1992. Près d'un an et demi avant la sortie de Doom, le studio id-software développe le jeu considéré aujourd'hui comme le père des « first person shooter ». Adapté du contexte de Castle Wolfenstein, créé par Muze Software en 1981, Wolfenstein 3D nous propulse de nouveau au cœur d'un château nazi, avec pour seule mission d'en sortir vivant. La grande différence et que nous vivrons cette fois l'aventure à travers les yeux de son héros. Place au premier shooter en vue subjective !
Wolfenstein nous plonge dans la peau du soldat Blazkowicz, capturé par les nazis et qui doit alors tout mettre en œuvre pour s'échapper d'un gigantesque manoir. L'histoire, découpée en six étapes, reste très concise et sert de prétexte à l'exploration des niveaux du jeu. Le but étant simplement d'aller d'un point à un autre en zigouillant dans la joie et la bonne humeur la horde de soldats nazis qui ne manqueront pas de vous barrer la route. Le scénario nous proposera tout de même l'honneur suprême de mettre fin à la vie du Führer.
Les nazis vidéoludiques imaginés par l'équipe d'id-software ont un goût douteux en matière d'architecture. En effet, si le château que vous arpentez, aux murs bleus ou gris, est décoré de vases, sculptures, il est aussi tapissé de toiles tissées de croix gammées et de portraits à la gloire d'Adolf Hitler. Il y a même des cadavres gisant au sol ou pendus au plafond. Le tout garantit un accueil des plus plaisants pour l'invité de marque que vous êtes. Le château est conçu comme un labyrinthe sans fenêtre ce qui, en plus de causer des crises de claustrophobie, vous poussera à vous égarer régulièrement à la recherche d'une clef pour ouvrir une porte située à l'autre bout de la map. Ce point de détail est propre au genre du FPS de cette époque et bon nombre de jeux suivront cet exemple dans la construction de leurs niveaux (tels que Rise of The Triad ou bien sûr Doom). Dans Wolfenstein 3D, vous n'aurez même pas de carte pour vous repérer.
L'ensemble des mouvements s'effectue via le clavier. Notez que dans ce titre, il est impossible de regarder en l'air ou vers ses pieds et qu'une rotation sur soi demande cinq petites secondes de patience. Autant vous dire que vous devrez redoubler d'anticipation pour venir à bout de vos ennemis et pour ne pas vous faire tuer par une balle logée entre les omoplates. Heureusement, il vous est permis d'utiliser le straff, grâce à une combinaison de touches. Les ennemis sont mus par une IA de type action / réaction basique (je te vois, je t'attaque) et ne s'attachent ni à se mettre à couvert, ni à vous prendre par surprise. Ici, c'est le nombre qui domine et les vagues successives auront souvent raison de vous.
Le bestiaire est fourni. Les soldats nazis qui sont les cibles de base, on trouve aussi des bergers allemands vous sautant à la gorge, des créatures mutantes avec des mitraillettes intégrées dans la poitrine et des fantômes d'Hitler lanceurs de boules de feu. Chacune de ces créatures permet l'obtention d'un capital de points à mettre à votre actif – un aspect arcade tombé en désuétude dans les FPS suivants. L'arsenal à votre disposition est tout aussi bien représenté, chaque arme inflige des dommages différents sur vos ennemis : couteaux, pistolets, mitraillettes et autres gatling vous assureront donc l'ascendant sur le nombre croissant de vos victimes.
Le soldat Blazkowicz sera présent tout du long à vos côtés puisque son effigie apparaît en plein milieu du HUD, en bas de l'écran. Son visage change d'attitude en fonction de ce qu'il se passe dans le jeu. Vous le verrez ainsi réagir s'il tire une salve de balles ou si au contraire il se fait blesser par ses assaillants. Ses expressions reflètent également son état de santé puisque son visage se couvre de blessures sanguinolentes à mesure que sa vie diminue. Un compteur d'énergie plus précis est toutefois disponible juste à côté.
