A contrario, il est également intéressant de voir ses prédictions passées et les comparer avec la réalité.
Donc pour moi-même réaliser l'exercice à l'égard de ce topic :
1- L'événement que j'avais le moins prévu était l'élection de Trump - le topic date d'avril 2016, et il me semble que je n'avais véritable considéré son élection qu'à partir de septembre.
Vis-à-vis de la Russie, l'élection de Trump aurait pu être très favorable si elle avait attaqué l'Ukraine pendant son mandat. Puisque ce ne fut toutefois pas le cas, et que vraisemblablement elle ne pourra pas soutenir la guerre jusqu'à son éventuelle réélection, cet événement n'a pas eu d'incidence directe majeure.
Indirectement, la re-rupture avec l'Iran et la mise au ban du Venezuela a indirectement aidé Moscou, d'une part en lui assurant ces alliés (encore que) et d'autre part en réaugmentant les prix de l'énergie dont elle a largement profité. Sauf que Poutine n'a fait qu'épargner cet argent en vue de son isolément économique, mais l'a placé à l'étranger. Aujourd'hui, cet argent est gelé, l'intérêt n'était donc pas si significatif.
Finalement, la présidence Biden aura été plus favorable à Moscou que celle de Trump concernant le prix de l'énergie, eu égard aux relations aujourd'hui très dégradées entre Washington et la péninsule arabique traditionnellement alliée qui refuse d'augmenter sa production. Le cours flambe donc, et cette inflation est bien plus dommageable à l'Occident que le contre-coup des sanctions russes.
2- Sur la popularité de Poutine, pas de grosses surprises à cet égard ces dernières années. Les gesticulations de simi-superpuissance étaient appréciées, le reste non. Les retraites et l'impossibilité pour le pouvoir russe d'imposer des mesures anti-covid le prouve.
Comme signalé plus haut, Poutine esquive ce problème en reportant implicitement la responsabilité de tout ce qui est impopulaire à son gouvernement et plus encore aux gouvernements locaux. Si cette stratégie fonctionne concernant sa popularité directe, elle aura toutefois des effets néfastes exposés dans le fil twitter précité.
Le changement majeur survenu est que Poutine ne s'embarrasse plus d'apparence démocratique aujourd'hui. Sans verser dans les "il n'était pas comme ça avant", "il a changé", qui suscitent quelques ironies bien placées, le régime a tout de même connu une inflexion à l'égard de son peuple.
La quasi-impossibilité de s'exprimer et de débattre à ce sujet est certes un moyen de contenir l'opinion publique contestataire à son endroit. Mais casser le thermomètre n'est pas exactement un remède à la fièvre. Faute de mesure, cet aspect là devient imprédictible.
Idem pour les contestations internes au régime, le Kremlin étant devenu totalement opaque.
3- Sur l'armée et le complexe militaro-industriel, je suis ravi de ne pas m'être trop tromper à cet égard. Voire d'avoir quand même réussi à surestimer l'armée russe, car implicitement je la pensais capable de soutenir une guerre de haute intensité, et d'avoir essentiellement de la peine dans des efforts de projection.
L'échelon opératif a connu les déboires que l'on connaît, la tactique est également à revoir (les colonnes blindées jugeant que le meilleur moyen d'entrée dans une ville consiste est de faire un groupement compact de char sur un axe très dégagé et entouré d'immeuble). La stratégie est quant à elle aveugle par le manque d'information. Le chef des renseignements étant humilié à la télévision par Poutine, il est raisonnable de penser qu'il doit être assez difficile de lui présenter des informations qui ne se conforment avec sa vision de la réalité. Voir un régime autocratique s'intoxiquer par ses propres manipulations d'information est un classique mais toujours drôle à voir.
Quant à l'industrie, il est aujourd'hui manifeste que la Russie n'était pas le pays autarcique qui nous était présenté. Depuis 2014, la Russie ne pouvait plus construire de chars modernes. Aujourd'hui, elle ne peut plus construire de chars du tout. Ses munitions s'amenuisent chaque jour en Ukraine et elle est incapable d'en produire de nouvelles.
Enfin, sur le manpower que je citais comme sa seule force conventionnelle, il est aujourd'hui évident qu'à part certaines troupes spéciales (troupes aéroportées, spetnaz) qui ont certes un certain volume, le reste des troupes et médiocre. Et il semble que la Russie soit bien en peine pour compenser l'attrition de ses troupes et permettre une rotation au front. Les conscrits ne sont pas une option réaliste, eu égard aux troubles intérieurs que cela provoquerait et leur faible efficacité (pour ne pas dire plus).
4- Je citais une potentielle guerre Arménie-Azerbaïdjan qui a eu effectivement lieu. Ses conséquences ne sont pas celles que je pensais qu'elle aurait. Car loin d'être favorable à la Russie, elle a montré qu'il s'agissait d'un allié peu fiable. Pis, l'Azerbaïdjan viole aujourd'hui le cessez-le-feu qui était le seul fruit concret de l'intervention russe dans ce conflit, signe de la perte de la crédibilité russe dans la région.
Et pour rester dans les anciennes républiques soviétiques, le régime politique bélarusse a été depuis 2016 totalement soumis à Poutine. Mais là aussi, l'influence russe a ses limites. Le politique est soumis, pas l'armée. Celle-ci refuse pour l'instant de soutenir la Russie en Ukraine. Le rêve de l'intégration de ce pays à la Fédération est encore loin.
