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News personnalité Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Profil de Ayden_,  Jeuxvideo.com
Ayden_ - Journaliste jeuxvideo.com

Aux côtés de Frederick Raynal, de Philippe Ulrich, de Michel Ancel ou encore d’Éric Chahi, Paul Cuisset est l’un des acteurs incontournables du jeu vidéo français. Des Voyageurs du Temps à Croisière pour un Cadavre en passant par Flashback ou Darkstone, le co-fondateur de feu Delphine Software a toujours œuvré pour des jeux innovants et des scénarios immersifs. Dans le cadre de la sortie estivale de Flashback Mobile, l’adaptation Android et iOS du célèbre hit de 1992, nous avons pu nous entretenir avec ce grand monsieur afin de revenir sur les moments-clés de sa carrière.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Paul Cuisset est l'un des acteurs majeurs de ce qu'on appelait à l'époque la French Touch.

Figure indissociable de la « French touch », Paul Cuisset s’est intéressé à l’univers de la micro-informatique en suivant le conseil de son père. Il revient sur ce souvenir d’enfance :

C’est vieux (Rires). J’ai commencé l’informatique car, à l’époque, j’avais un groupe de rock et je voulais faire de la musique. Et mon père m’avait vendu qu’en faisant de l’informatique, je pourrais faire de la musique. Il m’a dit : "Dans quelques années, tu verras, tout le monde utilisera des ordinateurs pour faire de la musique. Donc, c’est un bon moyen de te lancer là-dedans." Donc moi, du coup, j’ai suivi les conseils de mon père et je me suis mis à l’informatique. Je suis entré à l’université pour apprendre à programmer et c’est comme ça que j’ai découvert les premiers jeux.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
L'antique et mythique Apple II, ici dans sa version optimisée.
À la fin des années 1970, le monde des ordinateurs n’en est encore qu’à ses balbutiements et c’est sur une machine devenue mythique qu’il pose les mains pour la première fois.

À l’époque, c’était sur Apple II, donc ça remonte à un bout de temps (Rires). C’est comme ça que j’ai découvert que les jeux existaient et qu’on pouvait vraiment faire des choses intéressantes en termes de narration grâce aux ordinateurs et surtout, que c’était beaucoup intéressant que de faire de la gestion ou de calculer des fiches de paye pour la fin du mois. C’est comme ça que j’ai commencé. Après ça, j’ai eu mon premier ordinateur personnel, un Oric Atmos, puis ensuite un Atari. Et voilà, c’est la passion des jeux qui a fait que j’ai commencé dans ce métier-là, après différentes rencontres avec différentes personnes qui m’ont permis de travailler sur des projets. Par exemple, l’une des personnes que j’ai revu et qui m’a permis d’avancer sur Flashback mobile, c’est Mickaël Sportouch que je connais depuis plus de trente ans je crois.

De l’adaptation à la création

Si le lien qui unit les deux hommes est fort, ce n’est pas un hasard. C’est en effet à ce duo que l’on doit l’adaptation d’un grand hit de SEGA, Space Harrier, sur Atari et Amiga. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était une aventure peu commune. L’intéressé révèle :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Space Harrier tourne très bien sur Atari ST.
Pour Space Harrier, on n’avait rien. Ni code, ni console, ni quoi que ce soit. Il fallait aller sur place et on se cachait avec une caméra. Le père de Mickaël nous avait prêté une caméra parce, qu’en plus, à l’époque, nous n’avions pas de caméra. On était jeunes. Donc, on se cachait, on filmait la borne et, une fois qu’on était chez nous, on mettait la pause et Mickaël redessinait les éléments. C’était un sacré travail mais, en même temps, je pense que c’est comme ça qu’on apprend et ça a été une très très bonne école pour apprendre à analyser et à reconstruire un jeu avec des moyens limités. Donc oui, ça a été une très bonne école. Nous nous sommes occupés des versions Atari ST et Amiga.

Et ne lui parlez de rivalité Atari/Amiga :

Pour nous, c’était le même combat (Rires), c’était des machines sur lesquelles on développait.

