Bonjour,
Je voudrais engager le débat sur ou en est la musique dite classique, au sens de la musique savante en général (et pas de l'époque classique).
Quand on regarde la chronologie de cette musique et qu'on en fait l'état des lieux, ça ne me semble pas glorieux... Après la seconde guerre mondiale commence l'époque de la musique contemporaine, ou les compositeurs cherchent des innovations qui se révéleront être de plus en plus inaccessibles au grand public, poussant ce dernier (je le pense) à préférer la musique dite populaire. Désormais la plupart de ces compositeurs sont vieux ou morts, et des compositeurs actuels, en dehors de ceux qui se consacrent à la musique de film, j'en vois pas des masses... Et le courant contemporain semble s'être éteint pour laisser place à une sorte de diversité... Ou plutôt de mort. La musique classique n'a-t-elle plus rien à explorer ? On a tout vu ? J'ai l'impression que la mode en musique classique actuellement consiste à rendre hommage aux grands compositeurs de l'histoire, et que nous sommes au crépuscule de l'évolution de la musique classique, après des siècles d'existence.
Qu'en dites-vous ?
Aujourd'hui, les albums de musique "savante" sortant en rayonnages sont surtout vus comme de la musique perchée pour hipsters par une majorité de personnes, alors que les innovations techniques de notre époque, en terme de musique électronique notamment, permettent une grande diversité de choix et une liberté jamais égalée auparavant pour les compositeurs, c'est dommage.
ptin ouais pour les musiques de films il y passent tous c'est ouf...
Après ça m'empêche pas d'apprécier certaines sorties de Jóhann Jóhannsson comme Englabörn (qui commence à dater j'avoue)
https://www.youtube.com/watch?v=StuK0Bxoe2g&list=PL0dYx2N3BTuSYGWC6AyrflbtTLr9hQOPb
Et sinon ce qu'a fait Jacaszek avec Treny, j'en suis juste amoureux ptin
https://www.youtube.com/watch?v=D_pRW0WuBto
Et après t'as tous ces trucs qui touchent plus à l'ambient
Bonjour,
Il y a eu un courant, le prog rock, qui a eu beaucoup de succès dans les années 70s et qui peut, je crois, être considéré comme de la musique savante. C'est du rock qui reprend à la musique classique ses accords complexes.
C'est Gentle Giant qui a, à ma connaissance, poussé le plus loin cette fusion. (L'album Octopus par exemple: https://www.youtube.com/watch?v=EC6BS8WqtNs ).
Sinon moi, je suis fou amoureux du groupe Van Der Graaf Generator, qui est encore actif aujourd'hui, et je pense aussi que l'on peut qualifier leur musique de savante - par exemple leur album "Pawn Hearts" https://www.youtube.com/watch?v=RvhtpfPvYas&t=263s est considéré par beaucoup comme un chef-d'oeuvre et "Still Life" https://www.youtube.com/watch?v=V2ukBtcATkc&t=752s sonne beaucoup comme de la musique classique. Les albums solo du chanteur, Peter Hammill, sont également excellents - je pense que l'album The Silent Corner And The Empty Stage, surtout la dernière chanson (https://www.youtube.com/watch?v=gveVBXgSZF4&t=24s ) n'a rien à envier aux musiques classiques.
Je ne crois pas qu'aujourd'hui la musique savante est morte, mais j'avoue que je n'ai pas d'exemple de jeunes groupes qui me viennent en tête ; par contre je crois pouvoir assurer que dans les années 70 elle était encore en vie. Et je connais un compositeur brésilien des années 80 que j'aime beaucoup aussi : Egberto Gismonti (https://www.youtube.com/watch?v=Qb2cwFlhtjE&t=419s )
J'espère que j'ai dit quelque chose d'intéressant
Bonne journée
Je voulais éditer mon message, mais on m'a dit que le délai de modification était dépassé - je suis désolé pour le double-post :
Je viens de me souvenir d'un compositeur que j'aimais beaucoup quand j'écoutais de la musique classique et qui doit avoir quelque chose comme 24 ans aujourd'hui ! Il s'appelle Trifonov. (il faut taper dans la barre de recherche "Trifonov plays Trifonov" pour trouver ses propres compositions et non pas ses interprétations).
