Le 12 juin 2017, au Galen Center, Xbox tenait sa 17ème conférence E3, un moment particulièrement attendu par les gamers du monde entier. Il faut dire que l’entreprise américaine avait dans ses valises une nouvelle console très attendue et forcément, tout le monde s’attendait à ce que Phil Spencer enchaîne les annonces coup de poing pour soutenir le lancement de « la console la plus puissante de l’histoire ». Alors qu’un nouvel E3 est sur le point d’ouvrir ces portes, que reste-t-il des promesses de l’édition précédente ?
Sur cette génération de consoles, on ne vous l’apprendra pas, Xbox n’a pas totalement convaincu. Les ventes de sa console sont somme toute très correctes et la comptabilité de Microsoft n’a pas à se plaindre des résultats de la division jeu vidéo de l’entreprise. Pour autant, les gamers sont en droit d’attendre plus d’un constructeur et éditeur qui, il y a encore quelques années, faisait armes égales avec PlayStation. C’est sans doute pour cette raison que la conférence E3 2017 de Xbox avait une saveur particulière : Phil Spencer, le patron de la marque au X vert, devait dévoiler en long, en large et en travers le fameux Project Scorpio. Outre la présentation de la console, finalement nommée Xbox One X, on s’attendait à ce que le lancement de la machine soit accompagné de plusieurs jeux forts à même de mettre en avant les capacités de la machine. Mais un an plus tard, le regard porté sur cette conférence plutôt bien rythmée est sans doute un peu différent.
Xbox One X : mission réussie
Bien entendu, le gros de la conférence fut axé sur la nouvelle console de Microsoft, la Xbox One X. Spencer s’en est tenu à l’essentiel, évitant les déballages de chiffres inutiles, qui étaient déjà connus pour la plupart ; Microsoft avait en effet accordé la primeur de ces informations à Eurogamer et sa section Digital Foundry, qui avaient eu accès à un devkit de la console quelques mois auparavant et avaient largement présenté les capacités du Project Scorpio dans une série d’articles et de vidéos. La conférence a donc surtout permis à Spencer de dévoiler le nom officiel de la bête, ainsi que son prix et sa date de sortie.
On nous promettait la console la plus puissante de l’histoire, et en fin de compte, on l’a eu. Ce qui n’est pas surprenant puisqu’il s’agissait alors de la dernière console parue dans le commerce, tous constructeurs confondus, comme l’ont fait remarquer certains détracteurs. Mais au-delà des petites punchlines marketing de Microsoft, on avait plusieurs questions en tête : la console est-elle si puissante que cela ? Microsoft saura-t-il utiliser à bon escient le potentiel de la One X ? Et surtout, les éditeurs tiers et les développeurs feront-ils l’effort de peaufiner les jeux pour une machine destinée à se vendre en quantité modérée, de l’aveu même de Microsoft ? Six mois après le lancement de la One X, le constat est plutôt positif.
- La One X est effectivement une console qui en a dans le ventre ; les tests présentés par Digital Foundry avaient posé quelques certitudes, et les premiers tests, notamment lors de l’E3 puis en amont de la sortie officielle de la machine, l’ont confirmé. Pour 499€, la Xbox One X est bel et bien capable de proposer du jeu en 4K, ou tout du moins en UHD (3840 x 2160), ou dans des résolutions avoisinantes, en fonction des titres. Microsoft annonçait une console 40 % plus puissante que la PlayStation 4 Pro de Sony , mais dans la pratique ? Eh bien ces derniers mois, lors de nos différents tests, on a en effet pu constater que la One X offrait régulièrement un rendu visuel supérieur à celui de la PS4 Pro. Toutefois, il y a un léger bémol : Spencer et ses troupes ont longtemps parlé de 4K à 60 images par secondes et dans les faits, hormis quelques exceptions (Forza Motorsport 7, par exemple), aucun jeu amélioré pour la Xbox One X ne propose de telles caractéristiques.
- De son côté, si Microsoft a bel et bien démontré le potentiel de la console avec Forza Motorsport 7, probablement la plus belle simulation de course auto disponible à ce jour toute plates-formes confondues, le jeu de Turn10 est bien seul. Microsoft a mis à jour la plupart de ses jeux first-party, avec notamment Halo 5 : Guardians, Forza Horizon 3 ou encore Gears of War 4, toutefois il n’y a bien que ce dernier qui profite pleinement de la puissance de la One X. Pas d’effet « waouh » avec les autres jeux, et les derniers softs édités par Microsoft n’ont pas vraiment changé la donne. Sea of Thieves est plutôt joli, mais State of Decay 2 n’est malheureusement pas au niveau des attentes.