À la fin des années 1980, Paul Cuisset apprend petit à petit les rouages du développement et se prend d’affection pour les jeux d’aventure. Il ne le sait pas encore mais il est à l’aube de titres (Les Voyageurs du temps, Operation Stealth, Croisière pour un cadavre…) qui vont devenir les pionniers d’un nouveau genre : le point'n click.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Croisière pour un cadavre est un grand classique du point & click.

J’étais un fan des Sierra Online. À l’époque, ces jeux-là étaient surtout fait pour les PC et on n’avait rien sur Atari et Amiga. C’est comme ça qu’est venue l’idée de faire un jeu d’aventure pour ces supports. Comme on avait une souris (ce que n’avaient pas les PC à l’époque), c’était tout simplement plus facile d’utiliser la souris pour diriger le personnage. Dans les jeux Sierra Online, on dirigeait le personnage avec les touches du clavier. Du coup, ça paraissait naturel de cliquer à un endroit et de faire en sorte que le personnage aille à cet endroit-là. C’est comme ça qu’est né le système de jeu « point & click » avec les menus diffusant un nombre de mots-clés limités : examiner, prendre, etc. L’idée, c’était de simplifier et de rendre le jeu plus accessible et plus facile. Les jeux Sierra étaient tout au clavier, il fallait taper les mots-clés et, en plus, c’était en anglais donc c’était compliqué. Là, l’idée, c’était de faire quelque chose d’assez simple.

Pour définir chacun de ses univers, le jeune adulte puise dans ses différents centres d’intérêts. Il relate :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Operation Stealth est une formidable aventure d'espionnage.

En fait, cela vient principalement de la lecture. Je suis un grand lecteur et je lis aussi bien de la S.F que du polar ou bien de la littérature classique. Et je pense que tout ça a un peu servi de base aux différents scénarios que j’ai pu proposer. Sur les Voyageurs du temps, c’était la science-fiction qui était prédominante. Plus tard, sur Opération Stealth, je me suis plus intéressé aux histoires d’espionnage parce que j’étais fan de James Bond. Sur Croisière pour un cadavre, on est plus dans le style Agatha Christie avec l’enquête policière. Ce sont différents thèmes qui viennent de mes lectures et des différentes choses que j’aime. Mais surtout, la constante et le point commun, c’est que j’aime raconter des histoires et j’aime tirer le lecteur – enfin, le joueur pour le coup – vers des univers qui sont riches et propices à la narration et à l’émotion.

Évidemment, la conception de ces univers ne se fait pas en un claquement de doigts, comme la confirme notre interlocuteur :

Y a un gros travail, de toute façon, qui se fait toujours pour les projets en pré-production. On essaye de définir un petit peu les choses que l’on va faire après. Je pense que je suis plus dans une démarche itérative, c’est-à-dire qu’on commence à faire une chose, on l’affine, on peaufine, on revient dessus, etc. C’est pour ça que c’est toujours compliqué. Moi, j’ai toujours aimé travailler sur les choses et revenir dessus de manière à améliorer, rajouter des éléments et juger, etc.

Flashback, la révélation

Au début des années 1990, alors qu’il est désormais habitué aux micro-ordinateurs, Paul Cuisset et son équipe reçoivent une proposition qu’ils ne vont pas refuser. Il se souvient :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Le nom de Paul Cuisset sera éternellement lié au fabuleux Flashback.

