Asylum, City, et dans une moindre mesure Origins... En trois épisodes, la saga des Batman Arkham aura imposé un style en matière de super-héros vidéoludiques. Depuis reprise, citée ou carrément copiée par quantité de jeux, la saga aura inspiré de nombreux réalisateurs et auteurs de comics tout en poursuivant son bonhomme de chemin. C'est donc avec une grande impatience que nous attendions ce dernier volet de la trilogie Rocksteady qui vient clore l'histoire d'un homme entièrement dévoué à sa ville, ses ami(e)s, sa philosophie de vie.
Compte tenu des éléments dévoilés très rapidement dans le jeu, notez que certaines informations auront l'apparence de spoils. Néanmoins, difficile de passer outre dans ce test. Si vous n'avez pas encore terminé Arkham City, la lecture des lignes ci-dessous est donc peu recommandée. De même, si vous voulez conserver la surprise intacte avant d'attaquer le jeu, réfléchissez à deux fois avant de parcourir cette review qui évite néanmoins les vrais spoils liés à certaines scènes clés ou, bien entendu, les révélations scénaristiques les plus importantes.
Alors qu'Origins nous contait l'histoire de Bruce Wayne avant les événements d'Asylum, Batman Arkham Knight se déroule directement après les événements d'Arkham City afin d'en terminer avec cette longue nuit de souffrance qui verra une fois encore le Chevalier Noir errer dans une Gotham cette fois rendue exsangue à cause des exactions de l'Epouvantail. Si le synopsis de City s'était avéré décevant malgré la participation du grand Paul Dini, que vaut l’histoire de cet Arkham Knight ? Difficile de statuer de façon nette et tranchée tant le ressenti variera en fonction de votre connaissance de l'univers de Batman.
Un scénario écrit par des fans pour des fans ?
La première chose qui surprend lorsqu'on joue et découvre Batman Arkham Knight est cette sensation familière qui étreint le fan au fur et à mesure de la progression de l'histoire. Un bon point qui se mue très (trop) rapidement en défaut dans le sens où Rocksteady s'est attaché à utiliser l'un des arcs les plus passionnants de la vie du Dark Knight pour son jeu. De fait, si les amateurs du comics et/ou des animes de la chauve-souris pouvaient déjà émettre des hypothèses sur l'identité de l'Arkham Knight, les scénaristes se sont sentis obligés de rajouter quelques scènes et autres passages marquants afin d'amener une révélation finale qui perd beaucoup de sa saveur d'autant qu'elle doit faire face à des équivalents animés ou de papier bien plus intenses et maîtrisés. Cruel paradoxe qui veut que le jeu brosse le fan dans le sens du poil tout en lui offrant une histoire dont il connaît dès le départ la fin.
On pourra alors miser sur l'Epouvantail pour apporter quelques surprises scénaristiques sauf qu'ici aussi, c'est plutôt raté vu que la présence du super-vilain reste anecdotique à l’inverse de son œuvre cataclysmique renvoyant par certains côtés à celle d'Hugo Strange dans Arkham City. Même son de cloche pour le Joker, mort à la fin de City, mais qui n'aura jamais été autant présent dans un Batman Arkham. Comment ? Tout simplement par le biais d’hallucinations constantes (et ce dès les premières heures) dont souffre Batman, ce dernier devant (en même temps que le joueur) subir les railleries et les remarques omniprésentes du psychopathe pendant plus de 20 heures. Sur le plan de l'histoire, Arkham Knight s'avère donc très impliqué et en même temps décevant autant pour les fans que pour les profanes qui ne saisiront peut-être pas toute l'importance de la révélation finale qui aura un impact profond sur la vie entière de Bruce Wayne.
Une Gotham City plus belle que jamais
En parallèle de la progression de l'histoire, c'est bel et bien la découverte de Gotham City qui impressionne le plus. On savait les artistes anglais doués et ils nous confirment avec Arkham Knight qu'ils ont totalement maîtrisé leur sujet d'un point de vue du design. Jamais ville ouverte n'aura regorgé d'autant de détails, jamais Gotham City ne nous aura paru aussi glauque et sexy à la fois, tantôt balayée par les vents, les éclairs ou la pluie glaciale. Découvrir ce terrain de jeu, aussi bien depuis les airs que par la route, s'avère donc un enchantement constant, malgré un manque de vie dans les rues, grâce aux différents quartiers arborant cette fois des identités très marquées. Chinatown, le port, le quartier des affaires, chaque section de la cité fait du gringue au joueur désireux de tout découvrir. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'entre l'aventure principale et les innombrables quêtes annexes, vous aurez moyen de visiter nombre de bâtiments tout en croisant la route de moult super-vilains.
