A ma grande stupeur, une simple recherche du terme Cyberpunk sur Google place le RPG de CD Projekt RED en tête des résultats ce qui occulte involontairement la définition et l’histoire de ce sous-genre de la science-fiction. Cyberpunk 2077 cristallise en 2020 toutes les attentes des joueurs, et devient de par son aura sans pareil le porte-étendard d’un courant dont il emprunte le nom. La rédaction de jeuxvideo.com vous propose d’explorer cet univers, d’en (re)découvrir les origines, les thématiques et les oeuvres cultes afin de parfaire vos connaissances sur le sujet, et ainsi être fin prêts pour l’arrivée de Cyberpunk 2077.
La naissance programmée d’un sous-genre
Origines & Influences
Le terme “cyberpunk” apparaît pour la première fois en 1983 dans une nouvelle de Bruce Bethke éditée par le magazine Amazing Stories, une publication américaine spécialisée dans la science-fiction. Cet auteur américain cherche à combiner deux idées, deux notions… celle de l’attitude punk et de la haute technologie… pour exprimer une nouvelle vision du futur. Le concept de cyberpunk est né. Si Isaac Asimov est à juste titre considéré comme le père de la robotique, Bruce Bethke est celui du cyberpunk… ou tout de moins du terme qui définit ce sous-genre de la science-fiction. Ce dernier est par la suite récupéré par Gardner Dozois - éditeur du Asimov's Science Fiction Magazine - qui le popularise dans ses éditos.
Les origines du cyberpunk remontent à la fin de la seconde guerre mondiale, bien avant qu’un terme et une définition claire viennent en définir les contours. Ce sous-genre de la science-fiction s’enracine dans le mouvement New Wave qui voit le jour dans les années 60 et 70, et s’inscrit pleinement dans les bouleversements culturels et sociétaux de l’époque. La culture des addictions et plus particulièrement des drogues, les progrès technologiques et la révolution sexuelle donnent du grain à moudre à de nouvelles générations d’auteurs cherchant à prendre à contre-courant le mouvement utopiste de la science-fiction traditionnelle. Le pessimisme ambiant (Peur Rouge, guerre Froide, guerre du Vietnam…), en est alors le ciment. Apporter un réalisme sociétal et non technologique (ce que fait parfaitement la Hard science-fiction) et questionner l’humain, telles sont les visions croisées des écrivains à l’origine du cyberpunk, des artistes marqués par les écrits de la génération précédente.
Cette nouvelle vague de la science-fiction est fortement influencée par la Beat Generation, un mouvement littéraire populaire dans les années 50, qui aura un impact majeur sur la culture ainsi que la politique américaine au cours des décennies à venir. L’auteur américain William S. Burroughs représente parfaitement ce courant de pensées. Le Festin Nu (ou Naked Lunch) - un voyage halluciné, une plongée délirante dans l’univers des addictions - est un électrochoc à sa sortie en 1959. Ce roman sera adapté en film par David Cronenberg en 1991. De par leurs écrits mêlant psychotropes, homosexualité et anticipation, W. S. Burroughs et bien d‘autres auteurs inspirent les générations futures dont James Graham Ballard.
L’auteur de science-fiction britannique mentionné précédemment ne cesse tout au long de sa carrière de moderniser la littérature, de briser certains codes remontant aux mythes et légendes antiques. Il souhaite s’émanciper de la théorie du monomythe de Joseph Campbell, une théorie gravée sur papier dans l’essai “Le héros aux mille et un visage” (1949), et ainsi proposer une approche que certains qualifieraient de “psychologique” de la fiction. “Crash !” est encore aujourd’hui l’un de ses romans les plus célèbres. Ce livre, également adapté en film par David Cronenberg en 1996, est suivi de “L'Île de béton” et “I.G.H”… concluant ainsi sa trilogie de béton. Les travaux de Bruce Sterling, dont la première oeuvre “La Baleine des Sables” est publiée en 1976, prennent forcément racine dans cette New Wave. La première anthologie cyberpunk ne verra le jour que 10 ans plus tard, en 1986, avec “Mozart en verres miroirs” (ou Mirrorshades). Dans les années 70, le cyberpunk n’est qu’une idée diffuse, un concept et non un sous-genre. Les spécialistes parlent alors de proto-cyberpunk.
