Jean-Pierre Pernaut (né le 8 avril 1950 à Amiens) est un présentateur de télévision français. Il débute sur TF1 en 1975 comme « joker » d'Yves Mourousi. Il est le présentateur titulaire du journal de 13 heures en semaine depuis le 22 février 1988 sur cette même chaîne. Il siège au conseil d'administration de TF1 en tant que représentant CFTC des cadres et des journalistes1.
Il a créé en 1991 l'émission Combien ça coûte ?. Diplômé de l'École supérieure de journalisme de Lille, il a été grand reporter au service économique de TF1 et a effectué trente ans de présentation de JT au cours de sa carrière, soit plus de 8 000 journaux télévisés. Il est directeur adjoint de l'information du groupe TF1 et administrateur de TF1 S.A.
Son livre Pour tout vous dire explique les changements qu'il a opérés pour rendre le journal de 13 heures plus populaire, notamment à l'aide des correspondants dans les régions, une première à l'époque dans les journaux télévisés en France. Aujourd'hui, ce réseau de correspondants en régions est composé de 19 bureaux, la plupart en partenariat avec les grands titres de la Presse Quotidienne Régionale. Il est régulièrement sur le podium du sondage mensuel TV Magazine depuis sa création et figure parmi les « 50 personnalités françaises qui comptent » dans le sondage bi-annuel du Journal du dimanche. Son journal est suivi chaque jour par sept millions de personnes. C'est un record européen à la mi-journée, avec une part d'audience unique d'environ 50 % (Médiamétrie). Un record d'audience depuis la rentrée 2010 a été battu le 11 novembre 2010 avec 7 600 000 téléspectateurs (individus 4 ans et +, Médiamétrie)
Journal de 13h[modifier]
En 1987, Francis Bouygues devient président de la première chaîne française. Un des projets est de transformer le journal de 13h, alors tenu par Yves Mourousi, hostile à la privatisation de la chaîne. Jean-Pierre Pernaut prendra sa suite le 22 février 1988. Ce changement de présentation peut être perçu comme un moyen de réaffirmer le pouvoir de la direction sur sa propre rédaction2,3. Il s'accompagne d'un recentrage sur les régions, pour concurrencer FR3 qui profite alors très bien de ses décrochages en région. Comme l'expliquent les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « À la base, ce journal était inspiré de ceux de New York One, la chaîne locale new-yorkaise, mais appliqué aux régions françaises : des reportages et peu de présentation. Même s'il ne reçoit que très peu d'invités, le fait que le 13 heures de Pernaut soit anti élite, anti administration, est un formidable moyen (au sens quantitatif, pas qualitatif) de faire passer n'importe quelle campagne (hausse du carburant, sécurité routière, insécurité) au sens où il est supposé porter la vraie parole du peuple. Même si c'est totalement faux, puisque la soi-disant parole du peuple passe par des micro-trottoirs auxquels on peut faire dire n'importe quoi »4.
Jean-Pierre Pernaut a donc fait le choix, payant en termes d'audience, d'orienter le journal de 13h de TF1 vers le portrait de la France « en région », ou vers ce que Catherine Clément (auteur d'un rapport sur la place de la culture à la télévision) appelle « l'exploration systématique du matériel français »5. Le quotidien Les Échos ironise sur les reportages présentant « les dangers de la traversée de Saint-Denis-sur-Sarthon par la N12 et le portrait d'un fabricant béarnais de cloches à brebis »6 tandis que Libération moque ce « JT en sabots crottés révérant les belles régions, les métiers oubliés et la maouche ardéchoise cuisinée comme grand-maman »7. Jean-Pierre Pernaut justifie cette orientation : « Il faut savoir à qui l’on s’adresse. Nous, nous visons les habitants des petites villes et des villages. Pour cette raison, nous éloignons le journal de l’institutionnel. Quand un gouvernement annonce une augmentation du minimum vieillesse, nous n’allons pas interviewer le ministre, mais les personnes âgées. Notre ambition : la proximité »8. Pour le journaliste Jean-Luc Porquet, Pernaut « offre aux téléspectateurs une France de rêve [...]. Il rassure, il endort, il calme les inquiétudes » et le fait selon lui consciemment : « il n'est pas le pur benêt de service qu'on croit : il participe sciemment à l'enfumage généralisé9. »
Ce choix dicte le conducteur du journal, qui ne commence que très rarement par une information d'ordre international. Comme il le déclare à l'hebdomadaire Télérama : « Le journal de 13h est le journal des Français, qui s'adresse en priorité aux Français et qui donne de l'information en priorité française. Vous voulez des nouvelles sur le Venezuela ? Regardez la chaîne vénézuelienne. Sur le Soudan ? Regardez les chaînes africaines. »10.
