C’est par le nord que les sauvages
Arriveront du fond de nous
Les homm’s ont levé des barrages
De larges cercles de cailloux
C’est là-dedans que vont les bêtes
Par cent à l’heure où les cascades
Gonflent l’ivresse des mouettes
L’heure du whisky sérénade
Nous émergeons verte sentence
Et par le ventre à ton insu
Tu te hisses jusqu’à la transe
Au bleu des cieux où l’ange sue
Et tu vois bien les anges passent
Le passé ne reviendra plus
Et nous allaitons sur la place
L’herbe cette nuit répandue
Toi ma cousine des alpages
A l’heure où poussent les collines
Tu sais la sagesse des arbres
Et tu sais la revanche ultime
Dans les poussièr’s où sont les nids
Où les oiseaux vont se trouver
Des pénitentes pour la nuit
Courtisanes pour s’oublier
Ton âme est belle et toute pâle
Elle court aussi dans les prés
Elle s’envole vers l’étoile
Dès le premier signal donné
Et si tu l’entendais la chair
Aride et avide de vent
A l’ère claire des déserts
Tu saurais les renoncements
Vois le rêve à forger la pierre
Voici l’oraison silencieuse
Elle est bleue là-bas vers l’hiver
Et si tu la veux toute pieuse
Il faudra jeter à son cœur
L’île bouée des bienheureuses
La pierre noire des humeurs
Où se créent toutes les couleurs
Lorsque nous courons les bacchantes
Le soleil souvent nous soulève
Quand elles vont où bon nous chante
Jusqu’à cette prochaine trêve
Elles nous mènent vers les brumes
Nous y mouiller tout en douceur
Les tours ont des pleurs sous la lune
Ce n’est pas la terre qui pleure
Oui c’est elle qui pleure tant
Avec parfois dans ses vallées
Un ruisseau doré vers l’étang
Où va la biche sans forêt
Se frotter au bois de l’aurore
Pour le consacrer à l’été
Espérant la pépite d’or
Pour sa dot de mariée
Cette fois le bois n’a pas pris
Les civilisés ont construit
Des murs posé des barbelés
Pour se garder de l’étranger
Le barbu l’hirsute guerrier
De ces pâturag’s et ces bois
Finalement la pierre a pris
La pierre prend à chaque fois
Il en faudra des cathédrales
Pour affréter tous ces navires
Vers des galaxies intégrales
Où le vertige nous chavire
L’arbre cache sous ses harpes
Les dessins que firent les dieux
Serrant la gorge à des écharpes
Au moment de se dire adieu
Quand la terre fait émerger
L’humidité des jours venus
Les paysag’s ont des secrets
Alors nous éclairons les nues
Et l’on ne s’aperçoit de rien
A l’heure venue l’heure dite
C’est à l’extérieur de nos liens
Que nous irons trouver le gîte
Là les ruisseaux ont des murmures
Et disent le flot continu
Nous n’avons pas besoin d’armure
Pour passer les mers inconnues
Où les créatures des flots
Ont cette fraîcheur cumulante
Cette joie soudaine à ta peau
Grisée d’un soleil en attente
Les bêtes marines s’appellent
Sur l’île leurs cris te ressemblent
Les terres vertes se soulèvent
Surgies d’une mer à descendre
Un navire nu sur la grève
Echoué la cale hors de l’eau
Bête lisse sortant d’un rêve
La nuit est pour les animaux
Et si les poussièr’s ont des ailes
C’est pour mieux nous escalader
Il n’existe pas de frontières
Il n’y a plus de barbelés
Entre nous entre toi et toi
Pour tenir les bêt’s enfermées
Les frontières n’existent pas
A l’heure de l’humanité
Ils font de frêles matinées
Ces sourir’s où le bleu s’acharne
A s’immiscer parmi le gris
Les oiseaux mauves se décharnent
Hier les oiseaux sont venus
Les homm’s ont dressé des barrières
Entre l’eau et cette avenue
Et toi tu passes sans t’en faire
Cette nuit décrit cette nuit
Toute la nuit comme un appel
Comment l’appelle-t-on la nuit
C’est l’innomée qu’elle s’appelle
Plus loin sur les terres de l’ouest
Sur l’île aux bêtes rond’s et lisses
Des corps marins tournent la veste
Et c’est à l’envers qu’ils se glissent
Des voiles pour voler de l’air
A tes événements liquides
Des vents vides pour s’extraire
De cette nuit pleine de vide
Pour sortir enfin émergés
Et nous l’appellerons comment
Nous la nommerons l’innomée
Cette nuit si frêle de vent
Des soleils jaunes pour brûler
L’herbe tombée en toute hâte
Sur la piste des exilés
Sur nos vérités d’acrobates
Tant de voyages galactiques
Ont tendu l’aile à tes souliers
Si tu meurs à l’instant critique
Il faudra te laisser aller
Ces tombes qui se dressent nues
Voilà les lithiques ressacs
Dis comment l’appellerais-tu
Cette nuit qui mit tout à sac
Elle fut courte les soleils
Se relaient sur le champ de course
Elle fut courte et sans sommeil
Juste en deçà de la Grande Ourse
Nous sommes seuls à la seconde
Et ce fruit dont tu m’éclabousses
Nous irons le mûrir sur l’onde
Ou sur l’herbe tendre de mousse
Ils ont inventé les frontières
Cette nuit fut pleine de nuits
Je la nommerai mais hier
Ce matin je n’ai plus envie
Encore ton esprit derrière
Libre mais triste de sa chair
Et sous l’alcool bleu du réveil
Nous sommes tellement pareils
Et pourtant je ne te crois pas
