Il sature l’espace médiatique depuis début 2020, et pour cause : le COVID-19, alias coronavirus, a contaminé aux dernières nouvelles près de 200.000 personnes dans le monde, dont plus de 8.000 ont trouvé la mort. L’épidémie s’est même emparée du jeu vidéo. Les plus gros salons du milieu, notamment l’E3 et la GDC, ont été reportés ou annulés. Même l’eSport en fait les frais. Tour d’horizon de l’impact du virus sur le JV.
Cet article a été mis à jour le 18 mars 2020 pour rendre compte des nouveaux impacts du COVID-19 sur le jeu vidéo.
“En raison du coronavirus, nous ne pourrons pas être présents cette année”. Depuis des semaines, la phrase revient souvent les colonnes des médias spécialisés. Plusieurs rendez-vous majeurs du JV, comme l’E3 et la Game Developers Conference, ont respectivement été annulés et reportés à cause du virus. On voyait bien la chose arrivée : des gros acteurs de l’industrie, dont Sony, Microsoft, ou Epic Games se sont retirés progressivement d’événements internationaux, sans attendre l’annulation. Plusieurs pistes sont ainsi privilégiées pour faire face à la situation : prendre la parole en ligne, comme l’a fait tout récemment Microsoft et comme souhaite le faire l’E3 pour maintenir une présence en 2020 ; ou bien remettre la fête à plus tard, comme compte le faire la GDC, qui devrait normalement prendre place à l’été prochain. Du côté de la Gamescom, on ne s’alarme pas encore. Le rendez-vous allemand a toujours pris place en août.
Au vu des conditions de vie imposées par le virus, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour expliquer ces chamboulements. Certaines entreprises, comme Sony, évoquent les restrictions de voyage qui changent de jour en jour (les compagnies aériennes du monde entier auraient perdu 4 à 5 milliards de dollars à cause des annulations liées au coronavirus) ; et la quasi-totalité préfère protéger la santé de leurs employés. Voici par exemple la déclaration de Microsoft, tombée dans la nuit du 27 février dernier :
Nous avons pris la difficile décision de nous retirer de la Game Developers Conference 2020 à San Francisco. La santé et la sécurité des joueurs, des développeurs, des employés et de nos partenaires partout dans le monde est notre priorité absolue. D’autant plus que le monde connaît des risques croissants pour la santé publique associés au coronavirus (COVID-19) - Microsoft, au sujet de sa présence à la GDC et du coronavirus
Mieux vaut prévenir que guérir
Les absences sont donc pleinement justifiées : il faut éviter à tout prix la propagation du virus. Les mesures prises par les entreprises sont donc plus préventives qu’autre chose. En effet, même si le foyer principal du coronavirus reste l’Asie et plus précisément la Chine, où l’épidémie a démarré, les Etats-Unis prennent des dispositions pour anticiper une catastrophe sanitaire. D’après CNN, 6.500 cas sont à déplorer dans le pays, dont une centaine ont été mortels. Et certaines villes, comme San Francisco (où se déroule la GDC), ont même décrété l’état d’urgence. Une manière de dégager des ressources pour préparer l’arrivée éventuelle du virus.
Mais si les GAFAM du JV peuvent se permettre des désistements de dernière minute, ce n’est pas le cas de tout le monde. Pour Dear Villagers, éditeur français, la Pax East 2020 a représenté un enjeu important. “On y a annoncé officiellement Le Donjon de Naheulbeuk : L'Amulette du Désordre pour le public américain” nous explique Francis Ingrand, PDG de Plug In Digital (maison mère de Dear Villagers). “On a pas vraiment eu le temps de réagir par rapport au coronavirus, comme la plupart des autres éditeurs” poursuit-il. “Mais tout s’est bien passé. On avait plus peur que nos équipes ne puissent pas rentrer qu’autre chose”.
Le Donjon de Naheulbeuk : L'Amulette du Désordre - Trailer
Le jeu vidéo impacté dans son ensemble
En marge des salons, l’eSport fait aussi les frais du coronavirus. Plusieurs compétitions majeures, comme les phases qualificatives de PUBG à Berlin, l'Overwatch League de Corée du Sud ou la finale mondiale de Samurai Shodown, ont été décalées. Et d’autres, comme l’ESL Pro League, ligue mondiale dédiée à Counter-Strike : Global Offensive, se sont retrouvées dans des situations plutôt cocasses. Le show, qui s'est tenu début mars, avait renforcé son dispositif médical pour être maintenu malgré le coronavirus. Mais pas de quoi rassurer suffisamment les autorités de la ville polonaise de Katowice, qui accueillait le show. L’ESL Pro League a finalement été mis sous quarantaine avec d’un côté les joueurs pro et de l’autre, une immense salle vide. Drôle d'ambiance pour un moment eSport.
Mais c’est certainement l’impact du virus sur la production des consoles et accessoires de jeu qui cristallise le plus d’inquiétudes. Plusieurs entreprises du JV rapportent ainsi les conséquences du coronavirus sur leur calendrier : Valve mentionne son casque Valve Index dont les unités seront “beaucoup moins nombreuses à la vente au cours des prochains mois (à cause du virus)” et Microsoft parle de la manière dont la fabrication des machines est réduite à un “rythme plus lent” que prévu.