C'est une des raisons pour laquelle la météo fait régulièrement le premier titre du journal11. L'ouverture peut être également consacrée à des évènements anodins, communément appelés des marronniers (comme la floraison des amandiers sur la Côte d'Azur, en mars 201012). Toutefois, l'exercice est jugé périlleux par certains de ses confrères journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « Quand, au lendemain de l'audition du juge Burgaud, Pernaut entame son JT par une bucolique croisière sur le Rhin d'un aimable brise-glace, que dit-il à ses 7 millions de téléspectateurs : que Burgaud peut bien attendre que le brise-glace accoste. »4. Il lui est également reproché de toujours traiter les mêmes sujets, et de respecter le même conducteur depuis des années. Le journal Libération évoque ainsi des « obsessions déclinées à longueur de 13 heures : le prix du fioul (qui augmente), les grèves (qui déclenchent des « galères pour des millions d’usagers »), la grippe (et son évolution suivie jour après jour), la météo (qui ouvre systématiquement le journal) »7. Il lui est régulièrement reproché de passer sous silence des évènements politiques significatifs, comme la vidéo du ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux à l'origine d'une grande polémique en 2009. Son journal sera le seul à ne pas mentionner l'évènement13.
La présentation du journal par le journaliste s'inscrit en outre dans une personnalisation, et une théâtralisation, de l'information. Les reportages sont souvent commentés par Jean-Pierre Pernaut, que cela soit par une rapide remarque admirative ou agacée, ou bien par des expressions d'ordre corporel. Ce qui a fait dire à Virginie Spies et à François Jost, sociologues des médias, que « les mimiques [du journaliste] semblent vouloir faire vivre le récit tout autant que le récit lui-même »14.
En 2006, l'ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, dans son livre 1788 : essai sur la maldémocratie, voit en Pernaut la manifestation d'une dérive démagogique, et dangereuse, des médias français15. Serge Halimi, dans Le Monde diplomatique, souligne son « racolage sécuritaire et son dédain de l’actualité internationale »16. Bruce Toussaint, dans le magazine Technikart s'en prend également à lui en ces termes : « Le 13 heures est devenu une sorte de reflet de la France assoupie, idéal pour commencer la sieste. Que Pernaut soit de droite, conservateur et réac', ça ne me pose pas de problème. Le souci, c'est qu'il exprime ses opinions dans le JT »17. S'ensuivront de nombreux échanges musclés entre les deux intéressés, par médias interposés.
Le journal de Jean-Pierre Pernaut fait l'objet de commentaires acerbes de la part de Télérama18, de Libération19 ou des Inrockuptibles. Il a également inspiré l'émission humoristique Bienvenue au Groland20, diffusée sur Canal + : le programme y reprend, par la caricature, le principe des reportages de proximité, et se moque des relents poujadistes vers lesquels peut tendre ce genre de traitement de l'actualité. Ces critiques sont perçues par Jean-Pierre Pernaut comme la manifestation d'une fracture, culturelle et sociale, voire idéologique, entre Paris et la province : « À Paris, on ne se rend pas compte de l’attachement des gens aux cultures régionales, que l’on assimile à du folklore alors que c’est profond », déclare-t-il en 2008 au quotidien Le Parisien21. En novembre 2007, sa présentation d'un mouvement de grève déclenche le courroux des grévistes. Son nom est scandé et déformé par des manifestants qui le transforment en « Pernod » – allusion à la marque de pastis et au cliché de la « France profonde »22. Bruno Masure, l'ancien présentateur du journal de 20h de France 2 dans les années 80, l'a d'ailleurs qualifié de « porte-parole du gouvernement »23. En 2010, le groupe Sexy Sushi chante Meurs, Meurs, Jean-Pierre Pernault24.
