L’histoire de la saga commence avec Exile Dinosaur Island, une démo graphique du studio Crytek (visible ci-dessous) qui devient rapidement un outil de benchmark du côté de Nvidia. Alors au travail sur un titre se déroulant dans un univers Cyberpunk, le studio allemand est approché par Ubisoft, intéressé à l’idée d’éditer un jeu reprenant le concept de la démo technique évoquée quelques lignes plus haut, qu’il juge impressionnante. Crytek se met à l’ouvrage, bâtit un moteur (le CryEngine) et l’inaugure fin mars 2004 avec la sortie du premier Far Cry, alors exclusif au PC.

Là ou il y a des trigènes, il y a… du plaisir

Celui-ci propose déjà quelques bases fortes de la série : des graphismes à la pointe du secteur, un personnage seul sur un lieu isolé envahi de mercenaires, une grande liberté d’approche dûe à l’ouverture de la map, des zones faisant office de camps… Mais il se distingue tout de même du reste de la saga par la présence des trigènes, des primates soumis à des mutations génétiques issues des créations d’un scientifique. Ce dernier s’avère d’ailleurs peu marquant, tout comme l’ensemble de la narration qui s’efface au profit d’un gameplay convaincant.

La réussite commerciale de l’opus, en tête des ventes dans plusieurs pays allant des Etats-Unis au Royaume-Uni en passant par la France dans la foulée de son lancement, pousse alors Ubisoft à acquérir les droits de la licence. Un choix qui se ressent dès 2005, année à laquelle Ubisoft Montréal sort une version console de Far Cry sous-titrée Instincts, et qui possède quelques différences principalement justifiées par des contraintes techniques comme des environnements moins ouverts. Mais cet épisode apporte tout de même quelques nouveautés qui vont marquer la suite de la licence, comme l’apport plus prononcé de la dimension infiltration notamment matérialisée par l’ajout de pièges, et surtout l’arrivée de mutations offrant des pouvoirs spécifiques au joueur. La version originale du premier Far Cry ne sortira finalement sur console qu’à l’occasion des 10 ans de la saga, en 2014.

Une suite sous le signe de la survie

Une nouvelle ère s’ouvre alors pour Far Cry. Crytek se lance dans une nouvelle aventure avec Crysis, une licence inédite qui reprend un concept évoquant d’ailleurs fortement le premier Far Cry, tandis qu’Ubisoft Montréal développe le second opus de la licence dont il est propriétaire. Sortie en 2008, cette suite pose de nouvelles bases pour la saga en l’emmenant en Afrique, plaçant le joueur aux commandes d’un personnage muet inédit qui doit assassiner le chacal, un mercenaire local qui évoque d’ailleurs très fortement le héros de l’épisode original. Il s’agit d’ailleurs de la première tentative d’antagoniste charismatique aux motivations troublantes pour la licence, même si l’essai ne se sera véritablement converti qu’avec sa suite directe quelques années plus tard. Au rayon des nouveautés, on retrouve le passage à un véritable monde ouvert et une structure de missions moins linéaire d’une part, et l’ajout de quelques animations rendant le contexte plus réaliste et simulant un côté “survie” d’autre part. La dégradation des armes, la gestion de la malaria ou le fait de devoir enlever les balles logées dans vos membres contribuent d’ailleurs à accentuer ce choix de game design, avant qu’il ne soit progressivement mis de côté sur les épisodes suivants.

Far Cry 3, l’explosion

Ce n’est finalement que 4 ans après que sort Far Cry 3, qui préfigure du nouveau tournant de la série en la parant d’un style qui ne cessera jamais vraiment de la quitter lors des épisodes suivants. L’épisode s’appuie pourtant très largement sur les grandes idées du second opus, mais choisit de revenir au contexte tropical de l’épisode fondateur et surtout de troquer les éléments de survie du 2e opus au profit de bases plus accessibles. L’infiltration est également plus poussée et permet désormais aux amateurs de la pratique de libérer plus facilement camps et zones occupées en toute discrétion. Quelques mécaniques de craft et compétences viennent compléter l’ensemble et tirer profit de la dimension chasse plus prononcée, notamment matérialisée par la faune plus nombreuse et variée. Le principal changement du point de vue narratif, c’est que vous n’incarnez plus un militaire entraîné, mais bien un touriste opposé à la folie de Vaas, antagoniste principal qui, par sa présence, campe véritablement le rôle personnage principal de l’aventure.

Et c’est sans doute là que se trouve le virage le plus important de la série, qui a conservé ce principe d’antagoniste charismatique et un brin mégalo dans tous les épisodes suivants. Fait amusant, l’autre virage qui consiste à proposer des DLC décalés par rapport au titre qu’ils suivent trouve aussi ses racines dans le lancement de Blood Dragon, apparu dans la foulée de Far Cry 3. Le stand-alone reprend certes la prise en main de ce dernier, mais il s’en distingue par ses dialogues loufoques, son brisage savoureux du 4e mur et son univers délicieusement 80’s référencé à outrance. Au delà des DLC, le principe de véritables épisodes spin-of aux contextes très dépaysants prend forme via Primal, qui vous emmène 10 000 ans avant l’ère contemporaine ou plus récemment New Dawn, s’aventurant cette fois dans le post-apocalyptique.

De gauche à droite, les épisodes 4, Primal et 5

Mais avant ces deux titres, la série s’est offert deux autres épisodes plus “classiques”. Far Cry 4 tout d’abord, qui ajoute à la formule du 3e quelques éléments liés à la plus grande verticalité de la map (grappin, mini-hélicoptère, wingsuit), mais fait davantage office de version peaufinée du 3e avec un contexte différent que de changement majeur pour la série. Far Cry 5 ensuite, qui parvient de son côté à remodeler une partie des mécaniques de progression en rendant celle-ci plus organique, mieux intégrée à votre découverte du monde ouvert, mais peine à se renouveler du point de vue narratif et ne marque finalement que par sa fin audacieuse. Avec cet épisode puis New Dawn, la série témoigne à la fois de sa capacité à se renouveler sur des éléments de fond, mais aussi paradoxalement de sa difficulté à se réinventer sur le reste. Malgré un nombre important d’épisodes en l’espace de quinze années, gageons que la saga saura trouver à l’avenir le moyen de rebondir, comme a su le faire sa cousine Assassin’s Creed avec Origins en 2017.

Bon anniversaire Far Cry !