Ah, jouer aux pompiers, aux sauveteurs, aux policiers, voilà un rêve de gosse qui devrait parfois rester au stade du souvenir d'enfance. La preuve avec ce Emergency millésime 2014, un titre qui illustre assez mal le diction "c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures" vu qu'ici la confiture était déjà assez indigeste il y a 2 ans. L'ajout l'an dernier de quelques fraises et cette année d'un peu de sucre pour masquer l'aigreur de la tambouille ne suffira visiblement pas. Enfilez votre combi, on part en intervention au royaume du game design raté.
Développé par les Allemands de Quadriga Games, Emergency semble oublier que chaque épisode d'une série se doit d'apporter en priorité une grosse dose de nouveau contenu, et corriger les erreurs des épisodes précédents. Qu'à cela ne tienne, nos amis teutons ne prennent visiblement pas en compte les lacunes de leur titre et se cantonnent à ajouter trois ou quatre niveaux et une ou deux unités afin que le joueur puisse s'exercer à l'art du sauvetage et de la sauvegarde de l'ordre public. Cerise sur le gâteau, comme l'an dernier, le titre remplace les précédents dans les boutiques en ligne, permettant ainsi de vendre cette compile des contenus 2012 et 2013 maigrement enrichis, au prix fort.
L'urgence ne laisse aucune place à l'erreur
On plonge donc dans les scénars exclusifs avec un certain arrière-goût d'arnaque, vite dissipé par un rire nerveux traduisant le côté cheap (volontaire ? non...) du titre. Des doublages aux traductions, de l'interface à l'IA sans oublier les graphismes d'un autre âge, nous sommes presque face à un "simulator" du STR, entaché par la même lourdeur mais sauvé de la catégorie par un intérêt certes difficile à percevoir mais parfois bien présent. Commençons par le contenu du mode Campagne. Ce dernier nous emmène en 1890 (c'est l'affaire d'une seule mission, rassurez-vous) pour venir en aide à un petit village ravagé par une météorite. Nous y apprenons donc à gérer nos combattants du feu sur fond de filtre sépia du plus bel effet permettant de faire, pendant un temps, l'impasse sur les graphismes. Dès la première mission, le ton est donné : vous n'avez pas le droit à l'erreur sous peine de devoir recommencer depuis votre sauvegarde ou depuis le briefing (celui présenté par le meilleur imitateur de logiciel de traduction). En effet, qu'il s'agisse de la propagation du feu ou de l'urgence de la prise en charge des victimes, il vous faudra agir très vite et opter pour les bonnes décisions dans 100 % des cas de figure auxquels vous serez confronté. On peut imaginer que les petits gars de Quadriga se sont dit : "bon, on va faire peu de contenu, mais on va rendre les choses hardcore de la mort, histoire que les gens galèrent bien comme il faut et y passent des heures". Manque de bol, le jeu ennuie déjà par son ergonomie, ses interfaces lourdingues et son gameplay pas toujours très logique, avant de vous gaver par sa difficulté.
Le "simulator" de l'apocalypse citadin
Vous jouissez donc de tout le contenu 2012 Deluxe et 2013 dans cette version estampillée 2014 qui ajoute quelques véhicules parmi lesquels on peut citer l'hélicoptère anti-incendie ou encore le camion-drone (dont l'utilité reste à prouver), on y trouve également une nouvelle map de Jeu Libre et une Campagne en 4 missions (dont 2 sur la même zone) qui vous mènera de l’Allemagne à l’Italie, si toutefois vous en avez le courage. Pas grand-chose à se mettre sous la dent et c'est bien dommage car en dépit de ses (très) nombreuses tares, le titre arrive à nous faire (parfois) rire et nous met souvent dans un état de stress inattendu lorsqu'on doit par exemple coordonner, avec les moyens du bord, une flopée d'unités dans le but de venir à bout d'une crise que l'on a tenté de résoudre 50 fois sans succès. Cela dit, si par hasard la campagne vous embête un peu trop, vous pourrez vous essayer au fameux Jeu Libre, sorte de bac à sable de l'apocalypse dans la pire ville du monde.
Vous devrez y gérer aléatoirement des crises ciblées : départ d'incendie, accident de la route, manifestation, tireur fou faisant feu sur la foule, bref, le quotidien. C'est là qu'Emergency 2014 se montre parfois fendard puisque l'inefficacité du gameplay permet au débutant d'apprécier des mécaniques le réduisant souvent à être spectateur de scènes drôlissimes. Prenons par exemple une manifestation et passons sur le fait que votre briefeur quasi robotique vous indique d'emblée d'embarquer la dizaine de pauvres manifestants et de "soigner les éventuelles séquelles". La logique voudrait que l'on envoie des unités de police menotter sans soucis les 8 ou 9 manifestants criant vigoureusement "Révolution !". Figurez-vous qu'il s'agit d'une grave erreur puisque vos policiers se feront tabasser mollement par ces pauvres citoyens en colère. Bilan : 7 policiers contre 9 manifestants = 7 policiers K.-O. Dans le même registre, faire intervenir un sniper dans une ruelle pour descendre un tireur fou serait inutile puisque le clic droit sur la cible ne servira à rien, tout comme il vous sera impossible de trouver un quelconque bouton d'attaque dans l'interface de cette unité. Vous l'aurez compris, l'interface et les mécaniques de gameplay ne sont pas des plus évidentes... C'est d'ailleurs bien dommage puisqu'on aimerait volontiers gérer toutes ces unités avec élégance et vivacité. D'ailleurs, un système de sélection de groupes est bien présent, mais le simple fait de ne pas pouvoir double-cliquer pour sélectionner les unités d'un même genre présentes à l'écran n'évoque rien de rassurant sur la maîtrise des développeurs en ce qui concerne les STR. Dès lors, on est obligé de se plier à l’archaïsme du game design pour progresser efficacement, et ça, c'est une décision difficile à prendre...
Points forts
- Une bonne dose de challenge induite par un gameplay archaïque et illogique
- Si l'on oublie que 70 % du contenu n'est pas nouveau, ça fait tout de même une bonne durée de vie
- L'effet comique (involontaire) prodigué par certaines situations
Points faibles
- Réalisation à la ramasse d'année en année
- Payer plein pot pour le contenu des éditions 2012, 2013 et pour les quelques nouveautés de 2014 qui ne rectifient pas les erreurs des opus précédents
- Mécaniques de jeu bancales, pathfinding aléatoire, ergonomie laborieuse, difficulté abusive pour augmenter le challenge et gonfler une durée de vie faiblarde
Emergency continue son petit bout de chemin sur la route de la fausse bonne idée vidéoludique et reprend le contenu des éditions précédentes en l'augmentant un chouia pour la 2ème année consécutive. Il reste au final un titre pas forcément fun ni réactif, qui vous fera suer sang et eau à cause d'une difficulté volontairement élevée n'ayant pour seul but que de rallonger la durée de vie des maigres ajouts. Et si le gameplay n'était déjà pas exceptionnel pour l'édition 2012, le fait de ne pas le voir évoluer au fil des ans n'éclaircit pas un tableau déjà bien noirci. Le mode Jeu Libre reste tout de même acceptable. Quant au Online, il est désespérément vide : ne comptez donc pas dessus sauf si vous souhaitez jouer avec un ami.