ou détruire des objets avant la limite de temps : le jeu nous indique constamment la direction à suivre. Quelque chose qui n'existait pas auparavant, la difficulté étant justement de trouver les cercles/les objets avant la limite de temps. D'où le plaisir de les trouver toutes, dans les temps. Tant pis pour le challenge.
Bon on pourra toujours aller chercher les quelques VHS/DVD qui trainent ici et là mais ils ne sont même pas cachés ; ou chercher le peu de gaps que contiennent chaque carte, mais honnêtement, ça n'en vaut pas la peine. Reste l'éditeur de niveau, plutôt bien pensé et assez complet, mais l'on cherche encore à comprendre l'intérêt : pourquoi jouer à un jeu si laid et si peu intéressant, d'un point de vue gameplay ?
Usine à bugs
Vous avez sans doute vu fleurir sur le web les vidéos dédiées à Tony Hawk's Pro Skater 5. Un dénominateur commun : toutes ces vidéos ont été montées pour mettre en avant le premier problème du jeu, le nombre de bugs qu'il recèle. En effet, puisque le moteur physique du titre est régulièrement plongé dans un coma végétatif, on assiste régulièrement à des scènes assez hallucinantes. Sans trop savoir pourquoi, votre skater s'envolera dans les airs, au ralenti, avant d'aller s'écraser plusieurs dizaines de mètres plus loin, mou comme une coquillette oubliée au fond d'un évier mal nettoyé. Le jeu plante régulièrement, vous forçant à revenir au menu principal, et manifestement le matchmaking n'est pas capable de vous trouver des adversaires. En une dizaine d'heures, je n'ai pas réussi à obtenir le moindre copain de jeu, que ce soit en Trick Attack, en Roi de la Colline, ou n'importe quel mode de fait, en fait.
Je vous propose de visionner cette vidéo préparée par nos confrères d'Eurogamer. Entre les images et le choix de la musique, il y a de quoi rire.
Points forts
- Éditeur de niveaux correct
- Bande-son dans l'esprit de la série
- Sans doute le dernier jeu Tony Hawk du duo Activision/Robomodo
Points faibles
- Laid
- L'impression que le jeu tente de nous amadouer avec quelques codes de la série, sans remplir le contrat minimum
- Moteur physique à l'agonie
- Matchmaking en phase terminale
- Modélisation ridicule des différents personnages
- Les cartes petites, mal dessinées
- Des missions qui tentent d'être drôles, et qui se plantent à chaque fois
Jouer sur la corde sensible de la nostalgie pour tenter d'ameuter les vieux gamers, voilà qui est bien vilain. Ce Tony Hawk's Pro Skater 5 est un véritable désastre et ce n'est pas son éditeur de niveau qui arrivera à le sauver : en l'état, rien ne justifie que l'on dépense ne serait-ce qu'un euro pour se le procurer. Bugs dans tous les sens, maps ridicules et sans inspiration, graphismes à vomir, ce n'est pas avec quelques gaps et lettres SKATE que le jeu saura faire pencher votre cœur de skater. Chance, il semblerait que le contrat liant Tony Hawk à Activision prenne fin en décembre prochain, et si ce jeu a probablement été développé à la va-vite pour profiter une dernière fois de la prestigieuse aura d'Antoine Faucon, Tony Hawk's Pro Skater 5 sera probablement le dernier de la famille. C'est probablement le seul point positif de ce jeu, à vrai dire.