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News culture Parents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masse
Profil de Pauline LECLERCQ aka « Tiraxa » ,  Jeuxvideo.com
Passionnée de jeux narratifs et d’enquête qui font souvent soupirer les autres, Tiraxa adore découvrir de nouvelles productions indés, tomber sur des anecdotes absurdes à raconter sur papier et parler du dernier film d’horreur nul devant lequel elle a fait sa sieste à ses collègues.

Divertissement privilégié des enfants et adolescents, le jeu vidéo est aujourd'hui un loisir solidement ancré dans nos foyers. D’après les derniers chiffres rapportés par le SELL fin 2019, un enfant sur deux joue tous les jours, contre un adulte sur trois. Si aujourd’hui la notion de partage familial prend davantage d'ampleur, la médiatisation de la violence et de l’addiction aux jeux vidéo initiait dès les années 1990 une rupture entre les joueurs, et les autres. Couramment, les sphères psy et publiques corrèlaient dès lors les jeux dits violents avec les comportements violents, et les usages excessifs avec les addictions graves. Le flou scientifique sur la définition d'une pratique pathologique, et la méconnaissance du média, peuvent créer une forme d'incompréhension dans le foyer. Quand certains parents parlent d’isolement social, les enfants décrivent une nouvelle manière d’être avec les autres. Dans la culture ludique de ce dernier, quels sont la place et le rôle du parent ? Des premières représentations dans la presse, aux thérapies familiales, en passant par les conflits scientifiques, comment le jeu vidéo peine t-il parfois à devenir un point d’accord dans le dialogue familial ? Pour comprendre les freins qui perturbent sa compréhension, il faut aborder la communication multilatérale qui le concerne.

Parents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masse

La médiatisation de la violence et de l’addiction aux jeux vidéo

Parents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masse

La notion de violence conjuguée aux jeux vidéo fut réellement mise en exergue à compter des années 1990. Alors que dix ans plus tôt, groupes civiques, religieux et politiques s’insurgeaient de la brutalité véhiculée par les films de gangster à l’image de Scarface (A. Blanchet, Violence, cinéma et jeux vidéo : de la récurrence d'un même discours, 2008), l'avènement de Mortal Kombat ou de Doom place les productions vidéoludiques et leur dimension interactive au centre de la thématique. En 2008, Olivier Mauco, chercheur en science politique et game studies, relate que la médiatisation de la violence des jeux vidéo prend une nouvelle ampleur à la suite du massacre de Littleton, le 20 avril 1999, lorsque deux élèves du lycée Columbine ouvrent le feu sur leurs camarades et leurs professeurs. La presse généraliste s’empare alors du jeu vidéo et le répertorie dans ses rubriques politiques et sociétales. Car l’un des tueurs, Eric Harris, était un grand consommateur de jeux vidéo, et un adepte de Doom. Deux débats animent les discussions publiques : de l’un, l’accès aux armes, et de l’autre, celui de la responsabilité des jeux vidéo dans le massacre, qui prend le dessus. O. Mauco relève qu’en seulement sept jours, le New York Times aura publié seize articles consacrés à la responsabilité du jeu vidéo dans la tuerie. Et un mois plus tard, le président Bill Clinton déclarait :

Protéger nos enfants des armes est important, mais c’est juste une étape. Les industries des médias et du divertissement ont un pouvoir énorme sur la vie de nos enfants aussi doivent-elles prendre leur responsabilité.

Une déclaration qui fait toujours écho à certains discours politiques actuels. En parallèle, à cette même époque, psychiatres, psychologues et thérapeutes, en majorité peu familiers avec les objets vidéoludiques, accordent une crédibilité à l’inquiétude ambiante. Les chercheurs Granic, Lobel et Engels (2013) estiment que la plupart des recherches psychologiques sur les effets du jeu vidéo se sont focalisées sur son impact négatif, soit « le préjudice potentiel lié à l’agression, la dépendance et la dépression ».

