Les consommateurs d’un Internet libre et neutre se seraient bien passés du cadeau de Noël livré en avance par la commission fédérale américaine des communications. Cette agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis créée par le Congrès il y a plus de 80 ans a voté l’abrogation de la neutralité d’Internet entérinée en 2015, ce qui signifie concrètement que chaque fournisseur d’accès outre-Atlantique pourra définir le débit alloué en fonction du type de contenu ou du site visité. Pour l’utilisateur, cela pourrait se ressentir par des factures plus élevées, ou tout simplement par l’interdiction ou le ralentissement de certains sites et services qui ne seraient pas en partenariat avec leur fournisseur d’accès. Un Internet à plusieurs vitesses devenu obligatoire selon certains télécoms français, qui pour le moment se heurtent au droit européen. Un mois après son annonce, devons-nous toujours nous inquiéter d’un Internet moins neutre en plus d’une possible propagation ?
L’abrogation de la neutralité du Net aux Etats-Unis votée par la Commission fédérale des communications (FCC) a fait l’effet d’un séisme dont les secousses se sont ressenties jusqu’en France. Ce vote passé à trois voix contre deux met un terme à la garantie d’un traitement égal des flux de données par les opérateurs outre-Atlantique. "Nos fournisseurs d'accès à Internet vont obtenir de notre agence un nouveau pouvoir extraordinaire” prévenait Jessica Rosenworcel, commissaire de la FCC, à moins d’une heure de la fin des votes. “Ils vont avoir le pouvoir de bloquer des sites Internet, de ralentir certains services, de censurer des contenus en ligne. Ils vont avoir le droit de discriminer et de favoriser le trafic internet des entreprises avec lesquelles elles auront des arrangements et de cantonner tous les autres à une route lente et cabossée” précisait-elle dans des propos rapportés par Le Monde. Le camp d’en face tente de rassurer en expliquant qu’il y aura “des protections robustes pour l’utilisateur” et qu’il ne faut pas polluer le débat “par des rumeurs alarmistes”. “Cela va permettre à la FCC de réguler Internet exactement comme elle régule la radio et la télévision” peut-on lire dans les commentaires postés par les anti-neutralité.
Les sociétés de télécommunications françaises persistent, signent, mais rebondissent peu
En France, les opérateurs n’ont pas attendu le vote de la FCC pour contester le principe de neutralité du Net. À l’époque où Vivendi contrôlait encore SFR, Jean-Bernard Levy, alors président du directoire de Vivendi et patron de SFR, déclarait dans une tribune publiée le 23 février 2012 que “la question de la neutralité du Net doit être envisagée bien plus sous l’angle de la dynamique économique que sous l’angle des libertés publiques”. Il ajoutait que “la charge de l’augmentation exponentielle de trafic ne peut plus être supportée par les seuls opérateurs”. L’utilisateur final n’est pas celui clairement désigné par Levy pour mettre la main à la poche. “Les géants du Web qui réalisent (...) des bénéfices colossaux” seraient les payeurs idéaux, selon la tribune. Plus récemment, lors de l’audition de la direction du Groupe SFR diffusée sur Public Senat le 14 décembre 2017, Alain Weill, Président-directeur général du groupe SFR, réitère :
C’est vrai que les GAFA (acronyme désignant Google, Apple, Facebook, Amazon - ndlr) utilisent nos infrastructures sans les financer, et c’est le sujet de la neutralité du Net. Alors nous on n’est pas du tout hostile à la neutralité du Net, mais dans la neutralité du Net on met un peu de tout. On met des sujets éthiques, des sujets démocratiques, mais il y a aussi des sujets financiers et fiscaux. Est-ce qu’il est normal que les plus gros acteurs de l’Internet dans le monde qui diffusent des vidéos des heures et des heures ne participent à aucun moment au financement des infrastructures ? C’est une question que je me permets de poser. Cela se fait au détriment soit des opérateurs, soit de nos abonnés puisqu’ils financent les infrastructures, contrairement aux acteurs mondiaux qui bénéficient d’une fiscalité avantageuse et qui ne financent à aucun moment les réseaux. Donc oui, il y a surement besoin d’une réforme fiscale. Alain Weil, Président-directeur général du groupe SFR.