Mais oui prog rock musique savante bien sûr
ouch
Londinium : Le prog rock d'aujourd'hui, je ne suis pas sûr, mais celle des années 70, sur Wikipédia en tous cas y'a marqué "Il est caractérisé par l'éloignement du format de la musique populaire en faveur de techniques musicales et instrumentales plus associées aux musiques jazz et classique"
Regarde Gentle Giant !
Et je ne m'y suis pas encore intéressé, mais le prog rock italien a l'air encore plus influencé par la musique classique que les autres : ex, PFM est un bon groupe.
La musique savante c'est à mon avis un genre qui reste plus ou moins immortel, parce que c'est la musique dont découle absolument tout les codes de la musique moderne. Mais elle a un "problème" qui a causé sa "mort" progressive sur le siècle passé : c'est un genre plutôt élitiste, pas facile d'accès, beaucoup moins vendeur que les genres populaires qui ont émergés justement dans ce même siècle.
Ce qui a signé le déclin de la musique savante, je pense que ce sont surtout les gros progrès dans les technologies (la radio ou le vinyle, par exemple) qui ont permis la diffusion de la musique à grande échelle plus facilement, et donc qui ont ouvert un monde qui était avant plutôt réservé à un cercle fermé. Pour caricaturer, avant on avait le 17è siècle avec un troubadour qui faisait le tour du pays avec son luth pour jouer quelques morceaux populaires en place publique pour gagner 3 piécettes, mais sans vraiment gagner de renommée. Bah au XXè siècle ce même troubadour a pu commencer à enregistrer ses morceaux et les diffuser sur tout le pays sans bouger de chez lui, voire au-delà de son pays.
Après pour répondre à la question de la mort du classique, comme je l'ai dit c'est un genre qui ne mourra jamais vraiment, ne serait-ce que parce qu'il synthétise tout le solfège actuel. A mon avis aujourd'hui il s'est surtout dilué dans la musique populaire. Certains musiciens (j'ai surtout Zappa en tête là) avait une grande culture du classique, et ça se sent dans leurs compositions.
Je pense que tu vas un peu vite en besogne.
Faut prendre en compte un truc. Il y a toujours eu de la musique dite "populaire", qui a toujours eu une place ultra importante. Quand on te parle des années 1700 et autres, on te parle de baroque, de classique, mais ce qui était le plus joué, c'était pas Mozart et compagnie, c'était la musique de rue. Et ceux qui pouvaient voir Mozart, c'était les plus fortunés, donc c'était un milieu ultra fermé.
Aujourd'hui, on a des moyens d'écoutes de plus en plus nombreux, et on peut donc aussi facilement écouter de la musique dite "savante" que tout le reste, ce qui je pense l'a effectivement un peu desservie, mais elle est loin d'être morte. Evidemment, tous les courants de la musique "savante" ne plaisent pas à tout le monde, mais il y a un public fidèle. Il y a plus de compositeurs classiques qui en vivent que tu as l'air de le croire, et sans avoir à toucher à la musique de film ou autre (regarde des mecs comme Eric Whitacre, Steve Reich ou John Mackey). Mais pour moi, la musique de film peut être catégorisée comme musique savante. Et dans ce cas là, c'est un milieu en pleine expansion. C'est après tout un des milieux qui permet aux orchestres de travailler aujourd'hui ...
Bref, je dirais que ce n'est pas la musique savante qui est en train de disparaître, mais la barrière qu'on essaie depuis toujours de mettre entre la musique savante et populaire. On est dans une évolution, mais il y aura toujours des musiques ancrés dans chacun de ces deux genres, ça n'est pas prêt de s'arrêter. il en faut pour tout le monde, même les fans de dodécaphonisme.
Je voulais taper un message dans ton genre BillieNat puis je me suis dit que je n'y connaissais pas assez. Au moins tu confirmes ce que je pensais.
Puis pour revenir sur l'inaccessibilité de la musique contemporaine, il y a quand même des mecs tels que Glass ou Part qui ont fait des choses qui s'écoutent très facilement.