Des divergences scientifiques dès les années 1990

En dépit de l'opinion négative prédominante qui est véhiculée, il est à noter que la sphère psy est, depuis les années 1990, loin d'être unanime sur la question du jeu vidéo ; en 1994, Joël Saxe, de l'Université du Massachusetts, étudie le comportement de joueurs de Mortal Kombat. Il en conclut que malgré la violence extrême du jeu, les sujets se montrent coopératifs et même cordiaux. En outre, dans cette étude, ce type de jeu est estimé utile au combat contre l'anxiété ou la frustration.

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Le débat sur la violence renvoie progressivement à celui de l’addiction. En France, la thématique est reprise dans les émissions des chaînes publiques. On présente le jeu vidéo comme un phénomène individualisant et associabilisant, générant chez les plus jeunes un comportement violent, rejetant l’autorité parentale et les obligations scolaires. Sa pratique excessive est naturellement assimilée à l’usage de stupéfiants, comme le cannabis. Dès lors, le public de masse, comprenant les parents, qui ne connaît le jeu vidéo que par la couverture médiatique qu'on lui accorde, va très tôt évoluer dans ce mode de pensée.


Addiction, trouble, usage à risque ? Le flou scientifique

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime qu'un adolescent sur huit souffrirait d'un usage problématique des jeux vidéo. Mais accorder une définition claire aux pathologies liées au loisir vidéoludique demeure encore une problématique confuse dans la sphère scientifique. L’addiction comportementale ne peut se définir que par la surconsommation du produit. Elle se caractérise, entre autres, par une perte de contrôle sur le support, et sur sa vie. En janvier 2018, l’Organisation mondiale de la santé préfère définir l’usage à risque des jeux vidéo comme un “trouble. Et on estime que seul 1 % des joueurs correspondrait à cette définition.

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Pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois.

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Campagne de prévention auprès des jeunes de la MILDECA et Bayard Jeunesse (2020).

Cette définition sera celle appliquée dans la onzième classification internationale des maladies (CIM-11). Seulement, si elle est vouée à faire avancer des années de débats sur la définition à accorder au jeu pathologique, elle engendre des retours très critiques. Nombreux psychiatres addictologues pointent du doigt l’absence de consensus scientifique sur la question, le manque d’études de terrain et surtout le parallèle amené avec d’autres types d’addictions. Car l'arrêt d'une pratique excessive du jeu vidéo n’engendre aucune rechute ou sentiment de manque comparable à l’addiction à l’alcool ou aux drogues ; de même que son usage n’a pas les mêmes conséquences néfastes sur le cerveau. L’Association américaine de psychologie déclarera à son tour que la décision de l’OMS est plus “le résultat d’une panique morale que d’une bonne science”. Dans cette même vague de panique morale, nous pouvons alors citer le récent ouvrage publié par le gouvernement en collaboration avec l’éditeur jeunesse Bayard : un livret proposé aux jeunes pour faire face aux addictions, porté par le slogan : "Jeux Vidéo, Alcool, Tabac : Je dis NON aux addictions !", logeant les excès du jeu vidéo au premier plan, devant l’alcool et le tabac.

Face à cette discordance dans les sphères scientifiques, gouvernementales et sociales, difficile pour le parent de se familiariser rationnellement au loisir de l'enfant. Selon les spécialistes francophones, quels sont les facteurs d’alerte à prendre en compte, quand le parent s'inquiète d'un usage excessif ?