Une vision partagée par son collègue Régis Turrini, Secrétaire général de SFR, qui n’hésite pas à aller plus loin dans la démonstration :
Depuis 2010, l’industrie des télécoms perd du chiffre d’affaire alors que les usages ne cessent de se développer. (...) L’industrie dans sa globalité perd de l’emploi. Vous l’ignorez sans doute mais le plus grand opérateur télécom de la planète, c’est Facebook via WhatsApp et via Messenger. Mais Facebook n’est pas régulé, il n’est pas fiscalisé, et surtout, il n’investit pas, il est juste le coucou sur notre propre réseau. Sans nous, pas de Facebook. (...) Ils sont sur l’autoroute, ils utilisent toute l’autoroute, ils laissent très peu de place aux voitures particulières, mais ils ne payent rien. Il y a un sujet majeur sur lequel il faut absolument s’interroger. Régis Turrini, Secrétaire général de SFR.
En 2015, Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom, déclarait selon l’Ajef que la neutralité du Net exclut “tout paiement d’accès pour ne pas discriminer les consommateurs, quitte à ce que les retombées financières, et fiscales, se concentrent dans les poches de GAFA et aux Etats-Unis”.
Il est donc là, l’argument majeur des opérateurs : la neutralité du Net les empêcherait de facturer l’utilisation de leurs tuyaux aux géants qui les squattent et qui en grignotent la bande passante. Dans un contexte économique où les télécoms connaissent une chute de leur chiffre d’affaire alors que leurs clients comme les pouvoirs publics leur demandent beaucoup d’investissements, on voit d’un mauvais oeil ces grands groupes qui existent grâce aux infrastructures et qui ne paient pas. Un point de vue qui est partagé par Patrick Drahi, actuel PDG de SFR revenu dans le Groupe après le départ de Michel Combes (lequel fut aussi PDG d’Alcatel Lucent, équipementier dans les télécoms).
Tout ne serait donc qu’une histoire de tuyaux ? Au micro de BFMTV le 19 décembre 2017, Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange et Président de la Fédération Française des Télécoms, rappelle que “le système est ainsi fait que les consommateurs doivent contribuer au financement des réseaux, ce qui après tout est assez logique”. Il ajoute : “en France, le consommateur paie le fixe à peu près 3 ou 4 fois moins cher qu’aux Etats-Unis”.
De la fuite dans les idées, chez les opérateurs
Invité sur le plateau de BFM Business le 11 décembre 2017, Stéphane Richard, PDG d’Orange, explique que “c’est une obligation” de penser à un Internet à plusieurs vitesses. “Mais ce débat est pollué par des considérations politiques. Parce que lorsque l’on dit neutralité du Net, on voit tout de suite la main des opérateurs qui viendrait fouiller les contenus et faire un tri. Ce n’est pas du tout ça le sujet”. Il ajoute :
Les usages futurs de l’internet (...) vont nécessiter des Internets particuliers en termes de latence, en termes de vitesse. Il faudra que l’on soit capable de proposer à l’industrie, au service, des Internets avec des qualités de service différentes. (...) Pour pouvoir le faire, il faut qu’on nous laisse le faire. Stéphane Richard, PDG d’Orange.
Par ces déclarations, Stéphane Richard élargit la cible en ne se concentrant pas seulement sur les fameuses GAFA. Contacté par nos soins, le service de presse d’Orange nous a répondu que le groupe “n’a pas prévu de prendre la parole sur ce sujet pour l’instant”, et nous a renvoyé vers les dernières déclarations enregistrées par BFMTV de Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange. Il revient sur les déclarations du PDG de la société.
Ce que Donald Trump a fait, c’est revenir à ce qui existait avant. C’est un revirement comme il en existe aux Etats-Unis. Mais il ne faut pas méconnaître non-plus le message que ça envoie, de dire qu’il peut y avoir des systèmes différenciés. Ce que Stéphane Richard a dit, c’est qu’en tant qu’opérateurs, Orange et tous les autres, nous sommes totalement pour la neutralité du Net. Déjà pour une raison éthique, et puis pour une raison marchande, on veut que tout le monde puisse y aller, et consommer, et s’abonner, et y avoir accès. On est absolument pour. Deuxième point, ce qu’il a mentionné c’est la capacité qui doit être laissée aux opérateurs de gérer des couches de service. Par exemple, pour gérer de l’iptv, il vaut mieux savoir ce que l’on fait dans l’ordre des paquets, sinon ça ne marchera plus, pour gérer des voitures connectées demain, c’est ce qu’a dit Stéphane. Il faut qu’il y ait des couches de services gérés. Le troisième point, c’est que le dispositif européen en vigueur permet de faire ça. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange et Président de la Fédération Française des Télécoms.