Cela s’est produit assez naturellement parce, qu’à l’époque, on développait sur Atari ST et Amiga principalement. Ce sont des machines qui avaient des souris et un de nos partenaires nous a proposé de faire un jeu sur Mega Drive. La console n’était pas encore sortie, elle devait sortir six ou sept mois après je crois. Et du coup, on est parti sur Flashback et, bien sûr, il n’y avait plus de souris mais une manette. Il a fallu reconsidérer toute l’interface et tout le gameplay, etc. Les contraintes techniques étaient complétement différentes de ce qu’on avait eu l’habitude de rencontrer sur les micro-ordinateurs. Travailler sur console, c’était complètement différent, il s’agissait de machines à sprites et c’étaient des machines sur lesquelles on pouvait difficilement créer des décors comme on avait l’habitude de les faire, c’est-à-dire les dessiner complètement. Là, il fallait utiliser des briques et utiliser différentes techniques pour assembler les décors par petits morceaux. Tout ça nous a amené à reconsidérer le travail qu’on a fait et créer quelque chose de différent, basé sur une interface à la manette et un système de narration plus dynamique et dans lequel on intégrait les phases d’action et principalement, aussi, du gameplay narratif. Pour le coup, on n’était plus sur du jeu d’aventure classique mais je voulais quand même continuer à raconter des histoires et, donc, il fallait trouver des moyens pour faire en sorte que le joueur, sans qu'il n'y ait de séparation entre les phases de dialogues et les phases de gameplay, puisse continuer à vivre une aventure qui soit continue. C’était un challenge car il fallait vraiment reconsidérer toutes les bases de game design qu’on avait établi au départ avec les jeux d’aventure.

Flashback est totalement renversant à sa sortie. Tout le monde ne parle que de Conrad, le héros du jeu, et de cette aventure sublime, mêlant science-fiction, action et exploration. Pour comprendre pourquoi le titre a eu un tel impact, il faut notamment se pencher sur son animation et son aspect visuel. Pour obtenir de tels mouvements, le staff de Paul Cuisset a tout simplement repris les techniques traditionnelles du dessin animé. Il détaille :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
C’était intéressant car cela nous a permis de développer le système d’animation de Flashback à partir de zéro. C’est-à-dire le rotoscoping mais aussi tout le système d’animation en lui-même, c'est-à-dire dire avoir 24 images par seconde, avoir toutes les séquences qui s’enchaînent, etc. Aujourd’hui, c’est quelque chose qui se fait naturellement mais, à l’époque, cela se comptait en milliers d’heures de travail pour faire toutes les animations, une à une, à la main, etc.

Quand on se penche sur le processus de réalisation, on mesure mieux le travail abattu, surtout qu’il fallait, en plus, faire avec les contraintes techniques de l’époque, comme le résume l’intéressé :

On filmait un de nos graphistes. C’est quelqu’un avec qui j’avais l’habitude de travailler qui s’appelle Denis Mercier et qui a servi de modèle pour Conrad. On allait à un endroit avec notre caméra, il faisait les mouvements, on les filmait puis on revenait au studio. À l’époque, on n’avait pas vraiment de machines pour digitaliser. On ne pouvait pas numériser les images facilement. Ce que je faisais, c’est qu’on mettait la pause sur le magnétoscope et on utilisait des cellos (celluloïds, transparents utilisés dans le dessin animé notamment) sur lesquels on dessinait la forme au feutre par-dessus. Une fois qu’on avait dessiné sur le cello, on récupérait le cello, on le mettait sur l’écran de l’ordinateur. On avait Deluxe Paint en dessous et, ensuite, on redessinait la forme à partir de ce qu’on avait recopié/décalqué sur le cello. La pause du magnétoscope était de trente secondes. Ce qui veut dire qu’on avait trente secondes pour dessiner la forme sinon il fallait recommencer et recaler exactement l’image au bon endroit. Donc, oui, c’était du sport (Rires). La mémoire est limitée sur ces machines-là donc c’était vraiment un pari d’utiliser une animation qui soit à 24 images par seconde, car cela signifie qu’il faut dessiner 24 sprites par seconde. Je crois que pour l’ensemble du jeu, il y a plus de 1 000 frames (étapes) d’animation, ce qui constitue un travail considérable. Il a fallu ensuite développer des algorithmes de compression parce, qu’évidemment, tout cela ne tient pas en mémoire. Donc, il faut compresser, comprimer les images pour les décompresser, ensuite, à la volée en temps réel pendant qu’on joue. Cela signifie que les animations suivantes sont décompressées pendant qu’on joue car il n’y a pas la place de tout stocker. Voilà, c’est plein de petites contraintes comme ça mais, en même temps, c’est ce qui fait que, je pense, ce jeu ait marqué, à l’époque, les esprits. Il me semble qu’on ne voyait pas souvent ce genre d’animations et quelque chose d’aussi complexe.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