Il devient même un personnage important de roman dans La carte et le territoire de Michel Houellebecq où il effectue son outing. Le prix Goncourt 2010 écrit (page 234) : "Le trait de génie de Jean-Pierre Pernaut avait été de comprendre qu'après les années 1980 "fric et frime", le public avait soif d'écologie, d'authenticité, de vraies valeurs. Même si Martin Bouygues pouvait être crédité de la confiance qu'il lui avait accordé, le journal de 13 heures de TF1 portait entièrement la marque de sa personnalité visionnaire. Partant de l'actualité immédiate -violente, rapide, frénétique, insensée - Jean-Pierre Pernaut accomplissait chaque jour cette tâche messianique consistant à guider le téléspectateur, terrorisé et stressé, vers les régions idylliques d'une campagne préservée...". (page 235) : "Jean-Pierre Pernaut semblait moins se faire l'apologiste de l'immobilisme que celui d'un progrès lent"... "Jean-Pierre Pernaut s'était toujours montré, dans la conduite quotidienne de son journal, d'une prudence déontologique extrême...". ("La carte et le Territoire", éditions Flammarion, septembre 2010)
Ces critiques ou ces compliments n'ont pas d'effet sur la popularité du journal, dont les scores d'audience sont meilleurs que ceux des autres chaînes. Selon une étude Médiamétrie de 2005, le téléspectateur type du 13h de TF1 est une femme (57 % de l’audience contre 43 % pour un homme), de 65 ans et plus (41,5 % de l’audience), inactive (58,8 % de l’audience), vivant dans une commune rurale (33,8 % de l’audience), de l’Ouest de la France (17,1 % de l’audience)25.
En juin 2011, France Info révèle qu'un témoignage diffusé dans le journal de 13h était faux. Une attachée de presse du Conseil général des Alpes-Maritimes s'était fait passer pour une mère de famille en difficulté, victime de l'absentéisme de son enfant, afin de promouvoir une mesure initiée par Éric Ciotti (député, président du Conseil général, spécialiste des questions de sécurité à l'UMP). Interrogée sur cette faute, TF1 arguera qu'elle n'en était pas responsable et que le sujet avait été commandé aux équipes de Nice Matin, qui rejetteront eux-mêmes la responsabilité sur NMTV, l'une de leurs filiales26,27,28.
En juillet 2011, un journaliste, Bastien Hugues, réalise un montage vidéo à partir de 19 JT de Jean-Pierre Pernaut. Cette vidéo, publiée sur Youtube et relayée par le site Rue89, met en évidence le champ lexical du bonheur utilisé à longueurs de reportages par Jean-Pierre Pernaut.
Selon Françoise-Marie Morel, rédactrice en chef de l'information de TF1, Jean-Pierre Pernaut est le seul présentateur en France à ne pas utiliser de "téléprompteur"29.
Combien ça coûte ?[modifier]
Jean-Pierre Pernaut présente du 2 septembre 1991 au 30 mai 2010 l'émission Combien ça coûte ?, un programme consacré à l'argent et aux gaspillages économiques, créé en remplacement de Ciel mon mardi30. Présentée en seconde partie de soirée de 1991 à 1995, puis en première partie de soirée de 1995 à 2001, et enfin en journée durant le week-end de 2001 à 2010. L'émission recevra en 1997 le 7 d'or du meilleur magazine de société31.
