Fils spirituel d'Heavy Rain, qui aura d'ailleurs la difficile tâche de passer après Beyond Two Souls, Detroit : Become Human est à coup sûr l'un des titres les plus ambitieux du line-up Sony pour cet E3 2016. La dernière production en date signée Quantic Dream (5ème jeu en plus de quinze ans d'existence) a en effet fait forte impression auprès du public, que ce dernier soit initialement conquis ou non par les œuvres de David Cage. Avec son ambiance si particulière et surtout grâce à l'accent mis sur l'importance des choix dans la trame de ce « thriller néo-noir », le studio français vise juste et fait exactement ce pour quoi le public l'a apprécié : miser sur les actes et conséquences, sur l'implication du joueur, et délivrer une aventure haletante à mi-chemin entre cinéma et jeu vidéo. Exit le focus sur un seul personnage et les faux-choix, on nous le promet cette fois, Detroit affiche des ambitions au moins aussi importantes que son illustre modèle...
Nous avons assisté à une présentation de Detroit à huis clos durant cet E3 2016. La session, jouée en direct sur une PlayStation 4, s'attardait sur la séquence visible en trailer, et l'explorait de deux manières différentes afin de montrer l'importance des choix et de leurs conséquences dans l'aventure.
Un univers « thriller néo-noir » léché
Commençons donc par une rapide introduction à l'univers de Detroit : Become Human. Le titre met en avant un monde emprunt de futurisme et questionne au passage l'avenir de l'humanité. Dans cet univers, l'Homme a domestiqué le robot et l'a élevé au rang d’androïde bon à tout faire, apte à occuper des professions qu'il ne veut plus pratiquer. Cette décision a, comme vous pouvez l’imaginer, fait exploser le chômage et a créé un climat de haine à l'égard de ceux qui, à la base, sont censés aider les humains sans broncher et, surtout, sans rien ressentir. Un Android Act est même rédigé et les « hommes robotiques » ont par exemple interdiction formelle d'être plus d'un certain nombre dans des espaces publics, ou sont interdits de porter certains types de vêtements : un bon gros climat de ségrégation en somme...
Histoire de renforcer un peu plus cette atmosphère, certaines rumeurs font état d’androïdes ayant développé des émotions... Certains quittent leur travail et disparaissent dans la nature, tandis que d'autres sont portés disparus ou même se suicident, ce qui inquiète beaucoup les citoyens des métropoles, lesquelles abritent plusieurs millions d’androïdes pour l'instant fidèles au rôle qu'on leur a donné. Les humains se posent donc de plus en plus de questions et craignent sans doute un soulèvement massif. Voilà pourquoi certains androïdes sont créés pour repérer et traquer ces fameux « déviants » qui développent des comportements humains et représentent de ce fait une menace. Les amateurs de sci-fi reconnaîtront les similitudes avec le pitch de Blade Runner, mais après tout, comment rester de marbre face à une version revisitée et surtout interactive de l’œuvre originale de Phillip K. Dick ?
Un gameplay simple mais efficace
Les productions David Cage n'ont jamais eu la prétention d'apporter un gameplay révolutionnaire et sur ce Detroit, c'est l'accessibilité et l'intuitivité qui priment. Déplacements et interactions se font d'ailleurs de la même manière que sur les deux précédents titres de Quantic Dream. L'interface est épurée et l'expérience doit être jouable par la totalité des publics y compris par les non-gamers, une cible idéale pour ces productions narratives qui se savourent particulièrement bien à plusieurs, dans la plus pure tradition du couch-gaming.
N'allez toutefois pas vous imaginer que le gameplay n'a pas évolué d'un poil depuis Beyond. Quantic a prévu pour ses androïdes divers « pouvoirs surhumains », des features qui seront à disposition des personnages robotiques que l'on va incarner. Dans la peau de l'androïde Conor (que l'on a pu voir à l’œuvre dans le trailer E3 de cette année), vous aurez donc la possibilité de figer le temps pour analyser les éléments d'une pièce, d'observer l'impact de vos actions sur le pourcentage de probabilité de réussite de votre mission en cours, et de voir les diverses pistes que vous avez pour mener à bien vos enquêtes. Cet univers, appelé en interne « Mind Palace » n'est visiblement pas disponible pour la totalité des personnages, et il est possible que chaque protagoniste ait ses propres features de perception. Kara (premier personnage de Detroit dévoilé) étant une déviante, il y a fort à parier que ses aptitudes diffèrent de celles de Conor, le chasseur de déviants hostiles.