Le 13 juin 2017 à 22:14:05 progranma a écrit :
Londinium : Le prog rock d'aujourd'hui, je ne suis pas sûr, mais celle des années 70, sur Wikipédia en tous cas y'a marqué "Il est caractérisé par l'éloignement du format de la musique populaire en faveur de techniques musicales et instrumentales plus associées aux musiques jazz et classique"
Regarde Gentle Giant !
Et je ne m'y suis pas encore intéressé, mais le prog rock italien a l'air encore plus influencé par la musique classique que les autres : ex, PFM est un bon groupe.
Ton message est très intéressant et très bien construit, mais en groupe mythique de prog rock tu as juste oublié Pink Floyd Atom Heart Mother par exemple, le meilleur album qui prouve vraiment que ce groupe est à la frontière de la musique savante, si ce n'est le cas déjà
Il y a eu un aspect politique, et institutionnel, dans le siècle dernier, qui a contribué de la volonté à vouloir séparer la musique dite savante de la musique dite populaire, à faire une musique de classes en somme. Ce qui est amusant, en fin de compte, c'est que dans la réalité, financièrement parlant, les concerts de musique "savante" sont relativement accessibles ; du moins c'est très souvent moins cher d'aller voir une représentation d’œuvres classiques ou contemporaines à la Philharmonie que d'aller voir une grande rockstar ou un grand nom du jazz dans une grande salle de concerts. Mais il y a l'aspect culturel : à l'école, par exemple, la musique n'a pas une grande place de manière générale - et globalement, même si l'on connaît probablement tous un peu Mozart, Bach et Beethoven, déjà qu'il y a peu d'éveil à la musique de manière générale, rien n'est fait pour intéresser le grand public à la musique savante.
De plus, même si c'est accessible financièrement, il y a une tendance (volontaire ou non) au sectarisme. Même si comme le dit BillieNat, la musique populaire a toujours été populaire (ça paraît tautologique mais c'est rappelons pourquoi on l'appelle ainsi), la situation n'a pas toujours été aussi extrême : même à leur époque, certains compositeurs classiques étaient capables de toucher un plus grand public. Le classique était plus accessible de façon sensible sans avoir la nécessité absolue d'avoir été initié à la théorisation et la conceptualisation de la musique. Du fait notamment qu'un pan majoritaire et durable de la musique classique (au sens large) a été fondé sur des principes qui se sont longtemps perpétué comme une tradition (les accords consonants d'abord, avec les unissons, quartes et quintes ; la fugue et le contrepoint ensuite (la musique modale) ; l'harmonie tonale enfin ont tous duré longtemps et ont évolué progressivement sans connaître de changements de caps radicaux). L'harmonie tonale, ça a duré tellement longtemps qu'on n'a pas besoin d'y avoir été éduqué pour la comprendre un minimum : elle est là constamment, et cela nous la rend plus immédiatement accessible, d'autant qu'elle se perpétue dans une grosse majorité de la musique populaire de nos jours. Il est plus aisé sans l'avoir étudié d'aller à un concert de la période classique et de l'apprécier que d'apprécier du contemporain, généralement.