Si Pierre Louette insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de garder une neutralité “éthique”, il ouvre ses déclarations sur le besoin d’avoir des “couches de service” qui permettraient un internet à plusieurs vitesses pour les technologies et services le nécessitant. Mais ne serait-ce pas déjà là un début de la fin de la neutralité, si ces données priorisées utilisent les mêmes infrastructures ?
On a l’impression qu’il y a un emballement. C’est un beau sujet, c’est un très noble sujet, on a l’impression qu’on crie beaucoup avant d’avoir mal. (...) En Europe, on a recensé 3 cas en Hongrie, aux Pays-Bas, et en Suède, où il y avait des systèmes de contenus sponsorisés. (...) En France, on n’a pas besoin de changer puisque le système qui est en place est bon. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange et Président de la Fédération Française des Télécoms.
Free demeure particulièrement silencieux quant à ces questions liées à la neutralité du Net soulevées par le vote aux Etats-Unis. Outre le fait que nos courriels soient restés sans réponse à ce jour, il est difficile de connaître le positionnement de la firme tant ses dirigeants communiquent peu à ce sujet. Free, qui ne fait pas partie de la Fédération Française des Télécoms, a pourtant évoqué précocement les problèmes que leur posait cette neutralité. Fin 2009, Rani Assaf, directeur technique de Free et un des concepteurs de la Freebox, qualifiait la neutralité du Net de “belle connerie inventée par la boîte la moins neutre d’internet” selon les propos rapportés par Vanity Fair. Le 2 avril 2010, Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad-Free, expliquait que la neutralité du Net était une “posture”, “un joli concept” derrière lequel se cache “les plus grosses capitalisations boursières mondiales”.
Xavier Niel, directeur général d’Iliad-Free délégué à la stratégie, n’a pas posté de petite phrase sur ce sujet ni fait de grands discours. Il s’était attiré les critiques en 2013 quand il a lancé son bloqueur de publicités, défiant ainsi Google. L’Arcep, le régulateur français des télécommunications, avait demandé des explications à Free sur les modalités et les finalités de cette action, jugeant le procédé comme potentiellement contraire au principe de neutralité. Plus tard, des problèmes de débit sur YouTube alertent les abonnés. Niel explique alors que les accès ne sont pas bridés, mais que le tuyau qui est d’une certaine taille pour le trafic de Google n’est plus agrandi ni mis à jour. Ce qui peut être perçu comme une manière détournée de jouer avec la neutralité du Net. Aujourd’hui, les utilisateurs qui se plaignent des soucis de débit sur YouTube, Twitch et Netflix sont légion, ce qui a valu un papier à charge dans les lignes du Canard Enchaîné, qui a poussé Cyril Poidatz, président du groupe Iliad, à répondre aux points soulevés par le journal.
L’Europe comme bouclier
Quelques heures après l’annonce de l’abrogation de la neutralité du Net par la FCC, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, a publié le message suivant sur son compte Twitter :
La France continuera à promouvoir le principe de neutralité du Net, en Europe et dans le monde. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique.
Interrogé par nos soins sur la signification réelle de cette déclaration, le secrétariat d’Etat chargé du Numérique nous a répondu que dans la stratégie internationale du numérique, il y a un thème sur la neutralité du Net qui précise que le réseau diplomatique français continuera à promouvoir cette idée.
Le soutien à la neutralité d’Internet par les pouvoirs publics semble donc bien là. "La France continuera à défendre le principe de la neutralité de l'Internet, quelles que soient les décisions que peuvent prendre d’autres pays", déclare Jean-Yves Le Drian. "C’est un principe cardinal pour qu’Internet soit un espace d’ouverture et d’innovation", ajoute le chef de la diplomatie française lors d'un discours à Aix-en-Provence rapporté par Reuters le 15 décembre 2017. “C’est une détermination que l’Europe doit absolument avoir” conclut-il au micro de France 24.