Flashback a également surpris par ses décors organiques, et notamment son premier environnement, la jungle. Là encore, il a fallu faire preuve de malice, comme le confirme l’intéressé :

Ce qui se passait, c’est que le décor était composé de toutes petites briques (ou tuiles, des tiles dans le jargon) et on avait un système qui permettait d’assembler les briques. Cela consommait assez peu de mémoire tout en étant relativement riche. Et comme la Mega Drive gère plusieurs plans différents, on a utilisé ça aussi pour avoir les avant-plans, les arrière-plans, etc. Toute la difficulté, c’était d’avoir un rendu qui ne paraisse pas trop carré. Les jeux étaient très carrés et on a essayé de mettre en place des systèmes qui permettent d’arrondir les choses et d’avoir quelque chose de plus organique, notamment ce qu’on retrouve dans la jungle. Ça a été un travail assez important car on ne voulait pas avoir quelque chose qui semble fait de blocs.

Tous ces efforts ont fait de ce titre une grande réussite. Et c’est encore plus vrai quand on parle de la documentation de l’époque.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

C’était un travail de longue haleine. Il faut savoir que la documentation pour les développeurs sur Mega Drive était juste une liste de registres (grosso modo, il y avait une adresse et ce à quoi ça correspondait). Alors, des fois on avait de la chance, c’était en anglais mais il y avait beaucoup de textes en japonais. Il fallait donc essayer de comprendre ce que ça faisait et pourquoi ça faisait ça comme ça. Il n’y avait pas de manuels, ni d’explications. En même temps, c’est ce qui est passionnant. C’était la première fois qu’on travaillait sur des consoles et j’ai toujours rêvé de pouvoir faire des jeux sur borne d’arcade. C’est ce qui s’en rapprochait le plus.

Flashback au présent

Disponible depuis cet été, Flashback Mobile vous propose de revivre, sur votre smartphone ou votre tablette, l’aventure de Conrad. Fruit d’un long travail, nous avons directement demandé à Paul Cuisset quels sont les contours de cette nouvelle mouture. Et l’homme explique sans détour :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

C’est un travail de longue haleine. J’ai travaillé un petit peu tout seul sur le jeu. Je faisais ça plutôt le week-end et le soir. C’est vraiment un travail d’hobbyiste en fait, de reconstruction et de re-création du jeu sur mobile. La première idée de cette version, c’était de faire une version pour les téléphones et, ensuite, ça a donné lieu à des versions Switch et consoles. Mais je me suis acharné car je voulais vraiment avoir une version qui tourne sur téléphone. C’était une sorte de challenge pour moi d’arriver à faire tourner le jeu sur mobile tout en essayant de le rendre plus fluide, plus jouable grâce à l’interface touch. C’était quelque chose d’un petit peu nouveau donc ça a mis beaucoup de temps car il y a eu beaucoup d’essais, beaucoup de tests pour essayer de trouver une solution aux problèmes. C’est compliqué de prendre un jeu d’il y a 25 ans, qui est fait surtout pour la manette, et d’arriver à en faire un jeu qui tourne sur smartphone et tablette.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