Combien ça coûte a essuyé diverses critiques, assez proches de celles adressées au journal de 13h. Le chercheur François Jost y voit la continuité du journal de Pernaut, c'est-à-dire la mise en valeur du « point de vue du contribuable » et un « certain discours de droite »32. Le journaliste Pierre Marcelle abonde dans ce sens : « son JT et son souci populiste de l'argent public, c'est du pareil au même. Dans son premier, il [fait] la retape pour son second, et il n'y avait nulle raison d'en être choqué : tout ça se marie au petit poil dans une insignifiance très signifiante »33. Virginie Spies, dans son essai Télévision, presse people: les marchands de bonheur, y décèle une « démonstration de force » de TF1, à l'instar d'autres programmes comme Sans aucun doute ou Pascal, le grand frère, au travers desquels la chaîne dénoncerait « les injustices qui arrivent à cause de l'État, puis le remplace pour réparer et faire mieux que lui »34.
Autres émissions de télévision[modifier]
Aimer vivre en France, série d'émissions de reportage sur les régions
2006 : les images qui ont marqué les Français co-présenté avec Carole Rousseau.
Les 60 images qui ont marqué les Français co-présenté avec Carole Rousseau.
Le Monde à l'envers, d'abord co-présenté avec Églantine Éméyé puis avec Émilie Mazoyer.
Paroles de Français : interview du Président de la République Nicolas Sarkozy par des Français de tous âges et de toutes conditions. Première émission le 25 janvier 2010, Nicolas Sarkozy interviewé par 11 Français ; deuxième émission le 10 février 2011, interviewé par 9 Français.
Biographie personnelle[modifier]
Il a passé son enfance à Quevauvillers35, dans la Somme, et a fait son premier stage en journalisme dans le quotidien régional Le Courrier picard36.
Marié le 23 juin 2007 à Nathalie Marquay, comédienne et animatrice de télévision, avec laquelle il a deux enfants : Lou et Tom. Il est également le père de Julia et Olivier, qu'il a eu avec sa précédente épouse Dominique Bonnet.
Avec son épouse et son fils Olivier, il participe depuis 2003 à des compétitions automobiles : Fun cup37, et Trophée Andros38,39 sur glace aux côtés d'Alain Prost. Il a remporté la super-finale de ce Trophée en 2007/2008, et a terminé 4e de la série « Elite » en 2007/2008.
En 2006, l'hebdomadaire Le Canard enchaîné puis l'émission télévisée Arrêt sur images révèlent que le présentateur a obtenu 200 000 euros de subventions du Conseil général des Alpes-Maritimes pour couvrir les frais de sa participation, dont l’achat d’un véhicule, au Rallye Andros40. Marc Concas, conseiller général du Parti Socialiste, s'en offusquera et demandera des explications en séance au Conseil régional41,42. Dans la même séance du Conseil général, le président Christian Estrosi affirme qu'une somme a effectivement été attribuée par les stations du Mercantour au parrainage du Trophée Andros lui-même, et pas à Jean-Pierre Pernaut en particulier, avec lequel le Conseil général n'a aucun lien. Il dénonce le « mauvais procès » du PS à son égard. Par ailleurs, cette subvention n'aurait absolument pas été destinée à « acheter » une voiture de compétition. Il s'agit de frais de sponsoring de la compétition elle-même par le biais de l'une des écuries participant à cette course, l'écurie « Sainteloc », à Saint-Étienne.[réf. nécessaire]
Toujours du côté sportif, il pratiqua le hockey sur gazon pendant quinze ans43. Avec son club de l’Amiens Sporting Club, il est sacré trois fois champion de France dans les années 1965-70.