L’ado dépendant, ou “la tradition du samouraï”

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Générant une perte d’intérêt pour les autres activités, ce que l'OMS appelle un trouble, ou d'autres une dimension addictive, engendre un rétrécissement comportemental, un retrait social, et très souvent, des conflits avec les parents. Autre facteur important, l’inversion du rythme de vie entre le jour et la nuit, et une amplification des frustrations. L’image de l’adolescent, reclus dans sa chambre, yeux rivés sur son écran depuis de longues heures tandis que ses parents le somment désespérément de venir à table est bien connue ; notons toutefois que selon le rapport “Les Français et le Jeu Vidéo" du SELL (2019), presque un adulte sur deux considérerait que le jeu vidéo a des impacts positifs sur le développement de l’enfant. Pour le psychothérapeute et spécialiste des addictions aux écrans Niels Weber, le critère d’alerte le plus pertinent à prendre en compte pour les parents dans les situations difficiles, est la souffrance du joueur ou des proches (W. Audureau, Le Monde Pixels, 2019).

Michael Stora, psychologue et psychanalyste, a fondé en 2000 l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines. Il publie en 2019 dans le magazine Nectar : Jeu vidéo : Quand des adolescents tout-puissants tiennent le monde dans leur poing. Il mentionne ces parents, qui, pour décrire le comportement de leurs enfants, le comparent à la tradition du samouraï : “Pour se construire en tant qu’homme, l’adolescent doit partir et s’isoler sur la montagne”. Il dit également :

Cette boulimie digitale rappelle l’autre boulimie, celle qui consiste à manger pour se “remplir” jusqu’à ras bord. Dans les deux cas, on vient colmater une angoisse, un vide.

Mais de quelle angoisse parle t-on ici ? Devant son écran, le joueur ne serait plus confronté à sa peur de grandir. Il pourrait tout aussi bien chercher dans le fictif des réponses qu’il ne trouve pas dans le réel. Et il pourrait, également, s'exalter à mettre en pratique la violence inhérente qui l'habite, ou l’affection qu’il ne peut exprimer ailleurs. Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste et membre de l'Académie des technologies, nomme cette situation la “dyade numérique” (2006) : l’enfant utilise l’ordinateur comme un partenaire d’interactions.

"Boulimie digitale" : symptôme d’un mal plus profond

Au cours d’un entretien accordé au journaliste William Audureau pour Le Monde Pixels en octobre 2019, Niels Weber pose la question :

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« Est-ce le jeu vidéo qui entraîne l’échec scolaire, ou l’échec scolaire qui amène l’adolescent à surinvestir le jeu vidéo ? »

En 1994, une étude française réalisée en Savoie sur des classes de vingt-six écoles - et au cours de mille entretiens - relate que les "excellents élèves" sont plus nombreux à jouer, mais le font moins longtemps que ceux ayant de mauvais résultats (M. Nachez, P. Schmoll, 2003). Dans de nombreux médias, ou même publications scientifiques, le jeu vidéo et sa pratique excessive sont considérés comme un problème pernicieux, notamment pour l'environnement scolaire du joueur. Aujourd’hui, la plupart des psychologues s’étant foncièrement penchés sur la question affirment pourtant que son usage pathologique n’est pas un processus indépendant. Michael Stora cite notamment Olievenstein, fondateur du centre médical de Marmottan, qui expliquait que le problème surgissait à un triple carrefour : “celui d’un produit, d’un moment socioculturel et d’une personnalité. Un carrefour que les parents, souvent, aident inconsciemment à acheminer. Eux-même confrontés à la pression sociale d'élever le meilleur des enfants, ils en font parfois trop. En résulte un surinvestissement, une considération de son héritier comme un prolongement de leurs propres enjeux. Dès lors, explique Michael Stora, l’enfant devient “un prolongement phallique narcissique de ses parents.” L’écran permet de fuir cette tension constante :

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Leurs avatars sont leurs ombres, derrière lesquelles ils osent flinguer, eux qui se sentent flingués symboliquement dans leur parcours atypique.

