Il y a des studios sur lesquels il était difficile de parier sur le long terme. Si l'on se replonge à la sortie de Fortnite avant qu'il ne devienne le Battle Royale que l'on connaît, personne n'aurait misé sur la longévité de Epic. Et si l'on jette un coup d'oeil deux ans en arrière lors de la parution de No Man's Sky, il ne serait pas cavalier d'affirmer qu'à cette époque, Hello Games n'était pas en odeur de sainteté auprès des joueurs. Mais parfois, la tenacité et l'initiative payent et prouvent qu'il est aussi possible de renaître de ses cendres et ce, de la plus belle manière.
E3 2015. Sean Murray, cofondateur de Hello Games, investit la scène de la conférence Sony et livre une présentation coup de poing de son titre à venir : No Man's Sky. Un an plus tard, au cours duquel nombre de promesses ont été faites et où la question du multi a été volontairement éludée, le titre fait son apparition sur PS4 et sur PC deux jours plus tard.
Inutile de revenir sur les nombreux mèmes créés à cette époque, mettant en opposition les promesses d'antan et la réalité du terrain, ni même la tempête dans laquelle Hello Games s'est un peu malgré lui retrouvé, ayant sans doute été dépassé par ses ambitions. No Man's Sky n'était pas la claque attendue, mais contre vents et marées, le studio a maintenu le cap et a choisi d'honorer ses promesses, comme il l'a prouvé aujourd'hui, en sortant une nouvelle mise à jour gratuite, ajoutant les fonds marins au jeu d'exploration spatiale, peu après avoir introduit le tant attendu multijoueur. Cette persévérance a permis au jeu et au studio de regagner l'estime du public, recueillant à nouveau les faveurs des foules. Autant dire que le jeu revient de loin.
Le premier trailer de No Man's Sky - VGX 2013
Un exposition démesurée a biaisé les attentes
Au départ, Hello Games a sans doute été victime d'une exposition à laquelle il n'était pas préparé. De simple studio indépendant, avec de petits effectifs et des moyens limités, l'entreprise s'est retrouvée propulsée sur le devant de la scène internationale, avec la force de frappe de Sony qui s'était aménagé l'exclusivité console du titre, paru sur Xbox One seulement cette année. Trailers alléchants, démonstration mondiale dans le cadre de l'E3, No Man's Sky est progressivement passé de projet ambitieux, mais modeste, à celui de AAA, davantage dans l'esprit du public que dans les faits, cependant. Assez maladroit en communication, Sean Murray, au gré de ses interventions, paraissait assez peu à l'aise avec la surmédiatisation de son projet, éludant régulièrement les questions récurrentes relatives au multijoueur, n'affirmant jamais vraiment, mais n'infirmant pas non plus sa présence dans la version finale.
Cette mise en lumière, sans doute disproportionnée face aux ambitions réelles des développeurs, a clairement biaisé les attentes des joueurs, estimant qu'un jeu bénéficiant d'une telle puissance de feu marketing ne pouvait qu'être à la hauteur de ses promesses. Sans être une catastrophe absolue, No Man's Sky a cependant déçu sur bien des plans. Jouabilité, répétitivité, absence avérée de multijoueur et aspect procédural pas vraiment séduisant en pratique... les arguments à charge prévalaient sur ceux à décharge. Affirmer à l'époque que le titre de Hello Games avait davantage des airs d'early access que de jeu complet était monnaie courante. Sean Murray était d'ailleurs revenu sur les écueils de son parcours médiatique, confiant au cours d'une interview accordée à The Guardian ne jamais avoir été à l'aise avec l'exercice de la communication.
Nous avons vraiment raté toute une partie de la communication. Je n'ai jamais aimé parler à la presse. Je n'ai pas apprécié le faire non plus quand je le devais, j'étais naïf et surexcité par mon jeu. Il y a beaucoup de choses que je regrette par rapport au lancement, ou des choses que je ferais différemment.
