Durant les années 90, Infogrames s'était imposé dans le monde fermé des éditeurs de jeux vidéo grâce à ses multiples adaptations de bandes dessinées. Les Schtroumpfs, Astérix, Spirou et même Lucky Luke auront ainsi tour à tour leurs propres aventures ludiques. Personne n'était donc réellement surpris en 1994 de voir débarquer le sympathique reporter belge dans l'une de ses meilleures aventures : Tintin au Tibet.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce mythe de la BD francophone, Tintin est un reporter travaillant pour Le Petit Vingtième, journal publiant et finançant ses différentes aventures. Régulièrement aidé par ses deux amis, le capitaine Haddock, marin alcoolique et impulsif et le professeur Tryphon Tournesol, scientifique brillant mais atteint d'une quasi-surdité, Tintin participera avec son fidèle chien Milou à de nombreuses aventures autour du monde. Au cours de ses pérégrinations, il fera, entre autres, emprisonner Al Capone, sauvera un pays de la révolution, démantèlera un trafic et marchera même sur la lune. On comprendra donc facilement que lorsque notre héros belge apprend que l'avion de son ami Tchang s'est crashé en plein coeur de l'Himalaya, il n'hésite pas une seconde et vole à son secours. Accompagné de son meilleur ami, le capitaine Haddock, il s'envole ainsi vers Katmandou avec le fol espoir de retrouver son ami disparu.
L'aventure débute par un petit niveau qui nous propulse en Chine afin de nous décrire la rencontre du jeune reporter avec son ami asiatique. Et dès les premières minutes on est plutôt satisfait du rendu visuel. On croirait à peu de choses près évoluer dans le dessin animé éponyme, mais c'est il est vrai, une habitude d'Infogrames de rendre de très bonnes copies graphiques de ses différentes adaptations. Tintin répond bien et la moindre pression d'un bouton suffit à lui faire exécuter l'action voulue. Même si le reporter semble faire des sauts relativement courts, on s'en accommode rapidement et on s'aperçoit avec enthousiasme que le Belge peut se déplacer aisément du premier au second plan, chose relativement rare pour les jeux de plates-formes de l'époque.
On s'aventure finalement plus profondément dans le stage et les premiers dangers ne tardent pas à apparaître mais pas ceux auxquels on est habitué. Mario a les goombas, Astérix les Romains, Megaman les robots, Tintin lui n'a au contraire pas de réels ennemis. Si l'on peut encore en douter après le premier niveau, on est définitivement fixé après une vingtaine de minutes de jeu alors que le reporter n'a toujours pas fait de mal à une mouche. Durant toute sa progression, il se contentera ainsi d'éviter les multiples dangers qui apparaitront sur sa route sous diverses formes allant de la femme de ménage aux chutes de pierres en passant par les Pékinois coléreux. Si dans la bande dessinée Tintin use parfois de violences, le jeu vidéo a choisi de mettre en avant son côté pacifiste en l'obligeant à esquiver chaque ennemi rencontré.
Si l'on peut être légèrement dérouté par ce gameplay particulier lors des premières minutes du jeu, on oublie finalement assez vite ce détail pour se plonger dans l'aventure. Chaque niveau est relativement court mais très bien réalisé nous immergeant totalement dans l'action tandis que la bande-son est généralement bien choisie, collant parfaitement à l'atmosphère du niveau. Le scénario quant à lui reste fidèle à l'histoire originale et quelques petites séquences séparent chaque niveau afin de nous garder dans l'ambiance. La richesse de ce dernier a d'ailleurs permis aux concepteurs de nous offrir de nombreuses séquences diverses et variées changeant un peu de l'habituel jeu de plates-formes. On se surprendra donc à devoir descendre à toute allure une pente en s'efforçant de passer à gauche des chortens placés sur votre route ou encore d'escalader en rappel une montagne avant de ranger une bibliothèque dans un monastère tibétain. Tintin fait preuve d'une excellente animation et nager, escalader, ou se servir avec adresse de son piolet sont des choses qui lui paraissent évidentes.
Pourtant, et malgré tous ces points positifs, Tintin au Tibet souffre clairement d'une difficulté mal dosée. Le premier niveau nous met d'ailleurs tout de suite dans l'ambiance avec par exemple deux sauts plutôt délicats à réaliser au-dessus du vide. La moindre erreur et c'est la mort assurée. Les niveaux suivants comportent également leur lot de difficultés, aussi bien à cause du temps qui s'écoule affreusement vite qu'à cause de certains passages qui peuvent se révéler particulièrement crispants, si bien que finir le jeu en mode facile ne sera déjà pas une mince affaire. Heureusement trois mots de passe vous permettront de reprendre l'histoire aux niveaux 5, 9 et 12. Après avoir refait chaque niveau plusieurs fois afin d'en connaître parfaitement leurs rouages, finir le jeu devient quelque chose de possible.
Au final l'impression reste tout de même très positive. Les fans de Tintin se plairont à découvrir un jeu fidèle à la bande dessinée tandis que les autres pourront profiter d'un titre agréable et varié à condition de passer au-delà de la difficulté excessive et du gameplay légèrement déroutant. Tintin au Tibet reste néanmoins un bon jeu s'affirmant probablement, avec Tintin et le Temple du Soleil sorti plus tard, comme la meilleure adaptation en jeu vidéo du reporter belge.
- Graphismes16/20
Très fidèles à l'oeuvre d'Hergé, les graphismes sont un des points forts du jeu. Les décors sont simples et efficaces tandis que chaque personnage aussi bien principal que secondaire est tiré de l'univers d'Hergé ce qui renforce cette sensation d'immersion dans l'oeuvre du dessinateur.
- Jouabilité15/20
Un bouton de saut et un bouton d'action sont les seules touches dont vous aurez besoin avec la croix directionnelle pour finir le jeu. Ces boutons renferment pourtant une multitude d'actions que Tintin pourra facilement exécuter sur simple demande. Cependant, certains passages casse-tête pourront faire enrager le joueur moyen sur sa manette frustré de voir son personnage ne pas sauter assez loin ou tomber dans un trou alors qu'il pensait avoir atteint la plate-forme suivante.
- Durée de vie12/20
Très difficile, il vous faudra au moins une dizaine d'heures avant de connaître le jeu par coeur ce qui est presque nécessaire pour en voir la fin. Une fois assimilé, finir l'aventure en deux heures est loin d'être chose impossible mais il est peu probable que vous y reveniez dans l'immédiat.
- Bande son15/20
Cernant particulièrement bien l'ambiance de chaque niveau, la musique ne lasse pas et permet de s'immerger encore plus dans chaque stage en alternant tantôt une musique entraînante, tantôt une plus angoissante. Les effets sonores sont quant à eux relativement bien travaillés.
- Scénario17/20
Fidèle à l'oeuvre originale, chaque niveau reflète une partie de l'histoire. Des séquences permettent de suivre la progression du scénario entre chaque niveau si bien qu'une personne n'ayant que joué au jeu vidéo connaîtra bien tout de cette aventure.
Avec cette adaptation, Tintin nous offrait un bon jeu avec de grandes qualités en dépit d'une difficulté ayant probablement rebuté plus d'un joueur. Nourrissant de belles promesses pour d'éventuelles suites, Infogrames ne confirmera pourtant qu'à moitié les belles choses entrevues dans ce premier opus. Après une suite sur Super NES reprenant les mêmes principes que son aîné, Tintin sera définitivement oublié par les programmeurs après l'insipide Objectif Aventure.