Publications[modifier]
2010 : L'almanach des régions, éditions Michel Lafon
2009 : Combien ça coûte, éditions Albin Michel
2008 : La France en fêtes, éditions Michel Lafon
2007 : La France des saveurs, éditions Michel Lafon
2006 : Au cœur de nos régions, éditions Michel Lafon
2006 : Pour tout vous dire…, éditions Michel Lafon
2005 : Les Magnifiques Métiers de l'artisanat, tome 2, éditions Michel Lafon
2004 : Les Magnifiques Métiers de l'artisanat, tome 1, éditions Michel Lafon
1998 : L'Argent par les fenêtres, TF1 Éditions
En 1987, Francis Bouygues devient président de la première chaîne française. Un des projets est de transformer le journal de 13h, alors tenu par Yves Mourousi, hostile à la privatisation de la chaîne. Jean-Pierre Pernaut prendra sa suite le 22 février 1988. Ce changement de présentation peut être perçu comme un moyen de réaffirmer le pouvoir de la direction sur sa propre rédaction2,3. Il s'accompagne d'un recentrage sur les régions, pour concurrencer FR3 qui profite alors très bien de ses décrochages en région. Comme l'expliquent les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « À la base, ce journal était inspiré de ceux de New York One, la chaîne locale new-yorkaise, mais appliqué aux régions françaises : des reportages et peu de présentation. Même s'il ne reçoit que très peu d'invités, le fait que le 13 heures de Pernaut soit anti élite, anti administration, est un formidable moyen (au sens quantitatif, pas qualitatif) de faire passer n'importe quelle campagne (hausse du carburant, sécurité routière, insécurité) au sens où il est supposé porter la vraie parole du peuple. Même si c'est totalement faux, puisque la soi-disant parole du peuple passe par des micro-trottoirs auxquels on peut faire dire n'importe quoi »4.
Jean-Pierre Pernaut a donc fait le choix, payant en termes d'audience, d'orienter le journal de 13h de TF1 vers le portrait de la France « en région », ou vers ce que Catherine Clément (auteur d'un rapport sur la place de la culture à la télévision) appelle « l'exploration systématique du matériel français »5. Le quotidien Les Échos ironise sur les reportages présentant « les dangers de la traversée de Saint-Denis-sur-Sarthon par la N12 et le portrait d'un fabricant béarnais de cloches à brebis »6 tandis que Libération moque ce « JT en sabots crottés révérant les belles régions, les métiers oubliés et la maouche ardéchoise cuisinée comme grand-maman »7. Jean-Pierre Pernaut justifie cette orientation : « Il faut savoir à qui l’on s’adresse. Nous, nous visons les habitants des petites villes et des villages. Pour cette raison, nous éloignons le journal de l’institutionnel. Quand un gouvernement annonce une augmentation du minimum vieillesse, nous n’allons pas interviewer le ministre, mais les personnes âgées. Notre ambition : la proximité »8. Pour le journaliste Jean-Luc Porquet, Pernaut « offre aux téléspectateurs une France de rêve [...]. Il rassure, il endort, il calme les inquiétudes » et le fait selon lui consciemment : « il n'est pas le pur benêt de service qu'on croit : il participe sciemment à l'enfumage généralisé9. »
Ce choix dicte le conducteur du journal, qui ne commence que très rarement par une information d'ordre international. Comme il le déclare à l'hebdomadaire Télérama : « Le journal de 13h est le journal des Français, qui s'adresse en priorité aux Français et qui donne de l'information en priorité française. Vous voulez des nouvelles sur le Venezuela ? Regardez la chaîne vénézuelienne. Sur le Soudan ? Regardez les chaînes africaines. »10.
