Fort du succès de son excellent Shogun 2, The Creative Assembly poursuit son voyage à travers l'histoire du Japon et nous livre un bien joli stand-alone. Comme son titre le sous-entend, la Fin des Samouraïs invite les joueurs à prendre part à la guerre de Boshin qui opposa les forces impériales aux troupes du gouvernement shogunal d'Edo au XIXème siècle. Le tout s'inscrit donc dans un contexte de grandes mutations liées à l'ouverture du pays aux puissances occidentales. Déchiré par sa soif de modernité et son respect scrupuleux des traditions, le Japon de l'époque représente ainsi un excellent moyen de chambouler un peu le gameplay de la série pour le plus grand plaisir des fans comme des néophytes.
Depuis longtemps passés maîtres dans l'art de transposer la guerre en jeux vidéo tout en collant au plus près de la réalité historique, les petits gars de The Creative Assembly délaissent le XVIème siècle du jeu de base pour nous emmener en 1864 avec l'extension indépendante " La Fin des Samouraïs ". L'intérêt, c'est qu'il s'agit d'une période charnière pour le pays et qu'en tant que telle, elle permet de faire se côtoyer une large sélection d'unités et de technologies inédites dans Shogun tout en saupoudrant l'ensemble de considérations politiques bien particulières. En effet, après des années passées en autarcie, le Japon s'est petit à petit tourné vers l'extérieur au cours de cette période. Une opération qui comme vous le savez ne s'est pas faite sans heurts. Une violente guerre civile mettant aux prises les partisans de l'Empereur à ceux du Shogun a éclaté, provoquant la mort de plusieurs milliers d'hommes. L'objet du conflit se trouvait dans le désaccord fondamental qui opposait les deux camps au sujet de la manière de gérer l'implication de l'Occident dans le développement du Japon. Et comme toujours avec la saga Total War, le contexte dans lequel se déroule chaque épisode conditionne son contenu.
Evidemment, les principales mécaniques de jeu de ce stand-alone restent similaires à celles qui régissent le déroulement des parties du jeu de base. On retrouve les déplacements au tour par tour sur une carte globale du Japon, les batailles réclamant un sens tactique aigu, la gestion des provinces, la construction de bâtiments ou encore le recrutement d'unités. Inutile de revenir sur tout cela, puisque tout est décrit dans le test initial. Cependant, cette extension amène tout de même pas mal de petites nouveautés qu'il convient d'analyser. On commence bien entendu par la campagne qui permet cette fois de choisir entre dix clans différents : Satsuma, Saga, Tosa, Choshu, Obama, Tsu, Nagaoka, Jozai, Aizu et Sendai. Chacun d'entre eux possède sa propre sensibilité politique, sa propre zone de départ et ses propres ressources. Certains agissent pour le retour d'un Empereur fort, d'autres pour le compte du Shogun en place. La carte globale elle-même a été retravaillée en conséquence, avec un nouveau découpage des provinces, des montagnes plus visibles et une nouvelle île située au nord de l'Archipel. Répondant au doux nom d'Ezo, la bougresse est en fait l'ancêtre de l'actuel Hokkaido. La politique est également modifiée largement et vous devrez tenter de maîtriser le degré d'ouverture à l'Occident de votre clan, au risque de voir la population ronchonner contre un accès trop grand des gaijins à leur beau pays. Se reposer sur le commerce avec les Britanniques, les Français ou les Américains pourra aussi bien vous avantager grandement que vous péter à la tronche. Là encore, The Creative Assembly a su saisir les enjeux de l'époque et nous les coller dans les pattes sous forme d'événements plus ou moins prévisibles.
Outre une zone de guerre étendue et ce contexte particulier, une autre différence notable dans le gameplay tient au fait qu'une saison se termine désormais en six tours au lieu d'un. Un choix destiné à refléter la plus grande mobilité des armées de l'époque mais aussi la période relativement brève sur laquelle s'est déroulé le conflit. En termes de stratégie, on se retrouve donc avec des hivers plus longs qui auront un effet encore plus meurtrier sur les armées stationnées loin d'une ville alliée. Ainsi, il est plus que jamais nécessaire de bien calculer son coup pour ne pas se retrouver avec des pans entiers de vos unités décimés par le gel. En outre, l'ouverture du Japon vers l'extérieur va par ailleurs obliger les fans à composer avec de nouvelles données. A mesure que l'industrialisation du Japon progresse, les possibilités offertes par les avancées technologiques se montrent réellement intéressantes. Si l'on choisit de développer la branche économique du nouvel arbre technologique, on pourra très vite construire de très nombreux nouveaux bâtiments et notamment des gares. On pourra ainsi mettre en place un réseau ferroviaire afin de faire circuler nos troupes à travers nos principales provinces situées aux quatre coins de la carte ! C'est une première pour la série, une première qui permet de transporter rapidement des troupes fraîches au front et donc de rendre le jeu bien plus rapide. L'élaboration de tactiques basées sur un ravitaillement rapide en hommes se retrouve donc au cœur du soft.