Car pour le moment, ce qui protège la neutralité du Net en France, c’est l’Europe. Les opérateurs européens sont en effet régis par le “marché unique numérique” depuis avril 2016. Dans l’hexagone, la neutralité est protégée par le droit européen transposé dans la loi pour une République numérique, portée par Axelle Lemaire sous la présidence de François Hollande. Une loi qui est citée dans le document de référence d’Iliade (Free) comme étant “susceptible d’impacter les activités du Groupe” :
La loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une république numérique prévoit également plusieurs dispositions susceptibles d’impacter les activités du Groupe notamment le renforcement de la neutralité du net. Document de référence 2016 d’Iliade.
Interrogée par Europe 1, l’ancienne secrétaire d’Etat chargée du Numérique voit en le vote de la FCC “le décès de la philosophie qui a présidé à la création d’Internet”, et que cela aura “un impact sur la diversité culturelle, sur le contenu lui-même” puisque les grosses sociétés seront plus à même de négocier avec les opérateurs que les petites start-up.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) joue son rôle de gendarme, en France, et effectue régulièrement des études comparatives visant à évaluer les principaux opérateurs sur plusieurs critères via des tableaux à télécharger. L'Arcep vient également de clôturer une consultation publique qui était ouverte jusqu'au 10 janvier, afin d'étudier l'impact des terminaux mobiles sur la neutralité du Net. Les résultats seront annoncés le 15 février 2018, avec pour ambition d'identifier, entre autres, les moyens de garantir une neutralité sur les terminaux mobiles.
Le secrétariat d’Etat chargé du Numérique répond
Face aux déclarations des grands opérateurs français, nous avons contacté le secrétariat d’Etat chargé du Numérique pour comprendre le positionnement de la France. Il nous a tout d’abord précisé être régulièrement en discussion avec les opérateurs, et qu’il comprend les besoins techniques demandés par les grands groupes pour des qualités différentes de service.
Une voiture qui doit discuter avec une autre voiture pour lui donner un ordre de freinage parce qu’elles vont rentrer en collision, on a probablement besoin d’un priorisation absolue sur le réseau de cette communication. Mais il faut le faire parce que ce sont deux voitures qui discutent entre elles et qu’il y a un risque mortel, pas parce que c’est la voiture d’un constructeur A qui aurait la priorité sur la voiture d’un constructeur B. Secrétariat d’Etat chargé du Numérique.
Le secrétariat d’Etat chargé du Numérique nous a ensuite précisé que la question allait davantage se poser avec la venue de la 5G et l’internet des objets, avant de nous rappeler que l’optimisation technique du réseau ne porte pas atteinte à la neutralité.
Il y a cette question de différenciation technique dont on va avoir besoin et qu’il faut réaliser dans cette optique de neutralité. C’est quelque chose que l’on utilise déjà, par exemple aujourd’hui, un réseau mobile met une priorité supérieure aux données de vidéo pour éviter les phénomènes de latence. Secrétariat d’Etat chargé du Numérique.
Il reste l’épineuse question des GAFA, ces énormes sociétés accusées par les opérateurs de se servir des infrastructures sans payer leur part.
Il y a le sujet de la fiscalité des GAFA. Le gouvernement a pris le sujet à-bras-le-corps. La question du transfert de la valeur hors d’Europe via des montages fiscaux est un sujet à part entière. Sur la question de la régulation des opérateurs télécoms au sens large, il faut savoir qu’il y a actuellement une refonte du code européen des communications électroniques et qui dans le texte actuel prévoit un alignement de tout un tas d’éléments de régulation. Il faut être vigilent sur ce sujet : il y a des questions sur les proxy, il y a des négociations commerciales entre les opérateurs et un certain nombre d’acteurs externes pour avoir des serveurs qui permettent de minimiser leur coût de bande passante. En fait, une partie des déclarations publiques influent sur ces négociations dont personne ne parle jamais, il faut donc être très prudent. Par contre, on ne peut pas faire de distinction entre un Netflix et une société plus petite. Imaginons que toutes les sociétés qui utilisent des camions doivent payer quelque chose au fabricant de bitume, l’argument ne passe pas. Secrétariat d’Etat chargé du Numérique.