Bien que je parlais de l'aspect politique, il n'est bien évidemment pas le seul facteur. Le dodécaphonisme de l'école de Vienne s'est certes un peu plus isolé du public mais cela s'explique par la nouveauté de la chose et je ne crois pas que ç'ait été dans une volonté de s'isoler mais simplement comme pour nombre d'artistes dans la volonté d'évolution stylistique, de ne pas stagner. Par ailleurs, Schoenberg qui en est le principal théoricien a produit moult œuvres post-romantiques (c'est-à-dire dans la continuité de ce qui le précède) avant de se tourner vers le dodéca ; il a toujours affirmé que son évolution vers le dodécaphonisme n'était pas une volonté anarchique de destruction des codes de la musique mais une évolution logique et qu'il fallait savoir comprendre ce qui précédait pour apprécier ce qui venait ensuite. D'ailleurs le fait d'évoluer d'une gamme de 8 notes à une gamme de 12 notes, et les harmonisations qui vont avec, n'ont pas empêché Schoenberg de se considérer jusqu'au bout comme un romantique qui faisait de l'expressionnisme, pas comme un technicien qui se fonde uniquement sur la théorie pour produire des musiques "sans âme" (bon, ça ne veut rien dire mais je crois que je serai compris). Mais lorsqu'il a inventé le dodécaphonisme, c'était une voie parmi d'autres, il était contemporain d'autres compositeurs qui faisaient autrement : Gerschwin, plus populaire, qui mêlait souvent jazz et musique écrite ; Koechlin, qui retournait au modal, explorait la polymodalité, l'atonal et la polymodalité, qui s'ouvrait à d'autres voies sans se fermer aux autres, Stravinski, qui a certes son côté plutôt expérimental mais qui est largement plus accessible et "américain" que Schoenberg (d'ailleurs pour le côté russe (où dans les années 20 il y avait eu beaucoup d'expérimentation, de la musique de laboratoire type savant fou, les Roslavets, Mossolov, Schnittke, Avraamov qui théorisaient d'autres approches de la musique (je crois que ce dernier a été un des premiers à développer le microtonal, c'est à dire une musique où l'on prend en compte la quasi-infinité de micro-intervalles qui existent entre un do et un ré, un ré et un mi etc., grâce aux évolutions technologiques)) Prokofiev, Rachma, etc. et les plus populaires étaient encore à fond dans le tonal et faisaient dans la musique de films justement, et la population tendait à être plus exposée qu'auparavant au classique (bon ce n'est qu'à moitié vrai car en grande partie, sous Staline, les gens étaient tous égaux dans la pauvreté et ce sont surtout les gens de la haute qui pouvaient se permettre d'aller au ciné, donc bon). Dans les années 20, en Russie, il y a eu beaucoup de combats idéologiques à propos du rapport entre la musique et le peuple, s'il fallait la simplifier pour qu'elle leur soit plus directement destinée, s'il fallait les éduquer, s'il fallait faire des trucs expérimentaux que seuls les intellectuels comprendraient pour qu'au moins l'Union Soviétique ait sa propre conception de l'art qui fasse évoluer les états d'esprit, par opposition à la conception américaine qui tendait à la marchandisation de l'art et pour marquer la différence vis-à-vis d'eux, etc. Mais bon avec Staline au pouvoir les ardeurs se sont vite calmées et les compositeurs qui n'étaient pas au service de l'Etat terminaient rapidement soit en exil contraint ailleurs (ils sont souvent allés aux US d'ailleurs, finalement) soit au goulag...
La séparation avec la volonté d'être populaire s'accentue en fait surtout après la Seconde Guerre Mondiale. Hitler adorait Mahler, Weingartner, Wagner, plus encore les vieux classiques, considérait Schoenberg, Berg, Webern et toute la clique comme des dégénérés. Alors, à la fin de la guerre, on a eu tendance à se dire qu'il fallait raser radicalement le système musical ancien, faire quelque chose de nouveau, en s'inspirant de ce qu'il y avait de plus "différent" à l'époque, c'est-à-dire Schoenberg & Co. Des concepts ont été réinventés, des langages créés à partir de rien... Et c'est là que ça a commencé à être très difficile pour le grand public d'adhérer de façon sensible au classique. Il y avait déjà Varese, on a eu les, Stockhausen, Boulez, etc. Je ne dis pas qu'ils manquent d'intérêt, mais quand t'écoutes Varese dans les années 10 c'est dans la continuation du romantisme, quand tu l'écoutes dans les années 50... Bon. Il y a une tendance à se méfier du mysticisme, de la sensiblerie etc., et puis toute la musique romantique qui précédait (dans le XIXème etc.) était très nationaliste et avait dans l'esprit des compositeurs du XXème contribué aux velléités guerrières. Du coup, on se reposait moins sur la spiritualité et les valeurs nationales en musique, et plus sur la science. Et c'est là que ça a commencé à s'apparenter à de la technique pure et des mathématiques : musique sérielle, musique aléatoire, musique logarithmique etc. Franchement, quand on creuse, il y a des choses qui se défendent, Xenakis par exemple est certes difficile à aborder sans clés mais il ne nie pas complètement le lyrisme, la sensibilité, etc., et critique la musique sérielle, le fait de faire des productions industrielles sans plus aucune recherche d'exprimer une sensibilité. Varese, également, se fonde beaucoup sur les maths, mais au service de l'expression de quelque chose. Par exemple il théorise le fait de se servir de connaissances physiques et mathématiques du moment sur les objets qu'il veut représenter musicalement (que ce soient les astres, l'amour etc.) pour le retranscrire en musique ; mais quand bien même il théorise, il ne l'applique jamais vraiment parce qu'il a été romantique et que sa sensibilité artistique prendra toujours le dessus par rapport à une technicité complète. Malgré ces nuances le classique contemporain devient très difficile à aborder et s'éloigne du public. Et malgré des compositeurs plus mesurés dans l'évolution de la musique comme Messiaen, ce n'est pas dans la tendance générale et je crois que même lui est trop éloigné du public, toujours aussi du fait qu'on enseigne la musique de plus en plus à des classes privilégiées.