C'est une des raisons pour laquelle la météo fait régulièrement le premier titre du journal11. L'ouverture peut être également consacrée à des évènements anodins, communément appelés des marronniers (comme la floraison des amandiers sur la Côte d'Azur, en mars 201012). Toutefois, l'exercice est jugé périlleux par certains de ses confrères journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « Quand, au lendemain de l'audition du juge Burgaud, Pernaut entame son JT par une bucolique croisière sur le Rhin d'un aimable brise-glace, que dit-il à ses 7 millions de téléspectateurs : que Burgaud peut bien attendre que le brise-glace accoste. »4. Il lui est également reproché de toujours traiter les mêmes sujets, et de respecter le même conducteur depuis des années. Le journal Libération évoque ainsi des « obsessions déclinées à longueur de 13 heures : le prix du fioul (qui augmente), les grèves (qui déclenchent des « galères pour des millions d’usagers »), la grippe (et son évolution suivie jour après jour), la météo (qui ouvre systématiquement le journal) »7. Il lui est régulièrement reproché de passer sous silence des évènements politiques significatifs, comme la vidéo du ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux à l'origine d'une grande polémique en 2009. Son journal sera le seul à ne pas mentionner l'évènement13.
La présentation du journal par le journaliste s'inscrit en outre dans une personnalisation, et une théâtralisation, de l'information. Les reportages sont souvent commentés par Jean-Pierre Pernaut, que cela soit par une rapide remarque admirative ou agacée, ou bien par des expressions d'ordre corporel. Ce qui a fait dire à Virginie Spies et à François Jost, sociologues des médias, que « les mimiques [du journaliste] semblent vouloir faire vivre le récit tout autant que le récit lui-même »14.
En 2006, l'ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, dans son livre 1788 : essai sur la maldémocratie, voit en Pernaut la manifestation d'une dérive démagogique, et dangereuse, des médias français15. Serge Halimi, dans Le Monde diplomatique, souligne son « racolage sécuritaire et son dédain de l’actualité internationale »16. Bruce Toussaint, dans le magazine Technikart s'en prend également à lui en ces termes : « Le 13 heures est devenu une sorte de reflet de la France assoupie, idéal pour commencer la sieste. Que Pernaut soit de droite, conservateur et réac', ça ne me pose pas de problème. Le souci, c'est qu'il exprime ses opinions dans le JT »17. S'ensuivront de nombreux échanges musclés entre les deux intéressés, par médias interposés.
Le journal de Jean-Pierre Pernaut fait l'objet de commentaires acerbes de la part de Télérama18, de Libération19 ou des Inrockuptibles. Il a également inspiré l'émission humoristique Bienvenue au Groland20, diffusée sur Canal + : le programme y reprend, par la caricature, le principe des reportages de proximité, et se moque des relents poujadistes vers lesquels peut tendre ce genre de traitement de l'actualité. Ces critiques sont perçues par Jean-Pierre Pernaut comme la manifestation d'une fracture, culturelle et sociale, voire idéologique, entre Paris et la province : « À Paris, on ne se rend pas compte de l’attachement des gens aux cultures régionales, que l’on assimile à du folklore alors que c’est profond », déclare-t-il en 2008 au quotidien Le Parisien21. En novembre 2007, sa présentation d'un mouvement de grève déclenche le courroux des grévistes. Son nom est scandé et déformé par des manifestants qui le transforment en « Pernod » – allusion à la marque de pastis et au cliché de la « France profonde »22. Bruno Masure, l'ancien présentateur du journal de 20h de France 2 dans les années 80, l'a d'ailleurs qualifié de « porte-parole du gouvernement »23. En 2010, le groupe Sexy Sushi chante Meurs, Meurs, Jean-Pierre Pernault24.
