Le succès aussi édifiant qu'inattendu de la franchise Farming Simulator pousse certains éditeurs à réclamer leur part du gâteau. C'est le cas de Tradewest, qui a décidé d'importer et de mettre en boîte toute une palette de simulations du studio slovène Actalogic. On ne sait jamais, des fois qu'il y en ait une qui fasse un carton dans les ventes... Parmi elles, on trouve un certain Bûcheron Simulator 2011, dont le titre évoque à lui seul tout un programme.
Avec sa barbe de trois jours et sa chemise à carreaux ouverte sur un Marcel moulant, le bûcheron est un sex-symbol qui n'a rien perdu de sa virilité en dépit de la mécanisation toujours croissante de la profession. Au-delà de ces clichés, il incarne surtout le premier maillon d'une activité extrêmement complète : abattage, élagage, débardage, sciage et on en passe, sans oublier l'indispensable gestion des ressources sylvicoles. Hélas, contrairement à ce que promet la boîte de Bûcheron Simulator 2011, ce jeu ne vous permet pas de diriger une exploitation forestière, mais se limite à vous mettre aux manettes de quelques engins destinés à la coupe des arbres et à la manutention. Chaque mission consiste en effet à honorer une commande en livrant un nombre donné de troncs ou de rondins. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce ne sera pas une sinécure.
Première étape : la coupe. Vous n'avez aucune sélection à effectuer, puisque les arbres à abattre sont repérables à la croix rouge peinte sur leur tronc. Il vous suffit d'aligner votre coupeur, muni d'une scie circulaire à l'arrière, près de ladite croix pour débuter l'opération. Le problème, c'est que malgré la présence d'un radar censé vous aider à positionner correctement votre véhicule, vous vous y reprendrez à vingt fois avant de trouver le bon angle. Voilà donc un bon arrachage de cheveux en perspective, notamment dans les missions où le terrain est en pente. Une fois l'arbre coupé, il est élagué automatiquement, ce que l'on peut regretter dans un jeu qui se veut une simulation. Il faut ensuite transporter le tronc jusqu'à la scierie, et c'est là que les vrais ennuis commencent. Car vous aurez alors affaire... au REMORQUEUR (à lire avec le thème de Psychose en fond sonore). Vous pensiez que le chemin le plus court pour se rendre d'un point à un autre était la ligne droite ? Cet engin diabolique va vous pousser à repenser les principes élémentaires de la géométrie euclidienne. Constitué de trois sections différentes, il donne l'impression de contrôler un serpent qui ondulerait à contretemps. Mais le pire, c'est qu'il ne peut charger les troncs qu'en marche arrière. On vous laisse imaginer le reste. S'il se trouve parmi vous une personne ayant été contrainte un jour de manœuvrer un véhicule de ce genre, qu'elle n'hésite pas à créer un fonds de charité.
Si par miracle vous parvenez à vous acquitter de cette tâche, vous prenez alors les commandes de la grue servant à poser les troncs sur le tapis roulant de la scierie afin qu'ils y soient débités. Le processus est, là encore, plus ardu qu'il n'y paraît, car vous devez gérer la hauteur et l'inclinaison du bras, ainsi que l'orientation et l'ouverture de la fourche (avec autant de touches à la clé). Mais avec un peu de patience, vous finirez par obtenir de jolis rondins, prêts à être saisis par l'élévateur. Ce dernier les transportera jusqu'à une seconde grue, chargée de les entreposer dans la remorque du camion de transport. Outre la répétitivité inhérente au propos, l'ensemble se révèle terriblement fastidieux. Même avec de l'entraînement, il faut pas loin d'une demi-heure entre la coupe d'un arbre et l'envoi du bois au client – et encore, quand tout se passe bien. Car de nombreux bugs de collision viendront régulièrement vous compliquer la vie : le moteur physique a priori réaliste s'affole vite dès que vous heurtez le moindre obstacle. Votre engin peut ne plus répondre, se retourner comme une tortue ou encore rester suspendu en l'air. Quant aux rondins, ils ont la fâcheuse manie de rouler un peu partout et de venir s'encastrer sous votre véhicule, qui se retrouve alors bloqué. Voilà qui pourrait être relativement drôle si seulement certaines missions ne devaient pas être exécutées en temps limité. Vous êtes alors bon pour relancer la partie ou pour charger une sauvegarde.
Vous l'aurez compris : l'essentiel du jeu consiste à se démener avec la maniabilité et avec la physique. Sans doute conscients du problème, les développeurs ont intégré dans cette version 2011 un nouveau véhicule, l'abatteur, qui est une sorte de "fait-tout" sylvicole : il coupe facilement les arbres, transporte les troncs sans effort particulier et peut même les charger directement dans le camion. Il n'est hélas pas disponible dans toutes les missions et on peut le comprendre, vu qu'il flingue le principe même du jeu. Autres nouveautés : la présence d'un tutorial qui ne vous explique rien, ainsi que l'adjonction d'un mode multijoueur dont on cherche encore l'intérêt. Il permet de coopérer jusqu'à 4 en local ou en ligne, pour mener à bien l'une des 15 missions ou bien dans le cadre d'un mode libre (sans aucun intérêt). Il faudra pour cela trouver des joueurs assez frappés pour tenter l'expérience ; mais après tout, ça peut être source de rigolade, alors pourquoi pas ? Du côté de la réalisation, on note une timide amélioration par rapport à l'édition précédente : les ombres et les lumières sont plus réalistes, le cycle jour/nuit, tout inutile soit-il, est aussi bien retranscrit et les conditions météo influent sur la conduite. Signalons tout de même que nous avons souffert de trop nombreux retours bureau à l'occasion de ce test. Or, une simulation de bûcheron qui ne cesse de planter, c'est quand même un comble, non ?
Les captures qui illustrent cet article proviennent de l'éditeur.
- Graphismes10/20
Sur ce point précis, Bûcheron Simulator 2011 ne s'en sort pas si mal. Les différents engins sont relativement bien modélisés et les environnements profitent d'ombrages, d'effets météo et d'un cycle jour/nuit. Le rendu visuel est donc plutôt honnête pour un jeu budget.
- Jouabilité4/20
Aussi simpliste que fastidieux, le gameplay hautement répétitif souffre d'une maniabilité que l'on peut qualifier d'atroce. En même temps, il faut avouer que parvenir à boucler une mission a quelque chose d'éminemment gratifiant.
- Durée de vie5/20
Quinze missions qui se ressemblent toutes, et un mode multijoueur évidemment désert : voilà de quoi est fait Bûcheron Simulator 2011, dont le gameplay n'évolue jamais. La messe est dite dès les premières minutes de jeu et rien ne donne envie de progresser.
- Bande son7/20
L'illustration sonore est faite d'un mélange de country canadienne et de techno allemande, totalement ininspirées. Franchement, on aurait encore préféré la douce musique des tronçonneuses. Les bruitages sont hélas plutôt sommaires.
- Scénario/
Bûcheron Simulator 2011 vous assomme avec la lourdeur d'un chêne centenaire qui vous tomberait sur la tronche. Ne comptez pas y gérer une exploitation forestière : le gameplay terriblement fastidieux, qui n'évoluera jamais au fil des quinze missions proposées, consiste à manœuvrer quelques engins aussi dociles qu'un cheval de rodéo. Dénué de tout intérêt mais pas suffisamment raté pour être drôle, ce titre ne mérite même pas d'être essayé par curiosité.