- Cela étant, les éditeurs tiers ont largement répondu présents, à notre grand plaisir. Avant la sortie de la machine, nous avions interrogé en « off » plusieurs développeurs qui doutaient que les studios accordent un traitement de faveur à la One X qui n’intéresserait qu’une petite frange de joueurs. L’investissement n’en vaudrait pas la peine, nous disait-on. D’autres, plus optimistes, estimaient que les studios seraient ravis de pouvoir travailler sur une console aussi puissante et sur laquelle il serait très facile de développer des jeux. Et ils ont eu raison. De nombreux éditeurs et développeurs ont annoncé, dans les semaines et mois qui ont suivi la sortie de la One X, que leurs jeux bénéficieraient d’un patch pour utiliser au mieux les compétences de la machine. C’est particulièrement flagrant sur Star Wars : Battlefront II, ou encore The Witcher 3 : Wild Hunt ; CD Projekt a fait l’effort de mettre à jour un titre paru courant 2015 et à ce jour les propriétaires de Xbox One X les en remercient encore puisque le jeu est absolument sublime, et surtout efface les nombreux soucis de performance de la version Xbox One. Dans les studios, nous avons pu nous en rendre compte, la One X a largement été adoptée et ces derniers mois, la plupart des jeux en cours de développement que nous avons pu essayer tournaient sur Xbox One X. C’était notamment le cas de The Crew 2, ou encore Shadow of The Tomb Raider.
En somme, si l’on oublie les déclarations « 4K, 60 fps » de Microsoft, qui est d’ailleurs souvent revenu sur ce point par la suite, la One X tient ses promesses, et les joueurs ne s’y sont pas trompés. Cela s’est reflété par d’excellentes performances de la marque Xbox, en novembre et décembre 2017, des performances qui ont d’ailleurs dépassé les prévisions établies en interne. C’est le cas en France, notamment, où la division Xbox locale a du se réapprovisionner à plusieurs reprises pour pourvoir à la demande. De quoi encourager Phil Spencer à poursuivre sur cette voie ?
Les jeux en ligne de mire
Depuis que Phil Spencer est aux commandes de la division Xbox, les fans de la marque sont aux anges puisqu' outre sa bonhomie et son accessibilité sur les réseaux sociaux, Spencer a un argument en sa faveur : avant d’être un homme d’affaires, il est avant tout un gamer et il a multiplié les décisions en ce sens. Tout le contraire de Don Mattrick, en somme, détesté par de nombreux joueurs depuis ses déclarations lors de l’E3 2013. Pour autant, la nomination de Spencer et son ascension dans la hiérarchie de Microsoft n’ont pas encore eu les effets escomptés sur la Xbox One, qui manque toujours d'exclusivités. La conférence E3 2017 était le bon moment pour renverser la vapeur et le terme « exclusive » a été employé très régulièrement lors du grand oral de Spencer. Malheureusement, le résultat n'est pas encore visible.
Cet E3 2017 pose déjà la question de savoir comment sont gérés, en interne, les différences projets des studios Microsoft. Il suffit de se pencher sur les cas des derniers jeux annoncés par Xbox pour s’en convaincre : Sea of Thieves a du potentiel mais malgré différents reports et un temps de développement conséquent, il souffre d’un manque évident de contenu. State of Decay 2 était moins ambitieux, mais cela ne l’a pas empêché de sortir perturbé par les bugs et les soucis de game-design. Quant à Crackdown 3, ses reports successifs inquiètent naturellement, et l'historique de son développement symbolise les difficultés de la marque américaine à rassurer sur la solidité de ses exclusivités.
il a encore été décalé et les nombreux reports qu’il a connu n’ont pas franchement amélioré son cas, comme nous l’avions constaté la dernière fois que nous l’avions vu. Ici clairement, les promesses, si tant est que l’on puisse parler de promesses, n’ont pas été tenues et Microsoft aura fort à faire cette année pour rassurer les joueurs sur sa capacité à investir intelligemment et à soutenir la production de jeux de qualité.
D’autant que côté tiers, ce n’est pas la panacée non plus. Durant la conférence, on a pu voir plusieurs jeux en exclusivité, comme Dragon Ball FighterZ, Assassin's Creed Origins et Metro Exodus, et même un peu plus de gameplay d’Anthem, le nouveau jeu de Bioware. Une présence importante des tiers, donc, mais absolument aucune vraie exclusivité en fin de compte. Si Microsoft n’avait de toute manière fait aucune promesse là-dessus, cela a été globalement mal vu par les joueurs qui espéraient plus, et surtout des exclusivités. Microsoft n’a pas fait ces annonces pour rien, elles servaient principalement à démontrer la puissance de la Xbox One X ; le constructeur n’a pas d’exclusivités mais mise sur ce que les joueurs appellent familièrement les « superior versions », la version la plus aboutie d’un jeu. Assassin’s Creed Origins, dont la sortie coïncidait à peu près avec celle de la One X, a été régulièrement mis en avant par Xbox et Ubisoft et pour cause : Origins, déjà très beau sur toutes les consoles déjà existantes, est sublime sur One X et à la sortie de la machine, il était sans doute la plus belle preuve de ses capacités. Ces annonces étaient donc avant tout la preuve du soutien des éditeurs tiers et une promesse effectuée sur le moyen et long terme. Jusqu’à présent, elle tient.
