E3 2016 , simple fait ponctuel ou véritable tendance actuelle, les grands rassemblements ne semblent plus être la priorité des éditeurs. Il y a plus de 10 ans c'était impardonnable pour un éditeur de renom d'être absent des plus grandes conventions mondiales. Pour être vu, il fallait être dans la lumière et il fallait peser pour jouer le concurrent fort ou le leader intouchable sur les planches des salons rassemblant les journalistes du monde entier. Beaucoup avaient à y gagner, stratégiquement parlant.
Et en terme de communication c'était un plan imparable pour tout le monde : le secteur montrait son émergence, sa force et son dynamisme quand au même moment il utilisait un canal traditionnel fort et ancré dans les mœurs : la presse écrite. Les choses ont évolué avec l'arrivée d'internet. Et si la presse écrite a été la première touchée, c'est toute une disposition dans l'art de communiquer pour les industriels qui a été revue, modernisée, pour utiliser un nouvel outil de communication global. Dîtes-le à vos aînés et ils se remémoreront avec une certaine nostalgie l'époque où, plus jeunes, ils ouvraient les pages de leurs magazines pour découvrir les reportages traitant de l'E3 et des jeux présentés à Los Angeles.
Ils sont de plus en plus à le dire, surtout les professionnels l'E3 a perdu de sa superbe. Si Los Angeles reste une destination prestigieuse tant elle a alimenté les fantasmes des joueurs, aujourd'hui les éditeurs peuvent la snober. Comme pour annoncer la prochaine étape à venir. C'est le cas d'EA pour l'E3 2016. Electronic Arts fait partie du big 3, aux côtés d'Activision et Ubisoft. Et malgré un Star Wars : Battlefront déjà distribué à plus de 13 millions d'exemplaires en janvier atteignant deux mois en avance les objectifs espérés pour le mois de mars. L'entreprise américaine pour la première fois en deux ans annonçait un chiffre d'affaires trimestriel inférieur aux attentes. Rien de dommageable pour autant, juste un signe avant le grand chambardement cette année.
Travail sur l'image, dynamisation et accroche, on soigne les actionnaires
En annonçant son EA Play, l'éditeur se désolidarise d'un salon qu'il a porté (avec d'autres) pendant des années. Mieux, il l'organise aux portes du Convention Center. Une manière de dire que l'espace de son booth ne lui suffit plus. Par son absence, EA fait l'actualité. Pour les observateurs cette démarche n'a rien de marginale, elle souligne juste une nouvelle approche des marques pour le message qu'elles veulent véhiculer. En 2013, feu Iwata et Nintendo montraient la voie avec leur Nintendo Direct. Nintendo allait laisser Sony et Microsoft se faire la guerre à Los Angeles.
Iwata : Nous allons utiliser l'E3 comme une occasion idéale pour parler en détail des titres Wii U que nous allons lancer cette année , et nous prévoyons aussi de permettre aux visiteurs d'essayer les jeux immédiatement au salon. Comme un nouveau défi , nous visons aussi à établir un nouveau style de présentation pour cet E3.
Le Nintendo Direct (ou plus loin les Digital Events) est ce canal connecté où les exécutifs de Big N et le public se retrouvent. Orchestré de manière originale, ce programme redéfinissait la ligne de communication de la firme nippone et semblait dire en filigrane que désormais c'était Nintendo qui était seul aux commandes de son image. Ce pipeline exclusif et privé était motivé par cette acceptation de Nintendo de jouer son propre responsable chargé des relations publiques. L'information émane de l'entreprise et va directement au public, en marketing on appellerait presque ça du B2C (commerce des entreprises au particulier). Chez d'autres la passion. EA avec son événement en marge de l'E3 envoie ce même message et l'habille de codes très en vogue aujourd'hui. Pas besoin de faire de dessin ou de se gratter le fond de l'oreille avec une banane pour le comprendre.