Sur la carte tactique, vous pourrez également profiter des services de nouveaux types d'agents, en plus des traditionnelles geishas et autres fauteurs de troubles. On découvre ainsi l'Ishen Ishi et le Shinsengumi, respectivement au service des impériaux et du Shogun. Dans les deux cas, il s'agit de spécialistes de la propagande et de l'espionnage qui peuvent également s'adonner à l'art subtil du meurtre de personnalités. Comme vous vous en doutez, les deux unités ont le pouvoir de convaincre leurs ennemis de rallier la cause qu'ils soutiennent. Le pourcentage de chances de réussite est souvent très faible au début mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Il existe aussi un troisième agent inédit, le vétéran étranger. Il représente les troupes américaines, britanniques et françaises venues au Japon superviser, entraîner et armer les deux camps. Ce militaire est généralement apolitique et ses actes sont uniquement guidés par l'argent. Une fois en garnison dans une province, celui-ci permet notamment de réduire le coût de recrutement de diverses unités. Il peut aussi causer des baisses de moral chez l'ennemi et donc des désertions si vous le lui demandez. Ces trois nouveaux agents possèdent bien évidemment leurs propres niveaux, bonus et compétences.
Du point de vue militaire (qui correspond donc à la deuxième branche du nouvel arbre technologique), on pourra avoir accès à des unités redoutables équipées notamment d'armes à feu et de jolies pièces d'artillerie. Des pauvres petits canons en bois du début, on passera rapidement aux pièces mobiles notamment utilisées par les troupes américaines lors de la guerre de Sécession. On pourra même recourir à la gatling. Cette mitrailleuse ultra efficace peut aussi être utilisée dans les phases de siège pour se défendre. A ce titre, on note d'ailleurs qu'il est désormais possible de prendre directement le contrôle de ces armes lourdes, en vue à la troisième personne, pour dégommer soi-même les troupes ennemies à l'aide d'un viseur pas beau. L'option est franchement étrange dans un Total War et n'apporte rien de véritablement remarquable au gameplay. Plus intéressant est le fait que dans ce stand-alone, l'essentiel de vos troupes pourra maintenant être composé de fantassins équipés de mousquets, de pistolets voire de carabines, prêts à mourir en rangs d'oignons comme à la grande époque des guerres européennes. Au total, ce sont plus de 40 nouvelles unités qui sont introduites, et on pourra ainsi observer de glorieux samouraïs évoluer aux côtés de troupes en uniforme et dotés de pétoires sur le même champ de bataille. Tout cela change bien entendu la physionomie des affrontements sur le terrain, qui se rapprochent de fait de ce qu'on avait pu voir dans Napoléon : Total War. Mais le mélange de troupes traditionnelles spécialisées dans le corps-à-corps et de celles dotées d'équipement dernier cri confère au titre une ambiance vraiment unique. En outre, les généraux les plus doués pourront sans aucun doute exploiter chaque unité au mieux de ses capacités, en évitant par exemple de balancer des lanciers se faire atomiser en rase campagne mais en les plaçant en embuscade dans les bois.
L'autre bonne surprise de La Fin des Samouraïs, c'est l'importance accrue des navires de guerre. Il faut avouer qu'après être passé par Empire : Total War, la partie navale de Shogun 2 n'était pas franchement affriolante, avec des navires plutôt lents et des équipages se contentant de s'échanger des volées de flèches. Maintenant équipés de jolis moteurs à vapeur et de gros canons, les bâtiments peuvent désormais bombarder à la volée des ports, des installations, des villes ou des armées situées à proximité de la mer ou de l'océan. Mieux, le joueur peut demander le soutien de ses navires directement sur le champ de bataille lorsqu'il combat près des côtes. Leurs tirs viendront alors directement éventrer les troupes ennemies. Une technique particulièrement efficace, peut-être même trop. Car si les tirs d'artillerie en provenance de la marine sont limités à deux par bataille et ne peuvent être utilisés qu'à l'issue d'un cooldown, leur puissance et leur précision s'avèrent bien trop redoutables, au point de pulvériser plusieurs bataillons d'un coup et de vous octroyer la victoire... Et imaginez ce que cela peut donner lors d'un siège. L'IA ne semble en plus pas capable de se servir correctement de ce dispositif et ne parvient que très rarement à s'esquiver malgré la présence d'une flèche enflammée sur le champ de bataille censée indiquer l'imminence du tir.