La Russie n'est pas ravagée, vous fantasmez
C'est l'Europe qui est ravagée mentalement pour réagir comme ça, on devrait plutôt s'allier à la Russie que de faire ça, on régale les USA
Joli up.
Chapeau bas Aerpheus.
Je ne parlais pas de l'exercice de prospective en soi, mais de ce que les événements actuels peuvent nous apprendre sur la faiblesse, ou au contraire sur la résilience, de la Russie.
Ca fait toujours mal au cul de se relire des années après
Le 27 mars 2022 à 21:42:32 :
Ca fait toujours mal au cul de se relire des années après
Effectivement, d'ailleurs pardon Abaque d'avoir été aussi incisif et sarcastique à l'époque.
Sur la Russie, le risque maintenant de la sous-estimer militairement, ça reste une puissance qui peut envoyer 200 000 hommes au front (contre 15 000 pour la France par comparaison - bien que la France a bien été développé pour la projection que pour la masse ces 30 dernières années, soit l'inverse de la Russie ce qui limite la pertinence de la comparaison).
Son armée était quasi figée ces dernières semaines, mais c'était en partie un choix de leur part pour se réorganiser. A voir s'ils arriveront à repartir à l'offensive, notamment à encercler le dispositif ukrainien face au Dombass, et à repercer des lignes de défense à Kiev pour être à portée de tir du centre-ville pour obtenir un chantage à la négociation.
On avait clairement surestimé l'armée russe en généralisant l'efficacité des unités d'élites envoyées en Syrie par exemple à toute l'armée, au moins sa partie professionnelles, alors qu'elle reste majoritairement inexpérimentée, peu modernisée et corrompue (donc avec des moyens limités du fait des déperdition de fonds).
Mais les tares qu'on a vu sont avant tout politique et stratégique. Envoyer des soldats au combat sans qu'ils en soient informer est aberrant, espérer que les villes pourront être prises par quelques infanteries blindées est absurde. Le renseignement est inexistant, car cette stratégie reposait essentiellement sur l'idée que l'Ukraine de 2022 était la même que l'Ukraine de 2014.
A voir comment l'armée russe pourra se remettre. Ils ont énormément de matériels en stock, peu modernes mais qui font de la masse. Les consommables diminuent en revanche grandement. Et l'industrie russe n'a pas la possibilité de produire des équipements modernes, ni leurs pièces détachées.
J'aime beaucoup ton analyse de la situation, je rajouterais même si tu me le permets c'est que pour m' être renseigné sur les guerre en Tchétchénie, la Russie n'a pas beaucoup évoluer dans sa manière de faire et continue de faire les mêmes erreurs.
- Manque de communication au sein de l'organigramme militaire, avec un manque d'officier secondaire sur le terrain (caporal, lieutenant, etc.) à l'époque de la Tchétchénie c'était pour éviter des mutineries de la part des officiers qui recevait des ordres absurdes.
C'est pour cela qu'il y a 7 généraux qui se sont fait tué, car ce sont les seuls mis en avant et sont exposés directement aux dangers du terrain
Pilonner des zones a coups d'artilleries qui engendre plus de problèmes qu'autre choses qui a montrer que ça ne servait à rien à part juste stimuler la haine plus que la peur.
Miser tout sur les tanks alors qu'on la vu en Tchétchénie que ça ne fonctionnaient pas a cause des lances roquettes qu'avaient tout les tchétchènes sur eux et pareil pour les ukrainiens (il faut 2-3 roquettes pour mettre hors service un char).
Miser sur les blindés c'est du fait d'une armée très mal organiser et non professionnels, la majorité sont des jeunes qui font leur service militaire (comme en Tchétchénie ou la majorité des soldats étaient des jeunes étudiants envoyés au casse pipe)
Et oui un arsenal militaire qui date pour certain de l'époque soviétique...
La Russie n'a même pas l'avantage d'une supériorité numérique.
Côté ukrainien: 200 000 militaires 100 000 paramilitaires 900 000 réservistes.
Le seul point fort des russes dans cette guerre, c'est leur nombre colossal d'artillerie. C'est à peu près tout. Quant aux avions, leurs avions se font descendre par la DCA ukrainienne
Ils ont peut-être des véhicules de combats en plus grande quantité, mais on sait ce que ça vaut dans des combats entièrement urbains
Un topic qui m'avait vraiment marqué à l'époque, et qui faisait suite à un article de the economist qui traitait exactement de ce sujet. Super boulot en tout cas, rare de voir un topic qui a su décrypter la situation 6 ans en arrière et qui a bien perçu le village Potemkine décidemment toujours russe.
Bien joué Aerpheus
Merci kotaro
Il ne fallait pas vendre la peau de l'ours trop vite apparemment : https://www.challenges.fr/monde/incroyable-mais-vrai-leconomie-russe-de-poutine-redemarre-plein-gaz-malgre-les-sanctions_826127
Il ne fallait pas vendre la peau de l'ours trop vite apparemment : https://www.challenges.fr/monde/incroyable-mais-vrai-leconomie-russe-de-poutine-redemarre-plein-gaz-malgre-les-sanctions_826127
Les sanctions prennent des années à avoir un effet. L’Iran a aussi eu 2 belles années de croissance après les sanctions avant de totalement s’effondrer.
Toute la classe moyenne iranienne est tombée sous le seuil de la pauvreté.
On fera donc le bilan en 2024.