Prototype & Emergence
“Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?” (ou Do Androids Dream of Electric Sheep?) de Philip K. Dick publié en 1968 n’est pas un récit cyberpunk à proprement parler, mais bien une ébauche, un prototype de ce qu’adviendra ce sous-genre. Cette oeuvre culte pose simplement les grands principes de ces futurs néo-noir dystopiques gangrénés par une économie insatiable et une technologie aliénante… un contexte idéal pour questionner la place de l’humain. En 1975, soit 8 ans avant la naissance du terme “cyberpunk”, John Brunner accouche de la première nouvelle qualifiée a posteriori de cyberpunk... "Sur l'onde de choc" ou (The Shockwave Rider).
Entre temps, le magazine de bandes dessinées français Métal Hurlant édité par Les Humanoïdes Associés voit le jour, et s’inscrit dans ce courant. The Long Tomorrow (1976) scénarisé par Dan O’Bannon et illustré par Moebius, mais aussi Extermination 17 (1979) de Enki Bilal sont alors les dignes représentants du cyberpunk “made in” France. Ces mêmes auteurs délivreront au cours des années 80 deux des sagas de S-F les plus emblématiques du 9e Art, à savoir L’Incal (1980 - 1988) et la trilogie Nikopol - La Foire aux immortels, La Femme piège et Froid Équateur (1980 - 1983). De l’autre côté de la manche, le premier comics cyberpunk fait des siennes en mars 1977 dans un hebdomadaire britannique de BD de science-fiction. 2000 AD y dépeint les aventures dans Mega-City One du juge, juré, et bourreau Judge Dredd. Cet anti-héros ultraviolent appliquera une justice expéditive dans les salles obscures en 1995 et 2012 avec respectivement Sylvester Stallone et Karl Urban dans le rôle principal.
C’est un film qui impose le cyberpunk et sa vision pessimiste du futur dans l’imaginaire collectif. Blade Runner est l’adaptation cinématographique réalisée par Ridley Scott (Alien, Thelma & Louise, Gladiator) de la nouvelle “Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?” de Philip K. Dick. Bien que le film ne soit pas un succès à sa sortie en juin 1982, il deviendra pour les générations futures la quintessence même du cyberpunk aussi bien dans son esthétique dystopique et néo-noir que dans les thématiques abordées. Un mois plus tard, Tron projette sur grand écran le concept d’univers virtuel et surtout de cyberespace via des visuels 3D révolutionnaires pour l’époque. Ce métrage réalisé par Steven Lisberger servira d’inspiration à l’auteur William Gibson pour concevoir son oeuvre majeure.
William Gibson est l’un des principaux artisans du cyberpunk et de sa popularisation auprès du grand public. Après plusieurs publications telles que Johnny Mnemonic en 1981 et Burning Chrome un an plus tard, cet auteur américano-canadien bouleverse la science-fiction. Neuromancien (ou Neuromancer) s’écoule à 6,5 millions d’exemplaires aux quatre coins du globe, et devient un modèle pour tout un pan de la littérature qui trouve dans ce roman une formule “cyberpunk” maintes fois appliquée depuis. La réalité virtuelle sur laquelle repose le mythe qu’est devenu Matrix s’inspire fortement de certains concepts établis par ce roman. Count Zero (1986), et Mona Lisa Overdrive (1988) complètent avec Neuromancien une trilogie intitulée “Sprawl”, connue également sous le nom de Matrix Trilogy. La boucle est ainsi bouclée. A noter que Keanu Reeves qui incarne Neo dans la trilogie des soeurs Wachowski prête ses traits au héros d’une autre adaptation des oeuvres de W. Gibson… Johnny Mnemonic (1995).
Le soulèvement d’un genre
Nos années "keupon"
Le cyberpunk possède désormais ses oeuvres littéraires (Neuromancien) et cinématographiques (Blade Runner) de référence, et peut amorcer sa phase d’émancipation. Au cours des années 80, le phénomène cyberpunk prend de plus en plus d’ampleur. Films, bandes dessinées, séries TV, romans… aucun média n’échappe bien longtemps à ce sous-genre de la science-fiction bien déterminé à devenir un genre à part entière. En 1984, une machine à tuer interprétée par le sculptural Arnold Schwarzenegger frappe en plein coeur le 7e Art. Terminator réalisé par James Cameron (Aliens, Titanic, Avatar) reprend à son compte certaines thématiques centrales du cyberpunk à commencer par le soulèvement des machines, l’asservissement de l’humanité ainsi que les dangers d’un progrès technologique incontrôlé, et impose le T-800 comme figure iconique du cinéma de genre.
