Le 15 mars 2018 à 10:01:46 black-silver24 a écrit :
Le 28 juillet 2010 à 23:11:53 corbeau_is_back a écrit :
Pour préciser un peu ce que sont les limbes : selon la religion catholique, les limbes des enfants sont l'endroit où vont les enfants qui ne sont pas baptisés après leur mort.
Comme ce sont des enfants, ils sont trop purs pour aller en enfer, mais le fait qu'ils n'aient pas été baptisés font qu'ils n'ont pas le droit au paradis.
Pour moi, Limbo raconte donc l'histoire et l'aventure d'un frère et d'une soeur qui sont morts jeunes en même temps, non baptisés.
Notre héros se retrouve dans un endroit bizarre rempli de pièges mortels, de créatures géantes et d'autres enfants qui lui veulent le tuer.
Il réussira à trouver sa soeur, après avoir échappé à tous ces pièges ( enfin si vous finissez le jeu ), et pour moi il acccède au paradis en la retrouvant enfin.
Une théorie explique qu'en fait, ces deux enfants sont morts dans un accident de voiture. Ca expliquerait par exemple pourquoi on nous envoie des pneus en flamme au début du jeu, et pourquoi à la fin on traverse une sorte de vitre géante, comme quand quelqu'un passe à travers le pare-brise d'une voiture lors d'un accident où il n'a pas mis sa ceinture de sécurité.
Je trouve cette interprétation excellente, mais le jeu laisse chacun imaginer sa propre interprétation, et d'autres peuvent être tout aussi convaincantes.
Bref un super jeu, avec une superbe ambiance et pas si court que ça si vous cherchez tous les secrets et succès du jeu.
j'viens de finir le jeu et j'aime beaucoup ta théorie
Je plussoie.
Je pense néanmoins qu'on peut faire une double-lecture de l'histoire (et ça a déjà été fait sur le topic), en disant que le périple du garçon vient mimer l'évolution de l'humanité (et plus exactement des sociétés humaines). Au début, le garçon se réveille dans un environnement naturel. D'abord hagard, il cherche ses repères, se découvre (dans le même temps que le joueur découvre les contrôles), puis commence rapidement à aller de l'avant.
La nature est cependant hostile, le garçon est confronté à la loi du plus fort avec cette araignée prédatrice qui le traque et menace sa vie. Il fuit ce danger en s'approchant d'autres humains. Ces derniers sont méfiants vis-à-vis de l'inconnu que constitue le petit garçon. Elle veut défendre son territoire et redoute cet étranger. Elle l'attaque, comme elle a attaqué les autres enfants que l'on voit morts en l'arrière-plan. Mais ces autochtones restent craintifs et s'enfuient quand ils le voient approcher. Ils emploient jusqu'alors des pièges destinés aux animaux et des bâtons et pierres contre lui. Des armes archaïques, en somme.
Le garçon continue à avancer au travers de ces premiers conflits. L'environnement se modernise, l'Humanité évolue. L'apparition des premières machines. De nouveaux opposants humain apparaissent, trois garçons, dont l'un porte un casque. C'est une chose nouvelle, une évolution dans le conflit. Ils ont également développé de nouvelles armes plus sophistiquées : des sarbacanes et des flèches. Munis de cet arsenal, ils ne se contentent plus de défendre leur territoire comme c'était le cas avant, mais ils attaquent le garçon, le poursuivent. C'est ce désir de conquête qui les mènera à leur mort.
Le garçon avance encore, le monde bascule de plus en plus dans l'ère industrielle. C'est notre garçon qui piège la nature - symbolisée par le hamster, manipulé et mené contre son gré dans la roue motrice - pour actionner l'électricité de la ville. Pour moi ce passage a une dimension symbolique très forte, même si j'ai un peu de mal à le mettre en mots. Mais je pense que le jeu l'exprime assez bien, vu que c'est précisément à ce moment-là que commence à tomber la pluie. L'humanité s'obscurcit de plus en plus.
Les hommes, qui ont quitté l'agriculture pour l'industrie, peuvent désormais fonder des villes pour se réunir et encore poursuivre cet insatiable désir d'évolution. On n'a d'autre choix que d'aller à droite dans LIMBO, c'est visiblement le seul choix qui s'impose. Mais plus on se dirige vers la droite et plus le sentiment de solitude se renforce. On ne voit plus d'autres garçons, la ville qui devait être un lieu particulièrement peuplé se voit totalement désertée de son humanité dans le jeu.