Au micro de Patrick Cohen sur Europe 1 le 23 janvier 2018, Mounir Mahjoubi a répondu "qu'il ne reculerait pas" au sujet de la taxation des géants du numérique.
Enfin, concernant une arrivée redoutée de l’abrogation de la neutralité du Net en France, le secrétariat d’Etat chargé du Numérique rassure :
La décision américaine vient d’une promesse de la campagne de Trump. Néanmoins, aux Etats-Unis, c’est la FCC qui a cette capacité. En France, outre qu’il n’y a aucune intention de le faire, il faudrait changer la loi, et réussir à trouver quelque chose qui soit en conformité avec le droit européen pour éviter un recours. Secrétariat d’Etat chargé du Numérique.
En d’autres termes, si la France souhaitait retirer le principe de neutralité, il faudrait qu’une majorité parlementaire fasse voter l’abrogation de la neutralité pour influer sur l’Europe et réussir à créer une majorité européenne suffisante pour modifier le texte, comme nous l’a précisé le secrétariat d’Etat chargé du Numérique. "Mais ce principe ne sera jamais remis en question en France", nous assure-t-on.
La menace fantôme ?
Internet s’est évidemment empressé de créer des infographies ou d’élaborer différents types de scénarios pour faire comprendre les risques et les perspectives d’un Web moins neutre. Pixels a préféré prendre l’image des camions empruntant des routes encombrées, tandis que France Inter joue la carte des multiples suppositions. Malgré les lois qui protègent l’Europe, le lobby des télécoms pourrait peser sur les futures décisions. C’est en tout cas ce que prophétise Antoine Chéron chez France 24. L’avocat, spécialiste du droit de l’Internet au sein du cabinet ACBM, explique que “dans un contexte de concurrence globale, les acteurs européens ne devraient pas manquer de souligner que la nouvelle donne américaine les désavantage”. On ne craint pourtant pas ce type de pression du côté du secrétariat d’Etat chargé du Numérique, qui nous précise que l’argument concurrentiel serait compréhensible s’il s’agissait des mêmes marchés, ce qui n’est ici pas le cas. Quelques grands noms de la high tech ont exprimé leur avis quant au résultat du vote de la FCC. Netflix, Twitter, Google ou encore Mozilla ont rapidement publié des communiqués faisant part de leur hostilité par rapport à cette décision. Les sociétés comme Apple, Microsoft et Facebook sont un moment restées silencieuses. Selon le New York Times qui a interrogé un soutien influent de la cause de la neutralité, “les grandes entreprises font profil bas et préfèrent jouer la défense plutôt que d’attirer l'attention”. Pourtant, au début du mois de janvier 2018, l’Internet Association qui regroupe une quarantaine de sociétés high tech, allant d’Amazon à Facebook, a annoncé qu’elle allait s’associer aux actions en justice visant à défendre la neutralité du Net aux Etats-Unis. Le 16 janvier 2018, The Verge rapporte que 22 procureurs généraux ont lancé une action en justice contre la FCC afin de faire reconnaître l’illégalité de la décision à la Cour d’appel fédérale.
La menace d’un arrêt de la neutralité du Net en France semble pour le moment particulièrement lointaine. Les prises de position du gouvernement français depuis le vote de la FCC indiquent une réelle volonté de ne pas suivre la décision américaine, quand bien même les opérateurs exerceraient une certaine pression. Pour la France, il s’agit de passer un message fort aux jeunes start-up afin qu’elles viennent s’installer dans l’hexagone pour pouvoir s’y développer. “Le message adressé par les Américains aux innovateurs est “partez”. En miroir, nous leur adressons un message qui est “venez chez nous". C’est un cadeau qui nous est généreusement fait par la FCC”, nous précise le secrétariat d’Etat chargé du Numérique. De son côté, François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, va jusqu’à proposer une révision du texte fondamental européen pour y ajouter la neutralité du Net dans la constitution. Preuve s'il en fallait que la défense d'un Internet libre est particulièrement prise au sérieux en France.