Avec son vieil imperméable, ses baskets blanches et son chapeau d'aventurier, Tex Murphy ne fait pas partie de ces personnages de jeu vidéo qui laissent indifférent. Du moins au niveau vestimentaire. Son nom ne vous dit rien ? Certains l'avaient déjà croisé dans "Mean Streets" ou "Martian Memorandum". En 1994, le détective du futur revenait dans un tout nouveau jeu en 3D, un jeu aujourd'hui considéré comme un classique du point’n click : Under a Killing Moon.
Vers 2043, la troisième guerre mondiale a fait de terribles ravages sur Terre. La tension entre humains et mutants est à son comble, surtout depuis qu'une mystérieuse organisation appelée "La Croisade" a décidé de débarrasser la planète de tous les êtres génétiquement modifiés et donc "impurs". Fauché, renié par ses pairs et trompé par sa femme (qu'il a depuis remplacée par une bouteille de whisky), Tex a touché le fond. Alors qu'il s'apprête à passer une nouvelle journée au milieu de ses souvenirs et rêves brisés, le fantasque détective privé apprend que des cambriolages sévissent dans la ville. Et comme les victimes de ces actes sont des mutants, la police ne s'occupe pas de l'affaire. L'occasion est belle et c'est toujours du boulot pour un privé dans la dèche. C'est donc à partir de cette petite enquête que notre héros mal sapé va, par la suite, devoir jouer les sauveurs du monde.
Disons-le tout de suite, Under a Killing Moon est un très bon jeu d'aventure. Le gameplay tient une grande place dans cette réussite globale. Peu linéaire, il laisse une grande liberté d'action au joueur. On peut visiter chaque lieu et converser avec les PNJ à sa guise. La recherche d'objets représente une grosse partie du boulot. Et cela pour une raison en particulier : certains items sont tout petits, voire minuscules (cela représente même la seule véritable difficulté du soft). Une fois les pièces à conviction en poche, on peut les examiner, les combiner et les utiliser sur le décor. Mais on progresse également via les dialogues (trois réponses possibles à chaque fois) et en résolvant quelques puzzles parsemés ici et là (coffres-forts à déverrouiller, lettres à reconstituer...). Pour ceux qui auraient des difficultés pendant la partie, l'onglet Indice de l'interface leur permettra de se remettre sur les rails. Cela ne leur coûtera à chaque fois que quelques points sur le score final. Score final qui n'a de toute manière aucune influence sur la fin de l'histoire. La maniabilité peut aussi déboussoler : on déplace son personnage (en vue subjective) en faisant bouger la souris. J'ai bien dit "bouger" et non "cliquer". Pour regarder en haut ou en bas, il faut utiliser les touches haut/bas du clavier. Pour se baisser et se relever, Ctrl et Shift. Pour interagir avec un objet ou une machine, on appuie sur la barre d'espace et là, on clique sur l'objet en question. Cette façon de jouer est plutôt inhabituelle mais a au moins le mérite d'améliorer l'immersion, d'autant que l'on peut apprécier les environnements à 360°. Des environnements nombreux et accessibles grâce au plan de la ville, lui-même consultable en cliquant sur l'onglet Aller à.
Avec le recul, les graphismes ont forcément pris un méchant coup de vieux mais restent largement supportables. Le jeu étant composé de nombreuses séquences filmées, il a même mieux résisté au temps en comparaison à d'autres titres de l'époque. Les comédiens (Tex est interprété par Chris Jones, qui n'est autre que le concepteur du jeu) n'en font pas des tonnes, c'est donc du tout bon côté interprétation. Au cours de nos péripéties, nous rencontrerons pas mal de personnages : commerçants du quartier, conspirateurs ou simples truands, chacun a son importance. L'humour qui transpire dans les dialogues tranche bien avec le climat post-apocalyptique. Les musiques sont réussies, chacune correspond parfaitement au lieu et au moment. Une très bonne ambiance, donc, bien que cela manque d'effets sonores.
Passons maintenant au sujet qui fâche : les game over. Sans vouloir prendre parti dans le vieux débat "Pour ou contre les game over dans le point'n click", force est d'admettre qu'il y en a beaucoup trop. Circonstance aggravante, certains nous viennent rapidement dans la face à cause... d'un mauvais choix de réponse. Rageant. Surtout si l'on n'a pas sauvegardé. Le seul remède pour éviter cela, c'est de sauvegarder assez régulièrement tout en utilisant plusieurs espaces. Car avec un seul espace de sauvegarde, il est possible de se retrouver bloqué dans le jeu (si on a loupé quelque chose auparavant). Encore plus rageant. Notez qu'à chaque fois que vous mourez, Tex se retrouve devant le Dieu des détectives privés qui ne manque pas d'y aller de sa petite vanne. Marrant.
En conclusion, on peut affirmer sans crainte que cet épisode de Tex Murphy a presque tout pour plaire : scénario mi-polar mi-SF avec un personnage principal qui a du chien, gameplay assez complet, musiques et voix agréables et aucune énigme rebutante dans les parages. Seuls les (trop) nombreux game over, la prise en main délicate et la durée de vie moyenne viennent entacher ce beau CV. Ajoutons (histoire de pinailler) que le niveau dans le bâtiment de la GRS, qui s'apparente à une épreuve chronométrée, énervera une partie des joueurs. Nul jeu n'est parfait après tout.
- Graphismes16/20
Under a Killing Moon est l'un des premiers jeux ayant utilisé le Full Motion Video, procédé qui a su faire ses preuves même s'il n'a plus la cote de nos jours. L'environnement 3D pique un peu les yeux et certains petits objets nécessitent un excellent coup d'œil.
- Jouabilité15/20
Le mélange souris/clavier peut ne pas plaire à tout le monde mais son apprivoisement ne demande pas un temps fou. On accède très facilement à l'inventaire ou au plan. La vision à 360° est un plus indéniable.
- Durée de vie15/20
La progression est fluide car les développeurs ont eu le bon goût de ne pas mettre de puzzles insurmontables. Les phases de recherche peuvent rallonger la partie selon votre sens de l'observation. Une aide est disponible sous forme d'onglet.
- Bande son16/20
Des thèmes musicaux et des voix de qualité mais un effort supplémentaire sur les effets sonores n'aurait pas été du luxe. Le sample de saxophone à chaque début de chapitre fait son petit effet. C'est classe.
- Scénario17/20
Une société secrète qui a pour but d'éliminer une bonne partie de la population, le sujet n'est peut-être pas des plus innovants mais une fois rentré dans l'histoire, on ne lâche pas le morceau. L'humour et les réparties de Tex font souvent mouche.
Une enquête intéressante dans une ambiance mixant futurisme et classicisme, une bonne dose d'humour, des tiroirs et poubelles à fouiller pendant six jours, voilà en partie ce qui vous attend dans ce très bon opus de la saga Tex Murphy.