Bien sûr, le jeu est jouable à la manette mais il existe trois modes : à la manette, joystick virtuel et il y a un nouveau mode qui est le mode touch. Ce dernier est plus basé sur des gestures et sur l’utilisation du mode touch. En ce qui concerne les améliorations sur le jeu, il y a bien sûr quelques améliorations graphiques mais ça reste assez proche des optimisations faites sur Switch. Principalement, il y a de nouveaux tutoriaux pour le mode touch et ce mode, en lui-même, a pas mal de petites modifications sur le gameplay. C’est-à-dire que l’on peut, par exemple, utiliser l’inventaire juste en cliquant et en touchant les objets. De même, quand on arrive près d’un objet, le jeu propose directement les items qu’on peut utiliser. C’est plein de petites choses comme ça. Après, je pense qu’il faut essayer le jeu pour en saisir les subtilités mais il existe aussi un mode qui rappelle les objectifs, via l’apport d’un guide qui permet de nous orienter plus facilement. Voilà, c’est pas mal de modifications qui ont été faites sur le jeu mais l’idée, c’était de pouvoir revenir au titre original donc toutes les modifications que j’ai pu apporter sont désactivables. J’ai vraiment fait en sorte de conserver l’expérience originale. C’est juste que je propose une expérience différente avec le mode touch. Certes, je pense qu’il y a des gens qui n’apprécieront pas forcément parce que ce n’est pas leur truc et ils préféreront jouer au joystick mais je trouve que c’est une manière intéressante d’aborder l'aventure. Cela peut être une redécouverte du jeu grâce à ce mode.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Flashback est un titre assez peu permissif et assez difficile. Par exemple, le rewind permet de revenir en arrière quand on meurt – ce qui est pratique. En revanche, ce que j'ai fait sur le rewind, c'est que je n'ai pas suivi l'exemple de Braid qui permet de revenir en arrière à tout moment. Je me suis abtenu de cette possibilité car ça aurait changé la manière de jouer et ce n'était pas le but. L’objectif, c’était de fluidifier l’approche des joueurs tout en leur permettant d’accéder à l’aventure de manière plus agréable. Mais pas changer la manière dont fonctionne le jeu. Par ailleurs, tous les morceaux ont été remastérisés et refaits complètement. Les bruitages, également, sont nouveaux. On a bien sûr gardé les musiques et les sons d’origine de la version Mega Drive, si bien que l’on peut switcher de l’un à l’autre et activer ce qu’on préfère. C’est pareil pour la partie graphique. Par exemple, on peut jouer avec le mode standard, c'est-à-dire avec le jeu tel qu’il était, avec les pixels de l’époque, ou utiliser des filtres qui améliorent le lissage des pixels ou qui simulent le fait d’avoir un vieux téléviseur avec l’image qui saute, etc. Tout ça, ce sont des filtres que l’on peut activer ou désactiver, au choix.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

Une chose aussi qui est historique, c’est plus pour les fans mais dans la version Mega Drive, le tee-shirt de Conrad est blanc alors qu’il est rose sur PC et Super Nintendo. Là, maintenant, les joueurs ont le choix entre les deux. Il existe aussi un mode Director’s Cut. Dans l’original, il y a quelques scènes que l’on a enlevé et là, on a la possibilité de les réactiver et d’en profiter quand on joue. C’est la première fois qu’elles apparaissent. Ce sont des scènes qui avaient été coupées à l’époque car j’avais décidé qu’elles ne devaient pas être dans le jeu. Mais, au final, elles ont été produites et je me suis dit, pour les fans, que ça serait intéressant d’en profiter. Donc voilà, il y a plusieurs nouvelles choses que les joueurs découvriront avec cette version. Sinon, par rapport à un autre ajout, j’ai ajouté un mode qui permet d’accéder à la réalité augmentée sur support iOS. On peut construire sa propre séquence d’animation de Conrad et le faire courir, sauter, etc. Comme dans le trailer, on peut le voir apparaître dans son salon, sur sa chaise, etc. On peut filmer ce qu’on fait et bouger la caméra pour prendre les plans qu’on veut et se faire son petit film comme ça.

Entre basket et baston

Fort du succès de Flashback, Delphine Software a vu des propositions arrivées sur la table. Et l’une d’entre elles s’est soldée par un jeu « hybride » qui a divisé : Shaq Fu. On pourrait alors penser que c’est l’éditeur français qui s’est rapproché du célèbre basketteur alors, qu’en fait, pas du tout. Paul Cuisset corrige :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