Après aux US il se passe certains trucs, les Henry Cowell, Harry Partch, Lou Harrison mêlent un peu l'ethnomusicologie à leur musique écrite, à la manière auparavant de Charles Ives ou Darius Milhaud (parce qu'il y a eu des étapes entre le romantisme et Schoenberg, mais après la Seconde Guerre Mondiale on s'est inspiré de ce qu'il y avait de plus radicalement différent), essaient de rapprocher musique classique et "musiques du monde" grosso modo, mais du coup ça reste trop éloigné d'un monde comme de l'autre. Néanmoins aux Etats-Unis la distanciation avec le public est moins importante, il y aura toujours les Moondog, et puis même encore aujourd'hui Steve Reich, Philip Glass & Co. avec leur musique minimaliste (même si ça se fait vieux) ont une conception qui rend la musique savante plus accessible. Certains jeunes comme Nico Muhly suivent cette voie, et des moins jeunes comme Karol Beffa en France s'y intéressent aussi.
Mais toutes les tentatives n'ont pas marché, John Cage, Terry Riley & Co. par exemple, avec le "sound art" ont essayé de se rapprocher du public en se posant comme des rebelles vis-à-vis de la musique traditionnelle qui était trop dans son monde, mais leur critique a fini par pouvoir s'appliquer à eux : pour beaucoup de choses de Cage, il est difficile d'apprécier sans connaître les intentions qu'il y a derrière, et il s'enferme tout seul en voulant contester.
Au Royaume-Uni, ça ne s'est pas directement tout à fait passé de cette manière. Britten par exemple n'est pas dans l'expérimentation ou le rejet du passé mais marche très bien. Je pense que culturellement, les anglais ont une certaine modération qui fait qu'ils ont moins besoin que d'autres de changement radicaux en ce qui concerne l'évolution de l'art... Mais même s'ils ne rejettent pas le tonal, ils ne réussissent pas à influencer le reste du monde à faire de même.
Là-dessus je m'y connais moyen, mais la musique classique semble aussi s'être exportée, par exemple au Brésil il y a Egberto Gismonti, qui vient plus d'une tradition de la pratique que de l'écrit, de la bossa plus que de Mozart, mais qui, influencé par la musique occidentale, produit une musique classique très brésilienne. (je dis ça de cette manière car il y a aussi des Zumaya ou Khatchatourian ils ont beau être respectivement mexicain et arménien on ressent avant tout que c'est du classique avant de se dire que ça vint de Mexique ou d'Arménie).
Les interrogations que tu poses ont traversé le monde du classique, mais avec la volonté institutionnelle de ne pas renouer avec l'éducation de la musique (enfin je parle de ça, mais c'est en tout cas la situation française, je sais qu'au Japon par exemple la musique est importante dans l'éducation), même en théorisant quelque chose qui peut titiller la sensibilité de tous, le problème est que la musique savante par définition est toujours un minimum intellectuelle et que, sans continuum dans la tradition de l'écoute, sans habitude sensible à comprendre un peu, il est très difficile de renouer avec le public. Une des dernières tentatives est la musique spectrale, qui cherche à être du côté du sensible en interpellant l'oreille, en jouant avec des phénomènes purement physiques du son, acoustiques, sensuels, avec le spectre sonore. En pratique c'est intéressant mais les compositions en soi sont encore trop dans leur monde et typiquement "savantes"... Là-dedans tu as les Dusapin, Grisey, Murail, Claude Vivier, Dufourt... Mais entre la pratique et la théorie justement il y a un monde, ils veulent être sensuels mais tu lis un traité de Dufourt jusqu'au bout et je crois qu'à la fin le cerveau a complètement fondu tellement il se prend la tête.
