Le dormeur doit se réveiller... Alan Wake ne le sait que trop bien mais prisonnier de sa propre folie, l'homme déambule dans son monde afin d'en trouver la sortie. Si le romancier avait franchi un palier en suivant Le Signal, cette fois, il va devoir faire aveuglément confiance à sa seule alliée : sa raison. De l'autre côté du miroir, le joueur se demandera s'il est raisonnable d'investir dans ce DLC censé mettre un terme aux tourments d'Alan.
La fin d'Alan Wake nous avait aiguillés, Le Signal nous avait fait le coup du Grand Huit et L'écrivain devrait nous permettre d'en descendre afin de démêler le vrai du faux. Si le second contenu téléchargeable de l'excellent thriller psychologique de Remedy peut être vu de cette façon, minimisons tout de même l'impact scénaristique de ce DLC. En effet, on serait tenté de dire que les développeurs ont dû faire quelques concessions afin d'amener en temps et en heure une conclusion qui aurait normalement dû s'étaler sur trois extensions. Le résultat se veut donc en demi-teinte et bien que le tout soit plus maîtrisé que précédemment, seules certaines séquences délicieusement névrotiques ressortiront à l'inverse du scénario dans sa globalité. Celui-ci se borne en effet à reprendre les idées mises en avant dans le premier contenu téléchargeable sans pour autant amener une réflexion plus profonde sur le devenir d'Alan. Pour autant, la fin se veut intéressante tout en amenant son lot de frustrations. Plus proche d'un prologue à un éventuel retour d'Alan Wake qu'à un épilogue au jeu d'origine, la dernière ligne droite nous fait douter et ce aussi bien sur l'avenir de la série que de son héros. Etait-ce intentionnel de la part de Remedy ? On serait tenté de dire oui, ces bougres de Finlandais étant passés maîtres dans l'art de la manipulation. Mais au-delà de tous ces questionnements, que recèle le coeur de L'écrivain ? Beaucoup de noirceur comme vous pouvez vous en douter.
Peut-on réellement s'échapper de l'antre Noire ? Qui est véritablement Thomas Zane ? Alan est-il réellement en conflit avec son subconscient ? Vous devrez une fois de plus batailler dur afin de trouver, ou non, une réponse à ces questions. Néanmoins, remercions Remedy qui a ici rectifié le tir après un Signal bien trop orienté action. Des affrontements, vous en aurez, ça ne fait aucun doute mais sachez que ceux-ci seront plus espacés et plus abordables. On pourra simplement reprocher à Remedy de ne pas avoir développé un peu plus l'aspect narratif et ce malgré quelques idées magnifiques synonymes de représentations visuelles étonnantes. Pourtant, l'omniprésence de Barry et la résurgence de souvenirs liés à Alice tenteront de cimenter les nombreuses brèches dans l'esprit du romancier tout en offrant au joueur des pistes pour mieux démêler le noeud de l'intrigue. Ce qui reste également intéressant dans ce DLC tient à l'utilisation d'éléments iconiques de la série comme les mots, représentations directes du métier de Wake mais aussi et surtout le phare. Le bâtiment, sorte de métaphore religieuse garante de la vérité et d'une résurrection, devient ici aussi un moyen défensif XXL. Ainsi donc, la construction, couplée aux mots synonymes d'action, vous servira à faire le grand ménage parmi des hordes de Possédés déferlant sur vous telles des nuées de sauterelles.
