Vous êtes-vous déjà demandé comment faire pour devenir un véritable aventurier ? Vous aurez beau harceler votre conseiller d'orientation, il ne vous dégotera jamais un CAP baroudeur avec option survie en milieu dangereux. C'est plutôt un job qu'on découvre sur le tas. Ne vous attendez pas à une partie de plaisir, c'est le genre d'apprentissages qui se paye en sang et en larmes. Demandez donc à Lara Croft de quelle manière elle a obtenu ses galons et comment elle est devenue une héroïne mythique. La licence Tomb Raider s'offre justement un reboot qui nous donne l'occasion de découvrir ses débuts. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle en a vraiment bavé...
La licence Tomb Raider n'en est pas à son premier reboot mais les équipes de Crystal Dynamics ont mis cette fois-ci les petits plats dans les grands pour nous faire vivre les premiers pas de Lara Croft en tant qu'aventurière des temps modernes. Ce nouveau départ nous permet donc de découvrir une Lara plus jeune, plus humaine mais aussi moins expérimentée qu'à l'accoutumée. Bref, ce Tomb Raider ambitionne tout simplement de réécrire l'histoire, de poser les jalons d'une nouvelle légende. Les fans purs et durs de la série poussent déjà des cris d'orfraie en imaginant que leur icône a été maltraitée ? Il faut leur donner raison au moins sur un point : la petite Lara va souffrir le martyre tout au long de cette aventure ! On pourrait aussi leur répondre que ce nouvel opus constitue bel et bien une petite révolution en matière de gameplay mais que le joueur n'en sort pas perdant. La licence prend ici un tournant plus spectaculaire sans pour autant trahir l'ADN de la série. Vous êtes encore sceptique ? Ces quelques lignes devraient vous convaincre que ce nouveau Tomb Raider est pourtant un vrai petit chef-d'œuvre.
Aventurière, une profession à risque
Le tout débute avec un pitch assez classique. Lara fait partie d'une expédition qui sillonne l'Océan Pacifique à l'Est du Japon dans l'espoir de retrouver des vestiges cachés du royaume de Yamatai. Les choses se corsent lorsque son bateau est pris dans une tempête et qu'il s'échoue avec pertes et fracas sur une île mystérieuse. Cette dernière n'est malheureusement pas déserte, elle est peuplée par les Solarii, une bande de dangereux illuminés vouant un culte à l'ancienne reine Himiko. Histoire de vous donner un avant-goût de ce qui vous attend, sachez que Lara commence l'aventure ligotée et pendue par les pieds au fin fond d'une caverne remplie de cadavres et servant visiblement à perpétrer des sacrifices humains... On l'a connue en meilleure posture et pourtant ce n'est que le début. Il faut être honnête, le scénario est un peu léger en ce qui concerne les compagnons d'infortune de Lara dont les comportements sont souvent assez étranges. Mais il se rattrape sans problème en nous offrant un récit incroyablement prenant de l'initiation de la jeune aventurière. Votre petit cœur risque de s'emballer en découvrant tous les malheurs qui attendent notre héroïne : la pauvre souffre et on entre immédiatement en empathie avec elle. Sa lutte pour la survie vous prend aux tripes et, naturellement, lorsqu'elle s'endurcit à force d'enchaîner les expériences traumatisantes, vous avez vraiment l'impression de l'accompagner sur ce chemin qui fera d'elle une héroïne hors du commun. Le tout est porté par une bande originale grandiose qui colle toujours parfaitement à la situation. En un mot, ce Tomb Raider réussit son pari en jouant à merveille avec nos émotions.
On en arrive au premier paradoxe de ce Tomb Raider : l'aventure met en avant un aspect survie alors que le gameplay est plus que jamais axé sur l'action. C'est donc plutôt par l'ambiance et par certains éléments de la mise en scène qu'on nous fait ressentir la fragilité et la détresse de la jeune Lara au début de l'aventure... On vous rassure, cette dernière ne tarde pas à faire preuve d'une force insoupçonnée en dégommant des hordes d'ennemis avec une férocité sans pareil. On pourra toujours dénicher quelques éléments de gameplay pour nous rappeler cet aspect survie : votre progression est ainsi rythmée par vos haltes à des feux de camp histoire d'alterner entre des passages où la tension est forte et des moments où vous pouvez souffler sereinement. On retrouve aussi la possibilité de chasser histoire de vous mettre dans le bain, mais cette dernière fonctionnalité n'a finalement d'intérêt que pour les joueurs avides d'expérience et se vide très rapidement de son aspect anxiogène. N'allez donc pas chercher du côté des mécaniques de jeu, le stress et l'impression de danger viennent vraiment plutôt des mises en situation. Là pour le coup, vous vous retrouverez souvent le souffle coupé, comme aspiré dans une aventure qui joue avec vos émotions sur une bonne douzaine d'heures sans jamais vous lasser. Les équipes de Crystal Dynamics ont d'ailleurs multiplié les références et les amateurs de cinéma horrifique seront ravis de retrouver par exemple un beau clin d'œil à l'une des plus fameuses scènes du film The Descent...