Du coup, certains théorisent qu'il faut retourner au tonal pour retourner à ce que le public connaît ; sauf que c'est rarement présenté comme ça, ils le font en crachant sur tout ce qui a été fait depuis, en considérant qu'il ne faut reprendre l'histoire musicale "là où elle s'est arrêtée", en gros en reprenant depuis Debussy et Ravel... Mais bon, du coup ils se font traiter de réac' qui ne participent pas à l'évolution de la musique... Et puis, au-delà de ça, le seul public qu'ils trouvent sont les nobliaux versaillais & co. un peu nostalgiques, et pas un public large, pour la simple raison qu'ils reproduisent ce qui a déjà été fait sans apporter de touche nouvelle, et le font moins bien que ce que les grands maîtres de ces styles ont déjà fait, donc les néo-tonaux ne contentent pas grand monde et puisqu'ils ne font pas grande vague ils ne font pas beaucoup jaser. Du coup ça n'en est pas au point mort, mais la solution pour "renouer" avec le public n'a pas encore été trouvée...
Après, il y a effectivement les musiques de films, mais aussi de jeux vidéo, qui sont de la musique classique, pas nécessairement réactionnaire, mais malgré tout plutôt tonale et accessible. Après, le problème avec ces musiques, c'est qu'en ce qui concerne les films et jeux les plus destinés aux grands publics, les musiques obéissent nécessairement à des contraintes (Hollywood, etc.) de style, de durée, de tout, ont une fiche technique en somme, liée à des contraintes économiques, les produits grand public étant pensés pour faire du biff, il faut produire ce à quoi le public s'attend sans trop risquer de faire quelque chose qui ne sera pas compris ou qui serait trop différent, donc il y a une certaine uniformisation et stagnation (je constate le fonctionnement systémique, sans m'empêcher de penser que John Williams et Morricone sont de grands compositeurs, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit). Du même coup, pour tomber sur des créations qui cherchent à être dans l'évolution de la façon de penser la musique, il faut chercher dans les productions plus osées, plus indépendantes, moins populaires et qui ont par la force des choses moins de moyens.
Enfin, plein de musiques populaires sont créées par des gens qui ont une éducation classique et ça peut s'en ressentir, que ce soit dans le jazz, les musiques électroniques, la chanson populaire, jusqu'au rock parfois etc. donc bon, dans ce sens-là le classique n'est pas mort dans l'esprit.
Mais c'est vrai qu'en ce qui concerne la continuation de la musique savante en soi, il semble y avoir une impasse. Je considère à titre personnel que le seul moyen de se débloquer de cette impasse est d'une part de cesser le classisme et le sectarisme et en conséquence de revaloriser l'éducation à la musique (classique & autres) pour le plus grand nombre. Mais ce ne semble pas être dans les petits papiers de Mr. Macron, donc bon, pour l'instant disons qu'on peut rêver.
Bon, plus sérieusement, je pense que tu dis beaucoup de choses justes. Mais je me sens obligé de répondre quand tu parles de musique de film, vu que c'est mon dada
Oui, la musique de film réponds à une première contrainte, qui est celle du film. Mais il faut arrêter de croire que la musique Hollywoodienne représente la majorité du marché, ya des tonnes de choses qui se font, et ya énormément d'innovations aujourd'hui, pas que dans les petits milieux. Regarde la BO de Arrival, ou même celle du dernier King Arthur. On est pas toujours dans une logique financière, il faut arrêter de généraliser avec ce discours, au final ce n'est pas constructif et ça dessert une objection tout à fait valide sur ce qui l'est vraiment.
Le manque de prise de risque ne se limite pas à ce milieu d'ailleurs, il est présent partout. C'est devenu carrément une idéologie, tout est abordé de cette façon aujourd'hui, dans quasiment tous les milieux. Quand quelque chose marche, on le recycle plutôt que d'essayer de tenter quelque chose de nouveau. Et je pense que c'est ça le vrai problème, le fait que trop de gens qui ont les moyens de changer ça restent dans ce mode de pensée.
