Le 27 octobre 2009, Riot Games lançait League of Legends. Qui aurait pu parier à l’époque sur ce studio qui avait tout d’une équipe B ? Depuis sa parution LoL a muté en un monstre inarrêtable survivant à toutes les tendances. Il est l’un des jeux les plus joués au monde, l’un des plus regardés et fédère une communauté massive et hétéroclite à chaque évènement. Beaucoup de choses ont changé en 10 ans dans l’univers en évolution constante du jeu vidéo compétitif. Le moins que l’on puisse dire c’est que League of Legends a brillamment su s’adapter.
Du MOBA pur jus
Le coeur de l’expérience reste bien évidemment inchangé et ne renie en rien l’héritage de DOTA. Après avoir choisi leurs champions parmi une (très) large sélection, 2 équipes de 5 joueurs s’affrontent sur 3 lignes distinctes pour contrôler la carte. En farmant des sbires ou en effectuant des kills chaque joueur gagnera or et expérience. L’expérience permet évidemment de monter de niveau et débloquer/améliorer ses capacités. Aux nombres de 4 (dont une ultime débloquée au niveau 6), ces dernières prennent des formes extrêmement variées en fonction des champions, dégâts, étourdissements, poison, sort de déplacements… À ceux-ci s’ajoutent les sorts d’invocateurs, capacités au long délai de récupération qui s’avèrent décisives dans le feu de l’action. L’or est quant à lui dédié à l’achat d’innombrables objets augmentant vos stats et proposant des effets uniques modifiant vos sorts ou attaques de bases. D’autres vous offrent des consommables ou des actifs uniques.
Les participants doivent établir leurs priorités parmi une foule de paramètres générant argent, expérience ou buffs temporaires. Ils doivent donc agir de concert pour abattre les tours ennemies, contrôler la vision et percer le brouillard de guerre à l’aide de balises, venir à bout de monstres épiques… Autant d’options et d’objectifs qui requièrent d’adapter sa stratégie au fil de la partie. Chaque minute compte dans League of Legends. Dois-je aller soutenir mon jungler qui se fait harceler sur son territoire au risque de laisser mon adversaire prendre le contrôle de ma ligne ? Dois-je concéder ma tour pour prêter main-forte à mon équipe afin de vaincre le dragon et ainsi acquérir un buff permanent ? Ce sont ces microdécisions qui impactent l’issue du match et poussent le joueur à être proactif, à garder un oeil sur sa mini-map et communiquer efficacement avec ses coéquipiers.
Une expérience complexe et exigeante
À cette couche de micro et de macro s’ajoute un nombre de variables absolument démentiel. 146 champions sont disponibles à l'heure où ces lignes sont écrites, tandis que le suivant est d’ores et déjà annoncé. Chacun dispose évidemment de ses compétences et interactions propres. Impossible pour nous de passer au crible l’intégralité du pool de personnages, mais sachez qu’il est virtuellement impossible de ne pas trouver chaussure à son pied. Ces champions sont divisés en rôles qui forment autant d’archétypes que de styles de jeu. Vous devrez donc choisir entre tireurs, mages, assassins, tanks, brawlers, etc. Au fil des parties chacun développera inévitablement un affect non négligeable envers ses personnages favoris. D’emblée votre serviteur citera volontiers Ezreal, tireur basé sur ses compétences, dont le caractère de jeune aventurier et les répliques empruntées à Indiana Jones collent à merveille à son côté “jeune prodige”. Certains hurleront au dark-Sasuke face aux joueurs de Zed ou de Yasuo tandis que d’autres trouveront leur bonheur parmi les masses de muscles que sont Garen, Darius ou Olaf. Connaître un maximum de match-ups, les points forts et les points faibles de ses personnages s’avère être un élément indissociable de la victoire. Les champions sont véritablement les stars de LoL et permettent de constater la cohérence visuelle et le travail faramineux effectué sur le design esthétique et de gameplay des champions, tous plus charismatiques les uns que les autres. Chaque nouvelle arrivée de personnage fait office d'évènement et crée une émulsion communicative parmi les joueurs.