En réalité, ça s’est passé dans un sens différent. C’est Electronic Arts qui a négocié les droits du jeu avec Shaquille O’neal et qui est venu nous voir en disant : « Voilà, on a aimé Flashback, on aimerait que vous fassiez un jeu de combat qui utilise les mêmes techniques que Flashback, mais on veut faire un jeu de combat avec un basketteur. » Au départ, je dois avouer, c’était assez compliqué, c’était un challenge. De mon côté, j’aurais bien fait un bon jeu de basket mais ils n’en voulaient pas. Comme je suis fan d’arts martiaux et du cinéma asiatique, c’était un challenge intéressant à relever. Après, c’est vrai qu’avec Shaquille O’neal, ce n’était pas facile car il s’agissait d’un univers différent et il y avait pas mal de contraintes. Le fait d’avoir un jeu de combat avec des animations qui tournent à 24 images par seconde, c’était aussi un challenge. On ne pouvait pas avoir de gros sprites comme dans Street Fighter. Du coup, ça a été un très très gros travail d’arriver à construire toutes ces animations.

Et c’est peu de le dire…

On utilisait la même technique pour Flashback. On filmait les comédiens qui faisaient les mouvements de combat et on redessinait chaque mouvement, chaque pause. C’était un très très gros travail, surtout qu’il y a toutes les combinaisons de mouvements entre les personnages et, effectivement, la complexité, c’est qu’on a des personnages qui sont grands, d’autres qui sont plus petits. Il a donc fallu prévoir toutes les séquences de mouvements en fonction de la taille des personnages, etc. Par exemple, quand un personnage fait une prise à un adversaire, en fonction de sa taille, il fallait redessiner les mouvements, etc. Donc, c’était assez colossal.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

Malgré tous les sacrifices effectués lors du développement de Shaq Fu, le jeu n’a pas eu la même résonnance que Flashback, mais Paul Cuisset certifie que la marge de manœuvre était toutefois importante chez Delphine :

Habituellement, j’étais plutôt libre. En général, on me laissait choisir le projet que je voulais et que je souhaitais mener à bien. Après, il est arrivé effectivement qu’il y aient des projets de commande, comme Shaq Fu par exemple. C’étaient des projets qui étaient difficile de refuser, quand ça vient d’Electronic Arts, tout ça. Mais disons, qu’en général, j’ai eu la chance de pouvoir, effectivement, mener ma barque et faire les projets que j’avais envie de faire.

Il complète :

On avait un service spécialisé dans la signature des contrats, dans le marketing, etc. À l’époque, la création dirigeait les choses. C’est-à-dire que si l’idée du jeu était suffisamment bonne pour en faire quelque chose, les gens du marketing se chargeaient de revendre le jeu à des éditeurs. On faisait une maquette et, ensuite, cette maquette était présentée, etc. C’est comme ça que c’était négocié.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

L’homme a tout de même un regret : il aurait voulu travailler en collaboration avec l’équipe lyonnaise d’Adeline Software de Frédérick Raynal.

En fait, y a eu assez peu de collaboration entre les deux équipes. Et c’est pas faute d’avoir essayé mais il y avait une équipe à Lyon et l’autre à Paris. À l’époque, il n’y avait pas vraiment Internet donc ce n’était pas facile de communiquer. On se voyait de temps en temps, on montrait nos projets respectifs, etc. Fred (Frederick Raynal travaillait chez Adeline avant de fonder No Cliché) venait à Paris et on en profitait pour discuter des projets mais il n’y a pas eu, en soit, de partage. Il en a été question, pendant un moment, de partager du code et autre mais ça ne s’est jamais fait.

L’avènement de la 3D

Après Shaq Fu, l’équipe s’attaque à un très gros challenge : une suite de Flashback. À l’époque, les consoles 32-bits sont arrivées et l’équipe décide alors de réaliser un jeu entièrement en 3D. L’ambition est grande mais la difficulté encore plus, comme le précise Paul Cuisset :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