Bon je ne me relis qu'après coup et j'ai fait tellement de fautes de frappe ou autres que j'ai la flemme de toutes les corriger, j'espère être compris.
Pour Gismonti je dis un peu de la merde dans le sens où il est évident qu'il a une éducation classique depuis très jeune ; mais d'un autre côté ça se ressent dans sa musique qu'il a aussi beaucoup été influencé par les musiques populaires brésiliennes.
BillieNat Alors je suis bien d'accord que la musique hollywoodienne ne représente pas la majorité de la musique du cinéma ; pas d'accord pour dire qu'il ne représente pas la majorité du marché.
Je synthétisais un peu tout les aspects, j'ai fait un paragraphe par sujet abordé, donc j'ai nécessairement simplifié. Pour la BO d'Arrival je suis d'accord ; mais je parle non pas des artistes pris individuellement mais d'une tendance systémique pour laquelle tu partages la constatation : il y a d'abord les contraintes, et ensuite si l'on est artiste la prise de risques que l'on peut se permettre de prendre malgré les contraintes imposées. Ce qui fait que parfois on tombe sur des choses à la fois accessibles mais malgré tout novatrices et très réussies comme la BO d'Arrival, mais stp ne va pas me dire que c'est monnaie courante x). Si, on est toujours d'abord dans une logique financière lorsque ça concerne Hollywood, justement parce que c'est destiné à la consommation du plus grand public possible, et ce malgré les intentions du musicien qu'il y a derrière qui peut glisser ses petites caractéristiques personnelles et stylistiques sans jamais pouvoir s'exprimer totalement, ce qui fait que le "novateur" se fait à tout petits pas, de façon discrète, sans faire de remous lorsque ça concerne les grandes productions destinées au cinéma. Après je t'accorde que la manque de prises de risque concerne quasiment tous les milieux... Je suis moins d'accord en ce qui concerne la musique savante, justement, qui prend énormément de risques pour se maintenir actuellement parce qu'elle a justement tendance à s'éteindre ; le problème, c'est qu'à force d'être habitué à une certaine stagnation monotone, la prise de risques fait de moins en moins de curieux et que même parmi ces curieux on ne les encourage pas forcément à regarder au bon endroit. Après des prises de risque, il y en a dans tous les registres mais en dehors du savant ce sont toujours des choses annexes à ce qui se fait majoritairement dans le style, aussi bien dans le rap que la musique électronique que n'importe quoi d'autre. Les seules musiques qui échappent à cette fatalité sont celles qui sont tellement isolées dans leur localités qu'elles n'ont pas encore de public et qu'il n'est pas encore utile de les capitaliser.
Wow les fautes que je fais
Il est plus de 2 heures du matin, j'ai trouvé mon excuse.
Le 13 juin 2017 à 22:48:06 BillieNat a écrit :
Je pense que tu vas un peu vite en besogne.Faut prendre en compte un truc. Il y a toujours eu de la musique dite "populaire", qui a toujours eu une place ultra importante. Quand on te parle des années 1700 et autres, on te parle de baroque, de classique, mais ce qui était le plus joué, c'était pas Mozart et compagnie, c'était la musique de rue. Et ceux qui pouvaient voir Mozart, c'était les plus fortunés, donc c'était un milieu ultra fermé.
Clairement ! Il y a toujours eu une musique populaire et folklorique, dans une part plus importante que la musique savante (comme aujourd'hui en fait); la seule différence c'est que devenir célèbre et vivre aisément de musique populaire à l'époque était impossible. Preuve en est que l'Histoire retient les Mozart et les Bach, pas le compositeur de Danse Hongroise Traditionnelle N°43.
Après à ce compte on peut me rétorquer que je me projette fort sur le futur en faisant une observation sur 400 ans face à une observation de moins d'un siècle. Les Beatles qui ont été un phénomène populaire énorme peuvent très bien subsister pendant des siècles comme être oublier en 50 ans après leur mort.