EA 4 the players, l'émergence du marketing émotionnel
Play, Play, Play, comme un air de déjà vu. En récitant le mantra de Sony initié à l'annonce de la Playstation 4, EA prend le train en route, affirmant son ambition de retrouver les joueurs. La Playstation 4 caracole seule en tête des ventes de consoles dans le monde et son « This is 4 the Players » ou encore sa « Playstation Experience » démontrent que de nouveaux automatismes, des messages simples, dans la gestion de la marque Playstation ont permis de toucher la cible. Et quelle est cette cible ? Les joueurs. Et comme jouer est un plaisir, forcément Sony a aussi joué la carte de la nostalgie. Et là on ne parle plus de marketing B to C puisque l'on est dans l'émotion, mais plutôt de marketing émotionnel ou expérientiel.
Remettre sa marque au centre de l'actualité, retrouver son public, passe par cette recherche d'un fil conducteur qui la relie au consommateur. Avoir une histoire est bien sûr un plus, EA, Nintendo et Sony le savent car la base utilisateurs acquises au fil des années est de plus large, en plus d'avoir passé un cap : vivre avec une génération et voir la seconde pousser. Et si vos parents (pour les plus jeunes) vous ont acheté une PlayStation 4, une Xbox One, un PC, une 3DS ou encore Fifa 16 à Noël (rayez les mentions inutiles), dîtes vous peut-être que vous ne les avez pas forcés à le faire, ça leur faisait aussi plaisir. Car le plaisir d'acheter existe, c'est très sérieux. tout comme la fidélisation à une marque, ce n'est pas à un passionné de jeux vidéo que l'on va l'apprendre. Ni à un industriel d'ailleurs
Votre marque est ce que les gens disent de vous lorsque vous n’êtes pas dans la pièce
La valorisation marchande de l'émotion, confiance et réputation
Si l'intention est là pour EA, il reste encore des annonces chocs à faire avant de retrouver son public déçu par certaines dérives au niveau de la tarification des Season Pass. L'e-reputation joue désormais un rôle fondamental pour une marque. Ce sont des mécaniques discrètes, autant en interne (pour une entreprise) qu'en externe qui valorisent le produit final. Avec son nouveau Battlefield 5 et un nouveau Mass Effect Andromeda saura faire sensation d'un simple point de vue factuel. Ces deux licences étant assez reconnues et aimés par les joueurs, il n'y aura aucun mal à ce que tout ce qui sera montré à leurs sujets soit relayé sur tous les sites spécialisés du monde.
Battlefield 5 notre nouvelle chronique Avance Rapide
Pour l'entreprise c'est un autre examen qui l'attend : celui de la « reconquête des cœurs ». Avec son EA Play, les exécutifs d'EA devront passer leur grand oral. Car rassembler les joueurs est une chose, mais aller vers eux en est une autre. Avec la disparition de Gametrailers et sa couverture exceptionnelle de l'E3 après 13 ans de bons et loyaux services, la montée en puissance des influenceurs et la constitution d'un nouveau réseau d'échanges direct sur internet entre les marques et leurs clients, c'est tout un système qui bouge.
La Centralisation avant l'heure, propriétaire d'image et diffuseur
Si l'avènement d'internet a brisé le mur du temps avec cette réactivité presque instantanée sur la transmission d'informations. Le réseau flexible permet aux entreprises de se passer de la contingence de participer à un événement, soit-il international, pour être vues. Streaming, Cloud Computing, VOD, démocratisation des connexions haut débit, passage à la HD, sont autant de signes démontrant qu'il existe désormais une zone de confort très prisée des utilisateurs pour y revenir. Il n'y a plus qu'à créer du contenu pour finaliser le processus et ainsi sédentariser les populations autour d'une marque (un site, un webzine, etc). L'E3 est-il dans la ligne de mire ? Quelle plus-value offre-t-il désormais en termes d'exposition quand une entreprise peut aller jusqu'à créer sa propre chaîne de télévision, accessible depuis internet, pour parler aux joueurs quand ils le décident ?
L'homogénéité des comportements des internautes comme la volonté des industriels de passer au dématérialisé démontrent que le champs d'action pour une marque est bien plus ductile qu'il y a 20 ou 30 ans. Travailler la forme, l'image, contrôler la communication, choisir les créneaux de diffusions, être son propre diffuseur, internet a aussi peut être brisé les murs du Convention Center de Los Angeles dans lequel se tient l'E3. A quand les télévisions Microsoft, Nintendo, Sony, Ubisoft, Electronic Arts ou encore Activision ? Peut être à la prochaine génération de consoles.