Contributeur
Parmi les spécificités d'un MMORPG, le joueur s'inscrit au fil des mois dans un certain quotidien. Pour mieux en rendre compte, je vais simplement narrer des soirées passées sur mes MMORPG. Dans le cas d'EVE Online, l'immensité de son univers persistant permet d'accueillir bien des profils aux activités diverses et variées, dont un conflit sans fin impliquant les factions qui sera l'inspiration du soir.
Avertissement : ce récit est inspiré de faits réels dans un univers virtuel.
Après une longue hibernation, j'ouvre les yeux en espace connu, la station spatiale servant de repère pour ma corporation école The Unchained Club, engagée dans la milice gallente. Si la station est un lieu sécurisé, l'extérieur est une zone de guerre permanente comme l'illustre les nombreux clignotants dans la fenêtre de discussion locale, indicatrice des présences dans le système stellaire. Face au danger immédiat, je vais patienter encore un peu dans le canapé installé dans mes quartiers, devant un programme TV tournant en boucle.
Afin de communiquer plus efficacement avec les membres de la corporation, je passe par un logiciel sécurisé cryptant et restituant électroniquement ma douce voix, à savoir Teamspeak ou TS pour les intimes. Je me fais relativement discret sur ce canal de communication, écoutant les récits des vétérans, les exploits et échecs retentissant entrecoupés d'échanges fantaisistes peuplés de nombreux trolls. Cette période de calme, où j'en profite pour vaquer à d'autres activités sur le deuxième écran de mon personal computer, s'achève quand le CEO interpelle l'inconnu que je suis. Après un bref inventaire de mes vaisseaux, il est décrété que la flotte de ce soir sera composée exclusivement de frégates légères, dont la fragilité est compensée par la vitesse et l'agilité. Il s'agit de la doctrine la plus accessible pour les nouveaux pilotes, l'idéal pour apprendre les bases à moindre cout.
Décollage pour la soirée
On passe donc aux choses sérieuses. Les voix se font plus rares, pour mieux laisser la place à celle du responsable de la flotte. Les rôles sont distribués avec les consignes de rigueur, la même qui permettra de rester en vie et ne pas éprouver à ses dépends les nerfs du chef. De mon coté, j'affiche sur un écran secondaire la carte des systèmes de la région histoire de me repérer. Un ou plusieurs éclaireurs sont envoyés en avant, ouvrant la voie au reste de la flotte en fonction du programme concocté par le commandant. Il lui faudra prévoir plusieurs coups à l'avance pour s'assurer de ne pas se retrouver en mauvaise posture, tout en visualisant en permanence la localisation de chacun de ses pions. L'expédition se cantonnera cette fois à la région, particulièrement enflammée.
Toujours le même rituel, chaque saut vers un nouveau système stellaire est suivi par le rapport de l'éclaireur, dénombrant les cibles potentielles. L'éclaireur sera amené à fouiller le système si les vaisseaux présents ont éveillé l'intérêt du responsable de la flotte. L'approche dépendra des forces en présence, agressive ou laissant la future victime mordre à l’hameçon. La flotte n'attend que le signal pour basculer et couvrir plusieurs années-lumière en quelques secondes. La guerre des factions permet de concentrer les combats, voire de les provoquer quand il s'agit de faire basculer la possession d'un système.
L'intensité des combats
Et quand deux flottes se rencontrent, les ordres donnés en vocal deviennent absolus. La relative confusion du débutant est en fait d'une clarté absolue pour les vétérans, assurant leur engagement sans se transformer en étoile filante. Car chaque pilote doit gérer l'intégrité de son vaisseau, sa position, tout en sachant décrocher au bon moment. Simple mais efficace, j'opte pour la technique de serrage de fesses qui m'amène, avec une certaine jouissance, à cibler et enchaîner les cibles tel un moustique anémique mécanique. Ma participation à chaque explosion se réduira certes à un maigre pourcentage, mais pour mieux afficher mon nom dans le compte-rendu du combat.
Deux heures se sont écoulées depuis le départ de l'expédition et il est grand temps de rentrer à la maison. On compte les vaisseaux explosés par nos soins, on soustrait nos pertes et l'on fait un ratio avec l'amusement proportionnellement à notre vitesse de croisière (ndlr : on peut imaginer certains pilotes passer une soirée à camper un point de passage). L'absence d'explosion personnelle m'a permis d'éviter un retour prématuré dans une capsule d'urgence. Cela m'évite de me préoccuper pour l'instant de la partie logistique, afin de rapatrier l'équipement nécessaire depuis le carrefour commercial le plus proche. L'immersion sandbox se paye au prix de l'accessibilité, où la moindre explosion à un coût certain. Et si l'addition peut-être salée, la saveur de ces soirées sur EVE Online est inestimable.