Le jeu se veut donc immersif tout en ne manquant pas d'humour, entre les ennemis grotesques qui hurlent « guten tag !!! » juste avant de vous tirer dessus et les phrases d'accroches qui vous permettent de choisir parmi les niveaux de difficulté disponibles. Pour n'en citer qu'une, le mode le plus facile se nomme « can i play daddy ? » (je peux jouer papa ?). A noter que le choix de la difficulté, justement, change le nombre d'ennemis ainsi que leur capacité à vous infliger des dégâts. Les bonus qui sont légion et autres passages secrets dissimulés derrière les tentures nazies ou derrière un mur, demeurent inchangés.
Pour conclure, si tout joueur qui se respecte se doit de connaître ses classiques, alors il se doit de connaître Wolfsenstein 3D qui est LE classique du FPS. Contrairement à ses aînés, on y retrouve les bases du FPS tel que nous le connaissons de nos jours. Ce jeu a marqué son époque grâce à une atmosphère prenante et à des mécanismes nerveux, le tout emballé dans un contenu cohérent. Le challenge est de taille et il sera bien ardu d'en parcourir les entrailles jusqu'au bout. Notez toutefois que l'ensemble accuse un sérieux coup de vieux pour celui qui n'est ni nostalgique, ni curieux des trésors du passé.
- Graphismes17/20
Du gros pixel tout carré, des ennemis en 2D tout plats et des décors bien kitsch, bref des arguments qui ne vaudraient en rien une note pareille de nos jours. Pourtant, c'est une recette qui a forgé le succès de ce FPS. Pour l'époque, c'est une révolution et nombreux sont ceux qui ont chanté les louanges de ce moteur graphique d'avant-garde.
- Jouabilité19/20
Nerveux mais docile, Wolfenstein 3D invente et innove tout en même temps. C'est pourquoi on lui pardonne allègrement la lourdeur dont fait preuve le personnage et cette irritante propension qu'a le jeu à vouloir nous égarer dans son labyrinthe. Toutefois, alors que de nos jours bien des FPS sont linéaires, celui-ci a tout de même le mérite de nous offrir des niveaux complexes et fournis.
- Durée de vie16/20
L'aventure qui se décompose en 6 parties vous donnera plusieurs dizaines d'heures de plaisir. L'équipe d'id-software nous permet même de rejouer le titre en espérant battre le score de ses amis.
- Bande son12/20
C'est de loin l'aspect du jeu qui a le plus vieilli. Alors que certains jeux faisaient preuve d'un engagement réel du point de vue de la bande son (comme Alone in the dark, sorti la même année) Wolfenstein 3D, outre ses cris en allemand bien fendards nous gratifie d'une bande-son à demi somnolente. La musique parvient tout de même à nous accompagner au fil de l'aventure et nous trotte en tête une fois l'attention extirpée de l'écran.
- Scénario10/20
Le scénario n'est qu'un prétexte à l'exploration des niveaux qui vous séparent de la fin du jeu. Mention spéciale pour l'opportunité d'assassiner le petit moustachu (non, non, pas Mario) scène que l'on ne verra plus sur écran avant Inglorious Basterds, soit tout de même 17 ans plus tard (Wolfenstein 3D est décidément un titre précurseur).
Wolfenstein 3D est un monument classé au patrimoine du jeu-vidéo et lorsqu'on le manipule il convient de le considérer comme tel. L'expérience qu'ont pu en retirer les joueurs il y a une vingtaine d'années a sans aucun doute marqué leur vision vidéoludique à tout jamais. Si le soft bénéficie encore aujourd'hui d'une formidable aura de sympathie auprès de la communauté, ce n'est ni grâce à son rendu vieillot, ni du fait de sa jouabilité rudimentaire. Mais bien parce qu'il est le père fondateur de nos FPS actuels, le pionnier dans l'un des genres les plus populaires du jeu vidéo. Le soft étant disponible sur Steam pour la « modique » somme de 5€, il vous sera aisé de parcourir de nouveau (ou pour la première fois) les couloirs du château de Wolfenstein.