1998 est une année faste pour le jeu de combat. Cette année-là sortent les premiers épisodes de Bloody Roar et Dead or Alive mais aussi le numéro 3 de la saga Tekken, dont la notoriété est déjà assurée. Et enfin l'outsider, celui que personne n'attend, Rival Schools. Celui-ci, contrairement à ses illustres concurrents, ne se prend pas au sérieux, et il peut se le permettre tant le résultat final est convaincant.
Le ton est donné dès la cinématique d'introduction, qui laisse à penser d'après l'image et la musique que l'on va défendre le monde d'un grand péril à coups de tatane. On voit un être fantomatique enlever une fille, un colonel faire défiler ses troupes, bref, on s'attend au pire. Et puis en fait non, il s'agit juste de rivalité entre différents groupes d'élèves et même le corps professoral, qui semble fomenter un sale coup dans le dos de leurs jeunes disciples. Bref, du grand n'importe quoi, et ça change des scénarios involontairement bidons dont tentent habituellement de s'affubler les jeux de combat. Une chose est sûre, ça va bastonner sévère dans le gymnase et la cour de récré.
En pratique, Rival Schools est un jeu de combat très accessible et immédiatement fun. Un entraînement est bien entendu disponible pour apprendre les enchaînements, mais on peut tout à fait se lancer dans la bataille sans en passer par là et parvenir à maraver la tronche de l'adversaire jusque dans les airs sans problème et de fort belle manière. Le gameplay est d'ailleurs très riche, puisque chacun des vingt personnages disponibles (plus quatre cachés) dispose de coups réellement différents de son voisin, ainsi que de deux attaques spéciales uniques. De plus, il est obligatoire de sélectionner deux combattants, afin de pouvoir en changer, ou pas, entre deux rounds et surtout de pouvoir déclencher une attaque spéciale dévastatrice. Celle-ci varie en fonction des deux personnages choisis (ce qui fait un très large panel de combinaisons), et peut se déclencher lorsque la jauge de rage est suffisamment remplie. Jauge de rage qui se recharge d'ailleurs de la manière la plus classique du monde, à savoir en donnant et en encaissant des coups. Une fois cela fait, une simple pression sur deux boutons suffira à ruiner un bon tiers de la barre de vie de votre adversaire. Tout comme les attaques spéciales, ces attaques à deux combattants simultanés peuvent se révéler parfois volontairement ridicules : le prof de sport fait faire des pompes, la volleyeuse se sert de son adversaire comme ballon... Exagération et second degré à tous les étages.
La galerie de personnages, tout comme le gameplay, est une vraie réussite. On retrouve différents clans, comme les « intellos », la bande de voyous, les étudiants américains, les professeurs, les sportifs... Si la plupart des combattants sont plutôt classes, on retrouve là encore un second degré bienvenu. Ainsi, le prof de sport porte un jogging flashy immonde, l'américaine est une gogo-danseuse ridicule, et même le grand méchant Colonel Hyo peut voir sa tenue militaire déshonorée par une couleur violette atroce. Ridicule suprême, le héros du soft se bat en jogging avec les chaussettes par dessus le pantalon ! A l'opposé, Akira la motarde est le comble de la classe avec sa tenue toute de cuir cloutée. Bref, il y en aura pour tous les goûts, chaque personnage étant de toute façon disponible en huit couleurs différentes. D'ailleurs, une fois le jeu terminé à 100% (et ce n'est pas chose facile), on débloque une dizaine de nouveaux personnages ressemblant à des élèves des années 30, dont la palette de coups mélange celles des autres personnages, ce qui fait au passage monter le nombre total de combattants à plus d'une trentaine. Plutôt honnête, surtout pour un jeu de 1998. A la même époque, Bloody Roar en proposait moins de dix, tout comme Dead or Alive.