En fait, il serait plus bénéfique que les parents apprennent à leur progéniture que c’est en perdant que l’on apprend à gagner et à grandir. Il est toutefois important de retenir que chaque situation pathologique amène à des approches théoriques bien distinctes : narcissisme des parents, manque affectif, surplus affectif ou encore idéalisation. Le jeu pathologique concerne d’autant plus les adolescents que les plus petits ; ces derniers accepteront plus volontiers les silences de leurs proches. Les adolescents, en revanche, débutent un processus de questionnement, sur leur être et leur entourage ; ils doutent et cherchent des réponses à leurs questions, qu’on ne leur accorde pas toujours. Parfois, l'irréel permet de donner vie à des proches, ou à un "Moi" idéal. Globalement, il en découle le même objectif : rendre visible par des représentations ce qui ne peut pas se voir, ou ce qu’on ne veut / peut pas exprimer ailleurs (S.Tisseron, 2008).

L'écran, à la fois symptôme et remède ?

Au lieu de les envoyer remplir les files actives de certains services d’addictologie, pourquoi ne pas ouvrir des espaces de créativité numérique où on les aiderait à déployer leurs dons ?

Une suggestion de Michael Stora, qui entend les jeux vidéo comme un terrain d’expression. Frédéric Berben, psychologue clinicien et thérapeute familial, lui, conçoit également d’utiliser l’outil au cours d’une thérapie à long terme, comme moteur d’une meilleure communication familiale. Il publie en 2014 Les jeux vidéo multijoueurs, une opportunité en thérapie familiale. Il trouve dans les MMO - et plus particulièrement dans World of Warcraft - un moyen "d’harmoniser un mode de fonctionnement autant centré sur soi-même que sur la relation aux autres“.

Frédéric Berben prescrit à ses patients le PASS ; il s’agit non là d’un traitement médicamenteux, mais d’un rituel d’échanges collectif. “P” pour “Partager” les activités vidéoludiques avec son enfant, “A” pour “Apprendre” les catégories de jeux existantes et connaître ceux auxquels l’enfant joue, “S” pour “S’intéresser” et discuter des loisirs de l’enfant, et “S” pour “Solliciter” son enfant à communiquer sa passion pour le jeu. Parallèlement, le spécialiste affirme que le MMORPG constitue un bon outil psychosocial, notamment pour les guildes qui les accompagnent.

Parents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masseParents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masseParents, enfants et jeux vidéo : le dialogue familial à l'épreuve de la communication de masse

Le jeu virtuel devient un outil bien réel d’expression de ses choix d’appartenance ou de non-appartenance. Ce sont des apprentissages relationnels stables ou changeants, alternatifs. Il est possible d’y explorer la négociation, d’y acquérir les liens de coopération, de sécurité, de respect, de confiance en soi et dans les autres, les différentes stratégies relationnelles et la responsabilité.

Aussi, l’absence de conséquences réelles dans le jeu peut constituer “une invitation à la déréalisation” ; il permet d'apprivoiser l’autre par sa virtualité rassurante. En outre, l’avatar est la projection du joueur, il agit comme son double. Dans le cas d’une dépendance, Frédéric Berben stipule qu’il ne faut pas “laisser le MMO devenir le produit qui comble le vide mais l’opportunité de tenter un changement”.

Une protection en manque d'attention ?

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Avec l’appréhension, la compréhension et la communication, vient également la protection, et principalement envers les plus jeunes enfants. Frédéric Berben conseille d’instaurer des rituels de connexion souples et négociés. Ils peuvent inclure la définition d’un mot de passe, le périmètre du lieu de jeu, ou le type de jeu. En matière de protection, les résultats de l'étude "Les Français et le Jeu Vidéo" (SELL, 2019) mettent en évidence des attitudes parentales paradoxales.

71% des parents se déclarent attentifs à la pratique du jeu vidéo de leur enfant. Plus de la moitié d’entre eux encadrent cette pratique et ils sont même 65% à jouer avec leur enfant au moins occasionnellement. Paradoxalement, s’ils sont 9 parents sur 10 à connaitre l’existence des systèmes de contrôle parental, seul 1 tiers d’entre eux les utilisent. Ils sont en revanche plus d’1 sur 2 à être attentifs au respect du système de classification PEGI (56%) lors de l’acte d’achat.