Trois ans plus tard, un autre robot ou plutôt cyborg dans le cas du policier Alex Murphy fait ses premières armes dans RoboCop (1987). Ce film réalisé par Paul Verhoeven (Basic Instinct, Starship Troopers, Total Recall) aborde d'autres thématiques chères au cyberpunk, le poids grandissant des méga corporations, le principe de gouvernance de substitution (ici économique) et l'impunité qui en découle. La privatisation des symboles d’autorité et la mise en garde face à leur déshumanisation ne font que souligner les dérives sécuritaires contemporaines, des dérives technologiques mises en scène récemment par Neill Blomkamp dans Chappie (2015).
En parallèle, un nouvel auteur américain émerge. K. W. Jeter, considéré comme le protégé de Philip K. Dick, publie en 1984 le controversé Dr Adder. Il y dépeint une Amérique décomposée à la merci des puissants sur fond de modifications corporelles et de perversions sexuelles. La publication de cet ouvrage controversé fut retardée de 12 ans du fait de sa violence extrême et des scènes de sexe très graphiques. Selon son mentor, Dr. Adder aurait fait l’effet d’une bombe s’il était sorti une fois terminé en 1972. Deux autres romans, The Glass Hammer (1985) et Death Arms (1987), forment la trilogie du Dr. Adder.
Philip K. Dick est l’un des écrivains si ce n’est l’écrivain le plus adapté en films (et en téléfilms). Total Recall de 1990 est une adaptation de la nouvelle “Souvenirs à vendre” (ou We Can Remember It for You Wholesale). Le réalisateur Paul Verhoeven s’attarde sur l’altération de la mémoire, et y confronte réel et virtuel sur fond de colonisation martienne. Le récit de Philip K. Dick sera adapté une seconde fois en 2012 par Len Wiseman (Underworld, Die hard 4 : Retour en Enfer). Dix ans auparavant, Steven Spielberg portait sur grand écran un autre livre de P. K. Dick, “Minority Report” en 2002. Le cinéma a depuis toujours puisé dans la littérature, et quand il s’agit de cet auteur en particulier, la retenue n’est pas de mise. Et ce n’est clairement pas le seul. I, Robot d’Alex Proyas (The Crow, Dark City) s’inspire librement de la série de nouvelles écrites par Isaac Asimov “Hardwired”, et y décrit une autre vision du soulèvement des machines.
Le cyber-millénaire
Entre 1999 et 2003, une oeuvre ou devrions-nous dire une trilogie fait voler en éclat nos certitudes, et place le cyberpunk au centre de toutes les attentions. Matrix réalisé par les soeurs Wachowski ainsi que ses suites “Reloaded” et “Revolutions” reprennent à leur compte les codes et thématiques du genre, mais y ajoute pêle mêle références et inspirations issues du cinéma, de la BD et du jeu vidéo pour un résultat qui redéfinit en son temps non seulement la science-fiction, mais également le film d’action. Il y a un avant et un après Matrix, tout comme il y avait eu un avant et un après Blade Runner 25 ans auparavant.
Il serait presque contre productif de s’attarder sur chaque oeuvre tant le cyberpunk fait partie intégrante de la culture populaire depuis la fin des années 90. Ce qui était perçu comme subversif ne l’est plus. L’audience s’est habituée à ces gratte-ciels toisant les cieux, ces ambiances néo-noir futuristes éclairées au néon, ces atmosphères poisseuses et ces constantes mises en garde face à une technologie libre de toutes contraintes. Nous pourrions tout de même citer les bandes dessinées HK et Yiu ainsi que le roman “Carbon modifié” (ou Altered Carbon) de Richard Morgan, un techno-thriller futuriste adapté en série TV par Netflix en 2018 ainsi qu’en roman graphique par Dynamite Comics l’année suivante.