Pire encore, c'est notre propre humanité qui est menacée. Notre liberté est inhibée, le garçon se fait désormais contrôler à plusieurs reprises par des sortes de vers luisants, qui nous obligent à réagir uniquement sous signaux lumineux comme si nous étions nous-même devenus machines. Ils nous détournent de ce que nous voulons vraiment, notre bonheur - comme à ce moment précis où le garçon a aperçu sa sœur, métaphore du bonheur qui motivait initialement l'Homme, avant de s'en faire détourner par le ver tombé de nulle part qui lui fait faire demi-tour puis le fait retourner à l'Usine, à l'endroit où pourtant se trouvait son bonheur quelques secondes auparavant. Mais c'est la nature (et ces étranges oiseaux), peu rancunière car nous l'avions asservie plus tôt, qui nous redonne liberté en mangeant ce ver.
D'ailleurs, les moments d'appel à la nature représentent les seuls vrais moments de répit dans cet univers mécanique. À de rares endroits dans le jeu, le garçon traverse d’irréelles oasis de verdure. C'est un moment de soulagement dans lesquels on est accompagné de deux papillons blancs (qui reviennent à plusieurs reprises, j'ai vu assez peu de monde (personne?) en parler dans leur analyse, je pense qu'ils ont une importance même si je n'ai pas grand chose de plus à en dire personnellement, avec une autre lecture du jeu que la mienne j'imagine qu'on peut les voir comme une représentation des âmes du garçon et de sa sœur) et bercé par une musique très paisible. Mais ces moments de douceurs prennent une saveur douce-amère, dès lors que l'on sait que l'on devra ultimement retourner à notre vie artificielle. Le garçon - et l'Homme - est définitivement changé. Et la nature n'aura toujours que ce rôle utilitaire pour lui, il l'utilisera toujours pour arriver à ses fins. Quand cette sorte de mouche/moustique butine timidement un corps putréfié, apeurée au milieu des hommes, c'est nous qui venons l'interrompre pour poursuivre cette inlassable évolution. On l'utilise cruellement comme on a utilisé le hamster plus tôt, on s'attache à elle pour franchir l'obstacle dans les airs, quitte à lui arracher violemment la patte et l'abandonner à son sort.
L'évolution industrielle se fait de plus en plus violente, des scies déchirent désormais le sol, on traverse des chaînes de productions interminables et déshumanisées. Les conflits, eux aussi, ont perdu leur humanité. Désormais, des mitrailleuses automatiques équipées de laser s'assurent du combat. On se bat sans se voir, les machines s'occupent même à tuer les Hommes.
Le progrès mène à des inventions de plus en plus puissantes, presque démentielles. Des champs magnétiques, des champs gravitationnels viennent remplacer les leviers et les boutons au sol, et optimisent encore la production. Dans le dernier quart du jeu, on se perd dans un labyrinthe de roues dentées et de décor qui s'effondre et roule dans tous les sens. Le monde est devenu fou, l'Homme est pris dans sa propre machinerie. Il est cahoté, bousculé, pris dans un chaos infernal où s'enchaînent les activations de champs magnétique, gravitationnel. On est basculé dans un absurde où plus rien ne veut rien dire. Où était la droite ? Où devons-nous nous diriger pour poursuivre l'évolution que nous pourchassons depuis le début du jeu ? Va-t-on encore réellement vers notre progrès, notre salut ? On ne le sait pas, mais on s'engouffre dans cette aberrance, jusqu'au point où toute cette folie nous éjecte en dehors du pare-brise, de retour à la Réalité. La ville s'effondre, la société humaine avec elle.
On retrouve notre petite sœur, allégorie du bonheur. Elle est dans la Nature, non-loin de là où on a commencé le jeu. Elle était à notre portée dès le début. Malgré toute sa sophistication, l'Homme n'est jamais réellement parvenu à comprendre que le bonheur était si facilement atteignable, d'une simplicité enfantine. Mais c'est trop tard. Notre petite sœur nous enterre. Écran noir. Elle est morte aussi. Plus aucun bonheur n'est envisageable. Cette civilisation est éteinte. Mais le jeu nous invite à créer une nouvelle partie dès la fin des crédits : on peut renaître. Cependant, on le sait déjà : cette nouvelle civilisation connaîtra invariablement le même destin que l'ancienne. Le cycle se répète. L'Homme n'est ni vraiment innocent, ni vraiment coupable ; il est donc condamné à errer dans les limbes et répéter inlassablement les mêmes erreurs. Il croît œuvrer à sa propre félicité, alors même qu'il provoque sa ruine.