Pourtant, on insiste aujourd’hui sur le respect des consignes PEGI. Niels Weber soutient qu’il est nécessaire de distinguer l’existence “d’un monde des enfants” de celle “d’un monde des adultes” (W. Audureau, 2019) ; une dissociation qui doit aider l’enfant à se développer sur son propre terrain.

La signalétique PEGI, comment ça marche ?

Sur les jaquettes, fiches descriptives ou spots publicitaires, les jeux vidéo sont accompagnés de leur signalétique PEGI, Pan European Gaming Information. Utilisée à travers plus de trente-cinq pays européens et créée en 2003, elle sert à indiquer l’âge recommandé pour jouer à un titre, selon certains critères : violence, drogue, sex, grossièretés, etc. Le projet succède à la mise en place d’un système d’évaluation établi aux Etats-Unis, dans les années 1990, l’ESRB, alors que la tendance gore de Mortal Kombat sensibilise les pouvoirs publics. Cela amène l’Europe à se parer de son propre système. Le principe est sommaire : les éditeurs de jeux remplissent eux-mêmes un questionnaire d’évaluation afin qu'on leur attribue une recommandation d’âge, ensuite vérifiée par un organisme, Nicam ou VSC.

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Si le système PEGI se veut progressiste en matière de protection, il est encore jugé instable. Sur les fiches de jeux dématérialisés, le PEGI est parfois introuvable. Les éditeurs indépendants, eux, s’en passent régulièrement. Et dans le secteur du mobile, Apple use de sa propre classification. Aussi, chaque pays apporte un regard subjectif sur le contenu d’un jeu, et c’est le plus regardant, ou le plus sensible, qui l’emporte sur la signalétique à appliquer. Et si la signalétique PEGI peut certes fournir des indications sur le contenu jugé sensible d’une œuvre, elle n'indique aucunement le niveau de dextérité et de maniabilité que celle-ci requiert ; elle peut être utile au spectateur, comme obsolète au joueur. Jusqu'à récemment, elle ne renseignait pas non plus la présence d’achats intégrés dans un titre. Depuis novembre 2019, PEGI tente de faire mieux, et se dote désormais d’une application mobile, PEGI Rating, fournissant des informations complémentaires aux parents : achats intégrés, définition des pictogrammes, ou divers détails concernant le contenu sensible d’un jeu.

L'éveil de l'industrie en matière de protection

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C’est au cours de ces dernières années que se déclenchent réellement les actions à visée pédagogique pour les parents. Fin 2019, le SELL, avec le soutien du ministère des Solidarités et de la Santé, l'Europe et quelques associations familiales, a inauguré une nouvelle campagne nationale intitulée "Bons usages, bons souvenirs". Assortie de règles d’usages pour les parents, elle invite à visiter le site PédaGojeux, un collectif formé en 2008, avec un objectif : informer et sensibiliser les parents sur le jeu vidéo ; deux actions qui se conjuguent autour de leur site internet, d’événements comme la Paris Games Week ou de diverses interventions. Les adultes sont conviés à découvrir les bonnes pratiques à adopter, la signalétique PEGI, le contrôle parental, les mécanismes primaires du média, ou encore le temps de jeu à accorder.

Côté constructeurs, c’est Microsoft qui fait dernièrement de la communication familiale un nouveau slogan. Au Noël dernier, l’équipe Xbox US partageait ses conseils aux parents pour les fêtes à travers une vidéo de sensibilisation . On y expliquait les contrôles parentaux, comment créer un compte enfant/adolescent sur sa console et les dispositifs de sécurité à mettre en place par ce biais. À cette même période, Xbox France commande à Opinium une étude concernant le jeu vidéo en famille. Elle relève que 3/4 des parents jouant avec leurs enfant estiment que l’activité permet de "renforcer les liens". 69 % d'entre eux considèrent que cela les aide également à mieux comprendre leurs enfants, et 68 % affirment que le jeu vidéo leur permet de "se sentir en phase avec la culture populaire". La Nintendo Switch ainsi que la PlayStation 4 disposent également d'une option à la protection parentale.