Sur ce point, précisons d'ailleurs que les scénaristes ont choisi une aventure principale expurgée de combats de boss (à deux exceptions près), ces derniers étant principalement dévolus aux objectifs secondaires qui vous permettront de rencontrer Double Face, Deathstroke, Man-Bat, le Pingouin et bien d'autres. Une façon comme une autre d’apprécier le design particulier mais toujours très léché des différents protagonistes, plus vicieux que jamais, tout en essayant de les éliminer pour ramener le calme à Gotham.
Quand une nouveauté rompt quelque peu le charme de l'ensemble
Au-delà de l'aspect visuel, les développeurs se sont tout de même évertués à peaufiner le gameplay tout en intégrant une grosse nouveauté, la Batmobile, qu'il sera possible d'upgrader en orientant parfois son évolution lorsque Lucius Fox nous le proposera. Amélioration des armes ? Intégration d'une charge IEM ? Ce sera à vous de voir. Bref, la communication du jeu ayant principalement tourné autour du véhicule, on pouvait s'attendre à une présence importante de l'engin durant le jeu... Nous étions malheureusement loin du compte tant la construction d'Arkham Knight semble avoir été pensée autour de la Batmobile.
La Batmobile dans toute sa démesure
Ceci se traduit dans les faits par une ville plus vaste, avec des routes plus larges permettant aux joueurs de traverser la cité en roulant. Vous aurez alors la possibilité, via un simple bouton, d'appeler votre destrier de fer pour tracer la route afin de vous rendre à votre prochain objectif, courser des malfrats ou profiter de scènes d'action grâce à la capacité polymorphe du véhicule pouvant se changer en véritable tank. Si, dans un cas comme dans l'autre, la conduite se montre souple et très orientée arcade (les sensations rappelant celles des meilleurs Criterion de l'époque ou le Shox : Extreme Rally d'EA BIG), d'autant que défoncer les trois quarts des environnements lors des poursuites s'avère jouissif, c'est malheureusement l'utilisation exagérée de la Batmobile qui finit par lasser.
En effet, en dehors d'une dernière ligne droite loupée nous flanquant coup sur coup une scène de tank beaucoup trop longue, un combat de boss un peu relou et une poursuite déjà un peu plus originale et fun, la volonté de mettre coûte que coûte en avant le véhicule est si présente tout au long du jeu qu'elle en devient complètement factice. Ainsi, en parallèle de points d’amarrage peu crédibles dans tout Arkham City ne pouvant être tirés que par le véhicule, c'est surtout ces missions nous demandant constamment d'utiliser l'engin qui agace. Poursuivre un véhicule ennemi passe encore, détruire des installations de défense, pourquoi pas, mais devoir monter sur des toits pour actionner un mécanisme grâce au treuil de la Batmobile devient légèrement risible. Au final, cette nouveauté reste engoncée entre un gameplay vraiment fun et un usage obligatoire déstabilisant dans le sens où cet aspect sied peu au Dark Knight ou du moins à la série telle qu'on la connaissait.
Un héritage toujours aussi impressionnant
Si la Batmobile demeure donc la star de cet opus, Rocksteady s'est tout de même attardé sur le gameplay dans son ensemble afin d'apporter quantité de petits ajouts, utiles et plus anecdotiques. Commençons par le système de combat free flow qui devient ici plus dynamique grâce à l'utilisation de l'élimination environnementale, des contres lancés ou du combat en duo. Les premières, via la pression de deux boutons, et pour peu que l'ennemi soit entouré d'une aura bleutée, vous permettront d'interagir avec le décor pour éliminer un ennemi ou d'utiliser des armes traînant par terre. Les seconds, évolutions des contres normaux, vous donneront la possibilité, en orientant le stick vers l'ennemi lors du contre, de frapper plus fort. Enfin, le dernier système proposera à certains endroits de faire appel à un compagnon pour attaquer en duo. Ensuite, une fois fait appel au héros, vous pourrez le diriger jusqu'à faire appel à Batman et ainsi de suite jusqu'à la fin du combat. Si l'idée est marrante, elle reste tout de même plus visuelle qu'autre chose et n'apporte au final pas grand-chose.