Pris dans le feu de l'action
Il faudrait tout de même être armé d'une sacrée mauvaise foi pour ne pas reconnaître que ce reboot marque un changement radical de gameplay avec ses prédécesseurs. Certes, on retrouve bien les trois éléments fondamentaux de la série, à savoir de l'action, de l'exploration et des énigmes, mais ces ingrédients ne sont pas accommodés dans les mêmes proportions qu'à l'accoutumée. Comprenez par là que l'action prend ici une place prépondérante et qu'elle est mise en scène de manière proprement spectaculaire pour nous en mettre plein les yeux. On a donc droit à notre lot de QTE sans que ces dernières ne deviennent véritablement envahissantes. Les plans de caméra suivent aussi la danse histoire de nous scotcher littéralement à notre écran en nous faisant profiter de panoramas sublimes. Le résultat fait forcément penser à ce que l'on a pu voir dans la série des Uncharted. C'est un juste retour à l'envoyeur puisque les aventures de ce cher Nathan Drake puisaient déjà en partie leur inspiration dans celles de la belle Lara. Avouez aussi qu'il y a des références plus honteuses : les équipes de Crystal Dynamics ont vraiment su s'inspirer du meilleur du travail de Naughty Dog en nous proposant un rendu visuel à tomber par terre accompagné d'une mise en scène époustouflante.
Ce Tomb Raider mène en effet un train d'enfer et sa cadence haletante ne devrait pas vous laisser indifférent. Un effort appuyé a ainsi été fait concernant le rythme et l'intensité des gunfights. Si ces derniers ne constituaient pas l'un des points forts des derniers épisodes en date de la série, les développeurs ont cette fois-ci redressé la barre. Le résultat est là : les affrontements sont nerveux et la difficulté croissante de l'aventure risque même de vous réserver quelques surprises en termes de challenge. Ici il ne faut pas se reposer tranquillement sur ses lauriers, le système de couverture automatique par exemple est bien efficace, mais vos ennemis prendront un grand plaisir à vous envoyer des cocktails Molotov pour vous déloger ou se contenteront de mettre en pièces votre petit abris. Tout au long de l'aventure, Lara ne pourra compter que sur un piolet pour le corps-à-corps et sur quatre armes à distance : un fusil à pompe, un pistolet, un fusil d'assaut et un arc. Ce dernier est à la mode dans le jeu vidéo ces derniers temps, il prend là une importance toute particulière. Il vous permettra de sniper en toute discrétion vos ennemis pour une approche un peu plus furtive, mais il constituera aussi un élément central de votre progression.
Une prime à l'exploration
Vous aurez l'occasion de faire évoluer votre matériel progressivement dans le jeu. Certaines de ces évolutions sont directement liées au scénario et vous permettront d'acquérir de nouvelles aptitudes. Une fois renforcé, votre piolet vous donnera par exemple la possibilité de découvrir les joies de l'escalade tandis que votre arc combiné avec une corde vous servira à installer des tyroliennes ou vous tiendra lieu de grappin. Toute votre exploration de l'île sera bien entendu conditionnée par ce système d'améliorations progressives. On retrouve finalement un schéma qui fait vraiment penser à l'organisation d'un Metroid : un monde semi-ouvert dont la découverte progressive est conditionnée par l'acquisition progressive de nouvelles capacités. L'évolution prend aussi un aspect moins dirigiste dans Tomb Raider. Le jeu possède en effet un système d'expérience qui vous donnera accès à des points à répartir dans trois arbres de compétences. Ne vous creusez pas trop la tête, au final vous pourrez débloquer plus ou moins tous ces atouts. Ce sera certainement un peu plus tendu si jamais vous comptez améliorer totalement vos armes. Il vous faudra alors non seulement récupérer des matériaux de base en fouillant les environnements et vos ennemis, mais aussi mettre la main sur des parties de l'arme que vous comptez modifier et ces dernières sont parfois bien planquées.