Malgré ces précautions, reste encore le fardeau des violences verbales en ligne, difficilement contrôlables. Il y a à peine quelques jours, une étude basée sur le quotidien des joueurs de League of Legends publiée sur Reddit a dédié toute une catégorie à la toxicité présente dans le jeu. Il en résulte que, de manière globale, 98 % des 3 784 répondants reçoivent des injures durant leur partie en ligne. Et 79 % ont déclaré que le harcèlement se poursuivait après la fin d'un match, évoquant insultes, demandes d'amis à répétition, ou harcèlement sexuel. Cette situation sous-entend aussi que le milieu scolaire a également son rôle à jouer sur l'éducation des pratiques numériques et des échanges en ligne.

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La panique morale : premier trouble qui met à mal la bonne compréhension du jeu vidéo, et frein majeur du dialogue familial. Matraquage politique, hétérogénéité scientifique, campagnes alarmantes, désintérêt, quatre facteurs qui ont à partir des années 1990 perturbé une bonne compréhension du média pour ces parents qui ne baignent pas dans la culture vidéoludique de leurs enfants. Au fil des décennies, le jeu profite heureusement d'une nouvelle légitimité institutionnelle, par son ampleur culturelle indéniable, ou les innombrables études multidisciplinaires qui l'accompagnent. "S'il y a des gens qui n'ont pas compris que le jeu vidéo est une des industries culturelles les plus innovantes dans les couloirs du ministère, il y a tout de même de moins en moins de gens à convaincre", constatait Emmanuel Martin, délégué général du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir, en 2016. Fort de multiples vertus, il n'est toutefois pas possible de nier que la pratique pathologique du jeu existe bel et bien ; reste encore à la comprendre, pour la définir et la traiter proprement. Mais plutôt qu'un mal pernicieux, pour les spécialistes avertis d'aujourd'hui, c'est plutôt le symptôme d'une autre souffrance qu'il semble important de considérer. Un symptôme comme un remède, qui peut être un outil thérapeutique formidable pour celui qui le maîtrise. Quant à la protection des plus jeunes, nécessaire, elle détient, comme dans la réalité, des limites encore inatteignables. L'industrie propose toutefois des outils pour instaurer ses premières bases, remis entre les mains des parents ; c'est donc maintenant à eux de jouer.

Sources

  • AFJV. Jeux Vidéo : règles et outils permettant une pratique sereine , 2019.
  • Audureau William. Niels Weber : « Parents, intéressez-vous aux jeux vidéo auxquels jouent vos enfants ! » . Le Monde.fr. 2019.
  • Berben Frédéric. « Les jeux vidéo multijoueurs, une opportunité en thérapie familiale » , Thérapie Familiale, 2014/1 (Vol. 35), p. 71-88.
  • Foussereau Julien. Jeux vidéo : cinq recommandations pour fixer des cadres en famille . Télérama.fr. 2019.
  • Olivier Mauco. « La médiatisation des problématiques de la violence et de l'addiction aux jeux vidéo » , Quaderni, 67. 2008, 19-31.
  • SELL. L'Essentiel du Jeu Vidéo - Octobre 2019 . Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs. 2019.
  • Six Nicolas. Violence des jeux vidéo : les systèmes de classements sont-ils suffisants ? . Le Monde.fr . 2018.
  • Stora Michaël. « Jeu vidéo : quand des adolescents tout-puissants tiennent le monde dans leur poing » , Nectart, 2019/1 (N° 8), p. 56-65.
  • Whitehead, Joanna. Parents should play online video games with children, says online safety group . The Independent. 2019.
Commentaires
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gaet971 gaet971
MP
Niveau 9
le 26 févr. 2020 à 13:54

- Dites au scientifiques de ma part que les jeux vidéo m'ont sauvé la vie...
- Comment?
- En jouant.

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