Car oui League of Legends est un jeu hautement communautaire. Il est évidemment le jeu de chevet de nombre de streamers mais est également un vecteur de discussion sur énormément de forums. Il ne faut pas chercher bien loin, le forum League of Legends de jeuxvideo.com étant constamment dans le top 3 des plus consultés du site. Les joueurs y discutent de la méta, y partagent leurs meilleurs builds et sont en quête permanente d’optimisation. Il est indispensable de le mentionner tant ces éléments extrinsèques au jeu sont indissociables de l’expérience. LoL est particulièrement difficile à appréhender pour un profane et ces différentes ressources s’avèrent être des atouts de taille pour débuter. League of Legends est exigeant et chronophage. La marge de progression est infinie et à l’image d’un CS : GO ou un Street Fighter qui voit sa communauté s’affronter depuis de nombreuses années, le niveau moyen est très élevé. Si l’envie vous prenait de vous lancer dans l’aventure en 2019, il convient de vous prévenir que les premières heures peuvent s’avérer décourageantes, tout particulièrement si vous n’êtes pas familier du genre.
Ça ne nous rajeunit pas tout ça...
League of Legends a bien changé en 10 ans. La refonte visuelle effectuée en 2014 était indispensable et a réellement changé la donne, tant en termes de confort de jeu que de lisibilité. Il est vrai qu’on pourrait en attendre plus techniquement d’un jeu aussi populaire en 2019. Mais si les modèles des champions ne sont pas les plus fins, la vue zénithale cache la plupart de leurs aspérités et leur palette de couleur contraste très bien avec le terrain. On note également la volonté de Riot de permettre à n’importe qui de faire tourner le jeu à 60 ips sur son matériel. Les nombreux effets visuels collent parfaitement aux hitboxes et ne sont que très rarement pris en défaut. Les maîtres mots sont donc lisibilité et fluidité. Il est vrai que pour le non-initié le tout peut donner une impression de foutoir ambiant lors des teamfights, mais les progrès faits en termes de clarté sont indéniables et ne sont pas étrangers au succès du jeu sur les plateformes de streaming. L’interface n’a pas bougé outre mesure depuis la refonte mais elle n’en a pas besoin. Pratique, esthétique et jamais surchargée, elle permet aux joueurs d’avoir une conscience constante du déroulé de la partie. On peut également noter la présence d’un système de ping très intuitif qui évite la plupart du temps de passer par le chat d’équipe et permet de communiquer rapidement. Signaler son arrivée à ses coéquipiers, les prévenir d’un danger, les informer que l’ennemi dispose d’une balise de vision à un endroit précis… Toutes ces informations cruciales sont accessibles en un clic.
Toutes ces optimisations fonctionnent à merveille et s’avèrent être un confort non négligeable pour sortir vainqueur d’une partie dans la Faille de l’Invocateur. Mode principal de League of Legends, la Faille a d’ailleurs largement été favorisée par les développeurs de Riot au détriment d’autres modes qui avaient leurs adeptes. Il y a bien longtemps, le mode Dominion a été retiré des serveurs et avec l’arrivée de la présaison 10 c’est la Forêt torturée, map 3v3 qui disparaît. C’est regrettable, car ces deux modes, plus courts et moins exigeants que la Faille constituaient un bon moyen de décompresser entre deux parties nécessitant toute l’attention du joueur. On peut néanmoins se rabattre sur l’ARAM, qui propose des joutes continues sur une seule ligne en incarnant des héros assignés aléatoirement. Un système de relance permet toutefois de jouer pratiquement systématiquement avec un personnage qui nous convient. Ces disparitions sont dommageables mais sont néanmoins contrebalancées par des évènements réguliers accompagnés de modes temporaires. Le plus populaire est à n’en pas douter l’URF (Ultra Rapid Fire) qui voit les coûts en manas supprimés, les délais de récupération drastiquement diminués et la vitesse d’attaque augmentée. Pour tester des champions ou parfaire des techniques avancées, un mode Entraînement est mis à notre disposition. Ce dernier s’avère extrêmement complet et modulable. Couplé à un système de replay intuitif qui conservent vos 20 dernières parties, nul doute que beaucoup de joueurs y trouveront leur compte. Ces choix témoignent clairement de la volonté de Riot de pousser la Faille de l’Invocateur tant elle monopolise leurs principales ressources. Un bon point pour les compétiteurs, un mauvais pour les joueurs plus occasionnels.
