Imaginé par Warren Spector, le papa de Deus Ex, Epic Mickey était sorti il y a deux ans en exclusivité sur Wii et, en dépit de quelques lacunes de gameplay, il nous avait laissé une très bonne impression. Après deux ans de gestation, la suite est enfin prête et cette fois pas de jaloux puisque le titre se décline sur toutes les consoles du moment, avec un épisode spécial pour la 3DS et une version Wii U à venir au printemps 2013.
Nous voilà donc de retour dans le monde de la désolation en compagnie des personnages de fiction créés par Walt Disney et Ub Iwerks il y a maintenant huit décennies. Pour ceux qui seraient passés à côté du premier opus et qui s'attendraient à pénétrer dans un monde coloré et enfantin, il peut être bon de rappeler qu'il s'agit avant tout d'un univers sombre qui pourrait presque ressembler à la déclinaison d'un Disney à la sauce American McGee's, sans le côté gore bien évidemment, mais avec tout de même cette intention de rappeler que tous les toons ne sont pas forcément mignons. Le monde de la désolation est ainsi composé de toutes sortes de choses qui n'ont a priori rien à faire ensemble, et que l'on peut altérer à tout moment grâce au pinceau magique. Les protagonistes des cartoons de Disney y côtoient ainsi des créatures sordides pas franchement sympathiques et le savant fou entre en scène dès le début du jeu pour se repentir... mais a-t-il autant changé qu'il le prétend ?
A l'instar du premier volet, ce nouvel Epic Mickey est littéralement truffé de références aux dessins animés des studios Disney, non seulement à travers les décors, tous inspirés des films ou d'attractions bien connues, mais aussi via la présence des nombreux citoyens de ce monde en perdition qui comptent sur vous pour rendre à cet univers ses couleurs d'origine. La bonne nouvelle, c'est que Mickey ne sera pas seul cette fois-ci pour mener à bien cette tâche puisqu'il pourra compter sur le soutien actif de son nouvel ami Oswald, le lapin chanceux, qui était déjà au coeur de l'intrigue du premier opus mais qui devient jouable pour la première fois dans cet épisode. Les deux compères évolueront d'ailleurs toujours de concert, même en solo où la console se chargera de faire évoluer Oswald pour aider Mickey à progresser dans le jeu. Bien entendu, un second joueur pourra rejoindre la partie à tout moment pour prendre le relais en écran splitté. C'est d'ailleurs le seul moyen de prendre le contrôle d'Oswald qui dispose d'une panoplie de mouvements complémentaire à celle de Mickey. Et force est de reconnaître que le fait de pouvoir parcourir l'aventure en coopération constitue un plus non négligeable dont il serait dommage de se priver.
Le lapin chanceux peut notamment reprogrammer les toons mécaniques à l'aide de sa télécommande pour s'en faire des alliés, ou bien les étourdir en les électrocutant, tout comme Mickey a le choix entre les diluer totalement ou les rallier à lui avec son pinceau. Cela peut influer sur certains éléments de l'histoire, plus encore que dans le premier volet où il était déjà possible de choisir plusieurs manières bien différentes de venir à bout de certains boss. Mais cela fait aussi intervenir des mécanismes un peu plus complexes qu'auparavant, par exemple lorsqu'on doit dissoudre une plate-forme pour la changer de position avant de la repeindre une fois replacée correctement. On est d'ailleurs davantage confronté à des choix, notamment lorsqu'il faut choisir quel bonus récupérer sachant que l'un des deux disparaîtra définitivement quand on matérialisera l'autre avec le pinceau, et inversement. D'une manière générale, il n'est certes pas possible de tout tester en une seule partie, mais il faut garder à l'esprit qu'il n'y a jamais une bonne et une mauvaise solution. Au contraire, le jeu met un point d'honneur à proposer toujours plusieurs manières de résoudre un seul et même problème, ce qui offre au joueur une véritable liberté d'action et de décision. Notez qu'Oswald peut aussi neutraliser les pièges électriques, utiliser ses oreilles comme un hélico et lancer ses jambes comme des boomerangs, ce qui renvoie aux nombreuses situations où Oswald joue avec son corps dans les cartoons qui lui sont dédiés.
Un autre aspect sur lequel l'équipe de développement a souhaité mettre l'accent concerne l'atmosphère musicale du soft. Warren Spector a demandé au compositeur du jeu de mettre les bouchées doubles pour que la bande-son soit réellement à la hauteur des attentes des fans de Mickey. Jim Dooley et son équipe ont donc décidé d'intégrer des chansons pour que les personnages aient une vraie identité vocale, ce qui confère au titre une dimension comédie musicale qui n'était pas du tout présente dans le premier jeu. Dès le début de l'aventure, le savant fou nous surprend en poussant la chansonnette, et le résultat est d'autant plus bluffant que la version française est franchement impeccable, autant sur le plan des doublages que dans l'interprétation des morceaux chantés. Sur le plan narratif, Warren Spector a fait appel à Marvin Wolfman, expert en comics et fan des premiers cartoons de Mickey, pour développer le scénario du jeu et les dialogues des protagonistes. Ces derniers sont à présent doublés, ce qui donne l'occasion à Oswald de s'exprimer pour la première fois de son existence.