Notons également Neill Blomkamp et son approche “documentaire” de la science-fiction qui est une opportunité de renouvellement d’un genre qui se doit d’évoluer. District 9 (2009) est une allégorie de l’Apartheid et Elysium (2013) une projection à moyen terme des conséquences de la surpopulation et des inégalités sociales. Les comics Empty Zone (2015) et Tokyo Ghost (2016), mais aussi les films Blade Runner 2049 (2017) et Ready Player One (2018), respectivement réalisé par Denis Villeneuve (Premier Contact, Dune) et Steven Spielberg, sont autant de propositions aux esthétiques et thématiques variées mettant à jour un genre par définition en perpétuelle évolution… le cyberpunk et par extension la vision que nous en avons.
“Le Japon moderne est tout simplement cyberpunk”
Tels furent les mots de l'auteur William Gibson (Neuromancien). Mais qu’en est-il vraiment de la relation entre le Japon et le cyberpunk ?
Punks sous influences cybernétiques
Il paraît inconcevable d’aborder ce sujet sans même évoquer le Pays du Soleil Levant. A la différence du cyberpunk occidental surfant sur la nouvelle vague littéraire de la science-fiction, le cyberpunk japonais est pour ainsi dire né de la culture musicale underground, le Punk en tête, dans les années 70. Sogo Ishii est le premier cinéaste à mettre en scène ce sous-genre. Panic High School (1978), Crazy Thunder Road, puis Burst City (1982) s’inscrivent principalement dans la mouvance punk, et non cyberpunk, mais influencent grandement d’autres auteurs dont Katsuhiro Otomo, un auteur pouvant être décemment perçu comme le père du cyberpunk japonais.
Le manga Akira publié entre 1982 et 1990 est l’héritier des travaux de Sogo Ishii, principalement pour l’imagerie punk et biker que ces derniers véhiculent et dont Katsuhiro Otomo s’inspire. Akira est une oeuvre emblématique qui contribue à légitimer un sous-genre naissant de la science-fiction sur ses terres. Les thématiques abordées résonnent avec celles occidentales tout en conservant une approche très personnelle. En 1988, le long métrage d’animation issu du manga popularise le cyberpunk sur l’archipel. Ce film aura un impact majeur sur la culture populaire, non seulement au Japon, mais également en occident au cours des années suivantes. Ce même réalisateur prêtera sa plume au film metropolis réalisé par Rintaro en 2001 et basé sur le manga du même nom.
Tetsuo : The Iron Man de 1989 n’est pas à proprement parler le premier film Live cyberpunk à être réalisé au Japon, mais il s’avère être le plus marquant, bien que Death Powder le précède de trois ans. Cette production underground horrifique permet à son réalisateur Shinya Tsukamoto de rayonner à l'international. Le thème de la métamorphose hante ce métrage qui devient par la suite une franchise avec la sortie de Tetsuo II : Body Hammer (1992) et Tetsuo : The Bullet Man (2009), et plante définitivement les graines du cyberpunk au Japon.
Un fantôme dans la coquille
D’autres licences désormais cultes en 2020 voient le jour à la fin des années 80. Appleseed (1985), A.D Police (1987), Ghost in the Shell (1989) et Gunnm (1990) sortent des usines d’assemblage, puis refaçonnent chacun à leur manière et avec leurs moyens le paysage cyberpunk que ce soit sur papier, petit et grand écran. Les univers dystopiques dépeints et l’omniprésence de la technologie font écho aux productions occidentales, mais poussent bien plus loin le curseur quant aux questionnements que cela engendre sur la condition humaine, et sur ce qui définit l’être humain… sa conscience ou bien son corps ?
Gally et le major Kusanagi sont les parfaites représentantes de cette vision psychologique de la narration et du cyberpunk au sens large. Le long métrage d’animation Ghost in the Shell réalisé par Mamoru Oshii en 1995 est le porte-étendard de ce cyberpunk métaphysique, poétique, aux qualités visuelles et sonores saisissantes. Quant au film Live Action “Ghost in the Shell” de Rupert Sanders avec Scarlett Johansson et Takeshi Kitano, disons simplement que la magie n’opère plus à la différence d'Alita : Battle Angel (2019) qui s’avère divertissant.