Tes yeux n’ont pas mes lendemains
Ils ne partagent pas leurs croix
N’ont pas de martyrs en commun
Nous n’avons rien d’autre en partage
Sinon le mur de nos faiblesses
Lucy toute seule en sa cage
N’a plus conscience de l’espèce
Et nous mutons à chaque flamme
Comme le gras d’une allumette
La petite fée fait nos âmes
Aussi frêles que l’allumette
Et lorsque les courants s’opposent
Nous avons le choix des mouettes
Comment se déchire-t-on à cause
Et pour quelle absurde quête
De lointains voiliers font sillage
On sillage déjà des routes
Indiquées sur la mer sans âge
Et sur les plates autoroutes
Cette nuit fut tellement courte
Que nous voudrions la nommer
Châteaux surgis de notre tourbe
Citadelles accidentées
Sur le dos les journées embrassent
Un bout de ciel à te donner
Par là où les oiseaux s’échassent
Et offrent leur tête au fouet
Voici la ville où des bateaux
Sonnaillent comme les troupeaux
Toujours on se retrouve à sec
Les pieds englués de varech
Avec une île en ces Parences
Où danse une odeur familière
Comme les premiers soirs d’errance
Une odeur de charbon et d’air
L’enfant naîtra je te le jure
Il faudra qu’il naisse l’enfant
Le vent les vents lui font injure
Lorsque les nymphes font semblant
Image floue ça j’en suis sûr
Rendue au cliché noir et blanc
Les nymphes n’ont pas de parure
Elles existent simplement
Les représailles sont à venir
Et plus rien ne résistera
J’entends déjà les longs soupirs
Des géants faisant les cent pas
Ils grondent dessous le navire
Dans leur geôle aux étroites mailles
Mordant le filet que tu tires
L’heure est venue de la bataille
Les homm’s ont levé les frontières
Venus du nord ou par le sud
Des barbares nous sommes frères
Nous connaissons leurs habitudes
A cette odeur si familière
Des touts premiers matins du monde
Leur visage sombre de terre
Que des yeux tout humid’s inondent
Car ils auront les yeux brumeux
Et les fill’s iront par devant
Cortège pour les amoureux
Elles gonfleront leurs appas
Viendra l’heure des épousailles
Nous serons les seuls combattants
Viendra le temps des représailles
Reste près de moi un instant
Le temps est venu où le chien
S’élancera à sa poursuite
Les gazons au bord des chemins
Ne suffisent plus à sa fuite
Noir et blanc le chien noir et brun
Immobile chien laite
Le souffle court a ses embruns
Venues de quelle autre planète
Courage mon frère occitan
Troubadour à la larme immense
Les rats n’ont pas commandement
A chaque escale une autre chance
Aux fers des chantiers portuaires
Les grues soulèvent des marins
Mensonges des songes d’hier
Ancre rongée par le destin
La pluie ne sait rien des nuages
Elle ignore le champignon
Affleurant aux plus bas étages
Comme du squelette un moignon
Devant le poing qu’il a perdu
Dans une colère impossible
Il ordonne que soit rendue
A ses grands yeux une autre bible
Aid’-le à soulever ses os
Cette maorelle n’est pas douce
Il a combattu pour de l’eau
Pour une terre où rien ne pousse
Sauf de l’herbe pour des manteaux
Toujours cette eau de toute part
Aid’-le à déplier ses os
Il n’a pas pris le temps de boire
Alors toi tu te lèveras
Nous traverserons les saisons
Ta folie est douce et pourtant
Le mage enrage de raison
Là-bas la route il est grand temps
Va vite pour les représailles
C’est pour redevenir enfants
Que les adultes se chamaillent
Les carapaces seront dures
De ces monstres couverts d’écailles
Ils nous serviront de montures
Tu t’accrocheras à leur taille
Lorsqu’il faudra chasser la haine
Vers des abysses sans retour
Vers les gémissantes juènes
Où râle l’ange aveugle et sourd
Le chien à l’entrée des enfers
Relit ton livre et le résume
Il offrira à Lucifer
En ces lieux où brûle la brume
Jusqu’au plus obscur de ta chair
Il ira peindre d’autres lunes
Des levers d’astres centenaires
Le sourire des filles brunes
Comment pourrons-nous la nommer
La fille fardée de nature
Et de simplicité sa bure
Pas encore de mariée
Traîne de longues fiançailles
Les enfants de chœur ont couru
Pour la surprendre aux épousailles
Qui la surprendront dans la rue
Des feux partout sur les sommets
Et cette odeur de pluie sans rime
Comme aux premiers jours de l’été
Cette mer si proche et intime
Ell’ n’existe pas sans rumeur
La seule rumeur de l’aurore
C’est l’évanouissement de peur
De marins perdus dans le port
Comme aux premières épousailles
La chienne assise sur un roc
Elle se cambre et tient sa taille
La terre languira le soc
Regarde ne les vois-tu pas
Les envahisseurs qui s’approchent
Ils dressent des pierr’s à tout-va
Plantent des antennes de roche
Tout se résumera à l’onde
A ton amplitude féline
A la revanche de la sonde
Au fond des profondeurs marines
Jusqu’où iront les souterrains
Fouillant les entrailles de plume
Oiseau de lune oiseau machin
Dis belle pour qui tu t’allumes