Toutefois, comme précisé plus haut, l'action de L'écrivain reste plus posée ou du moins plus diluée que celle du Signal, ce qui demeure une excellente chose. Les échauffourées parsèment toujours le jeu et nous offrent la possibilité d'utiliser les inévitables pistolet, fusil de chasse et autres fusées éclairantes mais le tout est beaucoup plus équilibré. En somme, L'écrivain s'apparente plus à une nouvelle fantastique qu'à un roman sentant la poudre à plein nez. La progression est elle aussi plus limpide tout en faisant le jeu de délires graphiques mêlant anciens décors altérés imbriqués dans des constructions ubuesques, représentations magistrales du trouble mental dans lequel Alan Wake tente de s'échapper. Certes, on ressentira une fois encore cette impression de déjà-vu mais en tenant compte du faible prix du DLC et du plaisir procuré par ce dernier, pourquoi pester plus que de raison ? Ironiquement, on sera même enchanté de vivre à nouveau une version allégée d'une des séquences les plus emblématiques du jeu de base ou de revenir dans certains endroits renvoyant à des souvenirs lointains mais néanmoins toujours présents. Paradoxal, j'en conviens, un peu à l'image d'Alan Wake désireux de mettre un pied devant l'autre tout en réfutant une vérité qu'il ne peut accepter. Quoi qu'il en soit, L'écrivain apporte une conclusion honorable par certains côtés, amère par d'autres car bien trop dépendante d'une suite non encore officialisée. Un ersatz de cliffhanger insoutenable oeuvrant pour le retour d'un personnage qui a encore tant à écrire, tant à donner. Espérons que Microsoft en soit conscient et offre à Alan l'encre nécessaire afin que celui-ci puisse rédiger les pages manquantes indispensables à son histoire... A notre histoire.
- Graphismes16/20
A l'image du Signal, L'écrivain profite de la même atmosphère que le jeu d'origine. Si on retrouve quelques environnements déjà visités, ces derniers sont parfois altérés ou imbriqués les uns dans les autres afin de nous offrir un univers des plus tortueux. Par ailleurs, on saluera quelques belles trouvailles graphiques représentant la folie dans laquelle se débat Alan.
- Jouabilité14/20
Le gameplay reste strictement identique à celui de ses prédécesseurs et l'idée lumineuse, dans tous le sens du terme, liant des mots à des éléments concrets reprend ici du service en amenant la seule « nouveauté » de ce contenu synonyme de barils d'essence explosant à la figure des ennemis. Par ailleurs, retenons que L'écrivain ne tombe pas, à l'inverse du Signal, dans une surenchère d'action, les combats étant cette fois plus espacés et plus faciles à aborder.
- Durée de vie14/20
Difficile d'apposer une note même si on parlera ici d'un prix et d'une durée de vie similaire à ceux du précédent contenu téléchargeable. Bien sûr, vous pourrez y passer un peu plus de temps pour dénicher les 10 items cachés ainsi que la zone secrète mais malgré cela, vous devriez en avoir au maximum pour 1h30 et ce même en Cauchemardesque.
- Bande son18/20
Les musiques sont toujours aussi discrètes mais restent extrêmement bien utilisées lors des moments forts ou au contraire plus mélancoliques. Les doubleurs français rempilent et si on a par moments l'impression étrange qu'Alan est doublé par une autre personne, l'ensemble reste de grande qualité.
- Scénario10/20
Bien que L'écrivain amène une fin à l'aventure d'Alan Wake, on serait tenté de dire que cette dernière laisse une porte ouverte dans l'esprit d'Alan par laquelle pourra s'engouffrer, on l'espère très fort, une possible suite. Au final, on retiendra davantage quelques séquences, graphiques ou narratives, fort réussies et un cliffhanger « optimiste » plutôt que le synopsis dans son ensemble, très dilué et faisant écho aux idées mises en avant dans Le Signal et la fin du jeu original.
Présenté comme la fin d'Alan Wake, L'écrivain fait plutôt office de prologue à une éventuelle suite qu'à un véritable épilogue censé apporter toutes les réponses. De fait, outre la joie de profiter de très belles représentations graphiques de la folie d'Alan et d'un contenu mieux équilibré en termes d'action, on regrettera un peu que Remedy n'ait pas eu ou pas pu avoir les moyens de ses ambitions. La plongée en apnée dans le subconscient de l'écrivain s'avère une fois encore délectable mais la remontée n'en sera que trop rapide. Espérons simplement que le romancier puisse, un jour, véritablement se réveiller.