J’ai toujours aimé les challenges mais là, pour le coup, ça a été un défi important. Il fallait réinventer plein de choses car nous avions l’habitude des jeux en 2D, on avait l’habitude de la vue de profil, etc. Là, le fait d’avoir de la 3D, d’avoir une caméra, c’était quelque chose de complètement nouveau donc il fallait trouver des solutions à des problèmes que l’on ne s’était jamais posés. C’est-à-dire des choses comme : « comment je positionne ma caméra ? Qu’est-ce qui se passe si je me place ma caméra derrière le joueur mais que celui-ci recule, rentre dans un mur et que la caméra va dans le mur ? Pour déplacer la caméra, où est-ce que je la place ? » Ce sont des solutions qui ont fini par émerger aujourd’hui et on a moins de problèmes de caméra de nos jours mais ça fait partie des challenges techniques, à l’époque, qu’il a vraiment fallu considérer parce que nous n’avions pas de solution. On n’avait pas vraiment d’exemples de jeux, non plus, qui utilisaient ce genre de système, donc cela a été un développement, forcément, qui a été assez chaotique. Techniquement, c’était extrêmement complexe et, malheureusement, la difficulté du développement a fait qu’on a moins pu se concentrer, comme d’habitude, sur la narration, le gameplay, etc.

En matière de gameplay, Fade to Black est pour l’équipe de développement une véritable quête initiatique.

Il a fallu trouver des solutions. Par exemple, lorsque Conrad sort son pistolet, c’est assez simple en 2D, on a une vue assez claire de la situation. En 3D, c’est différent, on ne sait plus ce que l'on vise, on ne sait pas trop ce que l’on regarde, etc. Du coup, on a inventé le système de caméra à l’épaule, qui permet d’avoir la caméra qui se rapproche et qui permet de cibler plus facilement les ennemis. Ce sont des choses qui sont venues parce qu’on s’est rendus compte que ça ne marchait pas et qu’il fallait trouver une solution pour que ça fonctionne. Ça fait partie de la complexité du développement de ce type de jeux car nous n’avions pas d’exemple à l’époque. Je crois qu’on a été conditionné, dès le départ, à… innover (Rires). À chaque fois, il y a eu de nouvelles machines, de nouvelles technologies qui sont arrivées et qui nous ont obligé à évoluer et c’est resté dans l’ADN de Delphine Software. On avait toujours de nouveaux challenges à relever et on ne s’est jamais reposés sur ce qu’on avait fait avant. Y a d’autres équipes qui construisent des librairies et qui réutilisent sans cesse les mêmes choses, nous on a toujours eu l’habitude de tout réécrire et de tout refaire. Ce qui fait qu’à chaque fois qu’il y avait une évolution technologique, on a toujours essayé de suivre le mouvement. Et donc, effectivement, à l’époque, il m’a fallu ressortir mes cours de maths, que je réapprenne ce qu’était un vecteur, ce qu’était une matrice, comment on faisait les calculs de géométrie dans l’espace, etc. C’était vraiment quelque chose de nouveau mais, en même temps, ça semblait apporter tellement de possibilités, que ça en valait le coup. C’est comme ça que ça s’est fait, assez naturellement, mais l’ensemble de l’équipe a fait le pas et s’est mis à la 3D. Nos graphistes se sont mis à apprendre à modéliser, on a utilisé des logiciels, à l’époque, comme 3D Studio, qui était vraiment aux balbutiements et sur lesquels il était très très compliqué de faire quoi que ce soit (Rires). Mais la 3D apportait tellement de liberté que je sentais que c’était une voie dans laquelle il fallait aller.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

À l’image du studio anglais Rare, l’éditeur français Delphine Software a également investi dans des stations de travail Silicon Graphics, comme le confirme le créateur :

Oui, on a eu cette chance. Après le succès de Flashback, on a commencé à réfléchir pour renouveler notre parc de machines de développement. À l’époque, les Silicon Graphics, c’était vraiment des machines de guerre et on a eu cette chance d’équiper tout notre parc de Silicon Graphics. Cela représentait vingt-cinq postes, quelque chose comme ça. Il s’agissait de systèmes Irix mais, ce qui est dommage, c’est que quelques années après, elles ont servi de cale-pieds. La technologie a tellement évolué que les PC les ont rattrapés et finalement, elles traînaient sous les bureaux et les gens s’en servaient comme cale-pieds. Ça faisait de très beaux cale-pieds (Rires).

