On ne présente plus Street Fighter II. Ce jeu de combat a pratiquement créé le genre et Capcom aura tenté de profiter de cette inépuisable manne financière en adaptant le jeu en plusieurs versions sur le maximum de supports possible. La sortie de Super Street Fighter II Turbo HD Remix sur les consoles haute définition en est encore un exemple assez frais. Mais s'il est toujours possible d'ajouter de nouveaux éléments pour mettre un soft au goût du jour, c'est une autre paire de manches que de tenter l'adaptation d'un des jeux les plus emblématiques des 16-bits sur le petit écran monochrome de la Game Boy. Rapidement, la principale préoccupation d'une telle conversion se résume à mesurer l'ampleur des sacrifices.

Premières victimes : trois des douze combattants originaux sont évincés et seuls neuf répondent ainsi présents. En contrepartie, ils sont tous jouables. On retrouve ici Ryu, Ken, Chun Li, Guile, Blanka, Zangief, et trois des quatre boss, soit Balrog, Sagat et M. Bison, toujours les derniers dans la file des combattants à défier. Chacun est accompagné de son propre stage, cette fois-ci inanimé et de son thème sonore. Trois modes de jeu sont proposés aux joueurs. Le mode « normal », où l'on affronte les différents combattants les uns après les autres en deux rounds afin de remporter le tournoi. Le mode « versus », qui permet à deux joueurs de jouer l'un contre l'autre pour peu qu'ils aient une cartouche chacun et un câble link pour relier leurs consoles. A défaut, l'utilisation de l'accessoire Super Game Boy pour Super Nintendo permet à deux joueurs de s'affronter en utilisant les deux manettes de la console de salon. Enfin, le mode « survival » incite le joueur à combattre sans continu, en un seul round et avec une barre de vie qui ne restaure que partiellement les différents combattants dans un ordre aléatoire.

Avec seulement deux boutons sur la portable, certaines subtilités de gameplay sont forcément perdues. Il n'y a plus de différences dans les forces de coups et il faut se contenter du coup de poing et du coup de pied bruts. Ils suffisent néanmoins pour permettre l'exécution de la quasi-totalité des coups spéciaux des combattants présents, et ces coups spéciaux sortent d'ailleurs sans grande difficulté, ce qui est appréciable. D'une manière générale, on s'y retrouve bien, les mêmes stratégies de combat que sur console de salon pouvant être facilement mises à l'œuvre. La conversion ne souffre pas énormément de l'absence de couleurs. D'autres jeux se sont cassé les dents sur les problèmes de contraste que cela générait. Pas Street Fighter II. Les décors ont beau être détaillés, les personnages s'en distinguent aisément. Le seul point qui coince à ce niveau-là, c'est lors des matchs entre deux mêmes combattants, par exemple lors d'un Ken contre Ken. Sans différence de couleur, il est vivement conseillé de ne pas perdre son personnage des yeux pour ne pas le confondre avec celui contrôlé par l'adversaire…

Mais ce qui est le plus impressionnant dans cette adaptation, c'est la taille des sprites. Alors que l'on aurait pu s'attendre à les voir nettement revus à la baisse, ils occupent la même proportion de l'écran que sur une console de salon. Du coup, nos combattants bénéficient de traits fins et de dessins flatteurs. Les grands gaillards comme Sagat, Zangief ou Blanka sont ceux qui s'en sortent le mieux, avec des musculatures particulièrement détaillées. Malheureusement, cette prouesse est faite au détriment de l'animation. Autant les sprites sont gros, autant ils sont peu nombreux pour décomposer une action. Sur les deux premiers niveaux de difficulté, ce n'est pas un vrai souci. Mais pour les trois suivants, le rythme s'accélère, l'intelligence artificielle enchaîne les coups et anticipe ceux du joueur. Or lorsque l'on manque de frames pour comprendre ce qu'il se passe, il devient immédiatement plus compliqué d'essayer de jouer très technique. En effet, comment déterminer quel coup effectuer si l'on est incertain de l'effet du précédent ? Dès lors, le jeu peut devenir assez frustrant. Ce défaut notable s'accompagne de tous les petits compromis qu'il a fallu faire pour qu'un tel jeu tienne dans une cartouche Game Boy. Exit donc Dhalsim, Honda et Vega, les voix digitalisées ou bien les stages bonus, où l'on s'en prenait à une innocente voiture garée au bord de la mer. Street Fighter II sur Gameboy se concentre donc sur le combat uniquement, écartant pour cela toutes formes d'artifices. Mais si ce sacrifice est nécessaire pour que Chun Li ait le droit à une boule de feu inédite, alors ainsi soit-il. C'est déjà pas mal, pour un jeu visiblement programmé au plus juste.