À noter que lors de la conférence, Spencer a tenu à rappeler qu’il avait effectué un petit voyage au Japon pour faire le tour des éditeurs locaux, on s’en doute pour les convaincre de travailler avec la marque au X vert. Le voyage a semble-t-il payé puisqu’à l’E3, Microsoft avait ainsi l’exclusivité des ‘’reveals’’ de Dragon Ball FighterZ et Code Vein, deux jeux Bandai Namco. Et il ne s’agit pas d’un acte isole. On ne serait d’ailleurs pas étonné d’apprendre par la même occasion les portages de jeux japonais salués par la critiques les joueurs. Et notamment Nioh, le jeu de Team Ninja paru en février 2017, et dont le nom est régulièrement parvenu jusqu’à nos oreilles ces derniers temps. Spencer s’était engagé à ramener les éditeurs japonais sur Xbox et il se pourrait bien qu’il ait réussi.
Toujours plus de rétrocompatibilité
Le boss de Xbox est très fier d’avoir lancé le vaste programme de rétrocompatibilité des jeux Xbox 360 et lors du salon, il a un peu plus affirmé sa volonté d’étendre la liste de titres concernés, et même de s’attaquer à la ludothèque de la première Xbox. Cette politique est très populaire auprès des joueurs et Xbox n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à communiquer des chiffres sur le sujet, notamment sur le nombre d’heures de jeu. Pourtant ces dernières années, Microsoft est plutôt taiseux lorsqu’il s’agit de commenter ses résultats par des chiffres… Spencer avait toutefois annoncé que la liste des jeux Xbox rétrocompatibles mettrait plus de temps à s’agrandir, du fait des différentes contraintes techniques que cela représente, et il avait bien fait : aujourd’hui, seulement une petite trentaine de jeux Xbox sont rétrocompatibles, même si l’on y trouve quelques jolies perles, comme Fuzion Frenzy, Psychonauts, Star Wars : Knights of the Old Republic, SSX 3 ou Jade Empire.
Si l’on avait pu croire, fut un temps, que cette histoire de rétro-compatibilité serait vite oubliée, faute à un manque de soutien des éditeurs et autres ayant-droits, dans les faits Microsoft a largement musclé son offre et l’améliore de jour en jour. Souvent de manière spectaculaire d’ailleurs, comme dans le cas de vieux jeux Xbox 360 qui reçoivent un patch 4K pour Xbox One X. Dans le cas de Red Dead Redemption, c’est particulièrement impressionnant puisque ainsi patché, le jeu a tout l’air d’un remaster qui aurait pu être revendu à plusieurs dizaines d’euros, et s’arracher dans le commerce.
Parler à tous les joueurs
Spencer l’a suffisamment répété avant et après la présentation officielle de la One X, la dernière-née de Microsoft n’est pas destinée à tous les joueurs. Il le sait, tout le monde n’a ni l’envie, ni les moyens de se payer une console à 500€, trois ou quatre ans après avoir déjà dépensé 400€ dans une version moins puissante de la même console. Xbox a depuis la sortie de la Xbox One S une stratégie très claire : à chaque joueur ses besoins et ses envies ; il faut donc proposer une offre variée qui permette à chacun d’y trouver son compte. La sortie de la One X va dans ce sens puisque de nombreux fans de la marque étaient prêts à mettre le prix nécessaire à l’acquisition d’une Xbox surpuissante. La One X n’est donc qu’un élément d’une stratégie plus large de Microsoft, qui ces derniers mois et années, a multiplié les initiatives étonnantes. Comme le Game Pass, qui depuis janvier dernier, accueille dès leur lancement les titres estampillés Microsoft Studios. Plus récemment, Xbox a dévoilé une manette adaptée aux personnes en situation d’handicap et qui n’ont pas la possibilité d’utiliser la manette classique. Voilà sans doute une réponse à ceux qui estimaient à juste titre que la disparition du port Kinect des derniers modèles de Xbox One ostracisait ceux qui avaient besoin de la petite camera pour jouer. Plus que jamais, Xbox s’accroche à son nouveau cheval de bataille, « le jeu pour tous ». On ne pourra que l'en féliciter.
Un an après sa conférence E3, le verdict est donc plutôt positif pour Xbox qui a tenu ses promesses et a même réussi à surprendre, notamment côté rétro-compatibilité et accessibilité. Reste que pour confirmer, il faudra que la bande à Spencer revienne en force à Los Angeles, les bagages chargés de nouveaux jeux, avec pourquoi pas dans le lot quelques exclusivités. Rappelons qu’il y a quelques mois, Microsoft avait fait connaître son intention d’utiliser son chéquier et d’acquérir IP et/ou studios pour garnir son porte-feuille. On pourrait en entendre parler le 10 juin prochain.