Un des meilleurs FPS de tous les temps ?

Il y a parfois un soupçon d’incompréhension dans l’air lorsque l’on évoque le cas GoldenEye 007, comme une légère odeur de soufre qui émanerait d’un Walther PPK. Pourquoi le jeu de Rare est-il si régulièrement cité dans les tops des meilleurs FPS de l’histoire ? La sortie de l’édition HD au début de l’année n’a fait qu’accentuer la confusion. Rejouer aux aventures de James Bond et de Natalya en 2023 peut s’avérer rude à cause de mécaniques et d’un gameplay qui ont forcément pris quelques rides. Un possesseur de Xbox ou de Switch qui n’aurait pas connu la folie de la fin des années 1990 et qui aurait été abreuvé aux éloges de GoldenEye 007 pourrait être interloqué en incarnant pour la première fois l’avatar 3D de Pierce Brosnan.

Malin et rusé, comme 007

Si GoldenEye 007 a frappé fort, c’est tout d’abord parce qu’il a prouvé que le genre du FPS n’était pas intrinsèquement lié au carnage virtuel. Dans le n°68 de Joypad, le soft est décrit comme "un Doom-like magnifiquement réalisé où la sauvagerie n'est pas de mise et où la réflexion prime sur l'action". Mine de rien, à un moment où les joueurs PC avaient les yeux rivés sur Quake 2 et où Duke Nukem 3D, Quake ou encore Turok étaient des produits qui sentaient encore le neuf, le fait de ne pas devoir tirer sur tout ce qui bouge sans réfléchir est original. Bien sûr, d’autres jeux en vue à la première personne proposaient des gameplay plus profonds, comme System Shock, mais ils s'apparentaient plus à des Immersive Sim qu’à des FPS.

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Il est impossible de marquer une génération entière de joueurs sans proposer quelque chose de différent. Le système d’objectif à accomplir, largement plus poussé que ce qui existait déjà, fit sensation grâce aux variations engendrées par la difficulté sélectionnée. Accomplir une mission en difficile (agent secret) signifiait qu’il fallait réaliser des objectifs plus nombreux et plus ardus, plutôt que de simplement voir les dégâts ainsi que la résistance des adversaires augmenter. Rare a ensuite injecté une idée qui a su faire la différence : celle d’imaginer ses niveaux de manière à ce que les missions puissent être accomplies dans n’importe quel ordre. La majeure partie des cartes solo étaient en effet conçues comme de grandes arènes non-linéaires, à parcourir plus ou moins librement.

Le souci du détail

À une époque où les adaptations de films en jeux s'apparentaient encore à des attrape-nigauds, les aventures interactives de Pierce Brosnan sur nos écrans furent une exceptionnelle réussite. Rare a su rester fidèle au film en intégrant diverses scènes iconiques, en modélisant les acteurs avec soin (pour l’époque, précisons-le une nouvelle fois), et en remixant le thème de la franchise pour l’adapter aux multiples situations rencontrées. Mieux, GoldenEye 007 s’est payé le luxe de faire jouer des scènes absentes du film, à l’image de ce passage dans la jungle cubaine en compagnie de Natalya. Certains diront que la pratique était courante avec les mauvais jeux à licence, mais ici, le résultat valait enfin la chandelle.

Nous l’avons déjà dit et répété, les aventures de James Bond sur N64 furent dotées d’une maniabilité parfaitement adaptée au pad de la console, ainsi que de jolis graphismes montrant des décors variés. Mais ce n’est pas tout, elles ont aussi donné leur lettre de noblesse aux dégâts localisés. Certes, le fait de voir des ennemis réagir précisément aux coups reçus selon les endroits du corps touchés existait déjà dans les rail shooters de type Virtua Cop et House of the Dead, mais ici, cette localisation se faisait au cœur même des arènes du jeu, en temps réel. Tirer dans les mains empêchait l’opposant de faire feu, tirer dans les jambes déséquilibrait, tirer dans la tête tuait sur le coup. Nous pouvions même retirer les coiffes des gardes avec un peu de précision ! C’est peut-être un détail pour vous, mais les fans de FPS, ça voulait dire beaucoup.

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“Arrête de regarder sur mon écran !”

Même s’il était possible de s’amuser en LAN à des titres tels que Quake, cela nécessitait de réunir plusieurs PC entre eux dans une même pièce, ce qui réservait les joies du multijoueur en local à des salles bien équipées, ce que les maisons de monsieur et madame tout le monde n’étaient pas. GoldenEye 007, lui, a tout simplement intégré un mode multijoueur jouable jusqu’à quatre joueurs en écran partagé. Le seul prérequis technique était de disposer de 4 manettes, et bien sûr d’une TV assez grande pour voir ce qui se passe sans plisser les yeux. Le fun des parties à 4 amis sur le même canapé, via la première console du marché à proposer 4 ports intégrés à la machine, a fait de la console un outil conseillé pour passer des soirées animées entre amis.

Celles et ceux qui ont connu les petites parties de GoldenEye 007 en multi s’en souviennent généralement avec émotion. Avec les pièces cachées derrière des murs invisibles, les batailles au lance-roquettes ou encore les duels à la mine de proximité (élue meilleure arme pour briser les amitiés)... le mode multi a fait hurler (de rire mais aussi de rage) les joueurs qui se retrouvaient en groupe devant la TV.

Présenté à l’E3 d’Atlanta en 1997, GoldenEye 007 avait provoqué, au pire, de l’indifférence, au mieux, de l’enthousiasme. L’année suivant son lancement, le soft de Rare s’écoula à plus de 2 millions d'exemplaires. Au total, le jeu s'est vendu à plus de huit millions de copies dans le monde, se plaçant juste derrière Mario Kart 64 et Super Mario 64 dans les jeux les plus distribués de la fameuse 64 bits. Avec la manette PC “T-leader” inspirée de celle de la machine de Nintendo, sortie en 1997, les joueurs PC auraient presque pu s’imaginer qu’ils pourraient toucher au joyau du studio britannique. Il n'en sera rien. Aujourd'hui encore, ils n’ont toujours pas de moyens légaux de lancer l’aventure, à part en s’abonnant au Game Pass et en s’essayant à la version Cloud.