Beaucoup plus inspirés que dans le premier volet, les décors se laissent découvrir avec d'autant plus de bonheur que le jeu a été débarrassé de ses énormes problèmes de caméra. S'il reste bien parfois quelques soucis à ce niveau-là, ce n'est rien en comparaison du premier Epic Mickey dont la progression était complètement gâchée par les réajustements incessants qu'il fallait faire pour progresser dans les niveaux. On apprécie également la manière dont les zones s'enchaînent plus rapidement, suffisamment vite en tout cas pour ne pas nous donner le sentiment de passer beaucoup trop de temps dans chaque lieu, à moins de rester bloqué par une énigme. Car la progression sollicite plus que jamais notre esprit logique à travers une multitude de situations requérant un zeste de réflexion dans la manière d'utiliser les pouvoirs en notre possession. Les environnements sont entièrement malléables et se déforment à chaque fois que l'on fait disparaître ou apparaître différents éléments du décor à l'aide du pinceau magique. A cela s'ajoute le recours aux objets spéciaux, comme les montres qui ralentissent le temps ou les téléviseurs qui distraient les ennemis, et qui ne sont plus en nombre limité dans cet opus. L'occasion nous est aussi parfois donnée de nous enduire d'encre d'invisibilité pour échapper au regard de nos adversaires, ou d'encre dorée indélébile pour résister à toutes les attaques et passer à travers la « trempette ».
Plutôt ambitieux en termes de contenu, le soft renferme un réel challenge pour qui souhaite le défricher en intégralité. Les quêtes annexes y sont légion et tout est prétexte à nous faire quitter la route principale pour accepter les requêtes des toons ou partir dénicher des items cachés à travers les niveaux. S'y ajoute même une pléthore de défis optionnels qui, comme tout le reste, vaudront aux plus courageux d'amasser des récompenses pour personnaliser ses héros à l'aide de costumes ou pour débloquer du contenu bonus fort sympathique. On retrouve bien évidemment les fameux parcours de plates-formes en scrolling horizontal, déjà présents dans Epic Mickey, qui sont accessibles en sautant dans les projecteurs et qui relient toutes les zones entre elles en ajoutant un cachet nostalgique très appréciable. Toujours inspirés d'un cartoon en particulier, ils renferment davantage de secrets et se doivent, si possible, d'être parcourus en coopération pour qui souhaite récupérer les bobines cachées dans l'arrière-plan où se balade le lapin chanceux. Car si l'IA de la console qui contrôle Oswald se montre plutôt réactive en solo, malgré quelques couacs de temps à autres, elle n'ira pas jusqu'à récupérer pour vous les items cachés dans les niveaux de transition. Plus travaillé et plus plaisant à parcourir que son aîné, ce nouvel Epic Mickey n'en reprend pas moins les grandes lignes et, si la formule ne change pas radicalement, elle s'en trouve suffisamment améliorée pour nous inciter à tenter l'expérience, aussi bien en solo qu'en coop.
- Graphismes16/20
Cette suite profite efficacement de son passage sur les consoles HD pour servir une direction artistique toujours très inspirée. Même si le monde est censé être le même, on ne ressent aucune impression de déjà-vu et les environnements renvoient tous à des dessins animés Disney, qu'ils soient anciens ou récents.
- Jouabilité16/20
L'équipe a réussi à corriger la grande majorité des problèmes de caméra qui gâchaient la progression dans le premier Epic Mickey, et celle-ci ne se montre récalcitrante qu'en de rares occasions. L'alternance peinture/dissolvant est plus que jamais au cœur du gameplay et le joueur a presque toujours le choix dans la manière de résoudre les différents objectifs. Le coop avec Oswald est un autre atout de cet épisode.
- Durée de vie16/20
Plutôt ambitieux en termes de contenu, le titre renferme un réel challenge pour qui souhaite le défricher en intégralité. Les quêtes annexes et les défis optionnels y sont légion et le fait d'être constamment amené à faire des choix donne envie de recommencer l'aventure en adoptant une approche différente.
- Bande son17/20
Le travail fourni sur l'aspect sonore du jeu est impressionnant. Le doublage français est impeccable et le jeu comporte désormais des chansons qui confèrent aux cinématiques une dimension comédie musicale inédite tout à fait dans l'esprit Disney.
- Scénario15/20
On se retrouve encore une fois parachuté dans un univers où la moindre rencontre avec un NPC est prétexte à partir dans toutes les directions, ce qui fait qu'on perd facilement de vue la trame principale. Mais qu'importe, du moment que les références aux cartoons ne sont pas oubliées, c'est bien là l'essentiel.
Sans remettre en question les bases établies dans le premier volet, ce nouvel Epic Mickey réussit à corriger les défauts de son prédécesseur tout en poussant le concept encore plus loin. En plus de fourmiller de quêtes optionnelles, le titre met un point d'honneur à faire en sorte que chaque situation puisse être résolue de manières diverses, en laissant toute liberté de décision au joueur. L'intégration des chansons est un plus indéniable en termes d'ambiance, tout comme la possibilité d'évoluer en compagnie d'Oswald et donc de jouer à deux en coopération.