En 2010, Limbo créait la surprise lors de sa sortie sur Xbox 360 en remettant au goût du jour le genre die and retry au point d'en devenir le nouvel porte-étendard. Trois ans plus tard, l'ambassadeur du genre conquiert un nouveau territoire, celui du jeu mobile.
Le genre die and retry se caractérise par une progression par l'échec. Les morts y sont nombreuses, mais si le jeu est bien conçu, chaque erreur est censée enseigner pas à pas au joueur ce qu'il doit faire, ou plutôt ce qu'il ne doit pas faire. Le genre die and retry est punitif, parfois injuste, mais tellement gratifiant lorsque, d'un coup, le joueur comprend enfin ce que le jeu attend de lui. Là encore, si le jeu en question est bien pensé, l'exécution de la méthode ne doit alors pas poser de problème. Limbo répond à toutes ces exigences et se place comme la définition même du die and retry maîtrisé sur toute la ligne.
Meurs et apprends
D'accord, le jeu n'est pas très long, mais sur les deux grosses heures que dure l'aventure, Limbo enchaîne les situations avec une intelligence rarement vue dans un jeu vidéo. Non seulement les pièges se renouvellent sans cesse, mais ils sont également conçus comme de vrais pièges. C'est-à-dire qu'à moins d'être un devin, le joueur non averti mourra au moins une fois avant de trouver la solution. Trop souvent les jeux vidéo se contentent de paver le chemin de l'utilisateur pour ne surtout pas perturber son petit confort. Pas Limbo. Le studio Playdead n'hésite pas une seconde à surprendre le joueur en lui apprenant par exemple une chose pour le tuer juste après sous les mêmes conditions. Par exemple, le fait d'appuyer sur ce gros bouton promet visiblement une mort horrible au héros, donc on sait qu'il ne faut pas y toucher. Trois pas plus loin, le même bouton se présente. Malin, le joueur évitera comme la peste d'appuyer sur le bouton. L'ennui, c'est que celui-ci n'est pas seulement sans danger, au contraire, ce second bouton est vital et le fait de ne pas appuyer dessus entraîne la mort. Bien sûr, il ne s'agit là que d'une séquence particulière, et le jeu ne s'amuse pas à changer ses règles toutes les trois minutes. Cet exemple illustre cependant bien la philosophie globale de Limbo qui nous oblige à rester constamment attentifs à ce qu'il se passe autour de nous pour espérer rester en vie. La mort n'est toutefois pas pénalisante dans Limbo puisque les checkpoints sont très nombreux, faisant que le jeu nous ramène toujours quelques pas en amont pour ressayer le passage qui nous aura fait chuter.
Noir c'est noir
Loin d'être un simple argument esthétique, le design noir et blanc de Limbo renforce évidemment l'aura que dégage le jeu. Grâce à ce jeu d'ombre et de lumière, Limbo fait constamment travailler notre imaginaire. On se surprend à trouver des justifications à la moindre petite chose dans ce monde étrange et cruel. Si ça se trouve, les deux boutons mentionnés plus haut étaient de couleurs différentes ce qui expliquerait que l'un soit meurtrier et pas l'autre. Qui sait ? Finalement, la seule certitude possible dans ce jeu, est celle que l'on suit un petit garçon, qui tente d'avancer coûte que coûte dans la noirceur qui l'entoure. Les contrôles du héros sont évidemment différents des autres versions puisque l'on passe sur iOS à du tout tactile. On pouvait craindre une perte de maniabilité, mais il n'en est rien. Oui, jouer au tactile sera toujours moins précis que de jouer avec une croix directionnelle et des boutons, mais il semble difficile de se plaindre du travail effectué pour cette adaptation. Le pouce gauche sert à se déplacer en glissant son doigt dans un sens ou dans l'autre, tandis qu'un glissé vers le haut avec le pouce droit gérer les sauts. Le fait de maintenir son pouce sur l'écran permet aussi d'agripper une caisse pour la tirer ou la pousser. Le système fonctionne bien et permet donc de se tirer d'affaire à condition évidemment de savoir quoi faire puisque le tactile trouve ses limites lorsqu'il s'agit de réagir dans la panique. On en revient cependant à la définition du die and retry, en apprenant pas à pas le parcours...
Points forts
- Limbo ne prend pas les joueurs pour des idiots avec des pièges à deux balles
- La direction artistique, sublime et envoûtante
- La simplicité du gameplay mais des situations sans cesse renouvelées
Points faibles
- Toujours trop court, mais ça on savait
Limbo n'a pas pris une ride. Au contraire, la finesse de son gameplay, l'intelligence de ses puzzles, le génie de son ambiance sonore minimaliste et bien sûr son esthétique qui laisse une place énorme à l'imagination… tout est parfaitement maîtrisé. Et grâce au recul offert par cette sortie tardive, on se rend encore plus compte de la puissance du titre. Que l'on connaisse ou pas Limbo, le charme opère donc dès la première seconde pour nous embarquer dans une éprouvante succession de pièges certes vicieux, mais tellement gratifiants.