En 1998, Shin'ichirō Watanabe (Samurai Champloo, Ergo Proxy, Terror in Resonance) propulse le cyberpunk dans le système solaire avec Cowboy Bebop. Cette série animée mélancolique mêlant habilement jazz, film noir et science-fiction, est considérée à juste titre comme une pièce maîtresse de l’animation japonaise. Les oeuvres japonaises cyberpunk ne manquent pas. Les curieux trouveront à n’en pas douter de quoi rassasier leur soif grandissante de dystopies. A titre personnel, je conseillerais le seinen Blame! (1998) de Tsutomu Nihei et la série animée Psycho-Pass (2012) des studios Production I.G qui couvrent avec une approche n’appartenant qu’à eux un thème récurrent... celui de la déshumanisation de notre société.
Une interactivité expérimentale
Les premiers essais cyber-ludiques
Imitation City (1987), un jeu d’aventure créé par Jiro Ishii (428 : Shibuya Scramble, Time Travelers), est l’un des premiers jets vidéoludiques à s’inscrire dans la mouvance cyberpunk. Un an plus tard, le phénomène prend de l’ampleur. Au Japon, le raz de marée Akira frappe les rives du jeu vidéo, et inspire l’un de ses créateurs les plus reconnus aujourd’hui… Hideo Kojima. Konami dégaine Snatcher en 1988, un jeu d’aventure fortement influencé par Blade Runner, Terminator ainsi que le long métrage de Katsuhiro Otomo, lui même adapté en jeu vidéo sur NES par l’éditeur Taito Corporation.
De l’autre côté du globe, le jeu de rôle “Cyberpunk” imaginé par Mike Pondsmith (Cyberpunk 2020 ou Cyberpunk Red) et publié par Talsorian Games installe le genre dans la sphère ludique. CD Projekt RED lancera à partir de 2012 le développement d’une adaptation en jeu vidéo sous le nom de Cyberpunk 2077. Toujours en 1988, Interplay Productions et Mediagenic adapte librement le roman phare de William Gibson “Neuromancien” en jeu d’aventure combiné à un RPG (Role Playing Game). L’évidente relation entre jeu vidéo et cyberpunk ne demande alors qu’à s’épanouir.
Dès l’année suivante, la fantaisie vient perturber un univers cyberpunk encore en construction. Le jeu de rôle sur table Shadowrun intègre dans sa dystopie futuriste des éléments d’Heroic-Fantasy et de magie, et esquisse les premières ébauches d’un autre sous-genre… l’Urban Fantasy. Le succès est immédiat dans les sphères d’initiés ce qui incite les studios Beam Software à s’emparer de la licence. L’Action RPG Shadowrun qui voit le jour sur SNES est à l’origine d’une série de jeux vidéo traversant les décennies, de mai 1993 à août 2015 avec Shadowrun : Hong Kong, la suite de Shadowrun Returns (2013). Shadowrun et ses 6 éditions demeurent en 2020 l’un des jeux de rôle les plus populaires.
Une autre licence vidéoludique ancrée dans le cyberpunk émerge en juin 1993. Syndicate est un jeu de stratégie en temps réel sombre et violent, à la moralité ambiguë. Le titre développé par Bullfrog Entertainment ainsi qu’Ocean Software et édité par Electronic Arts place les joueurs à la tête d’un syndicat du crime en lice pour dominer le monde. Deux suites, le STR Syndicate Wars (1996) et le FPS Syndicate de Starbreeze Studios, enrichissent cet univers sans parvenir à imposer durablement la saga. Il en va autrement pour la franchise System Shock. Bootée une première fois en 1994 sous l’impulsion de Looking Glass Technologies, la série prend toute la mesure de son sujet, le cyberpunk, à l’orée du XXIe siècle (août 1999) avec System Shock 2, désigné par Ken Levine (Bioshock).
Deux Ex Fantasy
Puis le cyberpunk devient viral, se répand comme une traînée de poudre sur PC et consoles en 1997. Non pas avec Blade Runner, un spin off en Point & Click fidèle à l’oeuvre d’origine, mais avec un J-RPG. Square parvient ainsi à occulter l’excellente adaptation du film de Ridley Scott par Westwood Studios (Dune II, Command & Conquer, Alerte Rouge). Final Fantasy VII popularise un genre qui devient de fait grand public. Les 10 millions d’unités écoulées sur PlayStation de ce J-RPG réalisé par Yoshinori Kitase et scénarisé par Kazushige Nojima ne sont pas étrangères au destin vidéoludique du cyberpunk, un genre qui prend une toute nouvelle envergure en 2000.