Un suivi d’exception et un modèle économique à prendre en exemple
Jamais LoL n’aurait pu tenir aussi longtemps sans un suivi de qualité. Dire que ce dernier est admirable relève de l’euphémisme tant le travail constant effectué est tout bonnement impressionnant. Entre les patchs d’équilibrage, la sortie de nouveaux champions, les évènements saisonniers ou liés à la sortie de nouveaux skins, League est constamment mis à jour. Si ces changements ne s’avèrent drastiques qu’en cas de nouvelle saison, les modifications appliquées aux champions et aux objets changent suffisamment la meta pour maintenir l’intérêt du joueur. Certains pointeront du doigt des déséquilibres fréquents, des combinaisons surpuissantes semant la terreur sur Runeterra, mais l’exercice d’équilibrage s’avère complexe. Au vu du nombre de variables gargantuesque, la balance parfaite est une utopie qui ne sera jamais effleurée par le titre, d’autant que Riot se doit de répondre aux attentes des joueurs “lambdas” comme des professionnels. Cependant ces errements sont pratiquement systématiquement corrigés au patch suivant, preuve de l’oeil alerte que le développeur pose sur ses forums et les réseaux sociaux.
Il est bon de rappeler que League of Legends est un free-to-play. Nous pouvons dire sans nous tromper qu’il est un modèle du genre. Tous les champions du jeu sont achetables grâce aux essences bleues, gagnées au fil des parties ou en détruisant des fragments de champions récupérés dans des coffres offerts ponctuellement au joueur. Ces fragments peuvent également servir à débloquer de manière permanente un élément en les combinant avec les essences (bleues pour les champions, oranges pour les skins). Pour faire simple, les lootboxes vous sont offertes (même si vous pouvez en acheter), mais si vous désirez un skin spécifique, vous devrez payer en argent réel. Il n’est cependant pas impossible de tomber sur un skin plus ou moins rare dans une de ces boîtes. L’acquisition de champion, le seul véritable achat qui influe sur le gameplay, n’oblige absolument pas à passer à la caisse. Un joueur régulier n’aura pas à attendre bien longtemps pour s’offrir son prochain personnage et une rotation régulière de 14 champions gratuits permet de s’essayer à d’autres types de gameplay sans sortir sa carte bleue.
Nouvelle saison, nouvelles règles ?
Nous nous sommes attardés sur les fondamentaux et les changements globaux survenus ces dernières années, mais qu’en est-il de cette présaison ? Baptisée "L'Avènement des éléments”, la dernière mise à jour en date apporte son lot de modifications plus ou moins impactantes sur la méta. Nombres d’objets se voient modifiés, d’autres sont supprimés tandis que de nouveaux font leur apparition comme c’est souvent le cas dans une màj de cette ampleur. Ces ajustements ne changent en rien le déroulement global des parties, mais permettent d’accompagner les différents buffs et nerfs de champions pour bousculer légèrement la tier-list.
Le plus gros remaniement de la Faille s’opère du côté du dragon, qui une fois tué confère des buffs à l’équipe qui en vient à bout. Si c’était déjà le cas depuis plusieurs saisons, ce patch voit l'efficacité de ces buffs augmentée et leur accumulation décisive. C’est toute la morphologie des parties qui s’en voit affectée. Sur tous les matchs que nous avons disputé cette dernière semaine, aucun dragon n’a été ignoré. Le jungler, qui possède un sort permettant de donner un coup fatal puissant à ce dernier, est donc plus que jamais une pièce maîtresse des compositions.
Cet état de fait a deux conséquences :
- Le jungler se doit d’avoir un soutien indéfectible de ses coéquipiers, ces derniers doivent décaler s’il se trouve en danger et suivre ses prises de décision, favorisant ainsi les petites escarmouches.