Il devient même un personnage important de roman dans La carte et le territoire de Michel Houellebecq où il effectue son outing. Le prix Goncourt 2010 écrit (page 234) : "Le trait de génie de Jean-Pierre Pernaut avait été de comprendre qu'après les années 1980 "fric et frime", le public avait soif d'écologie, d'authenticité, de vraies valeurs. Même si Martin Bouygues pouvait être crédité de la confiance qu'il lui avait accordé, le journal de 13 heures de TF1 portait entièrement la marque de sa personnalité visionnaire. Partant de l'actualité immédiate -violente, rapide, frénétique, insensée - Jean-Pierre Pernaut accomplissait chaque jour cette tâche messianique consistant à guider le téléspectateur, terrorisé et stressé, vers les régions idylliques d'une campagne préservée...". (page 235) : "Jean-Pierre Pernaut semblait moins se faire l'apologiste de l'immobilisme que celui d'un progrès lent"... "Jean-Pierre Pernaut s'était toujours montré, dans la conduite quotidienne de son journal, d'une prudence déontologique extrême...". ("La carte et le Territoire", éditions Flammarion, septembre 2010)
En 1987, Francis Bouygues devient président de la première chaîne française. Un des projets est de transformer le journal de 13h, alors tenu par Yves Mourousi, hostile à la privatisation de la chaîne. Jean-Pierre Pernaut prendra sa suite le 22 février 1988. Ce changement de présentation peut être perçu comme un moyen de réaffirmer le pouvoir de la direction sur sa propre rédaction2,3. Il s'accompagne d'un recentrage sur les régions, pour concurrencer FR3 qui profite alors très bien de ses décrochages en région. Comme l'expliquent les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « À la base, ce journal était inspiré de ceux de New York One, la chaîne locale new-yorkaise, mais appliqué aux régions françaises : des reportages et peu de présentation. Même s'il ne reçoit que très peu d'invités, le fait que le 13 heures de Pernaut soit anti élite, anti administration, est un formidable moyen (au sens quantitatif, pas qualitatif) de faire passer n'importe quelle campagne (hausse du carburant, sécurité routière, insécurité) au sens où il est supposé porter la vraie parole du peuple. Même si c'est totalement faux, puisque la soi-disant parole du peuple passe par des micro-trottoirs auxquels on peut faire dire n'importe quoi »4.
Jean-Pierre Pernaut a donc fait le choix, payant en termes d'audience, d'orienter le journal de 13h de TF1 vers le portrait de la France « en région », ou vers ce que Catherine Clément (auteur d'un rapport sur la place de la culture à la télévision) appelle « l'exploration systématique du matériel français »5. Le quotidien Les Échos ironise sur les reportages présentant « les dangers de la traversée de Saint-Denis-sur-Sarthon par la N12 et le portrait d'un fabricant béarnais de cloches à brebis »6 tandis que Libération moque ce « JT en sabots crottés révérant les belles régions, les métiers oubliés et la maouche ardéchoise cuisinée comme grand-maman »7. Jean-Pierre Pernaut justifie cette orientation : « Il faut savoir à qui l’on s’adresse. Nous, nous visons les habitants des petites villes et des villages. Pour cette raison, nous éloignons le journal de l’institutionnel. Quand un gouvernement annonce une augmentation du minimum vieillesse, nous n’allons pas interviewer le ministre, mais les personnes âgées. Notre ambition : la proximité »8. Pour le journaliste Jean-Luc Porquet, Pernaut « offre aux téléspectateurs une France de rêve [...]. Il rassure, il endort, il calme les inquiétudes » et le fait selon lui consciemment : « il n'est pas le pur benêt de service qu'on croit : il participe sciemment à l'enfumage généralisé9. »
Ce choix dicte le conducteur du journal, qui ne commence que très rarement par une information d'ordre international. Comme il le déclare à l'hebdomadaire Télérama : « Le journal de 13h est le journal des Français, qui s'adresse en priorité aux Français et qui donne de l'information en priorité française. Vous voulez des nouvelles sur le Venezuela ? Regardez la chaîne vénézuelienne. Sur le Soudan ? Regardez les chaînes africaines. »10.