Faute avouée à moitié pardonnée
On connaît la propension d'internet à déployer des réactions disproportionnées lorsqu'il est mécontent. Insultes et menaces de mort ont été le lot des équipes de Hello Games suite au lancement du jeu, qui, s'il n'a pas donné entière satisfaction à la communauté de joueur, n'a pas pour autant été un échec commercial. Ainsi, plutôt que de se concentrer sur les doléances parfois excessives, le studio a confié vouloir se couper des critiques et travailler à l'élaboration d'un meilleur jeu, plus en phase avec les ambitions initiales et les attentes de la communauté.
Après une succession d'ajouts intéressants, l'introduction du patch NEXT, apportant la coopération à 4 joueurs, a donné un nouvel élan au titre que de nombreux joueurs avaient laissé prendre la poussière. Sans demander aux joueurs de dépenser un centime, No Man's Sky disposait, au gré de nombreuses mises à jour, d'un tout nouveau visage, offrant des interactions et des possibilités de construction impossibles, bien qu'attendues, dans la version de base. En somme, l'occasion était toute trouvée pour les anciens joueurs comme pour les nouveaux de reprendre du service et de faire un état des lieux du travail accompli sur le jeu. Les joueurs ne s'y sont pas trompés, No Man's Sky était arrivé à maturité, plus de deux ans après sa sortie. Aujourd'hui, la nouvelle extension semble surfer sur le succès de l'excellent Subnautica, et offre cette fois-ci des perspectives d'exploration sous-marine, accentuant encore la diversité des possibilités offertes par No Man's Sky, qui se porte plutôt bien aujourd'hui.
La mise à jour The Abyss
Si en l'occurrence, nous laissons le choix à chacun d'évaluer les qualités du jeu, et qu'on l'apprécie ou non, le travail de Hello Games un bel exemple de « rédemption » et de reconnaissance d'une faute que le studio s'est employée à corriger. Effectivement, difficile de ne pas voir dans l'arrivée du mode multijoueur une version du jeu telle qu'elle aurait dû l'être à l'époque. Mais les pressions externes et des liquidités réduites à néant sont autant de raisons invoquées par Murray pour justifier la sortie précipitée d'un jeu déjà reporté à maintes reprises. La persévérance du studio, sans doute aidé par les ventes du jeu « vanilla », a autant prouvé qu'il n'a sans aucun doute jamais voulu tromper le joueur, mais plutôt qu'il s'est laissé dépasser par ses rêves et a rudement été confronté à la réalité de l'industrie. Il est en tout cas difficile de nier que No Man's Sky aurait évité bien des problèmes d'image s'il avait lancé son titre en early access et livré sa version définitive deux ans plus tard, comme c'est le cas pour bon nombre de titres choisissant l'accès anticipé comme vecteur de financement.
Bien entendu, d'autres exemples existent dans l'industrie. Les jours suivants le lancement du premier Destiny ne s'est pas fait sans heurts, à tel point que les équipes d'Activision / Bungie ont fait appel à celles de Blizzard pour rectifier le tir. Une initiative qui a donné naissance à la très bonne extension Les Rois Corrompus et au nouvel essor de la franchise. De son côté, Square Enix, plutôt que de se satisfaire des erreurs de Final Fantasy XIV Online, a travaillé d'arrache-pied pour livrer Final Fantasy XIV : A Realm Reborn gratuitement aux possesseurs du jeu de base, et leur propose aujourd'hui une expérience de qualité qui connaît une belle longévité. Mais ces cas précis concernent des vétérans de l'industrie, rompus à l'exercice du développement et du marketing. Hello Games n'avait pour expérience que la saga des Joe Danger, sympathique, mais oubliable, et s'est retrouvé, dans l'esprit du public du moins, à la hauteur des mastodontes. On saluera donc la ténacité du studio pour être parvenu à finalement honorer ses promesses.
Ceci marque en tout les cas une tendance de plus en plus prégnante au sein de l'industrie, qui rend presque établi qu'un jeu vidéo est malheureusement rarement complet au jour de sa mise en rayons. Si l'on fait exception des games as a service, il devient monnaie courante que les titres ratent leur lancement, recueillent les foudres des joueurs et qui peu à peu, parviennent au fil des correctifs et mises à jour à coller à la promesse initiale. Espérons cependant que cette tendance ne devienne pas une norme, faute de quoi le lancement d'un jeu perdra vite son caractère évènementiel.