En dehors des rixes, on retrouve à nouveau la possibilité d'enquêter via l'évolution des phases des scènes de crime issues de Batman Arkham Origins. On devra alors par moments rembobiner et accélérer une scène pour trouver ce qu'il s'y est passé. Dans le même ordre d'idées, Rocksteady a également inclus une analyse d'images renvoyant fortement à ce qu'on trouvait dans le film Blade Runner. Il faudra en effet à plusieurs reprises analyser des images, quadrillées en plusieurs segments, provenant de caméras de surveillance. On choisira alors un bout de l'image qu'on fera avancer ou reculer dans le temps et ce jusqu'à trouver l'indice recherché. Sympathique tout comme les nouveaux gadgets dont le synthétiseur de voix, utile pour forcer les gardes à ouvrir des portes à distance. On profitera aussi d'un dispositif pour pirater des drones à distance ou les retourner contre les gardes.
Le silence est d'or !
Enfin, les attaques par intimidation permettront de surprendre les adversaires pour éliminer plusieurs d'entre eux en un temps record. Il suffira ici d'éliminer un premier ennemi puis de choisir rapidement un autre adversaire afin que Batman l'attaque via un ballet mortel et classieux mis en exergue par le biais d'un ralenti. Ceci se montrera particulièrement utile lors des phases d'infiltration qui profitent elles aussi de quelques ajustements. Outre une mobilité accrue, en usant par exemple des conduits d'aération pour se retrouver rapidement sous le plancher (voir extrait ci-dessus), on aura aussi la possibilité, en plus de la bombe fumigène, de choisir entre deux options (point d'ancrage ou lancer de Batarang) pour peu qu'on se fasse repérer. Ceci se traduira alors par un ralenti de l'action durant lequel il faudra choisir entre les options proposées. Une façon comme une autre de rendre le tout plus accessible même si vous devrez toujours faire preuve de finesse pour vous en sortir, surtout dans le mode de difficulté le plus élevé.
Une fin de trilogie en apothéose ?
Comme on peut le voir, les développeurs n'ont pas chômé mais en parallèle de l’affinage de gameplay, des quelques nouveautés et de l'impressionnant travail visuel, Arkham Knight a pourtant un petit goût d'inachevé. Ceci tient sûrement à sa condition d'épisode final qui aurait dû sonner comme un point d'orgue dans la trilogie du Dark Knight et non comme un « simple très bon jeu » misant trop sur son aspect « actioner ». En résulte naturellement une petite frustration bien qu'on prenne encore énormément de plaisir à suivre Batou.
Certes, la durée de vie est à nouveau phénoménale, oui, on se fait plaisir en affrontant une toute dernière fois les défis de Nigma, les challenges sont encore là pour nous donner du fil à retordre, mais dans sa globalité, cet épisode n'arrive jamais à la hauteur d'Arkham City. Arkham Knight semble en effet constamment trop occupé à mettre en avant sa Batmobile et à user d'un matériau scénaristique riche, sans pour autant le mettre convenablement en avant, ceci au détriment de ses personnages et par extension du joueur. Toutefois, ne ternissons pas le tableau outre mesure car si on y note plusieurs imperfections, le titre de Rocksteady conserve tout de même d'immenses qualités lui permettant de clore une trilogie comptant désormais parmi les plus célèbres de notre microcosme. Batman méritait bien un tel monument à sa gloire et rien que pour ça, les développeurs anglais méritent tout notre respect et nos félicitations.
Points forts
- Un open world beaucoup plus vaste...
- Visuellement somptueux
- Le gameplay fait toujours recette
- Pas mal de petites nouveautés sympathiques
- La conduite de la Batmobile est souple et vraiment sympa
- Une énorme durée de vie
Points faibles
- …mais manquant un peu de vie
- La Batmobile est surexploitée
- Les combats de tanks sans grand intérêt
- Le scénario qui grille ses cartouches en moins d'une heure pour peu qu'on connaisse un minimum l'univers de Batman
- Certains ajouts (comme le combat en duo) sont anecdotiques
Si le troisième épisode de la trilogie du Dark Knight de Rocksteady aurait dû crever l'écran, il se cantonne « simplement » au rang d'excellent jeu. La faute à une construction bancale bâtie autour de LA nouveauté de cet opus, à savoir la Batmobile. De fait, les développeurs semblent s'être un peu trop concentrés sur cet élément au détriment du reste qui demeure malgré tout d'un niveau hors du commun. Ainsi, en associant visuel bluffant, gameplay souple et dynamique et solide durée de vie, Batman Arkham Knight parvient sans peine à s'imposer comme l'un des meilleurs jeux de super-héros à ce jour sans pour autant être la fin parfaite qu'on était en droit d'attendre.