Aujourd'hui, on a des moyens d'écoutes de plus en plus nombreux, et on peut donc aussi facilement écouter de la musique dite "savante" que tout le reste, ce qui je pense l'a effectivement un peu desservie, mais elle est loin d'être morte. Evidemment, tous les courants de la musique "savante" ne plaisent pas à tout le monde, mais il y a un public fidèle. Il y a plus de compositeurs classiques qui en vivent que tu as l'air de le croire, et sans avoir à toucher à la musique de film ou autre (regarde des mecs comme Eric Whitacre, Steve Reich ou John Mackey). Mais pour moi, la musique de film peut être catégorisée comme musique savante. Et dans ce cas là, c'est un milieu en pleine expansion. C'est après tout un des milieux qui permet aux orchestres de travailler aujourd'hui ...
D'accord là aussi, en fait la musique savante est plus "banalisée" que "tuée". Elle est surtout mise sur un pied d'égalité avec la musique populaire, vu que dans la fprùe elle est aussi accessible. Après on va pas se mentir, ça reste un genre d'essence élitiste par sa complexité, pas tout le monde n'est armé pour comprendre la musique savante, voire pour oser l'approcher. Pas pour rien encore une fois que l'exemple de musique savante le plus répandu aujourd'hui sont les compositeurs de films, et surtout les blockbusters.
Edit : en fait à bien réfléchir t'as dis bien mieux que moi ce que j'ai essayé de dire.
Le 14 juin 2017 à 01:47:33 Light-maverick a écrit :
Mais c'est vrai qu'en ce qui concerne la continuation de la musique savante en soi, il semble y avoir une impasse. Je considère à titre personnel que le seul moyen de se débloquer de cette impasse est d'une part de cesser le classisme et le sectarisme et en conséquence de revaloriser l'éducation à la musique (classique & autres) pour le plus grand nombre. Mais ce ne semble pas être dans les petits papiers de Mr. Macron, donc bon, pour l'instant disons qu'on peut rêver.
Ce problème s'applique à mon avis à l'art en général. L'éducation artistique est négligée avant le collège, et mal branlé pendant. Au lycée qui est censé être plus spécifique passe encore.
Je base cet avis sur mon expérience personnelle, mais en primaire la seule musique que j'écoutais c'était une chanson à la con pour le spectacle de fin d'année, et en art plastique c'était une merde en pâte à sel pour la fête des mères.
Et au collège une heure par semaine de musique et d'art plastique c'est peu, et d'autant plus quand le prof en a rien à foutre, que le programme est tellement léger que l'adjectif famélique lui correspond plus et que les activités emmerdent les 3/4 de la classe qui se mettent à emmerder le 1/4 restant. Et la littérature est trop bouffée par le français parce que des gamins arrivent en 6è sans savoir conjuguer un verbe aux temps de base sans faire une faute toute les deux personnes.
De façon générale on encourage pas la curiosité artistique, on se contente de donner des classiques à réciter comme un bon élève, histoire d'avoir le brevet et de pouvoir tout oublier après.
JimDavis Oui mais malgré ce qui peut être retenu ou oublié dans l'histoire, l'avantage pour que davantage de créateurs de musique populaire soient retenus aujourd'hui, c'est que depuis on a l'enregistrement et les copyrights : la paternité sera moins source de doutes et de querelles (bon malgré le fait qu'on puisse se piquer des chansons les uns aux autres mais ça, c'est une autre histoire).
Sinon oui on était sur le sujet de la musique mais l'éducation à la culture artistique en général est absolument négligée, oui (peut-être ne voit-on pas l'intérêt utilitaire et productiviste de l'art, donc ce n'est pas jugé nécessaire à un monde fondé sur de telles valeurs).
[il faut peut-être que j'arrête de véhiculer mes idées d'ultra-gauchiste mais j'admets mon biais, simplement pour chercher l'explication à de tels phénomènes je le fais par mon propre prisme idéologique - je déteste l'idée même d'idéologie mais il faut bien admettre que personne n'est neutre et que l'information objective est une illusion, on est presque toujours influencé dans son explication par son parti-pris, donc je l'admets ici histoire qu'on ne me croie pas sur parole, c'est peut-être inutile mais bon]