Vous l'aurez compris, il y a différentes façons d'aborder ce Tomb Raider, le joueur pressé pourra faire l'impasse sur l'exploration tandis qu'elle restera une facette primordiale de l'aventure pour ceux qui sont un peu plus méticuleux. Même celui qui compte tracer au pas de course pourra s'arrêter deux minutes devant l'un des superbes panoramas et admirer de loin le chemin qu'il a parcouru ou les zones dans lesquelles il s'apprête à se rendre. Vous pourrez aussi librement revenir sur vos pas et c'est d'ailleurs l'une des nombreuses fonctions des feux de camp. Une halte à ces derniers permet d'améliorer son équipement et ses compétences, mais aussi de réaliser des voyages rapides d'une zone à l'autre. Profitez bien des quelques temps de chargement qui vous seront alors offerts, ce seront les seuls tout au long de l'aventure... Cette liberté d'explorer les zones déjà visitées est assez intéressante : vous pourrez de nouveau profiter de décors spectaculaires sous une autre lumière, et une foule d'objectifs secondaires vous tendent les bras. A condition de bien fouiller, on trouve ainsi des balises GPS, des reliques diverses et variées, des journaux écrits qui apportent une véritable profondeur au background de l'île et de ses habitants, des petits challenges et même sept tombes totalement optionnelles. Ces dernières vous proposeront toujours une petite énigme plutôt sympathique. Pas de quoi se fouler les neurones mais les différents puzzles du jeu risquent tout de même de mettre à mal votre sens logique. Ces derniers sont généralement basés sur la maîtrise des différents éléments et s'appuient sur le moteur physique du jeu. Bref, le tout est toujours logique, encore faut-il comprendre le mécanisme à l'œuvre. En dernier recours, vous pourrez toujours faire appel à l'instinct de survie de Lara qui met automatiquement en surbrillance les éléments du décor avec lesquels vous pouvez interagir. Notez que cette aide permet aussi d'identifier plus facilement les ennemis et que cela pourra vous sauver les fesses dans quelques fusillades.
Un multijoueur en bonus
Si l'aventure solo se suffit largement à elle-même, on ne peut tout de même pas boucler ce tour d'horizon sans évoquer l'arrivée du multijoueur dans le petit univers de Lara Croft. La belle aventurière avance prudemment dans le domaine et on devra se contenter de quatre modes qui nous permettront de découvrir cinq maps différentes dans des parties qui ne rassemblent pas plus de huit joueurs. Les amoureux de la série brandissent déjà le poing en criant à la trahison ? Ils peuvent se calmer, l'intérêt de ce multijoueur est justement de prolonger agréablement le background du solo. On y incarne tantôt les survivants qui accompagnent Lara, tantôt les Solarii qui essaient de leur faire la peau. Si le Team deathmatch et le Free for all sont relativement classiques, le mode Rescue revisite de manière assez sympathique le Capture the flag, tandis que le Cry for help est un King of the hill un peu plus musclé qu'à l'accoutumée. La sauce prend aussi grâce à des maps bien conçues : elles sont loin d'être immenses, en revanche elles exploitent bien la verticalité et sont littéralement truffées de pièges qui vous permettront d'immobiliser ou de tuer vos adversaires. On est donc plutôt agréablement surpris par la qualité de ce multijoueur : certes il ne brille pas par une originalité radicale, il présente des graphismes moins fins que le solo, mais il propose des parties fun et c'est finalement le plus important. Il s'agit donc d'un bonus agréable qui vient sertir le bijou que constitue cette superbe aventure solo, au même titre que la bande originale épique qui l'accompagne ou du design assuré qui confère à cet univers son cachet. Il suffit de prendre un peu de recul pour constater que nous avons là un jeu tout simplement incontournable.
Points forts
- Une aventure qui vous prend aux tripes
- Un design maîtrisé
- Une mise en scène époustouflante
- Des gunfights bien nerveux
- Une exploration vraiment valorisante
Points faibles
- Des énigmes qui auraient pu être un peu plus tordues
- Des personnages secondaires qu'on oublie un peu trop vite
- Les QTE au clavier...
Ce nouveau Tomb Raider marque bel et bien un tournant dans la série. Les nostalgiques risquent de se sentir un peu bousculés par les déboires de la jeune Lara, mais ils ne tarderont pas à se laisser happer par une aventure riche en émotions. La recette n'est finalement pas très originale, on y retrouve notamment une pincée d'Uncharted pour la mise en scène spectaculaire et une bonne louche de Metroid pour ce qui est de la progression. Le plus important, c'est que le résultat soit là : Tomb Raider est un jeu qu'on vit intensément et dont on ne décroche pas une minute. Techniquement impeccable, le titre vous laissera bouche bée devant ses décors étourdissants et ses animations criantes de vérité. Seule petite ombre au tableau, la queue de cheval de Lara se comporte parfois de manière étrange dans le vent... Et encore, vous pourrez profiter d'une modélisation bien plus souple de ses cheveux si jamais vous disposez d'une carte graphique compatible TressFX ! Bref, on a beau essayer de jouer les blasés, on finit forcément par tomber sous le charme de ce Tomb Raider.