C'est une des raisons pour laquelle la météo fait régulièrement le premier titre du journal11. L'ouverture peut être également consacrée à des évènements anodins, communément appelés des marronniers (comme la floraison des amandiers sur la Côte d'Azur, en mars 201012). Toutefois, l'exercice est jugé périlleux par certains de ses confrères journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts : « Quand, au lendemain de l'audition du juge Burgaud, Pernaut entame son JT par une bucolique croisière sur le Rhin d'un aimable brise-glace, que dit-il à ses 7 millions de téléspectateurs : que Burgaud peut bien attendre que le brise-glace accoste. »4. Il lui est également reproché de toujours traiter les mêmes sujets, et de respecter le même conducteur depuis des années. Le journal Libération évoque ainsi des « obsessions déclinées à longueur de 13 heures : le prix du fioul (qui augmente), les grèves (qui déclenchent des « galères pour des millions d’usagers »), la grippe (et son évolution suivie jour après jour), la météo (qui ouvre systématiquement le journal) »7. Il lui est régulièrement reproché de passer sous silence des évènements politiques significatifs, comme la vidéo du ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux à l'origine d'une grande polémique en 2009. Son journal sera le seul à ne pas mentionner l'évènement13.
La présentation du journal par le journaliste s'inscrit en outre dans une personnalisation, et une théâtralisation, de l'information. Les reportages sont souvent commentés par Jean-Pierre Pernaut, que cela soit par une rapide remarque admirative ou agacée, ou bien par des expressions d'ordre corporel. Ce qui a fait dire à Virginie Spies et à François Jost, sociologues des médias, que « les mimiques [du journaliste] semblent vouloir faire vivre le récit tout autant que le récit lui-même »14.
En 2006, l'ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, dans son livre 1788 : essai sur la maldémocratie, voit en Pernaut la manifestation d'une dérive démagogique, et dangereuse, des médias français15. Serge Halimi, dans Le Monde diplomatique, souligne son « racolage sécuritaire et son dédain de l’actualité internationale »16. Bruce Toussaint, dans le magazine Technikart s'en prend également à lui en ces termes : « Le 13 heures est devenu une sorte de reflet de la France assoupie, idéal pour commencer la sieste. Que Pernaut soit de droite, conservateur et réac', ça ne me pose pas de problème. Le souci, c'est qu'il exprime ses opinions dans le JT »17. S'ensuivront de nombreux échanges musclés entre les deux intéressés, par médias interposés.
Le journal de Jean-Pierre Pernaut fait l'objet de commentaires acerbes de la part de Télérama18, de Libération19 ou des Inrockuptibles. Il a également inspiré l'émission humoristique Bienvenue au Groland20, diffusée sur Canal + : le programme y reprend, par la caricature, le principe des reportages de proximité, et se moque des relents poujadistes vers lesquels peut tendre ce genre de traitement de l'actualité. Ces critiques sont perçues par Jean-Pierre Pernaut comme la manifestation d'une fracture, culturelle et sociale, voire idéologique, entre Paris et la province : « À Paris, on ne se rend pas compte de l’attachement des gens aux cultures régionales, que l’on assimile à du folklore alors que c’est profond », déclare-t-il en 2008 au quotidien Le Parisien21. En novembre 2007, sa présentation d'un mouvement de grève déclenche le courroux des grévistes. Son nom est scandé et déformé par des manifestants qui le transforment en « Pernod » – allusion à la marque de pastis et au cliché de la « France profonde »22. Bruno Masure, l'ancien présentateur du journal de 20h de France 2 dans les années 80, l'a d'ailleurs qualifié de « porte-parole du gouvernement »23. En 2010, le groupe Sexy Sushi chante Meurs, Meurs, Jean-Pierre Pernault24.
Il devient même un personnage important de roman dans La carte et le territoire de Michel Houellebecq où il effectue son outing. Le prix Goncourt 2010 écrit (page 234) : "Le trait de génie de Jean-Pierre Pernaut avait été de comprendre qu'après les années 1980 "fric et frime", le public avait soif d'écologie, d'authenticité, de vraies valeurs. Même si Martin Bouygues pouvait être crédité de la confiance qu'il lui avait accordé, le journal de 13 heures de TF1 portait entièrement la marque de sa personnalité visionnaire. Partant de l'actualité immédiate -violente, rapide, frénétique, insensée - Jean-Pierre Pernaut