- Chaque dragon est disputé et force des teamfights très tôt dans la partie.
Petite subtilité, le troisième dragon modifie le terrain en fonction de son élément et l’ Elder dragon (le dernier type à apparaître au cours d’une partie) voit son buff modifié et confère une exécution surpuissante sur les champions dont les points de vies sont bas. Dernier point, l’équipe qui terrassera quatre dragons gagne l’âme du dernier qu’elle a vaincu. Ce dernier dure jusqu’à la fin de la partie, mais les parties se déroulent si vite que son obtention se veut plutôt rare en ce début de présaison.
Le message est clair : Riot veut dynamiser les parties. En l’état c’est chose faite mais jusqu’ici la plupart des matchs nous ont semblé être à sens unique tant chaque dragon terrassé confère un avantage de taille à l’équipe lui ayant asséné le dernier coup. L’effet boule de neige semble plus présent que jamais et ce ne sont pas les faibles ajustements faits sur le côté supérieur de la carte (gain d’xp et modification du Héraut de la faille) qui l’atténuera.
Dans les changements plus mineurs, on note l’apparition de nouveaux buissons dans la jungle, offrant de nouvelles opportunités d’embuscade et des alcôves sur les voies extérieures. Ces dernières ne nous ont pas semblé décisives pour l’instant mais peuvent permettre à un joueur de s’y cacher ou tenter de gagner du temps en cas de course-poursuite.
Traditionnellement, chaque présaison fait office de terrain d'expérimentation, tant pour les développeurs que pour les joueurs. Nous n’hésiterons donc pas à qualifier les parties classées de “foire à la saucisse” à l’heure actuelle. Tous ces ajouts seront équilibrés grâce aux retours des joueurs et aux constatations de Riot en amont du lancement de la Saison 10 en janvier prochain. L’enthousiasme ambiant et l’inconséquence des parties sont bel et bien liés à la remise à zéro des classements et non pas à la qualité de cet “Avènement des Éléments”. Nous ne doutons pas le moins du monde que Riot saura équilibrer son jeu d’ici la reprise des classements et avons hâte de voir la meta se stabiliser et l’impact des ajouts sur les parties à haut niveau.
Points forts
- Une pléthore de champions charismatiques
- Un jeu en perpétuelle évolution, en constante amélioration
- Une direction artistique et un lore soignés
- La marge de progression pratiquement infinie
- Nerveux et dynamique
- Une profondeur de jeu abyssale
- L’interface, parfaite
- LE modèle économique à suivre pour n’importe quel free-to-play
- Tourne sur n’importe quelle bécane de cette décennie
- Aussi agréable à regarder qu’à jouer une fois initié
- Un générateur de moments épiques entre potes
- Une communauté active pour le meilleur...
Points faibles
- ...Comme pour le pire
- Se mettre en selle peut être particulièrement ardu
- On pourrait en attendre plus graphiquement d'un jeu d'une telle ampleur
- La disparition de plusieurs modes qui avaient leurs adeptes
- Des déséquilibres ponctuels, inévitables au vu du nombre de variables
- La longueur et l’intensité des parties génère de la frustration
- Il ne faut pas avoir peur de se faire insulter
En doutiez-vous vraiment ? League of Legends n’est pas là où il est aujourd’hui par hasard. Aussi jouissif à jouer qu’à regarder, aussi exigeant qu’enthousiasmant, Riot a mis toutes les chances de son côté pour pousser son jeu phare au sommet. Fort d’une direction artistique soignée et d’un pool de champions aussi stylé que bien conçu, LoL ne cesse de se perfectionner. On pourra lui reprocher des errements d’équilibrage par-ci par-là, mais la tâche s’avère d’une complexité sans nom. Les joueurs peuvent néanmoins compter sur un suivi d’exception pour être entendus et permettre au jeu de briller à tous les niveaux de compétition. S’il peut se montrer parfois ardu ou intimidant, il est cependant impossible de ne pas voir League of Legends pour ce qu’il est vraiment : un des plus grands jeux compétitifs de sa génération.