Un phénomène en interne

En 1997, Delphine Software s’attaque à un nouveau genre en lançant un certain Moto Racer. Passer de l’action à la course peut paraître surprenant mais la genèse de ce titre est passé par des étapes plutôt surprenantes. Paul Cuisset explique :

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière
Moto Racer est ultra rapide, fun et coloré. Un vrai bonheur !

Au départ, je travaillais sur un autre projet qui allait devenir Darkstone. On avait décidé de réécrire le moteur 3D complètement. Je réécrivais tout le système de collisions et pour tester ce système, j’ai commencé à faire un décor et à placer des cubes. Le décor, c’étaient des montagnes, ce genre de choses. En parallèle, j’ai programmé une logique de cubes qui ressemblait à un déplacement de moto. Et très rapidement, c’est devenu un jeu qui a tourné à Delphine Software car j’avais fait ça sur les Silicon Graphics et les machines étaient en réseau. J’ai programmé une sorte de jeu où il fallait rattraper un drapeau. On était à bord d’une moto, il fallait aller à toute vitesse et récupérer le drapeau. C’était un « capture the flag » en fait. Et, ce qui s’est passé, c’est qu’on s’est rendus compte que les gens restaient le soir pour y jouer. Ça a vraiment été un succès dans toute la boite. Et c’est comme ça qu’est née l’idée en se disant « finalement, on en ferait peut-être quelque chose de ce truc-là. » Et c’est comme ça que le projet Moto Racer a démarré.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrièrePortrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

Oui, à l’époque, les choses se faisaient, sans doute, de manière un peu plus naturelle. Paul Cuisset n’a jamais quitté cette industrie et a toujours suivi son intuition.

Je crois que toute ma carrière a été basée sur des rencontres. J’ai toujours des cartons pleins d’idées et donc, effectivement, des fois ça matche, des fois ça ne matche pas. Ce qui intéressant, c’est de se laisser guider par son instinct et par l’envie de faire quelque chose qui soit de qualité. Et effectivement, même si les choses sont plus difficiles aujourd’hui et probablement différentes – car le jeu vidéo est devenu un véritable média et un véritable marché (à l’époque, c’était marginal et peut-être plus facile), il y a aujourd’hui plein de voies pour un développeur. On a la solution mainstream d’entrer dans une grosse équipe et dans une grosse boite ou alors de vendre des projets en tant qu’indépendant. Des projets un peu plus petits peut-être mais, en même temps, je pense qu’on peut retrouver l’esprit d’origine et retrouver l’esprit qui me plait moi et qui m’anime. C’est-à-dire essayer de trouver des choses nouvelles, des choses qui me parlent et qui sont originales. C’est toujours des choix compliqués mais l’important, c’est de se laisser guider par ce qu’on aime. Je dirais que, de mon côté, c’est plus simple de travailler avec des petites équipes. C’est vraiment à quoi j’aspire et c’est que je préfère. Avoir des équipes de 100, 200 ou 300 personnes, pour moi, c’est quelque chose de différent et c’est un autre job. Ce n’est pas quelque chose qui m’attire. Je pense qu’il y a des gens qui sont faits pour faire ce genre de boulot mais je préfère, personnellement, les toutes petites structures parce que c’est comme ça que j’ai commencé et c’est comme ça que j’ai toujours eu l’habitude de travailler. Dès que ça été trop important, ça a toujours été compliqué.

Portrait Paul Cuisset : Flashback sur sa carrière

On peut donc imaginer que son prochain jeu, après AMY, Subject 13, Flashback HD et Moto Racer 4, sera réalisé par une équipe de taille restreinte, comme à la grande époque de l’Amiga, de l’Atari ST ou de la Mega Drive. Ce qui est sûr, c’est que les joueurs d’hier et d’aujourd’hui doivent beaucoup à ce monsieur.

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Commentaires
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Niveau 3
le 20 oct. 2019 à 04:43

Space Harrier !!! :coeur: :play:

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