Conor, le Blade Runner de Detroit
Ce fameux nouveau personnage masculin, chargé de traquer et de neutraliser les déviants qui tendent à devenir dangereux pour l'Homme, peut également analyser les scènes de crime à la manière de Norman Jayden, membre du FBI dans Heavy Rain qui, avec ses lunettes futuristes ARI, pouvait examiner méticuleusement les indices laissés sur les lieux pour matérialiser des éléments de son enquête en réalité augmentée. Conor dispose donc d'aptitudes similaires mais va encore plus loin dans le concept en s'autorisant de manière situationnelle des rembobinages temporels et de l'observation poussée à base de reconstitution 3D de scènes passées, en matérialisant par exemple les derniers instants d'une victime afin de déceler des indices cruciaux. On est donc invité à fouiller, à gratter les représentations 3D à notre disposition, comme le ferait Tom Cruise dans Minority Report ou comme Batman dans Arkham Knight. À la clé de ces recherches : de nouveaux éléments pour mener à bien l'enquête, en apprendre plus sur l'affaire afin de mieux comprendre la situation et réagir de manière plus adaptée, et récupérer des objets jusqu'alors inaccessibles.
L'exemple choisi pour illustrer l’intérêt de ce dispositif proposait d'analyser la mort d'un policier, tué par l'androïde déviant du trailer. Après avoir analysé sa mort à 100% en détectant les blessures encaissées face à son adversaire, nous parvenons à reconstituer son meurtre à l'écran afin de voir où son pistolet de service a atterri après avoir été jeté en l'air. Une fois l'arme récupérée, de nouvelles options de « négociations » sont débloquées pour Conor dans sa future confrontation avec l'androïde preneur d’otage. Autant d'options qui nous permettront peut être de sauver la petite fille en danger, notre objectif pour la mission montrée. D'ailleurs, le pourcentage de chances de succès de la mission, qui fluctue en fonction de vos actions, fit un intéressant bond lorsque nous récupérâmes ladite arme.
Le gameplay de Conor dans le cadre de ses enquêtes semble donc suivre le schéma suivant : vous pouvez soit y aller au talent et tenter de résoudre vos missions en trouvant les bons mots et les bonnes actions au bon moment tout en considérant vos chances de réussite comme faibles, ou bien vous tentez d'améliorer ce pourcentage en fouillant un peu partout et en vous intéressant en profondeur au cas criminel à notre portée. Cette dernière stratégie a d'ailleurs porté ses fruits dans le second cheminement exploré dans notre session de jeu, celui qui nous permettait de sauver la petite fille tenue en otage par l'androïde déviant. Guillaume de Fondaumière nous assure que de nombreux autres cheminements sont possibles pour cette scène, et que chaque action capitale aura sa conséquence dans l'aventure. L'aventure s'adaptera, continuera, et chaque personnage peut mourir définitivement...
Detroit: Become Human, le trailer E3 2016
Detroit : Become Human s'annonce sous les meilleurs augures maintenant que nous en avons vu du gameplay. L'épopée semble suivre un schéma narratif croisé à plusieurs personnages, que les fans d'Heavy Rain accueilleront avec plaisir. On nous promet ici une dimension « action-conséquence » aux multiples embranchements avec une trame efficace mettant en scène plusieurs personnages aux destins liés. Un gros travail graphique et technologique a été effectué pour rendre l'action la plus réaliste possible et l'on salue volontiers la performance capture à l’œuvre et l'efficacité du nouveau moteur graphique. Un gros travail a également été fait sur les petits détails d'animations, de HUD, mais aussi sur la rigidité des déplacements désormais corrigée par certains artifices. Sans faute pour Quantic Dream, Detroit : Become Human nous intrigue et nous donne vraiment envie ! Reste à savoir si, une fois manette en main et sur de plus longues sessions, le concept ne montre pas certaines limites.