Malgré ce petit cafouillage, Shogun 2 : La Fin des Samouraïs reste un stand-alone de grande qualité, à recommander aussi bien aux fans du jeu de base qu'aux nouveaux venus. Car si le soft conserve la plupart des caractéristiques du Shogun 2 d'origine, le contexte si particulier de la guerre de Boshin a permis à The Creative Assembly d'introduire une tripotée de nouvelles unités qui elles, se chargent de changer radicalement le gameplay. Le résultat est plus profond, plus rapide, et plus accrocheur que jamais ! Puis avouez qu'un jeu qui réussit à faire plus fort que tous les cours d'histoire réunis tout en parvenant à être carrément jouissif à parcourir, eh bien ça ne se refuse pas !
- Graphismes17/20
Même si The Creative Assembly se vante d'avoir largement amélioré la partie graphique de son bébé, force est de constater que le résultat n'est pas flagrant. Le jeu est donc superbe mais ressemble comme deux gouttes d'eau au Shogun 2 initial. A ce titre, ne tenez d'ailleurs pas forcément compte des images qui illustrent ce test. Pour le reste, on apprécie le soin apporté à tous les aspects du jeu, aussi bien dans les phases au tour par tour que sur le champ de bataille. La modélisation et la reproduction scrupuleuse des uniformes et des armes d'époque forcent le respect, tandis que les animations des combattants nous plongent directement en plein cœur de l'action.
- Jouabilité17/20
Si La Fin des Samouraïs repose dans une large mesure sur les mécaniques de base de Shogun 2, les 40 unités supplémentaires dotées d'un armement moderne, l'adjonction des chemins de fer et la gestion intelligente mais point trop envahissante de la diplomatie avec les puissances étrangères font du titre un modèle du genre. Plus profond que jamais, le jeu excelle dans tous les domaines. Seules la puissance démesurée des tirs de soutien de la marine et l'étrange possibilité de dégommer soi-même les forces ennemies à la gatling nous font émettre quelques réserves. Mais rassurez-vous, dans l'ensemble, le soft ravira autant les fans que les néophytes.
- Durée de vie17/20
Allez hop, on nous ressort une campagne palpitante, de longue haleine, à jouer et à rejouer avec l'un des 10 clans disponibles. Pour ne rien gâcher, on profite d'une sélection de 6 batailles historiques et d'un multijoueur qui maintiendra de nombreux joueurs rivés à leur écran.
- Bande son16/20
Dans ce domaine, on profite d'une prestation équivalente à celle qu'offrait déjà le jeu d'origine. On comptera donc sur des thèmes japonais traditionnels, avec tambours et des voix graves, mais aussi sur des morceaux bien plus légers aux tonalités orientales. Là encore, l'ensemble ne plaira pas à tout le monde même si pour le coup, on voit mal comment être mieux plongé dans l'ambiance. Du côté des bruitages, on retrouve à peu près ce qui se faisant dans Shogun 2, pour un résultat de grande qualité.
- Scénario18/20
A l'instar des autres jeux de la série, La Fin des Samouraïs ne propose pas de scénario à proprement parler mais fait tout son possible pour créer une ambiance et nous plonger dans un contexte bien spécifique. Dans ce cas précis, il est question d'une brillante retranscription de l'ouverture douloureuse du Japon à l'Occident. Et en ce sens, le soft constitue une superbe réussite.
The Creative Assembly continue sur sa lancée et propose une extension de grande qualité qui ravivera sans aucun doute la flamme des fans de Shogun 2. Extrêmement riche, palpitante de bout en bout, La Fin des Samouraïs nous plonge dans un contexte unique et parvient à mettre en lumière les enjeux de l'époque tout en conservant sa dimension éminemment ludique. En somme, vieux de la vieille et nouveaux venus ne seront pas déçus par cette nouvelle entrée dans la mythique série des Total War.