The Legend of Kyrandia : Book One fait partie de ces point'n click du début des années 90 ayant le caractère singulier de ne pas toujours posséder de solution. Comprenez par là qu'à un moment de l'aventure, il est possible de rester indéfiniment bloqué parce que, oh ! bêtement, vous avez jeté un objet vital qu'il vous est impossible de récupérer. Et ne comptez pas sur un patch pour corriger cela : il s'agit d'une facétie de Westwood et non d'une erreur de compilation. Vous êtes prévenu.

Cette petite mise en garde prononcée, passons au cœur du gameplay de The Legend of Kyrandia : Book One et constatons que l'interface proposée est extrêmement claire et intuitive. Il ne s'agit plus, comme dans Indiana Jones ou Secret of Monkey Island, d'interagir avec l'environnement via des verbes d'action, mais de simplement cliquer sur l'écran là où on le souhaite pour déclencher tel ou tel évènement. On pourra évidemment fouiller le décor en cliquant aux endroits suspects, mais, plus subtilement, combiner deux objets entre eux (une pomme et Brandon, par exemple) provoquera l'apparition de nouveaux éléments - potentiellement - nécessaires à l'aventure (un trognon : logique !). Les objets que l'on veut conserver viennent se loger dans l'inventaire très pratique en bas de l'écran. Celui-ci peut contenir dix objets simultanément mais à moins de savoir lesquels sont utiles, vous risquez de manquer de place très rapidement...

En effet, la progression de ce Book One est hélas on ne peut plus hasardeuse. Brandon est complètement perdu, et nous aussi. Tout ce que l'on sait, c'est que l'on doit trouver et vaincre Malcolm. Les seules sources d'aide que l'on trouvera au cours du jeu sont les Mystiques, des sorciers et sorcières aux paroles énigmatiques. Bonjour la communication ! Les énigmes ne sont pas en reste avec une difficulté souvent alarmante. On pense notamment à cette fameuse caverne labyrinthique mal éclairée. La plupart d'entre elles devront d'ailleurs être résolues avec l'Amulette, qui confère à Brandon le don de soigner ses blessures, ou de se rendre invisible, entre autres. Ces pouvoirs, Brandon les découvrira tout au long de l'aventure... en espérant que ce ne soit pas trop tard.

Car à Kyrandia, tout est loin d'être bien dans le meilleur des mondes possibles. Vous constaterez rapidement que The Legend of Kyrandia : Book One ne se lasse pas d'attirer Brandon - c'est-à-dire vous - dans des pièges mortels. Vous errerez peut-être dans des décors enchanteurs, mais c'est la triste vérité : vous allez mourir, mourir, et mourir. Redéfinissant le terme de « hardcore », le jeu se complaît dans l'élaboration de puzzles interminables où le moindre faux pas vous condamne. Même si vous deviez tendre la main pour récolter un rubis, dire bonjour à un crapaud ou manquer de baies de feu, vos chances de survie chuteraient dramatiquement. Vos sauvegardes joueront aussi contre vous, au cas où vous auriez enregistré votre progression juste après avoir jeté un objet qui avait l'air inutile... hé oui ! Mais vous étiez prévenu. The Legend of Kyrandia : Book One vous obligera à sortir un crayon et du papier pour ériger des plans et des schémas, vos seuls alliés dans ce monde improbable. Ah, douce époque où finir un jeu dépendait exclusivement de ses talents de dessinateur...

Frustrant, le jeu l'est aussi dans son design. Si l'île de Kyrandia ne manque pas de cachet - elle est même superbe - on pestera contre les décors qui reviennent constamment, rendant les longs déplacements fastidieux et l'amertume acérée. Quant à Brandon, son charisme est plus digne d'une chaise longue cassée que d'un prince charmant. Les personnages secondaires se montrent cependant bien plus recherchés, et c'est un vrai plaisir que de les découvrir dans les bois de Kyrandia. On appréciera en outre l'excellence des doublages, profitant de la mémoire du CD-ROM bourgeonnant en 1992. Dans un style très « conte de fée », The Legend of Kyrandia : Book One dévoile ainsi un univers original, grave mais jamais sérieux, qu'il est difficile d'oublier. Mais rassurez-vous : ce ne sont pas les atrocités du gameplay qui restent en mémoire.