Et pour cause : la quasi-totalité des machines dédiées au jeu sont aujourd’hui conçues en Chine. Comme l’explique Niko Partners, spécialiste du marché JV chinois, en 2018, 96% des consoles écoulées aux Etats-Unis ont été produites dans ce pays. Un chiffre gigantesque que l’on doit notamment à Foxconn et ses 12 entrepôts répartis à travers les terres chinoises. A cause du coronavirus, le mastodonte a été contraint de fermer plusieurs usines. Les salariés sont invités à rester chez eux pour des raisons de santé évidentes.
La next-gen pas encore en péril
Tous les regards sont ainsi tournés vers les jeux et machines next-gen, prévus pour fin 2020. “Si les fermetures d'entreprises excèdent un mois ou plus, le calendrier des jeux sera retardé” analyse la banque d'investissement et de services économiques américaine Jefferies Group, dans un article de Business Insider. “Les nouvelles consoles pourraient également souffrir de problèmes d'approvisionnement suite à une interruption prolongée, avant les lancements prévus à l'automne 2020”.
Même si le virus commence doucement à avoir une incidence sur le JV mondial (la sortie de la version Switch de The Outer Worlds a été décalée car le studio chargé du portage, basé en Chine, avait provisoirement fermé ses portes), Nintendo se veut par exemple rassurant. “Nous ne voyons pas d'impact majeur concernant les Etats-Unis actuellement, mais nous allons rester vigilants et prendre des décisions adaptées si nécessaire” affirmait Big N à la mi-février, même si le Japon est touché par la pénurie. Du côté de Sony, le média américain Bloomberg rapporte que la majorité des composants de la PS5 sont en sécurité et que le coronavirus n’a pas impacté sa production. Une information confirmée par l'agence de service de presse d'Amsterdam pour Sony Interactive Entertainment Benelux, et rapportée par le site LetsGoDigital. “Le coronavirus n'a pas encore retardé le lancement de la PS5 pour le moment” peut-on lire. Pour le moment donc, tout va bien.
Les analyses de TrendForce, organisme qui scrute régulièrement les industries technologiques, se veulent aussi rassurantes. D'après les chiffres du premier trimestre de cette année, la production de composants électroniques pour les consoles n'a diminué que de 10%. Ainsi, actuellement en Chine, c'est davantage l'approvisionnement en continu qui est affaibli, et pas réellement celui sur le long terme. TrendForce évoque également l'impact du nouvel an chinois sur la routine des constructeurs, qui ont pris l'habitude de commander selon leurs besoins dès le début d'année. Les consoles next-gen sont donc pour l'instant à l'abri, à moins d'une sortie surprise de la PS5 ou de la Series X en juin.
Plus de peur que de mal pour l'instant donc, mais difficile de jouer les devins pour les mois à venir. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le risque de propagation du virus est "très élevé". Il faut toutefois relativiser la dangerosité du COVID-19, comme l'affirment plusieurs experts de santé dans un article de France Info. D'après ce dernier, la maladie est bénigne dans 80% des cas et le taux de mortalité est d'environ 3%. Mais pour l'impact du coronavirus sur l'industrie du JV à l'avenir, difficile de se prononcer.
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Cela peut paraître surprenant, mais c’est bel et bien le cas. Voilà plusieurs cas où le coronavirus a été bénéfique au JV :
- Le succès soudain de Plague Inc. Juste après l’explosion médiatique du coronavirus, le titre de Ndemic Creations a connu un gros regain d’intérêt, au point où les serveurs du jeu ont crashé. Les développeurs du titre, que l’on peut décrire comme un simulateur d’épidémie, rappellent que “Plague Inc n’est qu’un jeu, pas un modèle scientifique”. Par la suite, les autorités chinoises ont retiré le titre de l’App Store local. Aux dernières nouvelles, il était aussi introuvable sur Steam en Chine, comme l'a rapporté l'analyste Daniel Ahmad sur Twitter.
- Les joueurs chinois jouent plus chez eux. Niko Partners rapporte des chiffres étonnants sur les habitudes de jeu vidéo en Chine. “Les plateformes de streaming ont vu un impact positif, car le nouveau coronavirus a gardé les gens à l'intérieur ainsi que sur les smartphones et PC pour consommer du contenu de jeu” explique l’organisme. Des jeux comme Honor of Kings, PUBG et League of Legends sont ainsi deux fois plus populaires sur la même période par rapport à l’année dernière, sur la plateforme de streaming chinoise Douyu.
- Record battu pour l’ESL Pro League. Comme évoqué un peu plus haut, la compétition dédiée à Counter Strike : Global Offensive a été disputée en quarantaine dans l’arène de Katowice, en Pologne. Un mal pour un bien on pourrait dire : le show a explosé son record d’audience en ligne, avec un pic à plus d’un million de personnes.