A l'origine, Rival Schools était un jeu disponible sur bornes d'arcade. Capcom ne s'est pas moqué des joueurs, car le jeu est vendu en version boîte avec deux CD. Le premier est la version arcade telle qu'elle fut jouable dans les salles japonaises et agrémentée de mini-jeux sympa mais pas indispensables (volley-ball, tir aux buts et base-ball). Le second est une version spécialement revue pour la console de Sony. Les nouveautés sont assez nombreuses, puisque l'on trouve quelques nouveaux terrains et autant de musiques légèrement en retrait par rapport au contenu de base, mais aussi de nouveaux combattants. Notez l'apparition surprise de Sakura de Street Fighter en tant que personnage jouable sur le CD de la version console. Ainsi, on retrouve presque autant d'arènes qu'il y a de combattants, et certaines musiques sont très réussies, à l'image de celle de Roberto, le footballeur coiffé d'une casquette de serveur Mac Do des années 90. Préparez-vous donc à vous battre dans des lieux aussi différents qu'une salle de classe, un pont, un parking, une plage, mais aussi un laboratoire secret ou encore une bibliothèque.
Seul point sur lequel le jeu ne laisse pas à désirer mais déçoit, sa technique. Déjà en 1998, le jeu accusait un retard graphique évident. Les personnages sont plutôt carrés, les modèles se traversent, les pixels se chevauchent, c'est un peu l'anarchie visuelle lors des prises de corps à corps. Et les arènes sont plutôt simples et moyennement détaillées, surtout en comparaison d'un Tekken 3. De nos jours, il est clair que les graphismes de Rival Schools piquent les yeux, et certains bugs graphiques peuvent provoquer des fous rires pour peu que vous jouiez avec un ami (le jeu supporte d'ailleurs les tournois jusqu'à huit joueurs). Néanmoins, le tout est largement rattrapé par la réussite et la grande diversité des animations : dans Rival Schools, le coup de pied d'un personnage ne ressemble jamais au coup de pied d'un autre personnage, et ça c'est fort, surtout à l'époque.
- Graphismes14/20
Les modèles s'entrecroisent, les bugs graphiques sont là, et le jeu est techniquement en retrait par rapport à ses concurrents de l'époque. Mais le grand nombre de combattants, d'environnements, la qualité des animations sauvent aisément le tout.
- Jouabilité18/20
C'est immédiatement jouable, on apprend rapidement à enchaîner les coups, et le nombre d'attaques uniques est impressionnant. Rançon de cette accessibilité, certains trouveront la maniabilité répétitive, mais on s'amuse tellement, surtout à plusieurs, que l'on passe facilement outre ce petit défaut.
- Durée de vie18/20
Certes, on a connu depuis des jeux de combat avec plus de 120 personnages, m'enfin Rival Schools compte tout de même plus de trente combattants tous très différents les uns des autres, ce qui est là encore remarquable pour l'époque. Chaque session pour débloquer un personnage comprend dix combats, et le scoring est encouragé puisque chaque coup, chaque enchaînement rapporte des points comptabilisés dans un classement des meilleurs joueurs.
- Bande son15/20
Hasard ou choix délibéré de Capcom pour moquer la japanimation, chaque personnage ressent le besoin de raconter sa vie à chaque coup spécial, en hurlant le nom de son attaque ou en apostrophant son adversaire en japonais ou en anglais selon sa nationalité. Cela rend plutôt bien, d'autant que le tout est rythmé par des musiques oscillant entre l'oubliable et le très bon pour peu que l'on ne soit pas allergique au style de musique japonais.
- Scénario13/20
La note salue le parti pris de Capcom pour le second degré. En dehors de ça, Rival Schools propose un scénario complètement à l'ouest de rivalité entre étudiants, dont chacun poursuit un but volontairement cliché : le héros qui veut sauver sa soeur, le méchant colonel voulant dominer le monde ou à défaut, l'université... C'est osé, et la sauce prend.
Injustement inconnu ou presque en France, Rival Schools est une excellente alternative aux poids lourds du jeu de baston de par son accessibilité, son univers décalé et le fun qu'il procure. On note d'ailleurs la présence de Batsu, son héros en jogging, dans le tout récent Tatsunoko vs Capcom : Ultimate All-Stars, preuve que la série (un deuxième épisode est paru sur Dreamcast) est restée dans les esprits au pays du Soleil Levant. S'il peut finir par lasser en solo de par sa maniabilité moins profonde que celle d'un Tekken, le jeu se révèle indispensable au moins pour le plaisir qu'il délivre en multijoueur, d'autant qu'on peut toujours le trouver en occasion sur le Net pour des prix parfois tout à fait abordables.