Deus Ex est au jeu vidéo ce que Blade Runner est au cinéma, l’expression artistique et sans concession d’un genre, ici le cyberpunk. Ce RPG en monde ouvert se drappe d’une esthétique néo-noir futuriste, et aborde en profondeur des thématiques récurrentes au sein d’un monde ouvert dystopique, en y ajoutant une interactivité propre au jeu vidéo. Questionner l’humain en le laissant maître de ses choix et en assumer les conséquences, tel est le cadeau fait par Ion Storm et Eidos Interactive aux joueurs. Deus Ex devient logiquement l’un des emblèmes du cyberpunk, et une franchise… qui est désormais entre les mains de Square Enix, et dont les épisodes Human Revolution (2011) et Mankind Divided (2016) sont des incontournables ayant participé à l’essor de la culture cyberpunk.
Ce qui était autrefois un phénomène marginal devient au début du XXIe siècle une mode, mais surtout un mode de pensée. Le cyberpunk est une vision du futur puisant dans le pessimisme sociétal galopant, le progressisme technologique aveugle, et la gouvernance par l’économie, autant de sujets alimentant la créativité des concepteurs de jeux vidéo. De Remember Me (2013) à Invisible, Inc. (2015) en passant par Observer (2017), Ruiner (2017) et Ghostrunner (2020), le cyberpunk déploie des trésors d’imagination pour nous faire voyager dans des futurs dystopiques, situés à seulement quelques encablures de notre présent, et dont Cyberpunk 2077 pourrait bien être la nouvelle projection “référence”.
Les oeuvres cyberpunk cultes
La rédaction de jeuxvideo.com vous propose ci-dessous une liste non-exhaustive des oeuvres incontournables du mouvement cyberpunk, aussi bien audiovisuelles, littéraires que vidéoludiques. Et vous, quelles sont vos oeuvres "cultes" ?
Bandes Dessinées, Comics & Mangas
BD franco-belges
- Carmen Mc Callum
- HK (1996)
- La trilogie Nikopol (1980)
- L’Incal (1980)
- Travis
- Yiu (1999)
Comic Books
- Empty Zone (2015)
- Hard Boiled (1990)
- Judge Dredd (1977)
- The Long Tomorrow (1989)
- Tokyo Ghost (2016 )
- Transmetropolitan (1997)
Mangas
- AD Police Dead End City
- Akira
- Apple Seed
- Blame
- Ghost in the Shell
- Gunnm
Films & Films d’animation
- Akira (1988)
- A Scanner Darkly (2006)
- Blade Runner (1982) // Blade Runner 2049 (2017)
- Demolition Man (1993)
- Dredd (2012)
- EXinstenZ (1999)
- Ghost in the Shell (1995)
- I, Robot (2004)
- Johnny Mnemonic (1995)
- Matrix - trilogie (1999 - 2003)
- Metropolis (2001)
- Minority Report (2002)
- RoboCop (1987)
- Strange Days (1995)
- Terminator (1984) // Terminator 2 : Le Jugement Dernier (1991)
- Tetsuo : The Iron Man (1989)
- The Zero Theorem (2013)
- Total Recall (1990)
- Upgrade (2018)
- Wonderful Days (2003)
Jeux vidéo
- Blade Runner (1997)
- Deus Ex (2000)
- Fear Effect (2000)
- Final Fantasy VII (1997)
- Invisible Inc. (2015)
- Observer (2017)
- Shadowrun (1993)
- Snatcher (1988)
- Syndicate (1993)
- System Shock 2 (1999)
- The Nomad Soul (1999)
Romans & Nouvelles
- Carbone modifié (2002)
- Dr Adder - trilogie (1984 - 1987)
- Le Samouraï Virtuel (1992)
- Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1968)
- Neuromancien (1984)
- Mozart en verres miroirs (1986)
Séries & Séries animées
- A.D. Police Files (1990)
- Almost Human (2013)
- Altered Carbon (2018)
- Cowboy Bepop (1998)
- Ergo proxy (2006)
- Love, Death & Robot (2019)
- Macross Plus (1994)
- No Guns Life (2019)
- Psycho-Pass (2012)
- Serial Experiments Lain (1998)