Dans l’industrie du jeu vidéo aussi, la guerre en Ukraine a de lourdes conséquences. On pense notamment à Advance Wars 1+2 : Re-Boot Camp sur Nintendo Switch, qui a été repoussé à une date inconnue à cause de la situation. Mais pour les développeurs de chez Wargaming, les conséquences pourraient bien être plus grandes encore.
Wargaming (World of Tanks) prend ses distances
World of Tanks, vous connaissez ? Ce jeu mettant en scène des chars d’assaut en tout genre est un peu la poule aux œufs d’or du studio biélorusse Wargaming. Et s’il a autant marché, c’est notamment grâce à la communauté russe, particulièrement active sur le jeu. Si bien qu’elle a permis à World of Tanks de battre le record du maximum de joueurs en ligne simultanément sur un serveur le 23 janvier 2011 (plus de 91 000 joueurs sur le serveur russe). Forcément, un étroit lien s’est donc construit entre le studio, la Russie et tout pays associé. Surtout que d’Anton Pankov, directeur des relations publiques pour la filiale russe de Wargaming, avait appuyé, en 2014, la présence d’ “éléments pédagogiques et patriotiques” dans World of Tanks notamment. Un détail particulièrement important pour le gouvernement russe, qui a pendant un temps gracieusement financé les développeurs mettant en avant le patriotisme dans leurs jeux.
Mais cette belle histoire sans accroc a finalement cédé face à la guerre en Ukraine. Rapidement, Wargaming s’est trouvé embarrassé face à ses liens avec la Russie et la Biélorussie et les conséquences économiques que ces derniers pourraient avoir. Le studio a donc travaillé d’arrache-pied pour faire passer un message clair : ses membres ne valident pas l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ça a commencé avec des dons à la Croix Rouge ukrainienne, puis ça a continué avec le licenciement de Sergey Burkatovskiy, directeur créatif ayant affiché son soutien à l’invasion russe sur Facebook. Mais c’est en avril 2022 que le coup de grâce a été porté : Wargaming a décidé de fermer ses studios biélorusses et russes. Et ça, ça n’a pas vraiment plus au gouvernement biélorusse, impliqué dans le conflit.
Au cours des dernières semaines, Wargaming a mené un examen stratégique des opérations commerciales dans le monde entier. La société a décidé qu'elle ne possédera ni n'exploitera aucune entreprise en Russie et en Biélorussie et qu'elle quittera les deux pays. À compter du 31 mars, la société a transféré ses activités de jeux en direct en Russie et en Biélorussie à la direction locale de Lesta Studio, qui n'est plus affiliée à Wargaming.
Recherché par le gouvernement russe
Le KGB biélorusse (seul pays de l’ancienne URSS post-stalinienne à avoir conservé ce nom pour son service de renseignements), a il y a peu mis à jour sa liste des “organisations ou personnes impliquées dans des activités terroristes”. On y retrouve désormais un certain Nikolai Katselapov, en charge du développement marketing chez Wargaming. Ce dernier aurait financé des activités terroristes, probablement des opposants au gouvernement. En effet, la Biélorussie a récemment été vivement pointée du doigt, notamment par l’ONU, à cause de sa “répression continue des opposants”. Des doutes se posent donc quant à la véritable dangerosité de Nikolai Katselapov. Qu’a-t-il fait réellement et combien cela est-il grave ? Difficile à dire pour le moment. Mais pour certains, il s’agit surtout d’un prétexte pour se venger du départ de Wargaming.
Wargaming était en effet le plus gros studio de jeux vidéo de la Biélorussie, une véritable fierté et un pilier pour l’économie. Son départ (et le déplacement de son siège à Chypre) a donc été vécu comme une véritable trahison. En juillet dernier, le studio avait d’ailleurs déjà été ajouté à la liste des sociétés hostiles à la Biélorussie d’après le gouvernement. Reste à voir si nous aurons bientôt plus d’informations sur ce qui est reproché à Nikolai Katselapov ou si Wargaming prendra la parole face à cette nouvelle attaque.